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Chapitre 3.   Conception et application d’une méthode générique de construction participative de

2.   Application de la démarche à la 2 ème région d’étude : la région Picardie 97

2.5.   Discussion collective sur l’évaluation numérique des scénarios co-construits 110

réunion a été centrée sur les résultats des simulations présentés ci-dessus. Sur le fonctionnement du modèle, les discussions ont principalement tourné autour de la prise en compte de la résistance quantitative dans le modèle et de l’association de résistance génétique de plusieurs gènes de résistance, ainsi que de résistances spécifique et quantitative. Par ailleurs, le niveau de résistance quantitative associé au gène de résistance spécifique RlmX a été questionné. La non-prise en compte des repousses a aussi été soulignée, comme le rôle potentiel d’espèces hôtes autres que le colza pouvant émettre des spores de phoma. Concernant le modèle, un des acteurs a souligné l’intérêt de ce type d’outil, qui permet de « tester des choses non applicables sur le terrain », de voir leurs conséquences en terme de gestion, puis de regarder ensuite « ce qu’il est possible de faire pour l’agriculteur ».

Les acteurs présents à cette réunion ont également émis le souhait d’aller plus loin, vers des indicateurs « seuils » qui permettraient de guider l’agriculteur dans le choix de la parcelle sur laquelle cultiver du colza et le choix de la variété et d’avoir un « conseil territorialisé ». Ces acteurs reconnaissent une difficulté technique à l’utilisation de ces indicateurs, chaque agriculteur ne connaissant pas les variétés cultivées à proximité de ses champs par ses voisins.

Par ailleurs, un changement de contexte concernant les variétés a eu lieu entre la réunion de construction des scénarios et la présentation de leurs simulations par l’équipe de recherche. La

111 proportion de variétés RlmX (exemple de Rlm7 pris avec les acteurs) a augmenté de manière brutale, jusqu’à 70% des variétés cultivées localement, et ce dans les trois sous-régions. L’impact de ce changement sur la gestion du phoma du colza a été questionné par les acteurs, qui ont suggéré de simuler avec le modèle ce changement du paysage variétal. Finalement, cette réunion a principalement abouti à la construction de nouveaux scénarios par les acteurs présents (Tableau 3.5), reposant sur la combinaison de « stratégies spatialisées », avec des règles de décision « d’isolement » des parcelles de colza ou de types de variété, éventuellement en combinaison avec un travail du sol particulier59. Bien que ce type de stratégie soit reconnu par les acteurs comme « plus difficile à mettre en place », des recommandations en termes de distance d’isolement pourraient être nécessaires pour gérer « ce type de maladie », i.e. comportant une dimension de dispersion à l’échelle pluri-parcellaire.

La deuxième réunion de restitution avait pour objet la présentation des simulations de l’ensemble des scénarios construits dans les deux régions d’étude, y compris les résultats des simulations incluant des règles spatiales pour l’allocation du colza et/ou des variétés, en combinaison avec des travaux du sol spécifiques. Lors de la présentation de ces résultats, la faisabilité technique de mobiliser les principaux leviers de la gestion du phoma du colza a été mise en cause par plusieurs acteurs (OS et organisme de conseil agricole). Par exemple, un allongement fort des rotations, de trois à sept ans par exemple, a semblé « irréaliste » aux acteurs présents à cette réunion. Utiliser le levier « pratiques culturales », à l’échelle de l’itinéraire technique, a semblé plus raisonnable à ces différents acteurs, en lien également avec le problème posé aux sélectionneurs en cas de diminution des surfaces en colza. Cependant, le levier le plus efficace identifié est le labour, dont l’utilisation dépend du type de sol. Les acteurs ont ainsi souligné que l’ « on ne peut pas labourer dans les mauvaises terres », ce qui limite l’utilisation potentielle de ce levier sur certaines parcelles cultivées avec du colza. Un lien est donc souligné entre les surfaces cultivées en colza et la gestion des résidus : une fréquence forte du colza au sein du territoire entraînera sa culture dans les « mauvaises terres » et donc une diminution relative de la fréquence du labour au sein de ce territoire. Le contexte actuel en termes de communication sur la « biodiversité du sol » incite également les agriculteurs à ne plus labourer, ce qui est, d’après les organismes de conseil agricoles présents, contraire à leurs préconisations (alternance du labour/non labour). Les objectifs de l’agriculteur sont à expliciter pour pouvoir réintroduire le labour chez certains agriculteurs, en identifiant en particulier pourquoi les TCS sont utiliées (« doctrine », « gain de temps », « matériel », « carburant »). D’après ces acteurs, le levier le plus efficace qui permettrait le retour du labour serait l’interdiction du glyphosate par la règlementation.

Concernant l’organisation spatiale du territoire (i.e. la mise en place de distances d’isolement entre parcelles de colza, ou entre types variétaux), un OS a insisté sur le fait que ce type de stratégie était impossible à mettre en place. L’autre OS présent, moins réticent, a suggéré de consulter les agriculteurs de son secteur, pour évaluer la faisabilité de ce type de stratégie. Pour cet OS, la faisabilité de ces stratégies collectives dépend de l’ampleur des gains (non-pertes) potentiels obtenus par la mise en place de ces stratégies, reconnues comme très contraignantes. Pour pallier cette organisation spatialement explicite des variétés, plusieurs acteurs ont proposé d’introduire des « primes à la variété » ou une notion de « qualité » par les OS, de manière à gérer, indirectement, la fréquence d’un type variétal à l’échelle locale. Cela impliquerait par contre, dans certaines zones de Picardie, une collaboration élevée entre les OS, nombreux localement.

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Conclusion du Chapitre 3

- La cohérence entre les hypothèses sur les futurs contextes et leurs implications sur les systèmes de culture entre les deux régions d’étude suggère que les acteurs sont à même d’évaluer les changements de contextes les plus probables.

- Les scénarios construits dans les deux régions d’étude se réfèrent à différents types de changements, impliquant des échelles variées, comme par exemple une échelle nationale pour la règlementation et une échelle locale pour un contexte épidémiologique.

- Les leviers agronomiques mobilisés dans les deux terrains d’étude sont identiques, mais leur gamme de variation varie inter- et intra-région d’étude (cas de la Picardie). Par exemple, la gamme explorée pour les surfaces labourées est plus élevée en région Centre, en lien avec l’utilisation actuelle de cette pratique. Pour les variétés, la gamme plus large explorée dans la région Picardie est liée aux pratiques variétales actuelles.

Retour sur la question de recherche et l’objectif :

La méthode proposée pour construire des scénarios, avec des acteurs, sur une question de chercheurs impliquant le recours à un modèle préexistant, a permis de répondre à l’objectif de construction de scénarios quantitatifs, émis sous hypothèses narratives. Des scénarios globaux, appelés ‘tendances’, ont été construits pas les acteurs. Ces tendances décrivent les contextes futurs de manière narrative. À partir de ces tendances, les acteurs ont ensuite décrit les conséquences de ces futurs sur les systèmes de culture, exprimées de manière narrative et quantitative. Concernant la gestion de la maladie, tous les scénarios construits par les acteurs, dans chaque région, ne permettent pas un contrôle du phoma du colza et des résistances meilleur que les situations de référence locales.

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