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Qu’est-ce qui peut influer sur la législation archivistique?

Chapitre 1 – La méthodologie du projet

1.2 Les concepts-clés

1.2.2 La législation archivistique et ses composantes

1.2.2.5 Qu’est-ce qui peut influer sur la législation archivistique?

C’est un des grands mérites de Couture et Lajeunesse que d’avoir soulevé la question de l’application de la législation archivistique. Ils abordent ainsi dans leurs travaux (Couture et Lajeunesse 1990, 7-8; Couture 1993, 147-148; Couture 1998, 2-4) l’importante question des éléments qui influencent, de manière positive ou négative, la législation archivistique. Ils ont donc démontré que la législation n’opère pas en vase clos mais au contraire interagit avec de nombreux facteurs, réunis en deux grandes catégories : la première porte sur les particularismes nationaux, la seconde regroupe les autres facteurs.

Les particularismes nationaux semblent pouvoir durablement influencer les multiples aspects de la législation archivistique. Dans ses travaux, Couture parle avant tout de la Constitution et du degré de centralisation de l’État. Toute loi doit être subordonnée à la Constitution et doit en respecter les principes. De même, un État unitaire et un État fédéral n’organisent pas leurs archives de la même manière, ce qui se traduit par des différences dans la loi au niveau du partage des ressources et des responsabilités. Couture traite également des traditions archivistiques nationales. Il est évident que des pays comme

10 Ketelaar place ici les questions liées au personnel, mais ce choix varie selon les législations. Dans le cas

la France, le Zimbabwe et la Nouvelle-Zélande, de par leur histoire, ont des traditions archivistiques très différentes et que cela influence d’une certaine manière leur législation. Couture mentionne aussi les pratiques administratives, qui tout comme les traditions archivistiques peuvent influer sur la législation. De plus, le contexte historique joue un rôle très important. Un pays comme le Canada n’a pas les mêmes problèmes ni les mêmes préoccupations dans sa législation archivistique qu’un pays comme la Russie. Contrairement à l’ex-Empire des Tsars, le Canada est un pays jeune, doté d’une population restreinte et d’un système de gouvernement relativement stable, établi depuis longtemps. De plus, il est ancré dans une tradition politique visant l’équilibre des pouvoirs. En raison de cela, les archivistes canadiens ont beaucoup moins d’archives historiques à traiter et à conserver que leurs homologues russes. En Russie, la centralisation du pouvoir et « l’autonomie documentaire » relative de plusieurs pans de l’État ne permettent pas aux archivistes, déjà aux prises avec un héritage d’archives historiques énorme, de pouvoir jouer un tel rôle : ils n’ont pas l’influence légale et politique nécessaire pour faire avancer leurs priorités face à des institutions beaucoup plus puissantes au sein de l’État russe (Défense, Affaires étrangères, industrie atomique, etc.). Toujours dans les particularismes nationaux, il faut aussi penser aux besoins du milieu professionnel et aux attentes des utilisateurs. Suivant le stade de développement de l’archivistique, le profil et les exigences des utilisateurs, la législation peut accorder plus ou moins d’importance à ces aspects. Les deux derniers facteurs au niveau national sont la diversité des formes juridiques et le niveau économique des pays. Pour ce qui est des formes juridiques, l’histoire, les formes de droit, les coutumes et les traditions ont amené des façons diverses de concevoir le droit dans les différentes parties du globe. Le Québec en est un exemple privilégié, lui qui associe deux traditions juridiques différentes : l’une française et l’autre britannique. Ces traditions juridiques influencent la législation archivistique tout comme le reste de la sphère législative et juridique. Quant au niveau économique du pays, il va sans dire qu’en raison d’une multitude de facteurs historiques, économiques et structurels, les pays du monde connaissent des situations économiques très variées, ce qui influe directement sur les moyens que les gouvernements sont prêts à accorder à leurs archives.

En plus de ces facteurs nationaux, Couture aborde quelques autres aspects susceptibles d’influencer la législation archivistique. Le premier d’entre eux est le degré de volonté et de soutien des élites politiques. Il va de soi que l’attention donnée à l’archivistique et la délégation des moyens au niveau national entrent toutes deux dans la compétition pour les ressources de l’État, et donc dans le jeu politique. À ce niveau, disposer de l’oreille, voire du soutien, d’un ministre haut placé peut se révéler un atout majeur pour le monde des archives. Dans le même registre, il faut mentionner l’existence d’une planification stratégique au niveau des archives ou de l’information, qui permet d’apporter un soutien à la législation en l’intégrant en son sein. Ensuite, le degré d’application de la loi d’archives est un aspect crucial, bien que difficile à évaluer. Il est certain que la meilleure loi ne sert à rien si les mesures nécessaires ne sont pas prises pour la faire appliquer; ou pire, si ses dispositions sont irréalistes et provoquent la résistance passive des corps administratifs. Il faut également ne pas perdre de vue les coûts d’application de la loi d’archives. Une loi nationale, ambitieuse ou pas, entraîne des dépenses importantes qu’il convient d’évaluer au préalable, pour ne pas formuler des exigences trop grandes pour les capacités économiques du pays. Enfin, il faut également considérer comme facteur l’harmonisation de la loi d’archives avec les autres lois touchant à l’information. Il s’agit d’une exigence relativement nouvelle mais indispensable, étant donné que de nombreuses lois connexes ont une répercussion sur le monde des archives. Un important travail doit être mené pour s’assurer que toutes ces lois ne se contredisent pas.