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Partie III : Potentiel neurogénique

3. Séparation des CSCN et des CSM

3.2. Purification des CCN par cytométrie en flux

La technique de tri cellulaire par cytométrie en flux ou Fluorescence-Activated Cell Sorting (FACS) est une technique permettant de séparer des populations cellulaires de morphologie différente, mais également exprimant des protéines membranaires distinctes. Les cellules peuvent être marquées à l’aide d’anticorps couplés à un fluorochrome, ici la phycoérythrine (PE) et la fluorescéine isothiocyanate (FITC).

L’excitation du fluorochrome par un laser permet l’identification, le comptage et le tri éventuel des cellules.

89 Nous avons donc entrepris le tri des CCN pour les isoler des autres cellules mésenchymateuses à l’aide des marqueurs sélectionnés, soit Nrcam, ErbB3 et p75NTR. Malheureusement, l’anticorps anti-Nrcam s’est révélé inefficace pour réaliser ce tri et ce, malgré les recommandations de la firme responsable de sa commercialisation (il a notamment été testé sur une population cellulaire contrôle et sur les populations clonales). Le tri a donc été effectué sur base de l’expression de p75NTR et Erbb3 par les

Figure III-11. Fenêtres ciblées pour le tri des cellules p75NTR- and ErbB3-positives à partir de cultures stromales à P2. Le pourcentage de CCN est significativement augmenté dans les fractions enrichies en cellules (A) p75NTR-positives et (B) ErbB3-positives après tri par cytométrie en flux comparé au pourcentage initialement présent dans la culture (control). ** p < 0.01, *** p < 0.01.

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CCN. La proportion de CCN dans la culture stromale se trouve significativement augmentée suite à la sélection des cellules p75NTR–positives, passant de 15.32% ± 8.3%

avant le tri, à 52.81% ± 10.59% après le tri (p = 0.005 ; n = 4 ; ANOVA à mesures répétées suivie du post-test de Newman-Keuls ; Fig. III-11A). De la même manière, le pourcentage de CCN est augmenté de 21.8% ± 2.42% dans la fraction de cellules non triées, à 58.08% ± 6.96% dans la fraction de cellules ErbB3-positives (p = 0.002 ; n = 5, ANOVA à mesures répétées suivie du post-test de Newman-Keuls ; Fig. III-11B).

Cependant, la proportion des CCN n’est pas significativement diminuée dans les fractions p75NTR-négatives et ErbB3-négatives, démontrant ainsi que, si la technique permet d’enrichir la culture en CCN dans une fraction, elle ne permet pas d’enrichir l’autre fraction en cellules mésenchymateuses. Par ailleurs, l’utilisation combinée de la positivité des cellules pour p75NTR et ErbB3 n’a pas permis une amélioration des rendements.

4. Conclusions

Dans cette seconde partie de notre travail, nous avons voulu avant tout vérifier si les CCN constituaient la seule population cellulaire neurogénique de la moelle osseuse.

Après avoir observé que la population de cellules nestine-positives n’était pas uniquement composée de CCN, il nous a paru évident de vérifier si cette faible proportion de cellules nestine-positives mésenchymateuses n’était pas également capable d’adopter un destin nerveux. La difficulté à laquelle nous nous sommes heurtés pour vérifier cette hypothèse était l’absence de protocole permettant la séparation des CCN et des CSM. C’est la raison pour laquelle des populations cellulaires clonales ont été générées, certaines dérivées de la CN et d’autres considérées comme étant mésenchymateuses. L’obtention de ces populations clonales nous a tout d’abord permis de confirmer que l’un et l’autre type cellulaire contenaient des cellules qui à elles seules pouvaient générer une descendance, c’est-à-dire capable d’auto-renouvellement. Par

91 l’étude comparative des ces clones, nous avons constaté que la nestine, exprimée par toutes les CCN, ne l’est que par certaines cellules des clones mésenchymateux. Cette observation est interpellante puisque les cellules constituant une population clonale sont supposées avoir les mêmes caractéristiques. Toutefois, l’expression de la nestine par ces cellules devient ubiquitaire lorsqu’elles sont placées en milieu dépourvu de sérum. Il semblerait donc que le sérum puisse réguler l’expression de la nestine par les cellules des clones mésenchymateux, mais pas par les cellules des clones dérivés de la CN.

Notre laboratoire avait déjà démontré que l’expression de la nestine par des cellules stromales pouvait être modulée par différents facteurs tels que la thrombine, les contacts cellules-cellules ou l’absence de sérum [186, 200]. Les mécanismes moléculaires qui sous-tendent la régulation de l’expression de la nestine ne sont cependant pas connus à ce jour [201].

Par la suite, nous avons comparé les capacités de différenciation des deux types cellulaires et observé que les clones dérivés de la CN se différenciaient en chondrocytes, en mélanocytes et en cellules nerveuses. Par contre, ces cellules ne se différencient pas en cellules musculaires lisses, probablement pour les mêmes raisons que celles évoquées précédemment (cf. Part. II.4.) et la formation d’adipocytes n’a pu être obtenue que suite à une stimulation préalable par les facteurs Wnt1 et BMP2. Ce résultat sera discuté dans la partie consacrée à ces facteurs (cf. Part. IV.5.). D’autre part, les clones mésenchymateux se sont avérés capables de se différencier en adipocytes, en chondrocytes, en ostéocytes, en cellules musculaires lisses et en cellules nerveuses.

Toutefois, cette différenciation nerveuse n’a été s’observée que dans des conditions bien particulières. Si les clones dérivés de la CN ont générer des neurones et des cellules gliales en présence de sérum, de NT et en co-culture avec des GC, les clones mésenchymateux ont adopté ces mêmes destins cellulaires uniquement lorsqu’ils ont été co-cultivés en présence de GC. Cette insensibilité des CSM aux NT peut s’expliquer, comme le suggère l’analyse transcriptomique, par l’absence d’expression des récepteurs aux NT (TrkA, TrkB, TrkC, p75NTR faiblement), alors que ces derniers sont bien exprimés par les clones dérivés de la CN.

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Il est à noter que la réelle capacité des cellules stromales à adopter un destin nerveux par la culture avec des GC a été mise en doute. Les neurones différenciés dans ces conditions seraient en réalité issus de la fusion des cellules stromales avec les progéniteurs neuronaux que sont les GC [199]. Ainsi, les deux types de clones ont été cultivés en présence de GC préalablement fixés et l’expression de marqueurs neuraux a pu néanmoins toujours être observée, démontrant de manière définitive le réel potentiel de différenciation nerveuse des cellules stromales.

De plus, comme nous l’avions déjà observé avec les CCN issues de sphères dissociées, la condition GC a été la seule capable d’induire une différenciation des cellules issues des deux types de clones en neurones matures. La proportion de ces neurones matures, mis en évidence par le marqueur Map2, reste toutefois très faible, tant dans le cas des clones dérivés de la CN que dans celui des clones mésenchymateux.

Malgré tout, la décharge de trains de potentiels d’action, démontrant la génération de neurones fonctionnels, n’a pu être observée que pour des cellules différenciées à partir des clones mésenchymateux, mais pas à partir de clones dérivés de la CN. Et contrairement aux CCN issues des sphères dissociées, aucun CVD sodique n’a été détecté sur la membrane des cellules issues des clones de CN. Il semble donc que la co-culture en présence de GC induise, certes, une différenciation neuronale des cellules de clones dérivés de CN, avec toutefois un niveau de maturation neuronale inférieur à celui observé avec les CCN issues de la dissociation des sphères. Nous n’avons pas été en mesure de déterminer si ce résultat était la conséquence d’un nombre de cellules fonctionnelles trop faible que pour être détecté ou d’une incapacité intrinsèque de ces cellules à se différencier en neurones fonctionnels. Il est important de rappeler que les cellules utilisées ici sont issues d’une sélection de seulement cinq clones parmi les cellules stromales, alors que les cellules issues des sphères constituent une population bien plus hétérogène de CCN. Ce fait peut à lui seul expliquer que la probabilité de trouver des cellules aux potentialités de différenciation en neurones fonctionnels et matures est plus élevée avec des cellules issues de sphères qu’avec des cellules issues de clones. D’autre part, les cultures de clones sont des cultures de longue durée, au nombre

93 de passages élevés, contrairement aux sphères qui sont obtenues à partir de cultures de bas passages. On ne peut donc pas exclure que l’absence de CVD sodiques dans le cas des cellules de clones dérivés de la CN ne soit la conséquence de cette longue période de culture. Rappelons néanmoins que les clones mésenchymateux sont également issus de cultures prolongées et qu’ils se différencient malgré tout en neurones fonctionnels. Il serait intéressant de vérifier si la différenciation nerveuse des deux types de clones ne serait pas induite par la stimulation de voies de signalisation différentes. Selon cette hypothèse, l’environnement produit par la culture des GC serait plus propice pour la différenciation nerveuse des CSM que pour celle des CCN.

La comparaison des deux types cellulaires s’est poursuivie avec une analyse par microarray des deux types cellulaires. La comparaison des transcriptomes des clones de CN, des clones mésenchymateux et des autres types cellulaires (dendrogramme) révèle tout d’abord que les deux types de cellules stromales sont proches, tout en étant l’un comme l’autre relativement proche des CSCN céphaliques et des neurones issus de cellules ES. Cette approche souligne donc la relation qui existe entre ces deux types de cellules stromales et le destin neuronal. La comparaison des profils d’expression nous a également permis de confirmer le caractère souche des deux types cellulaires, mais aussi le caractère plus mésenchymateux et plus endothélial des clones mésenchymateux.

Cette promiscuité des deux destins observée dans le cas des clones mésenchymateux n’est pas surprenante au regard de récents travaux démontrant un précurseur embryonnaire commun aux CSM et aux cellules endothéliales [202]. Paradoxalement, ce sont les clones dérivés de la CN qui présentent un profil d’expression plus nerveux. Il est à nouveau d’autant plus étonnant dans ce contexte de constater que l’étude fonctionnelle ne nous ait pas permis d’enregistrer de potentiels d’action. Cette constatation renforce ainsi l’idée que la co-culture en présence de GC ne soit pas la condition la plus optimale pour l’induction d’une maturation neuronale fonctionnelle des clones de GC.

Comme précisé précédemment, les populations clonales sont des cultures cellulaires de longue durée, ce qui peut forcément entrainer des modifications au niveau

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des propriétés intrinsèques des cellules. Nous aurions voulu pouvoir confirmer nos résultats en comparant des CCN et des CSM issues de la population stromale générale, n’ayant subi qu’un nombre très limité de passages. C’est pourquoi toujours à l’aide de la comparaison transcriptomique, nous avons tenté d’identifier des marqueurs membranaires spécifiquement exprimés par l’un ou par l’autre type cellulaire. Bien que de tels marqueurs semblent exister, nous avons été incapables, jusqu’à présent, de les utiliser de manière suffisamment efficace pour purifier les deux populations cellulaires.

Tout au plus, peut-on actuellement parler d’enrichissement. Il pourrait être utile de réaliser une analyse du profil d’expression des cellules issues de sphères dissociées.

Ceci permettrait soit d’affiner la liste potentielle de marqueurs membranaires soit encore d’en découvrir de nouveaux. Nous pensons que cette étape de mise au point de la séparation des deux populations stromales de la moelle osseuse reste essentielle à la caractérisation des cellules neurogéniques de la moelle osseuse, source cellulaire potentielle pour des protocoles de greffes autologues chez des malades présentant des lésions du système nerveux.

Partie IV :