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La législation sur les archives des organisations commerciales

5.2 Le privé et l’État : l’entente cordiale?

5.2.3 La législation sur les archives des organisations commerciales

En définitive, seul un aperçu de la législation sur les documents des organisations commerciales non-étatiques peut nous permettre de déterminer l’implication du secteur étatique dans la régulation de ces organisations. Nous avons vu que Rosarhiv et le VNIIDAD ont produit des recommandations pour l’évaluation et l’accroissement des documents des organisations commerciales. Toutefois, il ne s’agit que d’aider le secteur étatique à se doter d’outils promotionnels avec le nouveau secteur non-étatique et en aucun cas de réglementer celui-ci de l’intérieur. Certes, les Règles de base pour le travail des archives d’organisation (FR. AFA 2002) ont comblé le fossé qui sépare les deux secteurs mais là encore, le fait que ce document soit une adaptation de règles de travail du secteur étatique marque encore une volonté limitée de considérer les problèmes du secteur non- étatique comme des problèmes nouveaux et originaux, sans oublier que ce document n’a

qu’un caractère de recommandations et n’a pas force de loi (Krylova 2003, 18-19). Examinons donc quels sont les autres actes normatifs adoptés relativement aux archives des organisations commerciales. Nous procéderons à cet aperçu de manière chronologique afin de mieux discerner l’ordre d’apparition des différents actes.

Si le code civil russe a défini en 1994 les différentes sortes d’organisations commerciales, il reste à préciser les statuts de chacune par des actes séparés. Dès 1995, une loi fédérale Des sociétés par actions (FR 1995b) est promulguée et donne la liste de leurs documents devant être obligatoirement transférés en conservation permanente (Burova 2004a, 67). De plus, cette loi affirme la responsabilité de ces organisations au niveau de leurs documents, donnant ainsi une base pour les inciter à assurer de l’ordre dans leurs complexes documentaires (Krylova 2003, 17).

L’année suivante, une autre loi fédérale est promulguée sur la tenue de livres (FR 1996). Elle contient plusieurs éléments liés aux documents comptables et à leur conservation. Cette loi s’étend à toutes les organisations présentes en Russie, y compris étrangères (à moins d’être sous un régime comptable d’organisation internationale).

Également, en 1998, le tableau de réglementation des organisations commerciales est à nouveau redéfini par l’adoption d’une loi sur les sociétés à responsabilité limitée (FR 1998c). Cette loi comprend, comme les autres lois du même genre, un article mentionnant les documents devant être obligatoirement conservés et transférés en conservation permanente.

Avec la crise de 1998, la série de faillites d’organisations bancaires et commerciales a amené le gouvernement à réglementer davantage les questions de faillite des organisations de crédit et des organisations commerciales. En 1999 est promulguée une loi fédérale sur la faillite des organisations de crédit (FR 1999c). Cette loi indique, dans plusieurs articles, que faire des documents d’organisations de crédit liquidées et comment les transférer au sein du FAFR.

En 2000, c’est Rosarhiv qui prend le relais en adoptant différents actes. Le premier est la Liste modèle des documents, créés dans l’activité des organisations de crédit, avec indication des délais de conservation (FR. AFA 2000b). Cette liste, promulguée le 10 mars, se révèle être davantage un modèle de calendrier de conservation : elle donne les différents types de documents pouvant être créés et utilisés dans les activités des organisations de crédit et indique les délais de conservation suggérés, selon l’opinion et les études du VNIIDAD. Le deuxième acte normatif est la Liste des documents administratifs types, créés lors des activités des organisations, avec indication des délais de conservation (FR. AFA 2000a), citée dans les chapitres précédents. Cette liste, adoptée le 6 octobre, est plus générale dans la mesure où elle touche toutes les organisations, commerciales ou autres. Enfin, le 22 novembre 2000, Rosarhiv a promulgué un troisième acte, un arrêté concernant à nouveau les documents des organisations de crédit, mais dans le cas spécial de leur liquidation (FR. AFA 2000c).

Un an plus tard, en date du 12 décembre 2001, Rosarhiv promulgue de nouveau un arrêté concernant les documents des organisations ou entreprises en faillite (FR. AFA 2001). Suivant le même modèle que le document adopté l’année précédente pour les organisations de crédit, celui-ci s’applique à toute organisation non-étatique en cours de faillite et devant verser ses documents aux archives d’État. Ces actes sont clairement issus de l’ampleur des « dégâts » documentaires causés par les faillites en série survenues dans le sillage de la crise de 1998. Par cette action, Rosarhiv montre sa volonté de réglementer l’ordre de transfert des complexes documentaires des entreprises en faillite. Si l’efficacité (ou l’échec) de ces mesures ne transparaît malheureusement pas dans nos sources, cette volonté des services d’archives d’État d’agir sur le secteur non-étatique est belle et bien réelle.

L’année suivante est promulguée, le 26 octobre 2002, la loi fédérale sur la faillite (FR 2002b). Très volumineuse, elle explique en détails les procédures possibles dans les cas de faillite personnelle ou d’entreprise (avec des dispositions différentes suivant les types d’entreprise). Particulièrement important dans cette loi est l’article 129 qui donne les

prérogatives des syndics et notamment les dispositions lui donnant droit de transférer les documents de l’organisation en faillite (Burova 2004a, 67).

Enfin, en 2003 est promulgué un dernier acte touchant les documents des organisations commerciales. Il s’agit d’une décision de la Commission fédérale du marché des valeurs, intitulée De la confirmation du Règlement de l’ordre et des délais de conservation des documents des sociétés par actions (FR. Commission fédérale du marché des valeurs 2003). Elle précise à nouveau la manière dont doivent être conservés les documents de ce type d’organisations, leurs délais de conservation, les modalités du tri entre les documents à conservation permanente et ceux devant être détruits ainsi que leur mode de destruction.

Cet ensemble très hétérogène d’actes normatifs peut nous en apprendre sur la législation archivistique de la partie non-étatique du FAFR. Tout d’abord, ce qui surprend, c’est leur nombre relativement limité comparé aux actes réglementant les archives étatiques. Aucune source ne donne le compte exact dans ces deux catégories, mais néanmoins la sélection que nous avons utilisée pour notre analyse quantitative du chapitre 4 nous permet de penser que la proportion d’actes réglementant le domaine étatique est de loin la plus importante. Cela pose la question suivante : le secteur non- étatique est-il insuffisamment réglementé au niveau des archives? L’évaluation et l’accroissement ont des bases légales et méthodologiques, le fonctionnement des services d’archives d’organisation aussi (bien que les actes normatifs n’aient pas été promulgués par le gouvernement) et les situations de faillite sont maintenant prévues dans la législation; des listes types de documents existent et la loi de 2004 laisse globalement une place très large, bien que mal définie, aux organisations commerciales et privées. Certes, cette loi n’oblige pas les organisations privées à avoir des services d’archives proprement dit. Mais, comme d’autres lois que nous avons vues, elle oblige les organisations à rendre des comptes sur leurs documents à conservation permanente, ce qui pourrait agir comme un incitatif. Enfin, un autre aspect ressort : il s’agit du rôle « conseil » de Rosarhiv qui a promulgué plusieurs études et actes normatifs pour tenter de mettre un peu d’ordre dans le secteur non-étatique. À ce niveau, il nous faut bien constater que c’est à nouveau l’État qui va vers le privé. Est-il

possible en Russie de sortir de ce schéma? C’est ce que nous allons aborder dans la dernière partie de ce chapitre.