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Chapitre 2 : l’élaboration des œuvres et de l’exposition

2.1. La collection

2.1.3. Question de la classification

Au cours de notre visite, nous pouvons très vite nous apercevoir que de nombreuses œuvres se retrouvent en plusieurs exemplaires, qu’elles se présentent en tant que copies contemporaines pour mieux percevoir l’œuvre originelle ou qu’œuvres à plus petite échelle, ou même doublon. Prenons l’exemple d’Hydra and Kali que nous retrouvons en trois exemplaires (2015 pour les deux œuvres monumentales, 2008 pour l’exemplaire en argent)71, celle dite originale est couverte de

coraux, sa copie contemporaine (réalisée pour l’exposition) en bronze est exposée à ses côtés tandis que celle en argent, au Palazzo Grassi, ne fera que rappeler les deux grands exemplaires vus précédemment. Nous retrouvons d’autres séries comme celle-ci qui sont dispersées notamment Skull

of a Cyclops (2011 les trois exemplaires)72, Skull of a Unicorn (2010 pour les quatre exemplaires)73,

71 Vol. I, annexe I, p. 20, fig. 53 et 55, et p. 38, fig. 112 72 Vol. I, annexe I, p. 19, fig. 46 et 47, et p. 40, fig. 118 73 Vol. I, annexe I, p. 27, fig. 80 à 82, et p. 41, fig. 121

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Sphinx (2011 pour les deux exemplaires, 2012 pour la tête en argent)74, Tadukheba (2011 pour les deux

exemplaires)75, The Warrior and the Bear (2015 pour les deux exemplaires)76 et The Severed Head of

Medusa (2008 pour les exemplaires en bronze et malachite, 2013 pour celui en or et 2015 pour celui

en cristal)77 pour n’en citer que quelques-uns. La plupart sont exposés dans les deux espaces

d’expositions. Ce n’est pas le cas pour tous78. Les œuvres possédant un même thème ne sont pas

classées ensemble ou d’une façon particulière79, excepté pour les vitrines, mais plus concernant les

matériaux. Certaines salles ne sont composées que d’œuvres en or, en argent ou en marbre de Carrare. Nous retrouvons bien évidemment d’autres œuvres dans l’exposition réalisées dans ces matériaux. Le fait de créer un espace réservé à une matière donne un véritable effet de collection, les œuvres sont réunies pour leurs valeurs matérielle, plastique et esthétique. Nous retrouvons là le goût du collectionneur, posséder en plusieurs exemplaires différents pour pouvoir former un ensemble cohérent. Nous nous trouvons ainsi en présence d’une collection composée de plusieurs collections. De plus les vitrines exposent aussi des œuvres qui sont classifiées : les bijoux, la minéralogie/la cristallographie, la monnaie, les armes, les lingots, la vaisselle, les pépites d’or naturelles…

La classification prend donc effet lorsqu’il s’agit plutôt de collection, et non pas d’œuvres individuelles ou en plusieurs exemplaires. Par exemple, à Punta della Dogana, nous retrouvons deux crânes de mammouth (Skull of a Cyclops, marbre de Carrare, 2011), le troisième exemplaire sorti des eaux est au Palazzo Grassi. Le fait de ne pas exposer les trois pièces les unes à côtés des autres ne permet pas de voir l’entièreté de la collection de ces spécimens. S’ils avaient été réunis, ils auraient pu poser la question de la conservation et celle du travail de restauration. C’est la manière dont est présentée Hermaphrodite (2009)80, où trois œuvres illustrent des états différents. Concernant les

crânes, aucune information ne nous est indiquée pour savoir s’il s’agit, pour les deux exemplaires en marbre, d’originaux ou de copies contemporaines, sans cela nous pensons qu’il s’agit bien d’œuvre supposément embarquées sur l’Apistos. Les œuvres sont alors dispersées à travers l’exposition. De même pour Unknown Pharaoh (2015), un exemplaire parfaitement lisible en marbre de Carrare est exposé à Punta della Dogana dans une salle où nous retrouvons des œuvres similaires, c’est-à-dire en marbre de Carrare d’une extrême clarté81. Le second Pharaon est au palais, en granite bleu recouvert

de coquillages. De même pour Skull of a Unicorn, celle en cristal de roche et agate blanche (2010) est

74 Vol. I, annexe I, p. 11, fig. 21 ; p. 14, fig. 30, et p. 39, fig. 115 75 Vol. I, annexe I, p. 11, fig. 20, et p. 47, fig. 137

76 Vol. I, annexe I, p. 6, fig. 7, et p. 38, fig. 114

77 Vol. I, annexe I, p. 17, fig. 40 ; p. 22, fig. 59 ; p. 27, fig. 79, et p. 48, fig. 138 78 Vol. II, annexe III : liste des œuvres en plusieurs exemplaires, p. 23

79 Au Palazzo Grassi, deux salles côte à côte présentent des personnages Disney, elles pourraient sembler classées

par thème mais une autre image de Mickey apparait à Punta della Dogana

80 Vol. I, annexe I, p. 37, fig. 107 à 109 81 Vol. I, annexe I, p. 11, fig. 20 à 23

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exposée au Palazzo Grassi tandis que les trois autres exemplaire (bronze, or, argent, 2010) sont réunis dans une seule salle, à la pointe de l’édifice de Punta della Dogana. Dans ce cas précis, nous aurions pu dire que la présentation de trois crânes faisait état d’une collection, mais lorsque nous découvrons le quatrième exemplaire, nous ne voyons plus l’ensemble comme une collection puisqu’ils sont séparés. Mais bien évidemment, bien que séparés, les exemplaires forment une collection mentalement imaginable. Nous retrouvons la même dispersion pour les grands spécimens de coquillages82. Nous

pouvons donc affirmer que la localisation des œuvres au sein des bâtiments de l’exposition est assez disparate. Il n’y a pas de classification particulière bien que leur disposition actuelle amène à des résonnements liés justement à leur emplacement, aux côtés d’autres œuvres. Nous retrouvons un ordre de présentation qui permet d’exposer plusieurs exemplaires identiques à des endroits différents. Cela permet d’instaurer une réponse, une résonnance entre les deux lieux d’exposition et de plus, le fait de revoir une pièce similaire à une autre vu précédemment permet de faire le lien, de nouveau entre les deux espaces d’exposition. La mise en résonnance des œuvres est un principe intéressant. D’autres œuvres comme Proteus (2012)83, Sphinx (allongés) (2011)84 et Golden Monkey (2011)85 sont

exposés dans le même lieu mais dans des salles différentes. Les nus grecs sont quant à eux exposés dans un même espace. Ils permettent d’instaurer un thème particulier dans une salle précise, avec présence d’un montage photographique.

Il faut penser que la taille importe beaucoup dans le choix des emplacements dans l’exposition. Les œuvres ne sont pas les unes sur les autres, elles s’intègrent harmonieusement dans l’architecture du lieu. La scénographie aérée et imagée par les photographies permet une bonne lecture des œuvres. Au Palazzo Grassi, les œuvres sont nombreuses à être exposées seules dans une salle sans autres sculptures à leurs côtés (The Skull Beneath the Skin, 2014 ; Bust of the Collector, 2016 ; Mickey, 2016…). Au contraire, à Punta della Dogana, les espaces étant plus grands, nous retrouvons plusieurs œuvres dans une même salle.

L’échos entre les œuvres est fait assez naturellement, que la visite se fasse en commençant par Punta della Dogana ou par le Palazzo Grassi. La grande différence se fait lors de la découverte de la salle de la maquette. Celle-ci fait partie des dernières œuvres que le spectateur voit avant de terminer son parcours s’il commence par la Pointe de la Douane. Cela permet d’ancrer l’existence de l’Apistos et de sa cargaison dans l’esprit du visiteur. Et ce n’est pas pour rien que l’exposition se termine

82 Museum Specimen of Giant Nautilus Shell, 2011 ; Museum Specimen of Giant Nautilus Shell (Interior Exposed),

2011 ; Museum Specimen of Giant Clam Shell (I) et (II), 2010, au Palazzo Grassi et Extraordinarily Large Museum

Specimen of Giant Clam Shell, 2010, à Punta della Dogana

83 Vol. I, annexe I, p. 16, fig. 36, et p. 32, fig. 95 84 Vol. I, annexe I, p. 11, fig. 21, et p. 14, fig. 30 85 Vol. I, annexe I, p. 25, fig. 70, et p. 32, fig. 94

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sur des mains en prière, elles font référence à de multiples croyances. Damien Hirst dit lui-même que nous avons le choix de croire en ce que nous voyons ou non. Et ici en présence d’autant d’objets, de mythologies et d’héritages culturels, il nous est permis de croire en l’histoire de cette collection qui s’inspire de la nôtre.

« Cette expédition se base sur la foi La foi est notre passé

La foi est dieu La foi en des dieux Ou la non croyance

La foi est une chose étrange car il n’y a pas de vérité absolue Les artistes n’ont pas la réponse

La science n’a pas la réponse La religion n’a pas la réponse On se crée une sorte de vérité

Qu’on soit croyant ou non, on a besoin de croire en quelque chose » Damien Hirst86