• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE I : L´ÉLABORATION D´UN PROJET ET D´UN SUJET DE RECHERCHE :

Partie 2. Le Maroc et ses langues 42

2   Le contexte sociolinguistique : panorama des langues du Maroc d'aujourd'hui 44

2.8   Questionnements et finalités 72

A l'intérieur du BM et de l'IF Rabat, j'ai choisi de me focaliser sur les personnels ; non sur l'histoire ni sur les aspects juridiques, comme cela a déjà été fait maintes fois, mais bien sur les professionnels de l'action linguistique et culturelle, que j’appelle acteurs culturels. Ce qui

m’intéresse, c'est avant tout, comme je l'ai déjà annoncé, qu'ils travaillent sur des domaines francophones et culturels en contexte plurilingue. Aussi, l'IF mène à bien ses actions, au service et au nom de la France dans et pour un autre pays, alors que l'AUF qui a une vocation internationale et interuniversitaire, prétend être au service de l'aide au développement des sociétés en même temps que de la recherche francophone. Elle n'est pas associée spécifiquement aux pouvoirs français (bien que grandement financée par ceux-ci), mais utilise néanmoins la langue française pour mettre en œuvre ses actions en même temps qu'elle contribue à sa promotion. Un des points qui les réunit est donc qu'ils travaillent tous deux sur des objectifs officiels à priori paradoxaux de diversité culturelle (Annexe 3) et de développement de la langue française.

De plus, ces acteurs travaillent collectivement, donc où se jouent des aspects interculturels, d'autant qu'ils œuvrent par de nombreuses collaborations internationales, entre autres entre français expatriés et personnes du pays de service pour l'Institut français par exemple, (et aussi virtuellement entre les différentes structures répartie à peu près sur tous les continents) au sein de cet espace à la fois francophone et plurilingue, le Maroc. Une sorte de mise en abyme ou de résonance s'opère alors, entre le contenu de leurs missions et leur contexte et les situations pratiques dans lesquelles ils sont amenés à travailler.

De fait, je me suis demandée : d'abord quelles est ou sont la/les langue(s) de travail mobilisées, autrement dit, la/les langue(s) moyen, celle qu'ils utilisent pour communiquer entre eux pour mener à bien leurs projets ? Quelles sont les langues objet, c'est- à-dire les langues dans lesquelles les projets, les produits finis de ces projets sont réalisés ? Et à partir de ces éléments, le questionnement central est le suivant : quelles sont leurs représentations vis-à-vis de ces langues ? Comment ces représentations sociolangagières régissent les activités, le travail, de l'ensemble de ces acteurs culturels ? Quels enjeux sous- tendent-elles ? Les objectifs officiels d’échanges, de « diversité culturelle » et de « respect des langues et des cultures » sont-ils appliqués dans leurs missions, et du même coup dans leurs manières de travailler ? Comment conjuguent-ils cette mission d'influence (pour l'IF) et/ou de promotion d'une langue (pour les deux structures cette fois), dans le respect de la diversité, en rapport avec leurs représentations et l'institution qu'ils représentent et qu'ils défendent ?

Ait Lemkadem a fait le constat que « dans ce foisonnement linguistique désordonné, les instances de la francophonie protègent l'idiome et refusent de publier quoi que ce soit sur le français marocain, car à leurs yeux ne peut exister qu'un seul français » (Ait Lemkadem, 1999 p.30). C'est donc ce « à leurs yeux » que je vais tenter d'interroger. Pourquoi s'intéresser spécifiquement aux représentations ? Vasseur explique que « la conscience linguistique, et langagière, constitue le levier permanent de l'action aussi bien dans le cadre des pratiques en place que des interventions de formation et d'éducation (Vasseur, 2008, p.9). Elles sont un moteur non anodin par rapport à ce qui est véhiculé est mis en œuvre par rapport aux pratiques linguistiques en cours. Elles peuvent refléter aussi certains malaises dans les langues, laisser voir des paradoxes où des problèmes en même temps qu'une voie possible pour faire changer les faire évoluer.

Ce que je me suis attachée à étudier, donc, de façon centrale, ce sont les représentations sociolangagières des acteurs de l'action culturelle et linguistique francophone au Maroc, comment elles étaient à l'œuvre dans la création et la mise en place de leurs projets, et à voir s'il existait des tensions qui s’opéraient. Le contexte actuel des transformations du réseau culturel français et la création toute récente (naissance officielle en Janvier 2012, et inauguration en Juin 2012) du BM a été l'occasion idéale pour une appréhension de ces institutions, qui sont en pleine phase d'interrogations voire de création, et peut-être plus facilement ouvertes à de la réflexivité et à des changements, de leurs formes de fonctionnement et d'organisation et aussi de fond, des contenus de leurs activités.

Les finalités de ce travail ont consisté à faire un état des lieux et de tenter de voir les éléments problématiques, les tensions liées au contexte interculturel et plurilingue du Maroc, et leurs appréhension par des personnes qui travaillent justement à travers et sur ces deux aspects ; et aussi voir les différences de fonctionnement des deux structures et ainsi pointer ce qui pourrait de l'une être bénéfique à l'autre, bien qu'elles aient des objectifs et des intérêts divergents. Tout ceci afin de tenter de contribuer, d'abord, dans une moindre mesure à l'amélioration des modalités de travail entre les personnes, et surtout la qualité des actions menées, en relation avec les enjeux locaux et nationaux liés aux langues et aux cultures du Maroc.