• Aucun résultat trouvé

La protection de la nature grâce aux connaissances et pratiques culturelles

Section 1. Le rôle grandissant de la diversité culturelle au sein du droit international de

A. La protection de la nature grâce aux connaissances et pratiques culturelles

« Déperdition de la couche d’ozone, changements climatiques imprévisibles causés par l’effet de serre, conséquences de la surpopulation dans les pays en voie de développement, désertification et déforestation, pollution des océans et des mers » sont quelques causes ayant conduit à la rencontre de 117 chefs d’État et de gouvernement, 177 délégations nationales et 1650

226 Ibid., Avant-propos de la Présidente : « Les peuples qui vivent en tribus et les populations autochtones devront

être l’objet d’une attention particulière à mesure que les forces du développement économique viendront perturber leurs modes de vie traditionnels, des modes de vie qui d’ailleurs pourraient donner d’utiles leçons aux sociétés modernes en ce qui concerne la gestion des ressources présentes dans les écosystèmes complexes des forêts, des montagnes et des terres arides ».

227 METCALF, C., “Indigenous Rights and the Environment: Evolving International Law”, Revue de droit d’Ottawa,

ONG à Rio de Janeiro du 3 au 14 juin 1992228. Les résultats de la CNUED sont la Déclaration de Rio229, la CDB230, la CCNUCC231, la Déclaration sur les forêts232 et le plan Action 21233.

La Déclaration de Rio est très attendue. Certains désirent qu’elle soit l’équivalent en droit international de l’environnement de la Déclaration universelle des droits de l’homme234, c’est-à-

dire qu’elle pose les principes fondamentaux de cette branche du droit. Cependant, après lecture du texte, force est de constater que la Déclaration n’apporte que peu d’éléments nouveaux235, à

part la reconnaissance du rôle que jouent certaines communautés en faveur de la protection de la nature236. C’est pourquoi, elle encourage les États à soutenir ces communautés en tant qu’acteurs du développement durable237.

A côté de la Déclaration, un plan d’action « monumental »238 (Action 21) est adopté.

Celui-ci souligne les problèmes auxquels la communauté internationale est confrontée et offre des solutions dont le respect du droit à l’intégrité culturelle des communautés autochtones239.

Plus précisément, il guide les États vers la protection de leurs terres240, la reconnaissance de leurs connaissances et pratiques culturelles241, de leur dépendance culturelle vis-à-vis des ressources

naturelles 242 et leur participation aux « stratégies de gestion et de conservation des

228 JOHNSON, P. M., « La Conférences Nations Unies sur l’environnement et le développement ou le Sommet de la

planète Terre, rio de Janeiro », op. cit., p. 244.

229 Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, op. cit. 230 Convention sur la diversité biologique, Rio de Janeiro, 5 juin 1992, op. cit.

231 Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, New York, 9 mai 1992, op. cit.

232 Déclaration de principes, non juridiquement contraignante mais faisant autorité, pour un consensus mondial sur

la gestion, la conservation et l’exploitation écologiquement viable de tous les types de forêts, op. cit.

233 Sommet de la Terre, Programme d’actions Action 21, op. cit.

234 PALLEMAERTS, M., « La Conférence de Rio : grandeur ou décadence du Droit international de

l’environnement », Revue Belge de Droit international, vol. 28, n°1, 1995, p. 181.

235 Id.

236 Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, op. cit., Principe 22 : « Les populations et

communautés autochtones et les autres collectivités locales ont un rôle vital à jouer dans la gestion de l’environnement et le développement du fait de leurs connaissances du milieu et de leurs pratiques traditionnelles. Les États devraient reconnaître leur identité, leur culture et leurs intérêts, leur accorder tout l’appui nécessaire et leur permettre de participer efficacement à la réalisation d’un développement durable ».

237 METCALF, C., “Indigenous Rights and the Environment: Evolving International Law”, op. cit., p. 108.

238 VAILLANCOURT, J.-G., « Action 21 et le développement durable : après Rio 1992 et Johannesburg 2002 »,

GUAY, L. et autres (dir.), Les enjeux et les défis du développement durable. Connaître, décider, agir, Les Presses de l’Université Laval, Québec, 2004, p. 42.

239 Id.

240 Sommet de la Terre, Programme d’actions Action 21, op. cit., art. 26.3.a.ii. 241 Ibid., art. 26.3.a.iii.

ressources »243. A cet égard, le plan est particulièrement original bien qu’il n’encourage pas la

sauvegarde de ces éléments immatériels et qu’il n’envisage pas la gestion de l’écosystème dans son ensemble.

La CDB quant à elle oriente les États vers le respect, la préservation et le maintien des « connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales qui incarnent des modes de vie traditionnels présentant un intérêt pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique »244. L’un des objectifs est entre autres de mettre un terme à la violation des droits des communautés autochtones et locales sur leurs connaissances par des industriels245. En effet, historiquement les ressources génétiques et les connaissances culturelles qui les accompagnent sont considérées comme des biens gratuits246. Tirant profit de cet état de fait,

certains industriels créent des commerces florissants en usant de ces éléments sans partager le fruit de leurs recettes avec les communautés autochtones et locales sources247. Toutefois, la

Convention a un effet limité, car ses dispositions sont certes obligatoires mais peu contraignantes248, se focalisent sur la souveraineté des États, ne parviennent pas à impliquer les communautés autochtones dans les mesures nationales de protection de leur culture et établissent

243 Ibid., art. 26.3.c et 26.4.

244 Convention sur la diversité biologique, Rio de Janeiro, 5 juin 1992, op. cit., art. 8j ; Voir également, art. 10c. 245 Par exemple, selon Yann Le Goater : « les questions de protection des savoirs traditionnels, d’accès aux

ressources génétiques et de partage des avantages mettent en lumière les différentes facettes d’un même problème qui a pris de l’ampleur ces dernières années avec le développement spectaculaire des biotechnologies dans l’économie internationale, celui de la biopiraterie. Il s’agit pour des institutions ou entreprises publiques ou privées (en général issues de pays du nord), de déposer des brevets sur du matériel biologique ou sur des techniques de savoirs traditionnels relatif à ce matériel pour jouir de tous les droits afférents, tout en empêchant les véritables communautés détentrices de ces ressources ou savoirs (généralement issues de pays du Sud) de les utiliser. La CDB joue un rôle central dans le processus récent qui vise à empêcher ce phénomène en mettant en place des mécanismes nationaux et internationaux de protection des savoirs traditionnels et de réglementation de l’utilisation des ressources génétiques. […] En effet, si la biopiraterie va bien à l’encontre des objectifs de conservation durable de la biodiversité, ce phénomène touche aussi à l’organisation économiques et aux politiques industrielles de nombreux États, ainsi qu’au respect des droits humains fondamentaux des communautés autochtones et locales et bien souvent, à leur droit sur la terre » dans LE GOATER, Y., « Convention sur la diversité biologoque, protection des savoirs traditionnels et accès aux ressources génétiques. Développements récents et bilan », Revue Européenne de Droit de

l’Environnement, n°2, 2007, p. 149-150.

246 DOWNES, D. R., “The Convention on Biological Diversity: Seeds of Green Trade”, Tulane Environmental Law

Journal, vol. 8, n°1, 1994, p. 168.

247 Id.

248 ARBOUR, J.-M et autres, Droit international de l’environnement, Yvon Blais, Québec, 2e édition, 2012, p. 667.

Néanmoins la CDB est un traité et doit donc être exécuté de bonne foi. Voir Convention de Vienne sur le droit des

traités, Vienne, 23 mai 1969, Recueil des Traités, vol. 1155, n°18232, art. 26, en ligne :

un régime de conservation basé sur l’économie249. Plus précisément, ses rédacteurs l’ont orienté

vers une solution dite de marché en ce qu’elle « pose les bases conceptuelles et juridiques d’un système instituant la souveraineté nationale des États sur la biodiversité et en prévoit les modalités d’échange »250. Il nous faut nous méfier de cette approche, car « [l]e capitalisme

industriel ne restera certainement pas dans l’histoire comme respectueux de la nature et des hommes. Une des raisons en est le besoin impérieux qui le caractérise de contrôler et d’exploiter, cette pulsion à mesurer, séparer et recombiner pour mieux standardiser, et qui ce faisant détruit ce sur quoi elle s’exerce »251. Les droits des communautés autochtones et locales ainsi que leurs

connaissances et pratiques culturelles semblent donc ne pas efficacement respectés et protégés en l’état.

En 2002, lors du Sommet de la Terre tenu à Johannesburg les États sont priés de tenir compte des connaissances et pratiques culturelles des communautés autochtones et locales utiles à la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité252. Le Plan d’application du Sommet

mondial pour le développement durable qui y est adopté ajoute que le respect de la diversité

culturelle est essentiel « pour assurer un développement durable et faire en sorte que ce type de développement profite à tous »253.254

Enfin lors du dernier Sommet de 2012, les chefs d’États et de gouvernement adoptent L’avenir que nous voulons255 (document final de la Conférence des Nations Unies sur le

développement durable) et déclarent à cette occasion prendre « acte de la diversité naturelle et

249 AMIOTT, J., “Investigating the Convention on Biological Diversity’s Protections for Traditional Knowledge”,

Missouri Environmental Law & Policy Review, vol. 11, n°1, 2004, p. 31.

250 TORDJMAN, H., BOISVERT, V., « L’idéologie marchande au service de la biodiversité ? », Mouvements, vol.

70, n°2, 2012, p. 33.

En 2010, les Parties contractantes à la CDB adoptent le Protocole de Nagoya qui complète la CDB. Il a pour objectif de réguler l’accès à ces connaissances et le partage juste et équitable des avantages qui en découlent. Il n’encourage pas les États parties à les sauvegarder. En outre, il souffre des mêmes critiques faites à la CDB concernant le pouvoir accordé aux États sur leurs territoires respectifs et l’absence ou le peu de force juridique de ses obligations. Voir KOUTOUKI and others, “The Nagoya protocol: Sustainable Access and Benefits-Sharing for Indigenous and Local Communities”, Vermont Journal of Environmental Law, vol. 13, n°3, 2012, p. 533.

251 TORDJMAN, H., BOISVERT, V., « L’idéologie marchande au service de la biodiversité ? », op. cit., p. 42. 252 Déclaration de Johannesburg sur le développement durable, adoptée le 4 septembre 2002, §25 ; Plan

d’application du Sommet mondial pour le développement durable, adopté le 4 septembre 2002, §70c.

253 Plan d’application du Sommet mondial pour le développement durable, op. cit., Introduction. 254 Voir illustration n°8.

culturelle du monde et reconnai[tre] que toutes les cultures et toutes les civilisations peuvent contribuer au développement durable »256.

Ces outils juridiques internationaux font des communautés autochtones et locales accompagnées de leurs connaissances et pratiques culturelles des modèles et outils au service de la protection de la nature.