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Conserver l’interdépendance culture-nature grâce au Programme Man & Biosphere

Section 2. Une reconnaissance avant-gardiste de la place de la biodiversité au sein du droit

A. Conserver l’interdépendance culture-nature grâce au Programme Man & Biosphere

Du 4 au 13 septembre 1968, une Conférence intergouvernementale d’experts sur les bases scientifiques de l’utilisation rationnelle et de la conservation des ressources de la biosphère se tient à la Maison de l’UNESCO à Paris. Les experts présents observent que « [l]’homme et la société humaine font partie intégrante de la biosphère et dépendent étroitement de ses ressources »273. Ces mots portent en eux la philosophie de l’approche par écosystème développée dans les années 1990 pour la mise en œuvre de la CDB. Leurs rédacteurs préconisent à cette

271 BERGANDI, D., BLANDIN, P., « De la protection de la nature au développement durable : Genèse d’un

oxymore éthique et politique », op. cit., p. 133.

272 Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel, Paris, 16 novembre 1972, op.

cit., art. 1.

273 UNESCO et autres, Utilisation et conservation de la biosphère. Actes de la Conférence intergouvernementale

d’experts sur les bases scientifiques de l’utilisation rationnelle et de la conservation des ressources de la biosphère, Paris, 4-13 septembre 1968, op. cit., p. 14 .

occasion l’utilisation rationnelle des ressources naturelles « en syntonie avec la conception de Pinchot »274. Pour eux, « [l]a règle d’or de leur utilisation est de ne prélever que la rente. Bonifier c’est donc améliorer le potentiel productif. Mais c’est encore et surtout accroitre la part de ce produit qui peut être prélevée, c’est-à-dire la récolte, sans dévaloriser le fonds »275. La protection

de la nature y est également prévue aux bénéfices des êtres humains276 et de la biosphère277. D’autre part, les experts relèvent que certaines connaissances et pratiques culturelles traditionnelles détenues par des tribus favorisent la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité278. Autrement dit, cette Conférence met en exergue, à la différence des instruments élaborés en droit international de l’environnement, l’existence d’une compréhension des rapports culture-nature relativement avancée par rapport à l’époque. Dès 1968, elle met en lumière une approche circulaire qui fait des êtres humains et leur diversité culturelle des éléments de l’écosystème279.

Trois ans plus tard, le Programme MAB est créé et fait suite aux idées développées durant la Conférence280. Il a pour objectif de lier environnement et développement281. Plus précisément, il cherche à « concilier la conservation de la diversité biologique et les intérêts économiques et

274 BERGANDI, D., BLANDIN, P., « De la protection de la nature au développement durable : Genèse d’un

oxymore éthique et politique », op. cit., p. 132.

275 UNESCO et autres, Utilisation et conservation de la biosphère. Actes de la Conférence intergouvernementale

d’experts sur les bases scientifiques de l’utilisation rationnelle et de la conservation des ressources de la biosphère, Paris, 4-13 septembre 1968, op. cit., p. 125.

276 Ibid., p. 95 : (soit selon une approche anthropocentrique de conservation) « En ce qui concerne plus

particulièrement les ressources aquatiques vivantes, la « conservation » comprendra l’aménagement des pêches, c’est-à-dire l’application de connaissances théoriques et pratiques afin d’améliorer la production de poissons destinés à la consommation humaine ».

277 Ibid., p. 95 : (soit selon une approche biocentrique de conservation) « En ce qui concerne plus particulièrement les

ressources aquatiques vivantes, la « conservation » comprendra l’aménagement des pêches, c’est-à-dire l’application de connaissances théoriques et pratiques afin d’améliorer la production de poissons destinés à la consommation humaine ; elle couvrira également, dans le cas des ressources halieutiques, le maintien de la valeur intrinsèque, biologique et éducationnelle des espèces en tant que telles ».

278 Ibid., p. 50 : « Certaines tribus vivant dans des habitats limités ou restreints sont parvenues empiriquement à des

pratiques de conservation ».

279 Ibid., p. 241 : « Considérant que l’homme fait partie intégrante de la plupart des écosystèmes, influent sur son

milieu en même temps qu’il est influencé par lui, et que sa santé physique et mentale, tant présente que future, est étroitement liée au système dynamique des objets, forces et processus naturels qui agissent les uns sur les autres dans la biosphère, y compris tous les aspects de la culture humaine ». Etant donné le peu d’information encore à disposition la Conférence recommande aux États membres de l’UNESCO de faire des recherches sur « l’écologie fondamentale de l’homme et sur son adaptabilité sociale et physique aux changements de toutes sortes auxquelles il est soumis ».

280 BERGANDI, D., BLANDIN, P., « De la protection de la nature au développement durable : Genèse d’un

oxymore éthique et politique », op. cit., p. 133.

281 MAUREL, C., « L’Unesco, un pionnier de l’écologie ? Une préoccupation globale pour l’environnement, 1945-

sociaux vitaux des populations locales »282. Parmi les projets scientifiques internationaux définis

dans le cadre du Programme, le projet n°8 retient l’attention des États et de l’UNESCO283. Il a pour but de conserver « des zones naturelles et les ressources génétiques qu’elles contiennent » par la création de « réserves de biosphère »284. Ces dernières, à la différence des réserves et parcs

nationaux, intégreront les êtres humains et leur diversité culturelle aux actions de conservation et d’utilisation durable de la biodiversité285.

En 1984, un Plan d’action pour les réserves de biosphère voit le jour. Il dispose que ces réserves286 :

« – et c’est leur contribution originale – […] prennent en compte l’idée que l’homme est un de leurs éléments et que ses activités sont fondamentales du point de vue de leur conservation et de leur utilisation à long terme. Les populations n’en sont pas exclues et n’y sont pas condamnées à l’inaction ; elles sont encouragées, au contraire, à participer à leur gestion. Il en résulte que les activités de conservation sont mieux acceptées par la société ».

Parmi les objectifs à atteindre, on observe la recherche sur l’utilisation des connaissances traditionnelles locales287, la promotion à la participation des populations locales à la gestion des

réserves de la biosphère288 et la diffusion de l’information concernant notamment les utilisations traditionnelles des plantes, des animaux et des écosystèmes289. C’est pourquoi, on peut considérer

que pour son époque le Programme MAB est un modèle de reconnaissance et de protection des rapports culture-nature grâce à une approche somme toute holistique.

282 Ibid., p. 189. 283 Ibid., p. 190. 284 Id.

285 Id. : « L’esprit des réserves de biosphère est différent de celui des réserves et parcs nationaux, fondés sur l’idée

défensive d’une protection intégrale de la nature, et dans l’homme un élément perturbateur ».

286 Conseil international de coordination du Programme sur l’homme et la biosphère, Plan d’action pour les réserves

de la biosphère, Paris, 1984, p. 4-5. Le Plan d’action dispose également que « [c]haque réserve de la biosphère

devrait comporter au moins un des trois éléments suivants : […] (c) des exemples de paysages harmonieux résultant de l’application de pratiques traditionnelles d’utilisation des terres ».

287 Ibid., p. 14. 288 Ibid., p. 17. 289 Ibid., p. 20.

Pour développer l’existence de ces réserves, la Conférence générale de l’UNESCO adopte la Stratégie de Séville290. La vision pour le XXIème siècle est de faire des réserves de biosphère le « théâtre de la réconciliation de l’homme et de la nature » grâce à la réunion de la diversité culturelle et biologique291. En 2008, le 3ème Congrès mondial des réserves de biosphère approuve

la Déclaration de Madrid et le Plan d’action de Madrid qui souhaitent « faire des réserves de biosphère dans les premières décennies du 21e siècle les principaux sites consacrés à l’échelle

internationale au développement durable »292. Parmi les défis émergents auxquels les réserves de biosphère doivent s’adapter afin d’y répondre efficacement, il est noté « la perte de plus en plus rapide de biodiversité et de diversité culturelle ayant des conséquences inattendues qui influent sur la capacité des écosystèmes à continuer à fournir des services critiques pour le bien-être humain »293. Pour y faire face, des actions sont recommandées. Par exemple, « [c]haque RB [réserve de biosphère] devrait s’engager dans un processus de planification participative tel que l’Action 21 au niveau local pour guider la mise en œuvre de la RB en assurant la gestion participative notamment pour les communautés traditionnelles, locales et autochtones »294. Autre exemple, reconnaissant que « les connaissances traditionnelles des populations locales et indigènes sont indispensables pour s’adapter au changement et construire la résilience », il est recommandé de « [m]obiliser les acteurs scientifiques et non scientifiques afin d’associer leurs systèmes de connaissance pour renforcer les fonctions scientifiques des RB »295. Enfin, le Conseil

international de coordination qui gouverne le Programme MAB adopte la Stratégie du MAB

2015-2025296 et le Plan d’action de Lima (2016-2025)297 qui encouragent la participation des

communautés autochtones et locales et la prise en compte de leurs connaissances et pratiques298.

Le Programme MAB est un modèle de protection de la nature d’approche holistique, c’est-à-dire incluant les êtres humains et leur diversité culturelle. Il préfigure ainsi l’approche par

290 UNESCO, Réserves de biosphère : La Stratégie de Séville et le Cadre statutaire du Réseau mondial, UNESCO,

Paris, 1996, p. 1.

291 Ibid., p. 6. En ce sens, « les connaissances traditionnelles et les ressources génétiques devraient être conservées, et

leur rôle dans le développement durable devrait être reconnu et promu ». Le premier Grand Objectif de la Stratégie est d’utiliser les réserves de biosphère pour conserver la diversité naturelle et culturelle (ibid., p. 7).

292 UNESCO, Plan d’action de Madrid pour les réserves de biosphère (2008-2013), UNESCO, Paris, 2008, p. 3. 293 Ibid., p. 4.

294 Ibid., p. 18. 295 Ibid., p. 25.

296 UNESCO, Une nouvelle feuille de route pour le Programme sur l’Homme et la biosphère (MAB) et son Réseau

mondial de réserves de biosphère. Stratégie du MAB (2015-2025). Plan d’action de Lima (2016-2025). Déclaration de Lima, UNESCO, Paris, 2017, p. 16.

297 Ibid., p. 34.

écosystème développée pour la mise en œuvre de la CDB. Pour certains, l’écosystème est l’idée la plus révolutionnaire du mouvement environnemental moderne car il considère l’environnement comme un réseau de vie (écosystème) plutôt qu’une « machine chimique à manipuler »299. En conséquence, l’approche par écosystème représente de nos jours une avancée majeure et constitue un cadre de référence pour la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité300.

B. La protection limitée du lien culture-nature par la Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel

La Convention PM voit le jour l’année où la CNUEH a lieu. Cet instrument est remarquable pour plusieurs raisons301. C’est le premier traité qui reconnait le lien qui unit culture et nature et qui propose un régime de conservation commun et de protection des manifestations exceptionnelles des éléments produits par les êtres humains et la nature. En outre, il introduit le concept de « patrimoine mondial »302 qui désigne des sites, monuments et biens qui, en raison de leur valeur universelle exceptionnelle pour l’humanité sont admissibles à prendre place au sein de la Liste du patrimoine mondial c’est-à-dire un système spécial de protection internationale. En même temps, il réaffirme son respect pour la souveraineté étatique et pour les droits de propriété privé reconnus par les législations nationales à propos des sites inscrits sur la Liste du patrimoine mondial. Cette distinction entre intérêts de la communauté internationale d’une part et la souveraineté d’autre part est un défi permanent303.

En son Préambule, la Conférence générale de l’UNESCO constate que « le patrimoine culturel et le patrimoine naturel sont de plus en plus menacés de destruction » et considère que

299 TARLOCK, D., “Ecosystems”, BODANSKY, D., BRUNNEE, J., HEY, E. (ed.), The Oxford Handbook of

International Environmental Law, Oxford University Press, Oxford, 2008, p. 575-576: “A United States

environmental historian has written that the ‘new awareness of the environment as a living system – a ‘web of life’ or ecosystem – rather than just a storehouse of commodities to be extracted or a chemical machine to be manipulated’ is the most revolutionary idea contributed by the modern environmental movement”.

300 Id. ; N’DJAFA OUAGA, H., L’approche écosystémique ou par écosystème – Note introductive, op. cit., p. 4. 301 FRANCIONI, F., “The 1972 World Heritage Convention an introduction”, op. cit., p. 5.

302 Selon Charles Alexandre Kiss, « [i]l semble que, aux Temps modernes, la première formulation de l’idée d’un

patrimoine de l’humanité date des dernières années du XIXe siècle et que le mérite en revienne à un grand internationaliste français, Albert de Lapradelle. Pour cet auteur, la conception d’un patrimoine de l’humanité pouvait s’appliquer à la haute mer : « Au fond, nous dirions volontiers que la mer est susceptivle de former la propriété d’une personne morale qui serait la société internationale des États. » Pour Lapradelle, même la mer territoriale est, comme la haute mer, le patrimoine de l’humanité, res communis, l’État côté ne bénéficiant que de simples servitudes » dans KISS, C.-A., « La notion de patrimoine commun de l’humanité », op. cit. note 97, p. 113.

« la dégradation ou la disparition d’un bien du patrimoine culturel et naturel constitue un appauvrissement néfaste du patrimoine de tous les peuples du monde ». Par ces mots, la Convention offre un cadre légal à la théorie anthropologique selon laquelle l’humanité partage une origine commune depuis l’Homo sapiens et un environnement naturel commun permettant la vie sur terre304. A travers son infinie variété d’expressions, le patrimoine culturel et naturel constitue le bien commun de l’humanité305.

Le patrimoine culturel y est défini comme, outre les monuments et ensembles, « les sites : œuvres de l’homme ou œuvres conjuguées de l’homme et de la nature »306. Pour que ces œuvres

soient inscrites sur la Liste du patrimoine mondial et puissent faire l’objet d’une protection nationale et internationale, elles doivent être préalablement inscrits sur un inventaire constitué par les Parties qu’elles soumettent au Comité PM créé par la Convention307. Sur la base de ces inventaires, le Comité « établit, met à jour et diffuse » la Liste du patrimoine mondial comprenant les sites qu’il considère « comme ayant une valeur universelle exceptionnelle en application des critères qu’il aura établis »308. Ces critères sont élaborés pour la première fois en 1977 au sein du

Guide des orientations. Selon ce guide, la valeur universelle exceptionnelle est reconnue aux

monuments, éléments et sites soumis pour inclusion sur la Liste du patrimoine mondiale s’ils rencontrent un ou plusieurs critères définis par le Comité. Le critère (vi)309 permet l’inscription d’un bien culturel s’il est associé à des idées ou croyance, avec des évènements ou des personnes, d’importance historique exceptionnelle310. Par exemple, le Mont Taishan en Chine, est inscrit en

1987 sur le Liste du patrimoine mondial car il « est directement et concrètement impliqué dans des événements dont on ne peut minimiser l’importance pour l’histoire universelle, notamment l’émergence du Confucianisme, l’unification de la Chine et l’apparition de l’écriture et de la

304 FRANCIONI, F., “The Preamble”, FRANCIONI, F., The 1972 World Heritage Convention. A Commentary.

Oxford University Press, Oxford, 2008, p. 15.

305 Id.

306 Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel, Paris, 16 novembre 1972, op.

cit., art. 1 : « aux fins de la présente Convention sont considérés comme “patrimoine culturel” : […] les sites: œuvres

de l’homme ou œuvres conjuguées de l’homme et de la nature, et zones incluant des sites archéologiques, qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue historique, esthétique, ethnologique ou anthropologique ».

307 Ibid., art. 11a et b. 308 Ibid., art. 11b.

309 A partir de 1980, le Comité PM considère que « ce critère ne devrait justifier une inscription sur la Liste que dans

des circonstances exceptionnelles, ou lorsqu’il est appliqué concurremment avec d’autres critères » dans Comité intergouvernemental pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, Orientations devant guider la mise

en œuvre de la Convention du patrimoine mondial, Paris, WHC2/Révisé, 1980, p. 6.

310 Comité intergouvernemental pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, Orientations devant

littérature en Chine »311. La Convention protège ici des espaces naturels associés à des éléments

immatériels. C’est la reconnaissance de l’interdépendance entre le patrimoine matériel naturel et immatériel312.

Alors que la définition de « bien naturel » ne fait pas référence à la culture, le critère (ii) du Guide des orientations permet l’inscription d’un bien s’il s’agit d’un exemple d’interaction de l’Homme avec la nature313. Par exemple, Tassili n’Ajjer en Algérie est un paysage lunaire inscrit

en 1982 sur la Liste du patrimoine, car « [l]es hommes ont vécu dans cet espace en développant des comportements physiologiques et culturels adaptés à la rigueur du climat »314. Le critère (iii) permet l’inscription d’un bien naturel qui représente des combinaisons exceptionnelles d’éléments naturels et culturels315. Le parc national de Kakadu en Australie est inscrit en 1981

parce que « les communautés autochtones de Kakadu et leur myriade de sites d’art rupestre et archéologiques constituent un exemple exceptionnel d’interaction de l’humanité avec son environnement naturel »316. Ces deux derniers critères disparaissent du Guide des orientations en 1992 car ils ne sont plus considérés comme légitimes par rapport à la définition du patrimoine naturel donnée au sein de la Convention PM317. Cette définition ne laisse pas de place aux interactions culture-nature318.

Cependant, en 1980, le Guide des orientations ajoute le paragraphe suivant : « [c]onformément à l’esprit de la Convention, les États parties devraient, dans la mesure du possible, s’efforcer d’inclure dans leurs propositions d’inscription des biens dont la valeur universelle exceptionnelle provient d’une combinaison particulièrement importante de

311 UNESCO, « Mont Taishan », (consulté en ligne le 18 août 2017) :

http://whc.unesco.org/fr/list/437

312 Voir illustration n°9.

313 Comité intergouvernemental pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, Orientations devant

guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial, Paris, 20 octobre 1977, §10(ii).

314 UNESCO, « Tassili n’Ajjer », (consulté en ligne le 18 août 2017) :

http://whc.unesco.org/fr/list/179

315 Comité intergouvernemental pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, Orientations devant

guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial, Paris, 20 octobre 1977, §10(iii).

316 UNESCO, « Parc national de Kakadu », (consulté en ligne le 18 août 2017) :

http://whc.unesco.org/fr/list/147

317 WHITBY-LAST, K., “Article 1. Cultural Landscapes”, FRANCIONI, F., The 1972 World Heritage Convention:

a Commentary, Oxford University Press, Oxford, 2008, p. 57.

318 CAMERON, C., ROSSLER, M., Many Voices, One Vision: The Early Years of the World Heritage Convention,

caractéristiques culturelles et naturelles »319. Le Comité PM vient de créer les biens mixtes320.

Néanmoins, on remarque l’existence d’une suprématie de la présence de biens culturels à l’instar des biens naturels et mixtes depuis l’année 1978, date de première inscription de sites sur la Liste du patrimoine mondial321. Cela s’explique par le fait que l’UICN (l’un des 3 corps consultatifs

nommés par la Convention) considère que les êtres humains ne font pas partie intégrante de la nature322. En conséquence, l’influence de l’organisation dans l’inscription des sites sur la Liste du

patrimoine mondial n’est pas favorable à l’inscription de sites naturels de valeur universelle exceptionnelle associés à des éléments culturels. Par exemple, pour la « Chaussée des Géants et sa côte » au Royaume-Uni, l’UICN reconnait la valeur universelle exceptionnelle de la formation géologique mais ne considère pas les valeurs immatérielles associées (Mythologie Irlandaise) pertinentes323. Confrontés à cette conception, certaines Parties se plaignent de l’incapacité de l’UICN à lister des sites naturels où la présence des êtres humains est telle qu’ils créent des paysages culturellement intéressants et écologiquement équilibrés324.

En 1984, Lucien Chabason (membre de la délégation française) introduit la notion de paysage agricole. Il émet l’idée que certains paysages transformés par l’Homme dans le but de les cultiver ont des caractéristiques exceptionnelles. C’est l’exemple des rizières de Java ou des Philippines répondant à l’esprit de la Convention325. Cette idée conduit à la création de la catégorie des « paysages culturels » en 1992326.

Un autre défi dans la mise en œuvre de la Convention est le déséquilibre de représentation au sein de la Liste du patrimoine mondial. La région Europe et Amérique du Nord domine la Liste en termes de distribution régionale327. La conception du « patrimoine culturel » de 1972

319 Comité intergouvernemental pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, Orientations devant

guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial, Paris, WHC2/Révisé, 1980, §13.

320 WHITBY-LAST, K., « Article 1. Cultural Landscapes », op. cit., p. 53.

321 En 2017, sur les 1073 sites du patrimoine mondial, on recense uniquement 35 biens mixtes dont le Parc Maloti-

Drakensberg d’Afrique du Sud, les Pyrénées – Mont Perdu en Espagne et France et le Mont Athos en Grèce. Plus précisément, il y a 206 biens naturels contre 832 biens culturels. Voir UNESCO, « Liste du patrimoine mondial »,