• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE III : L'ENQUETE 107

Partie 1 : Réflexions en amont de l’enquête 107

4   Méthode d'analyse des entretiens

Concernant le traitement des observables, j'ai choisi principalement l'analyse de contenu que je tiens à définir ici. Selon Bardin, (20072, p.35) il s'agit d'abord d'un « ensemble de techniques d'analyse des communications », et donc d'un ensemble large d'outils, pas seulement un instrument. Pour cet auteur (20072, p.48), l'analyse de contenu a avant toute chose pour objet la parole, « c'est-à-dire l'aspect individuel et actuel (en acte) du langage » , ou encore « la pratique réalisée, par des émetteurs identifiables, de la langue ». L'analyse de contenu cherche à savoir « ce qui est derrière les paroles sur lesquelles elle se penche (…) quête, à travers les messages, de réalités autres ». En d'autres termes, nous nous intéressons par cette méthode aux significations directement tangibles des discours oraux et écrits. Nous ne nous focalisons pas sur le contenant, à savoir une description une analyse de la ou des langue(s), des mots utilisés, du « fonctionnement du langage en tant que tel » (Quivy, Campenhoudt, 1988, p.216), mais directement sur le sens du discours qui se donne à entendre, à son « contenu manifeste » (Berelson cité par A. Blanchet & al., 1985, 239). C'est l'aspect sémantique du discours qui est directement observé ici.

Parmi les différents outils que propose l'analyse de contenu, le plus utilisé est l'analyse thématique (Desanti, Cardon, 2010, 75 ; Blanchet et al., 1985, p.237), mais qui renvoie lui- même à plusieurs procédures d'analyses (Quivy, van Campenhoudt, 1988, p.218). Concrètement, il faut repérer dans les discours des entretiens les thèmes et sous-thèmes abordés et comment ils sont articulés. A noter qu'il ne s'agit pas de chercher dans les discours les thématiques que nous avons posé au départ, mais bien de mettre en exergue ce qui se retrouve d'un entretien à l'autre, bien que forcément plus ou moins en lien avec ce que nous avons proposé pendant l'entrevue. Cela suppose donc une double lecture qui permet de construire une grille d'analyse thématique. Une lecture verticale d'une part : dans chaque entretien, quelles thématiques chaque sujet aborde-t-il ? Ce travail doit faire surgir le squelette du discours de chaque interviewé. Puis, une lecture horizontale : il faut voir les aspects ou thèmes récurrents et aussi singuliers ou contradictoires qui se dégagent des entretiens. Cela correspond à un temps descriptif et explicatif, puis un temps plus interprétatif.

Il faut donc, après avoir transcrit les entretiens, synthétiser l'information, en comparant les entretiens et en mettant ce qui revient, est récurrent ensemble, repérer les tendances dominantes qui deviendront des catégories d'interprétation en termes de significations. Il faut aussi justifier la construction de ces différentes catégories, pourquoi nous avons rangé tels morceaux de discours ensemble. Cela suppose aussi de ne pas traiter pas toute l'information recueillie des entretiens, d'en évacuer obligatoirement certaines, puisque les entretiens, même semi-directifs, comme le confirment Desanti et Cardon (2010, p.81), offrent beaucoup de matériel. À l'évidence, ce travail s’exécute en fonction de la problématisation.

Il me semble, d'un point de vue général qu'une analyse de contenu est plus adaptée à mon sujet qu'une analyse du discours : en effet, cette dernière s'intéresse d'abord aux formes linguistiques, avant les significations, même si cette première partie du travail est prise en compte dans son contexte et sert ensuite à accéder au sens du discours. Je pense qu'il est plus pertinent d'appliquer ce genre de méthode aux discours explicitement stratégiques, aux discours politiques par exemple, où les candidats ont élaboré une réflexion, sur les mises en forme de leurs discours, ils ont volontairement préparé leurs énoncés (la plupart du temps), et anticipé les effets qu'ils veulent produire. Cela étant, une analyse de discours pourrait convenir également, dans le sens ou je ne l'oppose pas diamétralement à l'analyse de contenu : lorsque nous travaillons sur le contenu des discours, ce sont bien les formes et les représentations que nous avons de celles-ci qui nous permettent d'accéder au sens. De plus, nous pouvons via une analyse de contenu travailler sur le non-dit, élément pourtant le plus souvent attribué à l'analyse de discours.

Pour ce qui est de mon travail, les interviewés, bien qu'ils aient élaboré comme pour tout discours une certaine stratégie par rapport à ce qu'il ont eu envie d'exprimer et transmettre, cela a lieu dans l'immédiateté, la spontanéité, puisqu'ils répondent à des thèmes que je leur propose et dont ils n'ont pas eu connaissance auparavant. De plus, étant un travail de master, mon matériau d'analyse est relativement léger, et il me semble plus intéressant de travailler sur les formes du discours lorsque nous disposons d'un corpus conséquent (pour un travail de thèse par exemple), et effectuer des comparaisons nombreuses et significatives. C'est pourquoi l'analyse de contenu me parait plus appropriée ici. Cela étant, j'intègre à cette analyse de contenu quelques éléments où j'analyse explicitement la forme des dires, et également du non-dit.

Comme toute méthode, l'analyse de contenu présente certaines limites qu'il me parait important de poser : d'une part, l'enquêteur n'analyse toujours qu'une partie du contenu de l'entretien, puisque la totalité les éléments, aussi intéressants soient-ils ne peuvent être tous pertinents pour répondre à un ensemble de questionnements ou d'hypothèses. Donc la parole est forcément tronquée et recontextualisée, et peut finalement, une fois intégrée à l'analyse achevée, se retrouver au niveau sémantique très éloignée de la manière dont elle figurait au départ, en contexte d'entretien. D'autre part, cette méthode fait courir le risque à l'enquêteur de surinterpreter la parole des enquêtés, ou alors par excès de précaution de ne répéter que ce que les acteurs eux-mêmes déclarent, et ainsi de n'apporter aucun d'élément ayant un intérêt supplémentaire, bénéfique par sa recherche.

Mais ces limites font aussi partie du fait que le chercheur est tenu à mon avis d'adopter une posture bien particulière, devant travailler sans cesse avec sa subjectivité en même temps jauger et limiter en permanence les éléments qui à eux seuls orientent de façon extrême ou polarisée l'axe principal des résultats de la recherche. Par ailleurs, nous pouvons nous demander, en mobilisant l'analyse de contenu, qu'est-ce qui rend notre travail sociolinguistique et non relevant de la sociologie, ou d'une autre science humaine et sociale. Je répondrai à cela que ce n'est pas vraiment un problème si cette analyse de contenu est élaborée dans le cadre d'un travail conceptualisé, et interprété via une approche sociolinguistique, et fait partie d'une approche transdisciplinaire des phénomènes humains et sociaux.