• Aucun résultat trouvé

3 Quand la musique n’adoucit pas les mœurs

Dans le document Symboles et symbolismes (Page 37-39)

Dans un autre registre, la musique peut apparaître comme une composante symbolique à part entière des formes de représentations du politique. En effet, le couple « politique-musique » est une association qui souvent permet de donner une marque personnelle à des hommes politiques et plus largement à des organisations. Ainsi, le général De Gaulle terminait souvent ses grands discours publics en chantant la Marseillaise. Cette pratique s’est perpétuée dans le parti gaulliste (ex. R.P.R.) qui généralement à la fin d’une grande mani- festation reprend en chœur l’hymne national. Pour d’autres motifs, le Front national introduit progressivement la reprise en chœur de l’hymne national dans certaine de ses manifestations publiques. Tel fut le cas lors d’une « mani- festation spontanée » devant l’Assemblée nationale en octobre 1996. Il s’agit pour le Front national d’estomper progressivement son anti-républicanisme et de réinvestir symboliquement par petites touches distinctes et variées une respectabilité démocratique.

De manière symétrique, les parties de gauches, essentiellement le parti Com- muniste et les partis révolutionnaires, terminent leur manifestation par le chant de l’Internationale. Valéry Giscard d’Estaing accompagnait ses meetings de la

Symphonie no4 de Malher ou par le Chant du départ. François Mitterrand

en 1981 pour sa cérémonie d’installation était entré dans le Panthéon sur le 4emouvement de la 9eSymphoniede Beethoven (Hymne à la joie), et était

ressorti sur la Marseillaise chantée par Placido Domigo. Enfin on notera, que les entrées de Jean-Marie Le Pen sont ponctuées par « le chœur des esclaves » du Nabucco de Verdi, et que ses sorties se font sur l’hymne à la joie. Hitler en son temps entrait en scène sur Rienzi (ouverture) de Wagner. Ce qui est frappant, au passage, c’est que la plupart de ces musiques contiennent non seulement les thèmes de la fraternité, de la liberté, mais aussi de la captivité et de l’asservissement.

Si l’on se place dans le contexte plus large de l’histoire, le symbole de l’hymne national, à l’instar du drapeau national a connu les mêmes vicissi-

Denis Fleurdorge 37

tudes au cours de son histoire. Officiellement, la Première République instaure que tous les chants et les musiques ayant contribué au succès de la Révolution seront exécutés officiellement par les corps de musique (Garde nationale, régi- ments de ligne, etc.). La Marseillaise fait partie de ces chants. C’est le décret de la Convention du 14 juillet 1795 (26 messidor an III) qui instaure cette pratique. Sous l’Ancien Régime, la codification des hymnes (ou de ce qui s’en approche) était liée à la nature de l’acte qu’ils devaient accompagner et des origines religieuses de ces hymnes. Par exemple, lors du départ des Croisés, on chantait le Veni Creator ; lorsque le roi faisait son entrée officielle dans une ville, on chantait le motet Domine salvum fac regem. Sous le Premier Empire, il n’y a pas d’hymne officiel. Napoléon fait exécuter par ses musiques militaires soit le Domine salvum fac imperatorem, soit le Veillons au salut de l’Empire. La Restauration (Louis XVIII) instaure la quasi-officialité de deux hymnes en lien direct avec la présence ou l’absence du roi (ou de sa famille) à la céré- monie concernée. Ainsi, Lorsque le roi paraissait (entrées royales ou certaines cérémonies publiques) ou que paraissait un membre de sa famille, on chantait

Où peut-on être mieux qu’au sein de sa famille ?; Hors d’une présence royale dans une cérémonie officielle, c’est Vive Henri IV ! qui était chanté. Sous Louis- Philippe, on utilisera comme hymne officiel La Parisienne. La IIe République prendra comme chant officiel Le Chant des Girondins. Au moment du Second Empire, Louis Napoléon Bonaparte aura comme chant officiel Partant pour la

Syrie.Enfin, il faut attendre l’avènement de la IIIe République pour retrouver

La Marseillaise comme hymne national. En effet, une circulaire ministérielle (Ministère de la Guerre) rappelle l’existence du décret de la Convention du 14 juillet 1795 (26 messidor an III) établissant le caractère officiel et national de ce chant.

On remarquera que le gouvernement « collaborationniste » de Vichy conser- vera officiellement l’hymne national de La Marseillaise, mais utilisera de manière officieuse Maréchal, nous voilà. De la même manière, si l’on peut vraiment dire, le Gouvernement Provisoire de la République Française présidé par De Gaulle utilise de manière officielle La Marseillaise, mais la double fré- quemment du Chant des Partisans. Sous la IVeet la VeRépublique, l’hymne national est définitivement institué sous la forme unique de La Marseillaise. La consécration institutionnelle de La Marseillaise se fait par son inscription à l’article 2 de la Constitution de 1958 : « L’hymne national est La Marseillaise » (en 1879, un groupe de Parlementaires avait fait pression, sans succès, pour qu’elle soit reconnue comme hymne de la Nation).

Il convient d’ajouter à ce rapide panorama historique de l’hymne national le fait que La Marseillaise reste un « objet » vivant qui a subi bien des trans- formations tout au long de ses deux cents ans d’existence. La composition de La Marseillaise est attribuée à Rouget de Lisle. Certaines contestations se sont toutefois manifestées concernant la mélodie dont la paternité revien- drait à Ignaz Pleyel, Jean-Frédéric Edelmann, Jean-Baptiste Grisons ou encore Alexandre Boucher. Dès 1795, La Marseillaise est arrangée pour plusieurs voix

38 La circulation des symboles

de musique et, en 1887, elle est transformée en marche militaire (auparavant Hector Berlioz avait proposé, en 1830, une version trop compliquée qui ne sera jamais utilisée). Le 11 novembre 1974, le président Valéry Giscard d’Es- taing fait changer, en le ralentissant, le rythme de La Marseillaise. L’ancienne version fut rétablie par le président François Mitterrand en 1981.

4

Petit inventaire factuel des détournements du sens et des

Dans le document Symboles et symbolismes (Page 37-39)