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2.2 Formes et critères de révision

2.2.2 Critères de qualité en révision

2.2.2.3 Qualité de la révision

Pour dénir la qualité de la révision, il est utile d'évoquer ses facteurs de non qualité. La révision est un acte dicile qui comporte de nombreux dangers, au-delà de la problématique du temps, de la rémunération et des ressources disponibles (questions centrales, mais déjà abordées). Un certain nombre de chercheurs sont revenus sur les risques liés à cet exercice : Gouadec, par exemple, parle de la  tentation de tout reprendre 80. Le réviseur, devant une traduction dont le style est diérent du sien, 76 op.cit. 1998

77 Ibid.

78 op.cit. Martin 79 op.cit. 2007

par exemple, peut être tenté de réécrire le texte. Prioux et Rochard décrivent bien cette diculté :  En soi, le travail du réviseur est à la fois complexe et frustrant. Réviser, c'est accepter qu'un autre ait fait la traduction, donc des choix qui peuvent être diérents des siens.81 . Corriger ou plutôt rectier juste ce qu'il faut là où il faut, c'est peut-être la diculté majeure de la révision. Les conséquences d'une révision qui s'est transformée en retraduction sont multiples : le traducteur est frustré, le réviseur est frustré et sa prestation a perdu toute l'ecacité recherchée. Comme le souligne Rochard,  le respect du travail du traducteur est à la fois une démarche déontologique (ne pas nier l'existence de ce travail), un souci d'ecacité et de rentabilité 82. Nous avons vu qu'aujourd'hui, la qualité des traductions et des révisions se mesurait surtout en termes d'ecacité de la prestation. Cet aspect est donc essentiel. Il dépend aussi de la relation de travail qui s'établit entre le traducteur et le réviseur : il est ainsi plus facile pour un traducteur travaillant régulièrement pour un même donneur d'ouvrage de s'adapter au style  maison  du réviseur :  If translators regularly work with the same revisors they can adjust their mode of expression to that preferred by the revisors.83 . Le réviseur aura alors de moins en moins besoin de réécrire la traduction. Dans une coopération ponctuelle entre le traducteur et le réviseur, ceci est moins évident.

Dans le même ordre d'idée que la retraduction, existe le risque de peauner à l'excès la révision et de dénaturer la traduction en voulant  trop bien faire . Graham compare cette attitude à celle de l'artiste qui revient sans cesse sur sa toile sans jamais la terminer :  Where the individual constantly reviews, revises, reappraises, renes, corrects, and improves his text, the dangers of `killing by kindness' are high. 84. Künzli cite une étude dans laquelle plus les réviseurs passaient de temps sur la traduction à réviser, plus ils empiraient la qualité de celle-ci :  the more time the revisers participating in her experiment spent on the revision task, the more unnecessary changes hey made and the worse they made the draft translation. 85.

À trop vouloir se mettre à la place du lecteur ou de l'utilisateur nal de la traduction, en outre, le réviseur peut être amené à modier le sens de la traduction. Selon Sedon-Strutt, même les réviseurs expérimentés ne sont pas à l'abri de cette dérive :

This is easier to do than one might expect, and is not an infrequent phenomenon. The reason is that the reviser is skating more quickly over the text than the original translator, who has had to tease out the meaning of each sentence, and

81 op.cit. 2007 82 op.cit. 2004 83 op.cit. Sager 1993 84 op.cit. Graham 1983

can all too readily jump to wrong conclusions.86

Face à tous ces écueils, Mossop recommande de se poser trois questions essentielles :  Have I missed any errors ? Have I made any unnecessary changes ? Have I introduced any errors ? 87Ce sont là les trois grands types d'atteintes à la qualité de la traduction et par conséquent, à celle de la révision. Rappelons que le réviseur est responsable de la qualité du produit ni, la plupart du temps. La qualité d'une révision se juge donc essentiellement à celle de la traduction révisée.

Dénir la qualité de la révision sans parler de la communication avec le traducteur serait une démarche incomplète. La révision, comme nous l'avons vu, peut avoir deux visées : l'amélioration d'une traduction et celle de la production du traducteur (dans cer-tains contextes professionnels plus que dans d'autres : en traduction  institutionnelle , par exemple). Si un traducteur prend connaissance de la révision de son document et ne comprend pas les corrections apportées, voire les rejette faute d'explication satisfaisante, la révision ne sera pas complètement productive. C'est pourquoi, Brunette décrit ainsi les qualités didactiques du réviseur :  Réviser implique la capacité pour le réviseur d'expliquer non seulement ses choix, mais aussi celle de prouver la supériorité de ses révisions sur le texte du révisé. 88. La tâche du réviseur sera d'autant facilitée que le traducteur sait au préalable ce que l'on attend de lui et de sa traduction. D'où l'importance, s'il fallait le rappeler, de la communication et des instructions claires transmises à tous les intervenants.

Est-ce un hasard si les chercheurs discutent plus des failles de la révision que de ce qui constitue sa qualité ? Le constat de ce déséquilibre est intéressant ; il est probablement lié à  l'absence de méthodologie, l'absence de principes directeurs et l'absence de formation 89 que regrettaient Prioux et Rochard. Nous allons essayer, dans la section qui suit, d'avoir un aperçu de la situation actuelle en matière de pédagogie et de méthodologie de la révision.

86 op.cit. 1990 87 op.cit. 2001 88 op.cit. 1995 89 op.cit. 2007

2.3 Contexte pédagogique et méthodologique de la