Chapitre 2- La question de la fréquentation nautique de plaisance dans
2.1. Qu’est ce que la fréquentation nautique de plaisance ?
L’expression « fréquentation nautique de plaisance » est utilisée dans le
langage courant et la réalité qu’elle recouvre est devenue une préoccupation
constante des gestionnaires des espaces insulaires. Pourtant il n’existe aucune
définition établie du terme fréquentation nautique de plaisance et son
interprétation reste généralement floue, à l’appréciation de chacun.
On peut sans doute considérer, dans un premier temps, que pour tous cette
expression correspond à la définition des trois mots qui la composent : il
s’agirait donc de l’action d’aller souvent dans un lieu, pour le loisir, en utilisant
la navigation comme moyen de déplacement et une embarcation de plaisance
comme support [Larousse, 1995]. La fréquentation nautique de plaisance peut
être fluviale ou maritime, et c’est à cette seconde seulement que nous nous
attacherons dans cette étude.
Mais la fréquentation nautique de plaisance ainsi définie ne permet pas
d’embrasser la multitude d’activités pratiquées par les plaisanciers sur les
littoraux (navigation, mouillage, pêche de plaisance, pêche à pied…), et qui en
réalité doit être comprise dans la notion de fréquentation. C’est pourquoi notre
étude, dans la perspective d’une gestion de la fréquentation nautique, ne peut
considérer celle-ci dans la stricte compréhension initiale du terme, et propose
d’adopter une définition plus large englobant bien sûr, et comme condition
première, le déplacement d’un lieu à un autre à partir d’une embarcation de
plaisance au sens large (voilier, vedette, pneumatique, voile légère, jet-ski,
planche à voile, kayak…) mais aussi toutes les activités de loisirs pratiquées
par les plaisanciers aussi bien sous l’eau ou sur l’eau qu’à terre, dans une limite
de 300 mètres au-delà du niveau des plus hautes marées de vives-eaux
(baignade, plongée, balade sur les hauts de plage…).
Étudier la fréquentation nautique de plaisance sous cet angle complexifie et
élargit considérablement le champ de recherche mais permet de mieux
appréhender une des réalités de la plaisance aujourd’hui, à savoir son caractère
multiforme et le fait qu’elle peut être considérée aussi comme un moyen
d’accéder à des espaces préservés pour pratiquer de nombreuses activités. Cette
approche permet, par ailleurs, de mieux répondre aux préoccupations des
gestionnaires des espaces littoraux face à l’accroissement et à la diversification
des usages plaisanciers.
2.1.2. Le bateau comme base de loisir : les usages plaisanciers
Dans la définition de la fréquentation nautique que nous avons adoptée, nous
considérons en quelque sorte le bateau de plaisance (ou l’engin nautique)
comme une base de loisirs, au sens propre et au sens figuré. L’utilisation d’une
embarcation de plaisance est un loisir en soi mais aussi un moyen d’accéder à
une multitude d’autres loisirs, qui ne sont pas exclusivement plaisanciers, mais
que nous considérons dans la fréquentation nautique (baignade, farniente sur la
plage…) à partir du moment où ils sont pratiqués par des plaisanciers.
Dans la perspective d’une étude de la fréquentation nautique et de ses impacts
sur les milieux naturels nous avons appelé l’ensemble de ces pratiques « les
usages plaisanciers ». Si l’on prend, en effet, la définition du géographe Yves
Lacoste du mot « usage » comme désignant les droits qu’une collectivité
villageoise avait sur des bois, des pâturages, des terres inexploitées, où chaque
membre de cette collectivité pouvait mener ses bêtes ou couper du bois pour
les besoins de sa famille [Lacoste Y., 2003], on notera que l’utilisation de ce
terme est adaptée pour signifier les pratiques d’une communauté (ici les
plaisanciers) sur des milieux (ici terrestre, intertidal
12et marin) ; encore que la
notion juridique de « droit » s’efface ici le plus souvent devant un usage « de
fait » des sites pour le loisir. Mais ne peut-on considérer avec les plaisanciers
que ce qui n’est pas interdit, en ce domaine, est dans une raisonnable mesure
autorisé ?
Les usages plaisanciers regroupent de nombreuses pratiques et activités qu’il
serait long et ennuyeux d’énumérer. Nous les présenterons donc ici à travers un
tableau (tab. 1). Il ne s’agit pas d’une liste exhaustive car les usages
plaisanciers sont multiples et peuvent varier en fonction de pratiques locales ou
de l’amplitude des marées : les usages de l’estran, par exemple, sont presque
inexistants en Méditerranée – et pour cause ! – alors qu’ils tiennent une place
importante en Atlantique ou en Manche. L’inventaire des usages plaisanciers
ici proposé a été réalisé à partir des pratiques observées sur le terrain et est
particulièrement adapté aux espaces insulaires de la Manche et de l’Atlantique.
12
La zone intertidale est comprise entre les niveaux des marées les plus hautes et des marées
les plus basses. Elle est aussi appelée estran.
> 3,70 m
moteur
> 4,5 ch voile
prop. humaine
autre
vedette
pneumatique
embarcation rigide
(canot)
voilier habitable
voile légère
aviron
kayak
< 3,70 m
moteur
< 4,5 ch voile
prop. humaine
autre
annexe planche à voile
kite-surf
voile légère
surf
kayak
T
ableau 1- La fréquentation nautique de plaisance maritime : une interaction entre la
plaisance maritime et des usages
Activité
m i l i e u m a r i n m i l i e u i n t e r t i d a l m i l i e u t e r r e s t r e
Pratique
hédoniste
sportive
pêche plaisance
pêche subaquatique
patrimoniale
mouillage
farniente
baignade
régate
voile légère
kite-surf
plongée
Navigation
croisière
apprentissage (rase-
cailloux, navigation)
excursion
pêche au filet
pêche à la ligne
pêche au casier
chasse sous-marine
(poissons, araignées..)
promenade en
vieux gréement
vitesse jet-ski
ski-nautique
économique
bar, restaurant
avitaillement (nourriture,
gasoil...)
eau
service
électricité
informations (météo, marée...)
capitainerie
sanitaires
naturaliste observation faune, flore
Pratique Activité
hédoniste
sportive
naturaliste
pique-nique
farniente
baignade
promenade
marche
course à pied
jeux de balle
observation du milieu
pêche à pied
pêche aux bivalves
(palourdes, praires...)
pêche aux crustacés
(crabes, crevettes...)
pêche à l'ormeau
Pratique Activité
hédoniste
culturelle
farniente
promenade
musées, maisons de site
u s a g e s p l a i s a n c i e r s
P l a i s a n c e m a r i t i m e / L o i s i r s n a u t i q u e s
e m b a r c a t i o n d e p l a i s a n c e a u t r e
taille exemple mode de propulsion37
qualification réglementaireFréquentation nautique de loisir