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De puissants outils pour soutenir les professionnels de santé

Chapitre 2 – Les promesses de l’utilisation des systèmes d’intelligence artificielle en santé

2. Des avenues prometteuses

2.1. De puissants outils pour soutenir les professionnels de santé

Les systèmes d’IA connaissent de nombreuses applications en santé, ce qui en fait de nouveaux outils numériques pour les professionnels du secteur. Par exemple, différents robots d’assistance se développent pour la chirurgie de précision. L’Institut de recherche contre les cancers de

l’appareil digestif (IRCAD) en France a recours à un dispositif de chirurgie augmentée29 qui offre des outils complémentaires pour augmenter l’efficacité des pratiques. Ces dispositifs permettent, par l’entremise d’un système de réalité augmentée interactive (qui utilise l’apprentissage automatique pour modéliser les organes du patient sur la base d’images médicales et superpose les image réelles et virtuelles), de bouger les instruments au rythme du mouvement (Guerriero et al. 2018; Quero et al. 2019). Ces avancées permettent, entres autres, d’augmenter la précision de même que de diminuer les complications post-opératoires (Guerriero et al. 2018; Quero et al. 2019).

Les systèmes d’IA sont également d’intéressants outils de triage, permettant de prioriser ou d’orienter les patients vers les services appropriés. Par exemple, au Québec, l’entreprise Bonjour Santé, qui propose aux cliniques québécoises des services de gestion des rendez-vous, a pu, grâce à l’usage d’un algorithme de triage, réduire le temps d’attente moyen dans les cliniques d’environ 4 heures à 45 minutes30. Bonjour Santé souhaite réduire ce temps d’attente à 20 minutes dans le cadre d’un projet en partenariat avec le Mila, qui vise à prédire le temps d’attente de manière encore plus précise en couplant et analysant la grande quantité de données non-nominatives cumulées jusqu’à présent - issues des millions de rendez-vous médicaux précédents - grâce à des techniques d’apprentissage profond qui devraient permettre de prédire le temps d’attente de manière encore plus précise. Les systèmes d’IA pourrait également être utilisés afin d’optimiser la mise en place d’essais cliniques en automatisant la sélection des participants à la recherche (CNIL 2017; Collier, Fu, and Yin 2017).

Un des champs majeurs d’application des systèmes d’IA en santé concerne cependant le développement de l’apprentissage automatique pour l’aide à la décision médicale (Alanazi, Abdullah, et Qureshi 2017), communément appelé « systèmes experts » et dont l’application principale est l’aide au diagnostic (Patel et al. 2009; Peek et al. 2015). Ces systèmes sont de

29 Voir : https://swissdigitalhealth.com/lircad-au-coeur-de-la-chirurgie-augmentee/

30 Voir https://clinique.bonjour-sante.ca/salle-de-presse/lintelligence-artificielle-au-service-des-patients et https://www.tvanouvelles.ca/2018/05/28/bonjour-sante-estime-pouvoir-regler-lattente-en-clinique-definitivement https://www.journaldemontreal.com/2018/05/28/lintelligence-artificielle-au-secours-de-lattente-en-sante

puissants outils d’aide à la décision pour les professionnels de santé. Ils peuvent être prédictifs (soit, évaluer les résultats) ou prescriptifs (soit, faire des recommandations de traitement) (Kattan 2001). Ils sont conçus pour améliorer le soin en optimisant la prise de décision médicale, en formulant eux-mêmes les recommandations :

The distinguishing feature of medical expert systems is that they make recommendations based on input data; they are differentiated from decision support systems in that the latter are designed to help clinicians make decisions rather than actually make the recommendation, which is what an expert system does. This recommendation is essentially a prediction (of diagnosis or prognosis) or prescription (i.e., a treatment recommendation) (Kattan 2001).

Un des systèmes experts médicaux le plus célèbre est peut-être le logiciel Watson, développé par IBM31, qui s’appuie sur des quantités massives de données structurées et non-structurées issues de sources médicales et scientifiques variées (ex. dossiers médicaux, analyses de cas similaires et littérature scientifique disponible). Watson peut ainsi offrir une réponse structurée sur la base des informations les plus pertinentes que contiennent ces données et ainsi aider les médecins dans leurs décisions cliniques (Lee 2014). Grâce à ces centaines d’algorithmes intégrés qui relèvent de différentes techniques d’apprentissage automatique (dont le NLP), Watson peut également émettre des recommandations de traitements de manière pratiquement instantanée (Lee 2014). Ce système expert pourrait également devenir un outil particulièrement intéressant pour les chercheurs en sciences de la vie, une de ses versions permettant d’analyser la littérature médicale, les brevets, les données génomiques, chimiques et pharmacologiques – données typiquement analysées par les chercheurs – de manière beaucoup plus rapide et beaucoup plus précise, permettant de mettre en évidence de nouvelles relations ou de nouvelles hypothèses (Chen, Elenee Argentinis, et Weber 2016).

Watson n’est cependant pas le seul système expert biomédical à se développer. Pour ne citer qu’eux, le logiciel Nuance32 analyse la documentation médicale des trente dernières années visant ainsi à aider les professionnels de santé dans l’exercice de leur fonction, ou le programme APOLLO33 (Adaptive Patient-Oriented Longitudinal Learning and Optimization) a pour but

31 Voir : https://www.ibm.com/watson/

32 Voir : https://www.nuance.com/healthcare/artificial-intelligence.html

d’analyser les données génétiques collectées sur des patients souffrant de cancer afin de soutenir la prise de décision des médecins relativement aux traitements les plus adaptés.

Les systèmes d’IA offrent également la possibilité de traiter de plus en plus rapidement les données cliniques et la documentation médicale (dont la littérature scientifique) pour aider la prise de décision des professionnels de santé tout comme l’analyse des chercheurs. L’apprentissage profond montre ainsi un potentiel important pour le diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer et s’est montré capital dans le traitement des patients afin de prendre des mesures préventives avant la présence de dommages irréversibles au cerveau (Liu et al. 2014). Les méthodes d’IA ont également démontré un fort potentiel dans la détection de cancers, en utilisant des données provenant de différents types de cancer pour former automatiquement des fonctions qui aident à améliorer le diagnostic et la classification en utilisant l’apprentissage supervisé sur des données génomiques (Fakoor et al. 2013). Tel que mentionné dans le cadre de la médecine de précision, ces techniques offrent la possibilité de révolutionner la précision de la classification diagnostique (Torkamani et al. 2017).

La branche de l’IA qui a montré les performances les plus remarquables est certainement celle de la reconnaissance visuelle pour l’analyse et l’interprétation de différents types d’images médicales (Torkamani et al. 2017). L’interprétation de clichés médicaux se fait sur la base de réseaux de neurones profonds entrainés sur des milliers d’images cliniques. Ces méthodes ont démontré, entre autres, des niveaux de performance considérables pour la classification de cancers de la peau (Esteva et al. 2017) ou pour la détection de rétinopathies diabétiques (Gulshan et al. 2016). Les avancées de l’analyse d’images par les techniques de CNN sont particulièrement prometteuses en radiologie, ayant entre autres permis de raffiner la classification et la détection de lésions (dont les lésions malignes) (Chartrand et al. 2017).

Les systèmes d’apprentissage profond pourraient bientôt dépasser les compétences humaines pour certaines tâches d’interprétation d’images (Chartrand et al. 2017) voire les ont surpassées dans certains contextes précis (ex. interprétation de scanners cérébraux (Merkow et al. 2017), détection

de rétinopathies diabétiques (Gulshan et al. 2016) ou de cancer de la peau (Esteva et al. 2017)). Puisqu’ils pourraient à terme devenir plus performants que les humains, notamment en termes de classification, ces systèmes pourraient permettre des avancées majeures et améliorer significativement les prestations de soins.