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laminage en mode II en température : INJECT

II.1.2 Protocole de l’essai INJECT en mode II

Comme expliqué dans le paragrapheI.4.1du ChapitreI, le protocole de caractérisation de la ténacité en mode II selon la norme ASTM D7905 [44] repose sur une analyse en compliance. Ce protocole est compatible avec la configuration du dispositif INJECT présentée précédemment. Ce dispositif permet de réaliser tant des essais ENF à température ambiante qu’à des températures plus élevées tout en respectant les consignes concernant la sollicitation mécanique des essais de calibration et des essais de propagation de cette norme. L’estimation de la compliance est réalisée de la même manière, que l’éprouvette soit à température ambiante ou non. La seule différence dans le protocole pour les éprouvettes sollicitées en température concerne la consigne en puissance électrique fournie par le générateur de puissance avant la mise en charge mécanique du coupon et durant l’essai de flexion trois points. Cette consigne en puissance comprise entre 20-80 W est séparée en deux phases, comme le montre la FigureII.5pour un cas particulier, avec une puissance de 50 W et une température moyenne dans l’éprouvette mesurée entre 72-75C.

Une rampe linéaire en puissance d’une durée de 10 secondes est tout d’abord imposée dans un premier temps pour atteindre la puissance demandée. Cette puissance est alors maintenue dans une seconde phase durant un palier décomposé également en deux parties. Dans la première partie de ce palier de puissance d’une durée de 4 minutes (valeur empirique issue des essais précédents de traction sur le banc INJECT [219]), l’éprouvette voit sa température atteindre une température stabilisée. À l’issue de ce palier de 4 minutes, une consigne est émise vers la machine d’essais pour démarrer le chargement mécanique tout en entamant la deuxième partie de ce palier régulée en puissance électrique et assurant toujours le maintien en température du coupon.

Comme nous avons pu le remarquer, ce protocole facilite la réalisation des essais multi-instrumentés avec de la CIN et la caméra IR. Pour les essais en température, le courant électrique induit une tem-pérature moyenne autour la pointe de fissure comprise entre 60C et 120C dépendant de la puissance appliquée. Grâce au système de corrélation d’images numériques (CIN) et à la caméra IR, il est possible de connaître le champ de température par sa projection sur le champ de déplacement, en connaissant la résolution thermique et optique. Pour cela, nous avons considéré une vision dite lagrangienne afin d’estimer le champ thermique en suivant la cinématique de l’éprouvette [13,22]. La vision lagrangienne est justifiée en raison des grands déplacements et de la résolution plus faible de la caméra IR par rapport à la caméra optique. Cela permet donc d’estimer une température moyenne sur le champ observable par

Figure II.5 – Consigne en puissance (en bleu) et température moyenne (en rouge) associée au cours du

temps d’essai INJECT

CIN, comme nous l’avons montré dans la Figure II.5. De plus, cela va nous permettre de prendre en compte la notion de température moyenne dans la première analyse des essais en suivant la norme ASTM pour l’estimation de la ténacité en température. Cette analyse fait l’objet du paragraphe suivant. II.1.3 Analyse de l’essai ENF en mode II à différentes températures selon la norme

ASTM

Dans ce paragraphe l’objectif est d’analyser la réponse macroscopique des essais ENF de propagation du délaminage en mode II menés sur le banc INJECT ainsi que de calculer la ténacité des interfaces en suivant le protocole de la norme ASTM D7905 [44]. Pour cela, deux campagnes d’essais expérimentaux ont été menées pour notre matériau d’étude. La première campagne d’essais concerne des éprouvettes à seize plis unidirectionnels [0]16, pour une épaisseur totale d’environ 4.16 mm, tandis que la seconde campagne concerne des éprouvettes à huit plis [0]8, d’épaisseur totale d’environ 2.08 mm. Les éprouvettes ont une largeur de 25 mm et une longueur de 250 mm, suffisante pour pouvoir réaliser tous les essais de calibration de la compliance (sans propagation) et de propagation pour les deux configurations établies dans la norme, PC et NPC.

Comme nous l’avons montré dans le paragraphe I.4.1.3 du Chapitre I, il est possible de calculer les valeurs de ténacité apparente pour chaque éprouvette par la méthode de la compliance [44] qui s’exprime par :

C(a) = A + ma3 (II.1)

avec a la longueur de fissure initiale, m et A des coefficients calculés par régression linéaire de l’évolution de la compliance C(a) en fonction du cube de la longueur de la fissure. La ténacité en mode II, quant à elle, s’écrit :

GIIC = 3mPmax2 a2 0

2B (II.2)

avec Pmax la force maximale mesurée pendant l’essai ENF, a0 la longueur de fissure initiale dans l’essai jusqu’à rupture et B la largeur de l’éprouvette.

Coupon Puissance-P [W] Séquence d’empilement P100-5 0 W [0]16 P100-4 20 W [0]16 P100-3 50 W [0]16 P100-6 80 W [0]16 P100-7 80 W [0]16

Tableau II.1 – Consignes en puissance électrique pour chaque éprouvette [0]16

Coupon Puissance-P [W] Séquence

d’empilement P203-1 0 W [0]8 P203-2 0 W [0]8 P203-5 30 W [0]8 P203-6 30 W [0]8 P203-3 50 W [0]8 P203-4 50 W [0]8

Tableau II.2 – Consignes en puissance électrique pour chaque éprouvette [0]8

Afin d’obtenir les courbes de calibration et propagation permettant l’application de la norme, dans le cadre des projets PhyFire et FSS, différentes éprouvettes [0]16 et [0]8 ont été testées respectivement pour la caractérisation en température de la ténacité en mode II. Pour cela, des puissance électriques comprises entre 20 W et 80 W ont été utilisées pour l’insertion de courant électrique au sein de ces éprouvettes. Les TableauxII.1 etII.2 montrent les consignes selon le set d’éprouvettes, soit des [0]16 ou des [0]8 respectivement.

À titre d’exemple, la Figure II.6 montre les réponses macroscopiques force-déplacement des deux essais de calibration (longueurs de fissure initiale a0 égale à 20 mm et 40 mm respectivement) et de l’essai de propagation (a0 égale à 30 mm), pour les configurations non pré-fissurée (NPC) et pré-fissurée (PC). Il s’agit d’une éprouvette [0]16où la puissance appliquée est de 50 W. L’obtention des champs thermiques par thermographie lagrangienne permet de comparer les réponses macroscopiques en fonction de l’évolution de la température avant et durant la phase de propagation, afin de valider la stabilité de la température au cours de l’essai. Dans l’analyse que nous présentons ensuite, seule la température en propagation a été retenue comme température de référence pour chaque essai. Afin d’avoir une comparaison des courbes de propagation pour les deux configurations NPC et PC, les Figures II.7 et II.8 montrent les réponses force-déplacement pour l’ensemble des éprouvettes [0]16 et [0]8 respectivement.

Selon la norme ASTM [44] la ténacité à rupture d’interface dans les deux configuration de propagation NPC et PC est principalement pilotée par deux éléments : le pic de force atteint avant la propagation et la compliance de l’éprouvette. Cela en considérant des longueurs initiales de fissures théoriques, imposées au préalable à l’étape de fabrication (20 et 40 mm pour les essais de calibration et 30 mm pour les essais de propagation). Les FiguresII.7etII.8 montrent un comportement macroscopique induisant une rupture fragile à température ambiante, mais plus ductile en température. Cet aspect est encore plus marqué pour les essais NPC que PC. Cependant, c’est pour les configurations NPC que l’effet de la température est particulièrement visible sur la force maximale. Nous observons une diminution du pic de force pour les configurations PC par rapport aux configurations NPC. Ceci s’explique en partie par la nature de l’amorce de fissure venant à se propager. Cette différence entre les configurations PC et NPC a été déjà observée dans la littérature à température ambiante [122,129,221,222], même si l’analyse en température reste moins étudiée [139]. Pour chaque essai, nous n’avons testé qu’une seule fois les éprouvettes pour chacune des configurations NPC et PC. Donc, dans notre cas, l’obtention de la valeur de la ténacité précise de respecter l’hypothèse d’un comportement macroscopique quasi-linéaire comme

(a) NPC - 50 W (b) PC - 50 W

Figure II.6 – Courbes de calibration et de propagation force-déplacement pour une éprouvette [0]16 testée à 50 W

(a) Configuration NPC (b) Configuration PC

Figure II.7 – Comparaison de la réponse macroscopique force-déplacement pour l’ensemble des

éprou-vettes [0]16

(a) Configuration NPC (b) Configuration PC

Figure II.8 – Comparaison de la réponse macroscopique force-déplacement pour l’ensemble des

(a) Configuration NPC (b) Configuration PC

Figure II.9 – Détermination des paramètres m et A à partir de l’évolution de la compliance en considérant

des longueurs de fissure théoriques. Eprouvettes [0]16

(a) Configuration NPC (b) Configuration PC

Figure II.10 – Détermination des paramètres m et A à partir de l’évolution de la compliance en

consi-dérant des longueurs de fissure théoriques. Eprouvettes [0]8

l’indique la norme ASTM [44]. Afin de respecter la norme, ce point demande d’effectuer l’analyse avec certaines précautions sur le pic de force et la compliance, comme nous le montrons ensuite.

Concernant la force maximale associée à la ténacité du matériau, elle correspond selon la norme au premier pic de force [44], associé aux conditions initiales du matériau et de la configuration de l’essai. Nous remarquons que dans certains cas, notamment pour les éprouvettes [0]16 à 50 W (P100-3 NPC) et à 80 W (P100-6 NPC / PC et P100-7 NPC / PC), une première propagation est atteint pour des forces de 1120 N, 849 N, 740 N, 813 N et 760 N respectivement. Dans le cas à 50 W (P100-3 NPC) et à 80 W (P100-6 NPC et P100-7 PC) cela correspond à une perte conséquente de la raideur macroscopique, insuffisante pour produire la rupture subite par délaminage, qui a lieu après un deuxième pic de force de rupture supérieur. Par ailleurs, dans le cas à 80 W (P100-6 PC et P100-7 NPC), le premier signe de propagation est suivi d’une augmentation de la raideur comme conséquence d’une modification de la configuration initiale de l’essai. Cela change le transfert de charge entre le poinçon et l’éprouvette, et comme conséquence, la suite de la courbe n’est plus exploitable.

Concernant l’analyse de la compliance, les FiguresII.9etII.10montrent son évolution pour chaque set d’éprouvettes ([0]16 et ([0]8)). Nous avons obtenu ces courbes à l’aide des compliances issues des courbes de calibration et de propagation pour chaque éprouvette. Nous remarquons la linéarité de la compliance par rapport à la longueur de fissure au cube, avec des pentes similaires pour les configurations NPC et PC

Coupon Puissance-P[W] TempératureNPC/PC [10-7Nm1mm−2] NPC/PC GIIC [J/m2] NPC/PC P203-1 0 W (ambiante)22C 1.04/0.97 3012/816 P203-2 0 W (ambiante)22C 0.89/1.02 2553/798 P203-5 30 W 30C/87C 0.78/1.30 2332/855 P203-6 30 W 71C/67C 0.69/1.24 1159/909 P203-3 50 W 71C/69C 1.31/1.23 1474/802 P203-4 50 W 92C/86C 0.89/1.04 850/659

Tableau II.4 – Détermination de la ténacité à rupture des interfaces en mode II pour l’ensemble des

éprouvettes [0]8

et pour les températures différentes. Les valeurs différentes pour les ordonnées à l’origine sont dues aux raideurs légèrement différentes pour chaque niveau de température. Dans le cas des éprouvettes [0]16nous pouvons apercevoir certains points qui mettent en doute la linéarité de la compliance avec la longueur de fissure au cube. Cela est fortement lié à l’erreur induite par les considération faites concernant soit des longueurs de fissure initiale théoriques différentes des longueurs réelles apparentes, soit à l’hypothèse du comportement macroscopique quasi-linéaire pour le calcul de la compliance comme l’exige la norme. Ces questions sont discutées numériquement dans le paragraphe II.2 et complétées par l’apport de l’analyse expérimentale dans le paragrapheII.3.

Sous l’hypothèse de la linéarité des courbes précédentes, nous pouvons calculer les valeurs des té-nacités apparentes pour les configurations d’initiation (NPC) et propagation (PC) du délaminage. Les Tableaux II.3 et II.4 montrent les valeurs obtenues pour chaque essai selon la séquence d’empilement, ainsi que les valeurs des pentes de compliance et la température moyenne autour la zone de propagation du délaminage, avant son début. Dans le cas des éprouvettes [0]16nous remarquons une dépendance de la ténacité à la température tant pour les configurations NPC que PC. Par contre, dans le cas des éprou-vettes [0]8 nous observons une forte influence de la température sur la ténacité NPC, mais des valeurs de ténacité peu influencées par la température dans les cas PC. Ces différences entre les configurations peuvent être imputées à l’influence des conditions de la pré-fissure (sa longueur et la forme du front de fissure), mais aussi à l’état du matériau en pointe de fissure, qui s’avère fortement dépendant à la température.

Il est donc nécessaire d’analyser l’essai ENF plus en détail afin de s’assurer que son exploitation pour la détermination de la ténacité est valable même en température et d’expliquer les différences qui apparaissent entre les configurations d’essai. Pour cela, quatre questions principales doivent être traitées, à savoir (i) l’effet de la température sur la réponse macoscopique, sur les propriétés élastiques du pli et sur la réponse à l’interface, (ii) l’effet de la réponse macroscopique du pli sur la propagation du délaminage

à l’interface, (iii) le faciès des fronts de fissure dans les configurations PC et (iv) la longueur effective des amorces de fissure initiales. Dans le premiers point, il s’agit de vérifier plus précisément si des phénomènes dissipatifs autres que ceux conduisant à la propagation de la fissure à l’interface sont à l’œuvre. Dans ce cas précis, se pose la question de l’influence du comportement non linéaire des plis en température et de l’importance d’en tenir compte dans l’estimation de la ténacité. Le deuxième point doit vérifier si un tel comportement non linéaire des plis en température a des conséquences importantes sur la réponse mécanique à l’interface. Dans ce cas, la validité de la norme en température serait aussi mise en question. Le troisième point vise à assurer que les amorces de fissures sont bien rectilignes car il est bien connu que la forme du front de fissure peut fortement influencer les valeurs de ténacité mesurée [223]. Enfin le dernier point vérifie les longueurs réelles de fissure initiales car le carré de cette mesure intervient directement dans l’estimation de la ténacité (formuleII.2) mais également indirectement via la paramètre m issu de la régression linéaire du cube de a0 avec la compliance des échantillons. Pour cela, il est intéressant de voir dans quelle mesure l’information issue de la CIN peut être intéressante à exploiter. Ces quatre points seront au cœur du paragraphe suivant.

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