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2. Cellules souches fœtales et adultes

2.2. Persistance de CSCN au stade périnatal et chez l’adulte

Etonnamment, il a récemment été constaté la présence de CCN ayant conservé leur caractère souche après leur migration dans différents tissus de l’organisme.

Contrairement aux CSM, l’étude des caractéristiques des CSCN in vivo et de leur origine semble plus aisée. La mise en évidence de marqueurs spécifiques exprimés par les CCN dès les stades précoces du développement a permis de tracer ces cellules. La technique repose sur le croisement de deux souris transgéniques. La première souris exprime la Cre-recombinase sous le contrôle du promoteur d’un gène spécifique de la CN. La seconde exprime un gène rapporteur conditionnel, c’est-à-dire exprimé suite à

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l’excision d’une séquence « stop » floxée, placée en amont du promoteur d’un gène ubiquitaire et constitutif. Le croisement de ces deux souris génère une souris double transgénique dont les CCN subissent une recombinaison génique lors du développement. En effet, sous l’action de la Cre-recombinase, la séquence « stop » est excisée du génome des CCN et le gène rapporteur y est exprimé (cf. Part. II.2). Le plus intéressant est que cette recombinaison est transmise aux cellules filles, l’expression du gène rapporteur étant devenue constitutive dans les CCN. Cette technique de suivi de destin cellulaire (ou fate-mapping) a permis la localisation et l’isolement de CCN et de CSCN au sein de nombreux tissus périnataux et adultes (Fig. I-13).

Figure I-13. Localisation des CSCN post-migratoires chez l’adulte. A ce stade, on retrouve des CCN présentant des capacités de différenciation et d’auto-renouvellement similaires aux CSCN embryonnaires dans les GRD, l’intestin, la cornée, le cœur, la peau et la moelle osseuse. Ces cellules sont caractérisées par l’expression d’un gène rapporteur, celui de la β-galactosidase schématisé ici en bleu, chez des souris double transgéniques permettant ainsi le fate-mapping des CCN [126].

Cependant, si la multipotentialité et l’auto-renouvellement des CCN ainsi identifiées ont été confirmés, des différences intrinsèques ont pu être établies entre les CSCN en fonction de la localisation et du stade de développement de l’organisme à partir desquels elles ont été isolées.

- Le nerf sciatique

L’équipe de Morrison et collaborateurs (coll.) fut la première à démontrer la présence de CCN ayant conservé un caractère souche dans des tissus issus de stades plus tardifs du développement. Sur base de leur positivité au récepteur de

37 faible affinité aux neurotrophines p75NTR, et de leur négativité pour la myelin Protein 0 (P0), des CCN ont été isolées du nerf sciatique de rat au stade embryonnaire E14.5 par cytométrie en flux. Ces cellules se différencient en cellules neuronales (neurones ortho- ou para- sympathiques, mais pas en neurones sensitifs) et gliales après avoir été retransplantées chez l’embryon de poulet. En outre, elles sont capables in vivo de s’auto-renouveler. Par contre, si le même type de progéniteurs est toujours décelable dans le nerf sciatique à E17.5, il ne l’est plus après la naissance [69, 127].

- L’intestin

A nouveau, sur la base de leur positivité pour le récepteur p75NTR, des progéniteurs ont été isolés à partir de l’intestin, cette fois aux stades postnatal et adulte. Dans cette étude, il a été observé que ces progéniteurs présentaient des capacités d’auto-renouvellement et de multipotentialité qui diminuaient avec l’âge. En effet, ces CSCN issues du stade post-natal se sont avérées plus gliogéniques que les CSCN embryonnaires, alors que les CSCN adultes, une fois greffées chez l’embryon de poulet, ne présentent qu’une capacité très limitée à se différencier en neurones [128]. Cependant, leur rôle ne serait pas si négligeable puisqu’un réel phénomène de neurogenèse entérique a récemment été mis en évidence chez la souris adulte [129]. D’autre part, la comparaison de la potentialité des CSCN prélevées au niveau du nerf sciatique et de l’intestin révèle une génération préférentielle de cellules gliales par les premières et de cellules neuronales par les secondes [130].

- Les ganglions de la racine dorsale (GRD)

Chez le rat, il a également été démontré la présence de progéniteurs multipotents dans les GRD aux stades E14 et E16, exprimant cette fois P0 et la Peripheral Myelin Protein 22 (PMP22). Ceux-ci sont capables de se différencier en neurones, en cellules gliales et en cellules de muscle lisse. La capacité

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renouvellement de ces cellules n’a cependant pas été testée [131]. Toujours chez le rat, Bixby et coll. ont décrit la présence, au stade E14.5, de cellules p75NTR et α4-intégrine-positives capables d’auto-renouvellement, non seulement dans les GRD, mais également dans le nerf sciatique et l’intestin [132].

Chez l’adulte, une sous-population de cellules isolées à partir d’explant du GRD et exprimant p75NTR et la nestine (marqueur de cellule souche nerveuse) montre également un caractère multipotent in vitro et un potentiel d’auto-renouvellement qui est cependant plus limité [133]. Le même constat a été effectué par l’équipe de Nagoshi et coll. qui a isolé des cellules à partir de GRD murins à différents stades postnatals [134]. Ces cellules expriment bel et bien les marqueurs de CSCN, p75NTR et Sox10, mais leur véritable origine embryonnaire est, cette fois, confirmée par la technique de fate mapping.

Il reste à déterminer le rôle joué par les CSCN au sein des GRD adultes. Un phénomène de neurogénèse a été observé suite à la destruction neuronale des ganglions chez le rat, provoquée par de la capsaïcine, ce qui laisserait supposer un rôle régénératif, du moins chez ce mammifère [135].

- Le cœur

Comme décrit précédemment, les CCN participent à la formation du septum aortico-pulmonaire [136]. A nouveau, par l’utilisation de souris transgéniques permettant le fate mapping des CCN, il a été démontré la persistance de ces dernières parmi les myocytes des ventricules cardiaques et de l’aorte. Ces cellules, caractérisées par l’expression de la nestine, sont capables d’auto-renouvellement. De plus, greffées chez un embryon de poulet, elles migrent et contribuent à la formation des GRD, des cellules de nerfs spinaux et des cellules de muscles lisses cardiaques [137]. Enfin, la greffe des cellules nestine-positives dans des régions ischémiées du cœur après infarctus expérimental chez le rat démontre leur participation à la réparation des tissus myocardiques et endothéliaux lésés [138].

39 - Le glomus carotidien

Le glomus carotidien est une structure sensitive de la carotide au niveau de laquelle les chémorécepteurs sont rassemblés, permettant ainsi la détection de la pression partielle sanguine de l’oxygène. Dérivées de la CN, les cellules du glomus carotidien adulte sont non seulement capables d’auto-renouvellement et de multipotence, mais surtout de neurogenèse in vivo [139]. Ces cellules, semblables aux cellules gliales, prolifèrent, expriment la nestine et se différencient en neurones dopaminergiques en réponse aux faibles pressions partielles d’oxygène. Qui plus est, le retour à la normoxie stoppe la prolifération et les cellules nouvellement formées restaurent le « pool » initial, démontrant pour la première fois un réel rôle physiologique des CSCN adultes [140].

- La cornée et l’iris

La contribution des CCN à la formation des kératinocytes et de l’endothélium de la cornée, ainsi que du corps ciliaire, est depuis longtemps confirmée [141, 142]. Néanmoins, la présence de CSCN au sein de la cornée adulte reste controversée. En effet, l’équipe de Yoshida et coll. a pu isoler des CCN multipotentes à partir de cornée adulte alors que l’équipe de Brandl et coll. n’a pu le faire qu’à partir de cornées prélevées sur des souris au stade néo-natal [143, 144]. Par ailleurs, il apparaît que l’iris héberge également des CCN multipotentes et capables d’auto-renouvellement in vitro.

- La pulpe dentaire et les ligaments parodontaux

Ces tissus sont bien connus pour être dérivés de la crête neurale et de nombreuses études ont démontré la présence de cellules souches au sein de ceux-ci à des stades post-natal et adulte [145-149]. Lorsqu’elles sont greffées chez des souris immunodéficientes, les CSCN isolées à partir de la pulpe dentaire adulte génèrent à nouveau les différents types de cellules stromales constituant habituellement ce tissu [145, 146]. Plus intéressant encore, une fois

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injectées chez l’embryon de poulet, les CSCN de la pulpe dentaire migrent jusqu’aux structures faciales et génèrent des neurones [150].

- La peau

Chez l’adulte, la peau constitue un réservoir de cellules souches assez varié, puisqu’on peut y trouver des cellules souches épidermiques, mélanocytaires et mésenchymateuses. Cependant, les composants mésenchymateux de la peau n’ont pas la même origine embryonnaire selon qu’ils constituent la face (dérivés de la CN) ou le tronc (présumés dériver du mésoderme). Toujours à l’aide des souris transgéniques permettant le fate mapping des CCN, il a été démontré la présence de CCN au sein de plusieurs structures du follicule pileux de la face, telles que les papilles dermiques, le renflement et la gaine dermique [151-153].

Illustrant la différence d’origine embryonnaire entre les dérivés mésenchymateux de la face et du tronc, la contribution des CCN est plus restreinte en ce qui concerne la formation des follicules pileux de la région thoraco-abdominale. Hormis les mélanoblastes et mélanocytes déjà décrits comme dérivés de la CN, on ne trouve là des CCN multipotentes et capable d’auto-renouvellement qu’au niveau du renflement du follicule, à proximité de la terminaison nerveuse [151].