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QUELQUES POINTS CLÉS POUR RÉUSSIR LES VINS ROSÉS

Itinéraires d’élaboration des vins rosés

QUELQUES POINTS CLÉS POUR RÉUSSIR LES VINS ROSÉS

Maturité

Bien qu’il soit délicat de définir une maturité optimale, pour l’élaboration d’un vin rosé, il est communément admis qu’il faut disposer d’une vendange pour laquelle les substances aromatiques sont maximales et l’acidité encore présente. En ce qui concerne les composés phénoliques, ce n’est pas tant le potentiel total qui intéresse le vinificateur mais la disponibilité des pigments et leur capacité à diffuser. Toute la difficulté réside dans la conjugaison de plusieurs métabolites dont les cinétiques de synthèse ne sont pas toujours synchrones. En effet, obtenir des baies dont le potentiel aromatique est maximum, la teneur en sucre modérée n’est définitivement pas simple.

Des outils sont à la disposition des viticulteurs pour les aider à définir la date de récolte optimale pour un produit souhaité :

• La maturité technologique (rapport sucre/acidité) facilement mesurable par le viticulteur. • La maturité phénolique (accumulation et potentiel d’extraction de la couleur) réalisable par

un laboratoire en routine (figure 2). Cette méthode a pour principale caractéristique de simuler à l’échelle de la paillasse des conditions proches de la vinification réelle. Elle permet de prévoir la diffusion de la couleur et d’ajuster les conditions de macération. L’IFV d’Angers et Inter-Loire étudient actuellement la possibilité de mettre en place un réseau de parcelles de référence.

• La maturité aromatique (accumulation des substances aromatiques) qui nécessite des équipements perfectionnés.

• La dégustation des baies facile à mettre en œuvre au vignoble après une formation de quelques heures. Cette technique est à compléter des analyses chimiques classiques.

Figure 2 : Protocole de la méthode ITV-Rosé pour définir le potentiel de couleur de la vendange (méthode révisée en 2006) Constitution d’un échantillon de 200 baies Poids Foulage avec le mini-fouloir Transvasement dans une

boite à congélation Macération 2H à t°C ambiante en présence d’enzymes (dose 0,1 g/kg) Récupération de la TOTALITE du jus Centrifugation Analyses classique et couleur du jus de macération

Un grand nombre de paramètres influençant la qualité des vins rosés est modifié par la date de récolte. Ces effets ont été quantifiés au travers des essais menés par le groupe de travail. La récolte de raisins mûrs entraîne des variations sur :

L’équilibre: augmentation du degré alcoolique, parfois de la teneur en sucres résiduels et diminution de l’acidité (surtout l’acide malique). Pour l’élaboration d’un vin rosé de Tavel, les essais menés par Inter-Rhône (VUCHOT et al., 2006) montrent que le pH des moûts doit être compris entre 3,15 et 3,35. Les teneurs en alcool et acides organiques (dont pH et acidité totale) entraînent des variations organoleptiques significatives sur la perception de l’acidité, du gras et de la chaleur (figure 3).

La couleur : à conditions de macération identiques, la maturation des baies a pour conséquence une accumulation d’anthocyanes qui conduit à plus de couleur. On constate également une diffusion plus rapide de la couleur rouge et jaune ; la maturité influence autant la disponibilité que la quantité de matière colorante. La teinte est généralement peu affectée, la proportion de jaune et de rouge ne varie pas (CAYLA, 2005).

La quantité d’esters et de thiols volatils(quand le cépage en est pourvu) augmente avec la maturité de la vendange. Les différences olfactives portent sur des odeurs de rose, cerise, d’orange et citron. En bouche, les vins issus de vendanges mûres apparaissent plus intenses et surtout présentent plus de longueurs. Sur les essais conduits au Centre de Recherche et d’Expérimentation sur le Vin Rosé (PUCHE et CAYLA, 2007), les vins préférés sont toujours issus des raisins les plus mûrs (figure 3).

Le cahier itinéraire d’ITV-France consacré aux vins rosés (n° 11, juin 2006) rapporte les résultats des essais conduits entre 1999 et 2001 dans différents vignobles. Sur Merlot, la date de récolte idéale est plus précoce que pour l’élaboration des rouges. Il est préconisé de vinifier la totalité de la vendange par pressurage après macération ; alors que les cabernets donnent de bons rosés par saignée d’une cuve de rouge remplie avec des raisins à pleine maturité (CRACHEREAU, 2006). La récolte précoce de Nielluccio conduit à des vins rosés à la couleur rose très attractive et à des caractéristiques aromatiques et organoleptiques appréciées ; alors qu’une récolte retardée de 2 semaines donne des vins d’un très bon équilibre gustatif mais avec une couleur plus orangée (RETALI, 2006).

Figure 3 : Profil sensoriel moyen établi par le jury professionnel du Centre du Rosé. Moyenne sur les millésimes 99 à 2001 et les cépages, grenache, cinsault, syrah et mourvèdre.

* différences significatives entre les 3 dates de récolte – traitement par ANOVA, test de Newman Keuls

Les raisins mûrs conduisent donc à des vins rosés plus fruités, longs, plus ronds et préférés par les jurys de professionnels interrogés. Un test consommateur a été réalisé auprès de 100 personnes, en 2006 sur deux vins issus d’une même parcelle de syrah récoltée à 12,4 et 14,7 % alcool. La préférence est largement marquée pour le vin issu de la vendange la plus mûre (PUCHE et CAYLA, 2007).

Macération

L’obtention du jus est une étape au moins aussi importante que la qualité de la matière première. Elle conditionne le potentiel de couleur, d’arômes et la structure du produit. De manière générale, un pressurage direct conduit à un moût peu coloré et plutôt « vif » (acide). La saignée, au contraire, assure une diffusion importante de polyphénols et donne aux moûts des caractéristiques plus proches des rouges, tant vis-à-vis de la couleur que des arômes. La macération permet une diversité importante en fonction des conditions de durée et de température. La gestion des macérations influence très fortement la couleur du vin, elle a également des conséquences sur les paramètres ?nologiques et organoleptiques autres que la vision. Deux facteurs ont été étudiés : la température et la durée de macération. Ils permettent tous deux de moduler le contact entre le jus et la matière solide.

Globalement, il a été montré au travers de tous les essais mis en place, que les macérations poussées (importante en durée ou à des températures supérieures à 18°C) conduisent toujours à une couleur nettement plus intense et à des chutes d’acidité (CAYLA et al, 2006). L’augmentation de pH a souvent une incidence sensorielle ; les vins issus de macérations longues ou chaudes sont jugés plus gras et/ou moins acides. Le niveau d’astringence ou l’amertume sont, par contre, à surveiller dans le cas de macérations poussées. Le froid est souvent favorable à la composante aromatique du vin.

Vis-à-vis de la couleur, la durée de macération a une incidence directe sur l’extraction de composés colorés. L’effet de saturation n’est jamais atteint. En ce qui concerne le froid, il limite la diffusion des composés colorés de deux manières :

• Décalage du niveau de l’extraction, la cinétique reste identique. • Cinétique moins rapide.

Les cas des cépages merlot et cabernet franc illustrent bien ce fait (figure 4). La diffusion de couleur est relativement lente et fortement limitée par l’utilisation du froid (12°C) pour les cépages mourvèdre, cabernets franc et sauvignon.

Figure 4 : Cinétique de diffusion de la couleur pendant la macération – Exemple à gauche du merlot vinifié en clairet et à droite du cabernet franc vinifié en rosé – Chambre d’Agriculture de la Gironde, 1999.

Les points correspondent à la couleur de vins vinifiés à basse température (13-15°C) ou à température ambiante avec des durées de macération qui varient de 16 à 50 heures, selon les cas.

Il est difficile d’aller plus dans le détail. Les conditions de macération influencent très fortement les phénomènes de transfert de la matière colorante, mais l’extraction de la couleur est également impactée par la nature du raisin (maturité, parcelle, millésime…). Par exemple, l’IFV d’Angers (CHRETIEN et BENESTEAU, 2006) a constaté des variations importantes d’un millésime à l’autre sur une même parcelle de cabernet franc vinifiée en pressurage direct et après une macération de 12 h à 18°C. Le gain d’intensité colorante est de 38 % en 1999 et de 196 % en 2001. L’état sanitaire est également un facteur de variation.

Les effets maturité et macération sont intimement liés, ce qui donne au vinificateur la possibilité d’atteindre dans de bonnes conditions l’objectif couleur qu’il se fixe (CAYLA, 2005a). La figure 5 illustre la palette de couleur que l’on peut atteindre, avec une même matière première de cinsault, en jouant sur les leviers date de récolte, durée et température de macération.

Figure 5 : Vins de cinsault 2001 positionnés sur le nuancier. Centre du Rosé 1999 à 2001. D1, D2, D3 sont les 3 dates de récolte pour une macération standard,

PD correspondant au pressurage direct qui est comparé à des macérations de 8 et 20 heures à 12 ou 18°C pour une date de récolte intermédiaire

Pressurage

Le Centre du Rosé a étudié une quarantaine de cycles de pressurage pneumatique depuis 2001 sur site industriel. Ces travaux montrent notamment (CAYLA, 2005b) que la phase de remplissage du pressoir prédétermine le déroulement du cycle et la qualité des jus obtenus. En effet, le rythme des apports, l’exigence en balancements ou rotations, la durée entre la première benne et la mise en route effective du pressoir ont une incidence sur les volumes et la qualité des jus de goutte extraits avant pressurage. Ce volume correspond en moyenne à 60 % des jus sélectionnés pour l’élaboration des vins rosés de qualité.

Les jus de goutte sont plus riches en bourbes et en SO2libre. Ce dernier facteur est à l’origine de retard dans les départs en fermentation et engendre des taux de combinaison du SO2

supérieurs.

Les jus de presse sont moins acides (présence de plus de potassium qui précipite l’acide tartrique) et plus colorés. Les vins issus des jus de presse sont jugés plus gras. Ils sont généralement plus aromatiques mais plus lourds (caractère caramel). Bien que les jus de presse soient colorés, les faibles volumes concernés sont dilués dans la masse de jus de goutte. La qualité des jus de premières presses n’est pas à négliger ; ce sont les assemblages des gouttes et premières presses qui sont toujours préférés en dégustation (CAYLA, 2005).

Débourbage

Trois années d’expérimentation conduites au Centre du Rosé sur les principaux cépages provençaux ont permis de montrer que l’optimum de turbidité après débourbage est compris entre 100 et 250 NTU (MASSON, 2005a et 2006). Les vins ainsi obtenus sont fins, ronds et fruités avec une dominante amylique. Pour des valeurs de trouble inférieures, la qualité des vins est au moins aussi bonne mais des difficultés fermentaires peuvent apparaître. Elles sont liées à l’appauvrissement du milieu par un débourbage excessif, même si ce risque peut être en partie corrigé par l’addition d’activateurs ou de nutriments. Pour des valeurs de turbidité supérieures à 250 NTU, les vins deviennent plus acides, plus grossiers et moins aromatiques.

Conscient de l’importance de ce poste de vinification, le Centre du Rosé a mis au point en partenariat avec Œnofrance et Vitis, un kit de contrôle du débourbage (figure 6). Une gamme de troubles, échelonnés entre 20 et 500 NTU, est présentée sous forme de tubes. Ce travail a été réalisé grâce à la méthodologie de contre-typage utilisée pour le nuancier des vins rosés de

M

Provence (gel et colorants). La couleur ayant une incidence sur la perception visuelle du trouble, deux gammes de couleur sont proposées.

Figure 6 : Kits de contrôles du débourbage

Utilisation du froid

Abaisser la température de la vendange présente l’intérêt de limiter la diffusion de la couleur des pellicules vers le moût. Le vinificateur peut donc mieux maîtriser l’étape de macération. L’utilisation de froid avant fermentation présente d’autres avantages qui peuvent avoir des conséquences plus ou moins directes sur la quantité d’arômes et leur expression.

• Limiter les oxydations : les précurseurs d’arômes sont moins dégradés notamment au cours du pressurage.

• Faciliter le débourbage donc moins de déviations organoleptiques à craindre.

• Limiter les départs inopportuns en fermentation spontanée. Le choix de certaines levures sélectionnées favorise la production d’arômes fermentaires et est propice à une bonne expression aromatique.

• Assurer un début de fermentation à température basse, ce qui favorise la production d’esters. Cependant, l’utilisation du froid en macération implique un équipement particulier et coûteux en fonctionnement. Il incite à vendanger de nuit ou tôt le matin, dans les régions chaudes. TOUZET (2008) a montré la forte corrélation entre la température extérieure et celle des jus au quai de réception (figure 7).

Fermentation alcoolique

L’expérimentation sur les souches de levure engagée par le Centre du Rosé (MASSON, 2005b) en partenariat avec les distributeurs de produits œnologiques fournit des résultats qui complètent les informations déjà connues par ailleurs. Quelques critères sont particulièrement importants dans le cas d’une vinification en rosé.

Préservation de l’acidité. Les souches de levure sont connues pour leur caractère plus ou moins démaliquant. Ce paramètre est important pour le vinificateur en rosé qui devra jouer avec l’acidité naturelle de son terroir et la recherche d’un compromis entre fraîcheur et rondeur de son vin.

Interaction levure / couleur. Saccharomyces cerevisiae peut interagir avec la matière colorante des moûts et des vins par différentes voies : adsorption d’anthocyanes sur la paroi cellulaire, stabilisation de la couleur par libération de polysaccharides, dégradation des anthocyanes par l’enzyme β-glycosidase. La levure peut aussi influencer indirectement la couleur du vin en agissant sur l’acidité.

Caractère fruité des arômes. Il est particulièrement délicat de présenter des tendances dans ce domaine, les souches de levure ayant probablement un comportement différent vis-à-vis de l’expression aromatique en fonction de la nature du moût utilisé : cépage, terroir, maturité…

Rondeur des vins rosés. L’impression de rondeur et de gras laissée au dégustateur, lorsqu’elle ne vient pas de la présence de sucres, est souvent liée à la richesse en polysaccharides et mannoprotéines du vin. Cette sensation peut également être enregistrée dans le cas de vins peu acides. La souche de levure agit sur ces différents critères et peut engendrer des variations dans les vins rosés. Les résultats ne permettent pas une interprétation simple et il est nécessaire comme dans le cas du fruité d’avoir recours à l’analyse statistique pour dégager les principales tendances.

Les différentes LSA étudiées montrent des aptitudes différentes pour l’élaboration des vins rosés, chacune présentant des avantages et des inconvénients. Il ressort bien évidemment que la souche « idéale » pour vins rosés n’existe pas et que l’offre actuelle permet de répondre à des attentes que l’on sait variées de la part des vinificateurs. Quelques communications récentes peuvent être consultées : MORGE et al., 2008 ; NEDJMA et al., 2007 ; MURAT et DUMEAU, 2006 ; COLAS et al., 2005 ; USCIDDA, 2003.

Conservation

Pour évaluer les conditions de conservation, deux cas extrêmes de conservation en bouteilles sont retenus : favorable, bouteilles couchées, obscurité, température constante proche de 15°C ; défavorable, bouteilles debout, lumière, température ambiante. Après un an de conservation, le SO2libre des vins stockés en conditions défavorables est inférieur de 30 % aux vins conservés dans de bonnes conditions (MASSON, 2007b). Ce déficit en SO2favorise une dégradation des anthocyanes et par voie de conséquence un brunissement de la couleur. La couleur est moins franche et moins vive. La perte de SO2, des échanges gazeux plus importants, des réactions chimiques favorisées par la température plus élevée… ont aussi des conséquences sur le profil sensoriel des vins. La figure 8 permet de mesurer la perte de qualité (- 14 %) des vins rosés conservés en situation défavorable notamment pour des raisons de fraîcheur aromatique (- 21 %).

Figure 8 : Résultats de dégustation après 1 an de conservation en conditions favorable et défavorable d’un vin rosé. Centre du Rosé, 2007