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Chapitre 1 : Problématique

1.5 Le prototypage accéléré

En s’inspirant d’une méthodologie utilisée de façon efficace pour le développement de logiciels, Tripp et Bichelmeyer (1990) ont développé un modèle de prototypage accéléré (rapid prototyping). Celui-ci est illustré à la figure 6.

Figure 5. Modèle de prototypage accéléré selon Tripp et Bichelmeyer (1990)

On peut voir que, dans ce modèle de design pédagogique alternatif, les étapes se chevauchent et le développement d’un modèle de travail (le prototype) d’un produit de formation serait réalisé tôt dans le projet en appui à l’analyse, au design, au développement, à l’implantation et à l’évaluation d’une formation (Jones, 1998; Reiser, 2001).

Bichelmeyer (2004) nous donne quelques lignes directrices quant à son utilisation et à de possibles compromis à faire dans son application. Le modèle de design de logiciels et le modèle de design pédagogique présentent plusieurs similarités : ils comportent chacun cinq étapes; tentent d’apporter de l’ordre et des pratiques pouvant être reproduites dans leur discipline respective; utilisent des procédures d’évaluation formative pour le développement de systèmes et doivent composer avec des contraintes budgétaires et de temps (Bichelmeyer, 2004; Tripp & Bichelmeyer, 1990). Le modèle de prototypage accéléré permet le chevauchement des différentes étapes du processus, de telle sorte, qu’il est possible de procéder à l’analyse des besoins et d’établir les objectifs tout en débutant l’étape de design et de développement d’un prototype (Bichelmeyer, 2004; Jones & Richey, 2000; Tripp & Bichelmeyer, 1990). Ce prototype sera alors utilisé dans un but de recherche : il sera présenté et évalué par les utilisateurs ciblés en vue d’être amélioré en vue d’en arriver à un produit de qualité (Reiser, 2001). Le prototype devient un outil de communication, entre le concepteur et les apprenants, un outil d’évaluation formative et même un outil cognitif pour le concepteur pédagogique (Bichelmeyer, 2004; Rathbun, Saito, & Goodrum, 1997). Cependant, ce modèle de prototypage accéléré ne devrait être utilisé que dans certaines circonstances. En fait, son utilisation serait appropriée surtout dans trois situations :

1. lorsque des facteurs complexes rendent la prévision des résultats très problématique;

2. lorsque les résultats obtenus par les méthodes conventionnelles ne nous semblent pas satisfaisants et,

3. lorsqu’il existe peu d’expériences sur lesquelles s’appuyer (Bichelmeyer, 2004; Gustafson & Branch, 1997a; Tripp & Bichelmeyer, 1990).

Le modèle de prototypage accéléré présente de nombreux avantages :

 il encourage et même requiert la participation active de l’apprenant dans le processus de design;

 les changements et les itérations sont des conséquences naturelles du processus de design puisque les clients ont tendance à modifier leurs attentes (Jones & Richey, 2000);

 l’approbation d’un prototype permet la détection rapide d’erreurs et l’accélération du processus de développement (Bichelmeyer, 2004).

Dans les années subséquentes, d’autres appellations faisant référence au prototypage accéléré sont apparues dans la littérature : context-sensitive design (Tessmer & Wedman, 1995); rapid collaborative design (Dorsey, Goodrum, & Schwen, 1997); participatory

design (Jin & Willis, 1998); iterative design (Cook, Oliver, & Conole, 2001); user-design

(Carr-Chellman & Savoy, 2004) et design research (Collins, Joseph, & Bielaczyc, 2004; Jonassen, Cernusca, & Ionas, 2007; Joseph, 2004; O'Donnell, 2004; Sandoval & Bell, 2004; The Design-Based Research Collective, 2003). À des degrés divers, l’utilisateur ou l’apprenant est impliqué dans le processus de développement de la formation et le prototype tient lieu d’outil de communication entre les clients et le concepteur pédagogique.

Selon Tessmer et Wedman (1995), le contexte dans lequel est développée la formation devrait être davantage pris en compte lors du processus de design, d’où l’appellation « context-sensitive design ». Ce contexte comprend de nombreux facteurs tels que le temps, le budget, le niveau d’expertise du concepteur pédagogique, les valeurs du client, les technologies disponibles et la culture de l’organisation.

Dans le « rapid collaborative design », le design pédagogique se veut plus un processus de découverte et de développement. Le problème et la solution sont découverts par les utilisateurs dans l’utilisation de prototypes et, où ceux-ci deviennent en quelque sorte des concepteurs pédagogiques au fil des différentes itérations (Dorsey, Goodrum, & Schwen, 1997).

Quelques années plus tard, Jin et Willis (1998) ont expérimenté un modèle de prototypage participatif et itératif lors du développement d’une ressource pédagogique basée sur le Web, qui s’adressait à des enseignants et futurs enseignants . Ce projet de développement

se voulait participatif, en ce sens où, une équipe constituée d’experts de contenu, d’un concepteur pédagogique et de futurs utilisateurs avaient travaillé de concert aux différentes étapes du développement de cette ressource. De plus, le processus de design et de développement n’était pas linéaire à l’instar des modèles de design pédagogiques traditionnels mais itératif, voire même récursif.

En 2001, un modèle de design itératif a également été utilisé lors de deux projets de design et de développement de systèmes de soutien à l’apprentissage (Cook, Oliver, & Conole, 2001). Dans ce modèle, le dialogue avec les utilisateurs soutient les cycles itératifs de développement, couramment utilisés dans le développement de logiciels, que ce soit à l’étape de l’analyse et/ou à l’étape de l’évaluation.

Le « user design », quant à lui, accorde du pouvoir et implique les utilisateurs ou apprenants de façon authentique dans le processus décisionnel du design pédagogique. Ils y jouent même un rôle central, ce qui constitue un changement de paradigme important comparativement aux méthodes traditionnelles de design pédagogique (Carr-Chellman, 2006; Carr-Chellman & Savoy, 2004).

Le « design research » intègre le design d’environnements d’apprentissage et le développement de théories développementales émergentes de l’apprentissage (The Design- Based Research Collective, 2003). En fait, il s’agit du développement de théories de l’apprentissage pendant le processus de design pédagogique : le design est la recherche et la recherche est le design. La recherche design, « design research », utilise de façon continue des cycles de design, de développement, d’analyse et de redesign, mais produit aussi des théories qui peuvent être partagées et qui auront des implications pour les praticiens et les designers en mettant l’accent sur le design en contexte authentique de formation (Collins, Joseph, & Bielaczyc, 2004; Jonassen, Cernusca, & Ionas, 2007; Joseph, 2004; O'Donnell, 2004; Sandoval & Bell, 2004; The Design-Based Research Collective, 2003).

En milieu collégial et universitaire, le prototypage accéléré prendrait plutôt la forme de « redesign » (Twigg, 2003). En effet, dans le cadre de la médiatisation d’un cours offert auparavant en classe, le design pédagogique ne reprend pas toutes les étapes du processus :

analyse, design, développement, implantation et évaluation. Par exemple, les objectifs d’apprentissage demeureront les mêmes mais le matériel pédagogique et certaines activités peuvent être modifiés, voire adaptés à la formation à distance, ce qui permet de diminuer le temps et les coûts associés à la médiatisation d’où l’appellation de « redesign » (Twigg, 2003).

Le modèle de prototypage accéléré a surtout été utilisé lors du développement de formations impliquant l’utilisation de l’ordinateur ou de technologies (DePeiza, 2001; Jones, Li, & Merrill, 1992; Schaffer, 2000). Par contre, il peut également être utilisé dans le développement de formations impliquant l’imprimé (Jones & Richey, 2000). En effet, une recherche répertoriée faisait état d’une expérimentation du prototypage accéléré dans un contexte de formation en salle avec formateur (Lange & Shanahan, 1996). Le principe itératif du modèle leur est apparu utile dans un contexte où ils faisaient face à des contraintes de temps, de budget et d’atteinte de résultats positifs. De plus, l’implication des apprenants dans le processus de design et de développement présupposerait une satisfaction accrue de leur part et la pertinence de la formation (Lange & Shanahan, 1996). D’après leur expérience, le modèle de prototypage accéléré serait particulièrement efficace dans un contexte où on dispose de peu de temps pour le développement de formations. Ils ont soumis leur premier prototype à des groupes cibles, à des fins d’évaluation, en utilisant des questionnaires et des entretiens de groupes. Cette évaluation a tenu lieu d’analyse de besoins pour la prochaine itération du prototype. Ils ont conclu que ce modèle convenait très bien aux demandes de développement qui existent actuellement : des contraintes de temps et de ressources tout en répondant à des objectifs de performance, et ce, même s’il n’existe pas de caractéristiques technologiques au projet.