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Chapitre 2 : l’élaboration des œuvres et de l’exposition

2.1. La collection

2.1.1. Punta della Dogana

Punta della Dogana se situe à la pointe du quartier de Dorsoduro le long du Grand Canal. Le bâtiment est remarquable, très bien ancré dans le patrimoine vénitien, restauré par Tadeo Ando. Rappelons que son intérieur possède une grande hauteur sous plafond, des ouvertures sur le cadre

63 Brochure de l’exposition Damien Hirst, Treasure From the Wreck of the Unbelievable, Venise, Pinault Collection,

du 9 avril au 3 décembre 2017

64 Afin de faciliter la compréhension des prochaines réflexions, il est possible de lire une description des lieux et

de la découverte des œuvres dans le Vol. II, annexe II : description de l’exposition, lieux, œuvres et disposition, p. 9

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extérieur et de belles poutres en bois. Le lieu rappelle la proue d’un navire de par sa forme triangulaire qui s’élance sur la jetée et son intérieur boisé, similaire à l’armature de la coque d’un bateau.

L’exposition débute en dehors du bâtiment où le spectateur peut observer deux œuvres. À l’entrée de Punta della Dogana sont présentés une vidéographie des fouilles et un texte d’introduction qui présentent l’exposition comme étant le résultat de fouilles sous-marine de l’Apistos. Sont bien évidemment évoqués le collectionneur, sa collection et les œuvres, dont il est précisé que certaines sont des copies des formes originales supposées des sculptures parsemées de coraux et d’espèces marines. Au côté de ce texte est diffusé une vidéo montrant la découverte et la sortie des eaux des œuvres. Avant de s’apprêter à passer la porte pour entrer dans la première salle, il faut lire et comprendre l’inscription qui se trouve au-dessus de nous : « Somewhere Between Lies and Truth Lies the Truth65». Le ton est donné, un voyage entre vérité et mensonge s’annonce. Nous venons de

franchir le pas de la porte et de mettre un premier pied dans cet univers étonnant et fantastique. Au cours de son avancé dans l’exposition, le spectateur rencontrera des œuvres impressionnantes et surprenantes, tant par leur aspect esthétique que par leurs références iconographiques. Le lieu offrant plus de 5 000 m², et une grande hauteur sous plafond, il permet d’exposer des œuvres de grandes tailles et imposantes. Cette masse d’œuvres, de vitrines et de matériaux peut avoir tendance à noyer le spectateur dans un trop plein de surprise visuelle et iconographique au cours de sa visite. S’il se perd dans ce surplus d’œuvres aux multiples références, il pourra se référer à la brochure et aux cartels qui malheureusement ne l’aiderons pas beaucoup plus à comprendre certaines œuvres. Le rez-de-chaussée offre ainsi en grande majorité des œuvres de grandes dimensions, les autres de dimensions moindres ainsi que les vitrines se trouvent dans des salles adjacentes à la grande galerie principale, sur deux niveaux. Ces grandes salles, de la grande galerie, reprennent un schéma généralement similaire. Nous y retrouvons plusieurs œuvres de très grandes dimensions qui sont accompagnées de photographies les montrant sous l’eau. La scénographie est similaire et répétitive tout au long de l’exposition, avec pour les grandes salles, plusieurs œuvres monumentales avec photographies des fouilles qui replace le spectateur dans le contexte archéologique, et scientifique en plus d’introduire de nouveau l’histoire fictive. Pour certaines de ces images, un plongeur se situe à côté et permet de se rendre compte différemment du poids de l’œuvre puisque ces photographies sous-marines transmettent une sorte de pression aquatique. Il semble avoir été extrêmement difficile de transporter l’œuvre du fond de l’océan jusqu’à Venise, dans ces salles. La majorité des œuvres sont exposées recouvertes de concrétions marines et d’algues afin de donner l’illusion du temps passé sous l’eau. Certaines sont alors exposées à côté de ce

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qui nous est présenté comme étant une copie contemporaine, immaculée, sans marque du temps. Cela permet de mieux percevoir les formes et comprendre la sculpture différemment. À côté de ces œuvres monumentales, nous retrouvons des artefacts qui nous semblent authentiques, c’est-à-dire non fabriquer par l’artiste, comme les objets de vaisselles et quelques bijoux en or entre autres figurines, pièces de monnaie et outils. Nous nous posons des questions quant à la véracité de certaines œuvres, mais les marques du temps et les images de fouilles insistent sur la réalité présumée des faits et instaure le doute. Le spectateur est soumis à une réflexion particulière sur ce qu’il voit et ce qui lui est dit. Cela renvoie à la phrase d’introduction : « Somewhere Between Lies and Truth Lies the Truth ». Au fil du parcours, nous nous rendons compte que certaines œuvres sont organisées d’une certaine façon. Les œuvres en doublons posent la question de la restauration des œuvres tandis que certaines œuvres identiques réalisées dans des matériaux différents peuvent soit être exposées ensembles soit séparée. Ainsi lorsque le spectateur verra une des deux œuvres, il se réfèrera certainement à la première qu’il a vu précédemment, faisant ainsi un rappel dans le temps. Bien qu’il soit possible d’observer une organisation particulière, celle-ci semble tout de même un peu hasardeuse. Cette référenciation des œuvres au sein même de l’exposition se retrouve aussi dans la photographie. L’image ne représente pas exclusivement les fouilles comme nous pouvons le voir avec des montages photographiques qui replace l’œuvres dans un contexte réel, en dehors de celui de la collection qui nous est montrée. Ce contexte qui se veut réel est aussi créé par l’intermédiaire des œuvres en doublons dont un des exemplaires est décrit comme étant une copie contemporaine de l’originale réalisée pour l’exposition, sous-entendu que seulement certaines œuvres ont été créées pour l’exposition. Or il est évident que toutes les œuvres ont été réalisées dans le but d’être exposées et de tromper le spectateur.

Certains montages photographiques qui sont là pour placer l’œuvre dans un contexte particulier comme c’est le cas pour Children of a Dead King (bronze, 2010 ; bronze peint, 2013)66 et

Five Grecian Nudes (2012)67 illustrent un détail de l’histoire de l’œuvre, placée dans un contexte

contemporain. La répétition des œuvres en tant que reproduction contemporaine, reproduction ancienne et en photographie accentue en quelque sorte la possible véracité des œuvres. Notre esprit est perturbé entre les copies dites réalisées pour l’exposition, les copies dites réalisées il y a plus de deux mille ans mais qui semblent nettoyées et restaurées. Nous sommes volontairement perdus entre la fiction et notre monde réel puisque les œuvres s’y inscrivent. De nombreuses incompréhensions et surprises attendent encore le visiteur

66 Vol. I, annexe I, p. 29, fig. 85 à 88 67 Vol. I, annexe I, p. 9, fig. 14 à 16

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Le plus impressionnant à Punta della Dogana est très certainement la salle réservée aux œuvres en or qui confère une ambiance assez mystérieuse et qui met bien en avant les trésors qui peuvent être retrouvés, ici les trésors de l’épave de l’Incroyable. Le sens logique n’a plus vraiment sa place dans cette exposition, entre le sujet des représentations et leurs matériaux qui vont nous étonner de par leur diversité, leur richesse et leur grande quantité. Les œuvres exposées dans ce lieu ne semblent pas faire explicitement référence à notre contemporanéité à l’exception des œuvres surprenantes présentant Mickey, The Collector with Friend (2016)68 et les portraits des artistes Pharrell

Williams et Rihanna69. Nous retrouvons principalement ces références très contemporaines au Palazzo

Grassi qui présente les œuvres en suivant la même scénographie, avec généralement une photographie des fouilles ou un extrait vidéographique de ces dernières.