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Section 1. Le rôle grandissant de la diversité culturelle au sein du droit international de

B. L’approche par écosystème, un changement de paradigme

En 1991, le PNUE, l’UICN et le Fonds mondial pour la nature (ci-après « WWF ») publient conjointement le document Sauver la Planète257. Cette « stratégie pour l’avenir de la

vie » ambitionne de « repenser la conservation et le développement de manière à informer et encourager ceux qui ont la conviction que l’homme et la nature méritent d’être préservés et ont un avenir commun »258. Rompant avec le dualisme des rapports culture-nature, on peut y lire que « [t]out être humain fait partie intégrante de la communauté de la vie qui englobe toutes les espèces vivantes. Cette communauté unit toutes les sociétés humaines présentes et futures, et lie l’humanité à l’ensemble de la nature. Elle englobe tout l’éventail de la diversité, tant culturelle que naturelle »259. Les non-humains ne sont plus opposés aux humains dans un rapport de pouvoir. A contrario, ces derniers sont un élément de la communauté de la vie encourageant un plus grand respect de la nature qui ne peut être que profitable à sa protection.

En 1992, la CDB est certes un texte critiqué à biens des égards par une partie de la doctrine, mais elle est également le premier et unique traité international à « opter pour une approche holistique fondée sur l’écosystème pour la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité »260. Elle favorise un changement de paradigme en faveur de l’écosystème qui est défini pour la première fois comme un « complexe dynamique formé de communautés de plantes, d’animaux et de micro-organismes et de leur environnement non vivant qui, par leur interaction, forment une unité fonctionnelle »261. La biodiversité est alors entendue comme un réseau

256 Ibid., §41.

257 UICN, PNUE, WWF, Sauver la Planète. Stratégie pour l’Avenir de la Vie, UICN, Gland/Cambridge, 1991. 258 Ibid., Préambule.

259 Ibid., p. 14.

260 Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique, Approche par écosystème, op. cit., p. 2. 261 Convention sur la diversité biologique, Rio de Janeiro, 5 juin 1992, op. cit., art. 2.

composé de caractéristiques et dynamiques essentielles qui doivent être maintenues en vue d’assurer sa conservation sur le long terme.

Pour permettre la conservation et l’utilisation durable des écosystèmes, l’approche par écosystème est alors développée. Cette dernière devient un principe fondamental de la mise en œuvre de la CDB262. En 1998, la Conférence des Parties à la Convention demande à l’Organe

subsidiaire chargé de fournir des avis scientifiques, techniques et technologiques (ci-après « Organe subsidiaire ») créé par la CDB263 de préciser la teneur d’une telle approche264. En 2000, à Nairobi, la 5ème réunion de la Conférence des Parties approuve la description de l’approche par écosystème et ses directives opérationnelles. Elle y est définie comme265 :

i. « […] [u]ne stratégie de gestion intégrée des terres, des eaux et des ressources vivantes, qui favorise la conservation et l’utilisation durable d’une manière équitable. Ainsi, l’application d’une telle approche aidera à assurer l’équilibre entre les trois objectifs de la Convention que sont la conservation, l’utilisation durable et le partage juste et équitable des avantages découlant de l’exploitation des ressources génétiques.

ii. L’approche par écosystème repose sur l’application de méthodes scientifiques appropriées aux divers niveaux d’organisation biologique, qui incluent les processus, les fonctions et les interactions essentiels entre les organismes et leur environnement. Elle reconnaît que les êtres humains, avec leur diversité culturelle, font partie intégrante des écosystèmes ».

262 Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique, Approche par écosystème, op. cit., p. 3.

263 Convention sur la diversité biologique, Rio de Janeiro, 5 juin 1992, op. cit., art. 25, 1 : « Un organe subsidiaire

chargé de fournir des avis scientifiques, techniques et technologiques est créé par les présentes [Parties contractantes à la CDB] pour donner en temps opportun à la Conférence des Parties et, le cas échéant, à ses autres organes subsidiaires, des avis concernant l’application de la présente Convention. Cet organe est ouvert à la participation de toutes les Parties et il est pluridisciplinaire. Il se compose de représentants gouvernementaux compétents dans les domaines de spécialisation concernés. Il fait régulièrement rapport à la Conférence des Parties sur tous les aspects de son travail. ».

264 Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique, Approche par écosystème, op. cit., p. 3.

265 Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique, Approche par écosystème, La Haye, Décision

V/6, 2002, Annexe, §1 et 2 (consulté en ligne le 23 octobre 2018) :

Douze principes et cinq directives opérationnelles sont développées pour la réaliser266. Ces

Principes267 font des êtres humains accompagnés de leur diversité culturelle des acteurs de la gestion des écosystèmes. Par exemple, ils encouragent la participation des communautés ainsi que l’intégration de leurs CPCNU au sein des activités de gestion. Le développement de cette nouvelle approche est tout à fait original au sein de textes juridiques internationaux. Jusqu’à présent, les êtres humains sont plutôt perçus comme des entraves à la protection de la nature et souvent exclus de tels projets268. D’ailleurs, certains pays sont en conflit avec des communautés autochtones et locales à ce sujet269.

Bien que l’objectif de l’approche par écosystème soit l’atteinte d’un bien-être humain et social durable grâce à une gestion efficace des écosystèmes270, elle rompt avec le dualisme des

rapports culture-nature qui implique une certaine forme de fragmentation et de hiérarchisation. En ce sens, l’approche par écosystème représente une avancée considérable dans le champ du droit international de l’environnement et pourrait soutenir les textes juridiques issus de la branche culturelle du droit international public pour plus d’efficacité dans la satisfaction de leurs objectifs lorsque cette réalisation dépend en toute ou partie de la protection de la nature.

Section 2. Une reconnaissance avant-gardiste de la place de la biodiversité au sein du droit