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Chapitre 3 : Alignement de nano-objets individuels dans des stries de cristal liquide

3.1 Protocole expérimental et unicité des particules

Les particules utilisées pour ces expériences ont été décrites au Chapitre 1, des dot-in-rods (DiR) de CdSe:CdS : des bâtonnets (coquille) de Cadmium-Soufre entourant un cœur de Cadmium-Selenium. Ces particules ont une forme approximativement unidimensionnelle, avec une coquille de longueur 22 ± 3 nm et de largeur 7 nm entourant un cœur de 2,9 nm de diamètre, et sont couvertes de ligands organiques, de la trioctylphosphine (TOP) et de l’acide

octadecylphosphonique (ODPA). Diluées dans du chloroforme 10-7 M, elles sont caractérisées

par leurs bandes d’absorption et de photoluminescence, respectivement sur les longueurs d’onde inférieures à 500 nm et sur la bande 550 à 650 nm (Figure 54).

3.1.1 Préparation des solutions de dot-in-rods

Les particules sont diluées dans du toluène (solvant compatible avec le chloroforme), avec une concentration finale dépendant de l’objectif recherché, une attention particulière étant portée à l’utilisation de containers en verre pendant la dilution de façon à éviter une attaque des traces de chloroformes restantes sur des containers en plastique, qui conduit elle-même à l’apparition d’impuretés fatales à l’échantillon. Chaque étape de la dilution est en outre marquée par un passage de la solution intermédiaire dans un bain à ultrasons afin de réduire la formation d’agrégats. Ici, nous cherchons à caractériser des particules uniques, ce qui implique un dépôt de particules suffisamment dispersées pour être observées individuellement. Ces particules sont, avant dépôt, diluées dans une solution de 8CB de concentration 0,2 M. Les particules étant déposées sur une plaque de verre de 18 mm de côté, il a été décidé après plusieurs séries de

mesures empiriques de déposer par spin-coating 10-13 mol de dot-in-rods sur celle-ci, soit

approximativement 6.1010 particules sur une surface de 356.106 µm². L’utilisation d’un système

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(approximativement 90 %), permettant d’aboutir à des concentrations de l’ordre de grandeur de la particule au µm².

Figure 54 : (haut) Dot-in-Rods – DiR – de Cadmium-Sélénium/Cadmium-Soufre observés au MEB. (bas) Spectre d’absorption et de photoluminescence des DiR de CdSe:CdS avec le pic de réémission autour de 610 nm.

3.1.2 Observation des particules par photoluminescence

Ces échantillons ont été observés à l’aide d’un dispositif expérimental mis au point par l’équipe d’Alberto Bramati (Laboratoire Kastler Brossel) et initialement aménagé pour les expériences par Godefroy Leménager, Mathieu Manceau et Stefano Vezzoli, avec qui j’ai collaboré pour le

350 400 450 500 550 600 650 Ab so rb a n ce a .u . abs pl Wavelength (nm) DRT 435123

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travail présenté dans ce chapitre. Ce dispositif est centré sur un setup Hanbury, Brown et Twiss, auquel est associé un système d’observation optique, l’ensemble posé sur un banc optique stabilisé. Le système présente deux sources d’éclairage, une lampe à mercure et un laser bleu (longueur d’onde de 405 nm, largeur de l’impulsion 100 ps, taux de répétition 2,5 MHz), qui vont être utilisées respectivement pour l’observation d’une zone ou pour les mesures sur des particules individuelles. Dans le cas du laser, celui-ci est polarisé circulairement afin de retirer une anisotropie pouvant corrompre les mesures, puis est réfléchi sur une lame dichroïque avant de se diriger vers l’objectif. La lumière émise par la lampe à mercure est elle aussi réfléchie sur le dichroïque, qui va filtrer les longueurs d’onde supérieures à 500 nm. La lumière incidente, quelle que soit son origine, passe ensuite par un objectif à air d’ouverture 0,95 pour arriver sur l’échantillon, qui est maintenu en position avec le film de cristal liquide faisant face à l’objectif. L’échantillon lui-même est posé sur un support dont la position est contrôlée par des piézoélectriques dans les trois dimensions pour obtenir un contrôle fin de la position durant les mesures. Le protocole expérimental requiert alors de commencer par une illumination avec la lampe à mercure pour observer l’échantillon lui-même. Une partie de la lumière réfléchie traverse alors le dichroïque et est redirigée vers une caméra CCD (CoolSnap ES, Roper Scientific, efficacité quantique de 60 % à 600 nm) pour observation. Les réglages peuvent alors être faits pour focaliser l’objectif sur les stries huileuses et obtenir, par leur période (voir chapitre 1 et 2), l’épaisseur du film de cristal liquide. En outre, il est possible de vérifier si la zone observée contient une proportion suffisamment importante de stries huileuses par rapport à la structure de stries larges, que l’on cherche ici à éviter. Cette observation permet en outre d’avoir une confirmation de l’orientation physique des stries huileuses dans le référentiel du montage expérimental.

La seconde étape consiste à rajouter sous le dichroïque un filtre supplémentaire éliminant les longueurs d’ondes inférieures à 550 nm. Cette configuration va virtuellement éliminer toute réflexion, puisque le dichroïque va absorber les hautes longueurs d’onde et le filtre les basses. Cependant, les dot-in-rods vont avoir un comportement spécifiquement favorable dans cette situation, puisqu’ils vont absorber les faibles longueurs d’onde, qui ont pu passer le dichroïque et réémettre à des longueurs d’onde plus élevées, capables de passer à travers le filtre. Il est cependant nécessaire d’augmenter fortement le temps d’exposition (en passant d’environ 2 ms à 100 voire 200 ms) pour voir de façon claire la photoluminescence des particules de CdSe:CdS. Les particules apparaissent comme des spots de taille et d’intensité liées au nombre de particules les constituant (voir chapitre 4), et il est possible de superposer les deux images obtenues, celle des stries et celle de photoluminescence, pour avoir une carte de l’échantillon et sélectionner un spot à observer (si l’on cherche une particule unique, il sera préférable de choisir l’un des spots les moins intenses).

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Figure 55 : schéma du dispositif Hanbury-Brown-Twiss utilisé pour mesurer la polarisation des particules

L’observation précise se fera ensuite avec le laser, qu’il est nécessaire de calibrer proprement. Cette calibration se fait en se servant de deux miroirs intermédiaires permettant de jouer à la fois sur la position finale du laser et son angle d’approche par rapport à l’échantillon, les deux devant être précisément réglés avant le début de la campagne expérimentale. Lors de l’observation elle-même, on commence par remplacer la source incidente par le laser à l’aide d’un sélecteur optique, le système étant alors configuré sans le filtre additionnel. La réflexion du laser, observée pour des questions évidentes de sécurité avec la caméra CCD uniquement, est localisée sur une partie de l’écran, qui sera mise en évidence sur le logiciel d’observation. Pour observer un spot, il sera alors nécessaire de déplacer l’échantillon avec les piézoélectriques sous illumination de la lampe à mercure jusqu’à ce que le spot choisi soit positionné sur la zone d’impact du laser. Il convient nécessairement de choisir un spot suffisamment distant de ses voisins pour que la zone d’impact ne recouvre pas ceux-ci. Lorsque le point est positionné dans la zone en surbrillance, l’illumination avec le laser le gardera visible, seul sur l’image.

3.1.3 Mesure de l’unicité des particules observées

Le laser, va émettre des impulsions à une fréquence de 2,5 MHz. La période (400 ns) étant supérieure au temps de relaxation des particules (de l’ordre de grandeur de 10 ns), il en résulte que l’émission en photoluminescence d’une particule unique sera en réalité séparée en des pics associés à chaque impulsion du laser. Qui plus est, les propriétés de ces particules, décrites dans le chapitre 1, en font des émettrices de photons uniques, ce qui implique que si le spot considéré correspond effectivement à une particule unique, le rayonnement observé est constitué d’un grand nombre de photons uniques émis individuellement pour chaque impulsion reçue par la particule. Le dispositif de Hanbury, Brown et Twiss associé à ce montage va être capable de distinguer ce type de signal d’un signal associé à un plus grand nombre de particules (donc à plusieurs photons émis à chaque impulsion). Ce dispositif est caractérisé par la présence de deux compteurs de photons (APDs, Excelitas SPCM-AQRH14) qui vont être en aval du signal après que celui-ci soit séparé de façon égale en deux faisceaux par un cube beam-splitter. Ces compteurs de photons sont des diodes à avalanche capables de détecter la présence d’un photon unique dans les délais nécessaires pour isoler le signal associé à une impulsion individue lle du laser, et sont connectés à un même dispositif de mesure, avec des câbles de longueur différente

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en vue de compenser la différence de longueur des deux chemins optiques. Le système de mesure est alors configuré avec l’un des compteurs de photons utilisé comme déclencheur et le second utilisé pour l’enregistrement lui-même. Lorsqu’un signal est émis par le spot observé, il traverse les divers composants optiques jusqu’à arriver au beam-splitter. Si un seul photon a été émis, il passera sur l’un des chemins en aval, mais s’il y en a eu plusieurs, alors les deux chemins seront parcourus par des photons. Dans le premier cas, le photon peut soit arriver sur l’enregistreur, soit sur le détecteur. S’il arrive sur l’enregistreur, il ne se passera rien, l’enregistrement des données n’ayant pas été activé. S’il arrive sur le détecteur, alors l’enregistrement pourra commencer, mais lors de la période de démarrage de l’enregistrement, il n’y aura pas de signal reçu puisque seul un photon a été émis et a été "utilisé" pour l’activation. Pour les périodes suivantes, il sera possible de mesurer les photons émis à ce moment-là, produisant un signal d’apparence caractéristique, avec le pic associé à l’instant d’activation d’un cycle d’enregistrement largement plus faible que les pics des périodes suivantes. Si, au contraire, plusieurs photons ont été émis par le spot, la première période présentera un signal similaire aux suivantes, puisque lorsque le photon initial activera la détection, d’autres photons seront arrivés sur le compteur de mesure.

Figure 56 : données reçues par un compteur de photons durant une mesure d’antibunching sur une particule unique (bleu) et le signal modélisé pour la fluorescence du cristal liquide dans les conditions de l’expérience (rouge).

Les mesures d’unicité sur les différents spots permettent de faire un tri et d’isoler les particules unique pour une mesure supplémentaire: une mesure de la polarisation du signal émis en photoluminescence. La Figure 56 montre un exemple de signal obtenu qui nous a permis d’isoler une particule unique. Le signal a été analysé en tenant compte du film de cristal liquide environnant. Le pic résiduel au délai nul peut être attribué à la contribution du 8CB au bruit de fond, qui a été calculée par Laurent Coolen, de l’INSP, à partir des travaux de (Vion, et al., 2012), comme il l’est montré sur la Figure 56, où l’on voit que le signal calculé explique bien

-200 0 200 400 600 800 1000 1200 1400 0 50 100 150 200 250 300 Time delay (ns) O ccu rr e n ce s

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la valeur du pic initial, pour un intervalle entre les impulsion de 400 ns, une mesure de durée totale 120 s et un temps de relaxation de 0,5 ns.