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Les paysages culturels, nouvelle catégorie au service de la protection des liens

Section 2. Une reconnaissance avant-gardiste de la place de la biodiversité au sein du droit

A. Les paysages culturels, nouvelle catégorie au service de la protection des liens

Le Comité PM adopte la catégorie des « paysages culturels » en décembre 1992335. Ce

sont des biens culturels qui « représentent les “ouvrages combinés de la nature et de l’homme” désignés à l’article 1 de la Convention »336. Ces paysages reflètent souvent337 :

« des techniques spécifiques d’utilisation viable des terres, prenant en considération les caractéristiques et les limites de l’environnement naturel dans lequel ils sont établis ainsi qu’une relation spirituelle spécifique avec la nature. […]. L’existence permanente de formes traditionnelles d’utilisation des terres soutient la diversité biologique dans de

335 WHITBY-LAST, K., « Article 1. Cultural Landscapes », op. cit., p. 53.

336 Comité intergouvernemental pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, Orientations devant

guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial, Paris, WHC/2/Révisé, février 1994, p. 14.

nombreuses régions du monde. La protection des paysages culturels traditionnels est par conséquent utile pour le maintien de la diversité biologique ».

Ils se divisent en trois catégories majeures338 et deux d’entre-elles sont utiles à la protection de paysages au sein desquels des connaissances et pratiques sont développées au bénéfice de la conservation et de l’utilisation durable de la biodiversité :

(ii) « le paysage essentiellement évolutif. Il résulte d’une exigence à l’origine sociale, économique, administrative et/ou religieuse et a atteint sa forme actuelle par association et en réponse à son environnement naturel. Ces paysages reflètent ce processus évolutif dans leur forme et leur composition. Ils se subdivisent en deux catégories :

- […]339 ;

- un paysage vivant est un paysage qui conserve un rôle social actif dans la société contemporaine, étroitement associé au mode de vie traditionnel et dans lequel le processus évolutif continue. En même temps, il montre des preuves manifestes de son évolution au cours des temps.

(iii) La dernière catégorie comprend le paysage culturel associatif. L’inscription de ces paysages sur la Liste du patrimoine mondial se justifie par la force d’association des phénomènes religieux, artistiques ou culturels de l’élément naturel plutôt que par des traces culturelles matérielles, qui peuvent être insignifiantes ou mêmes inexistantes ».

L’introduction de cette nouvelle catégorie favorise en 1993 la reconnaissance de l’interdépendance des liens qu’entretient la culture du Peuple Maori avec son milieu naturel d’origine. Inscrit tout d’abord sur la base de critères naturels, le Parc national de Tongariro en

338 Id., la première catégorie est définie comme suit : « Le plus facilement identifiable est le paysage clairement

défini, conçu et créé intentionnellement par l’homme, ce qui comprend les paysages de jardins et de parcs créés pour des raisons esthétiques qui sont souvent (mais pas toujours) associés à des constructions ou des ensembles religieux ».

339 Ibid., p. 14-15 : la première sous catégorie de la deuxième catégorie est définie comme suit : « un paysage relique

(ou fossile) est un paysage ayant subi un processus évolutif qui s’est arrêté, soit brutalement soit sur une période, à un certain moment dans le passé. Ses caractéristiques essentielles restent cependant matériellement visibles ».

Nouvelle Zélande devient le premier paysage culturel340. « Les montagnes situées au centre du

parc ont une signification culturelle et religieuse pour le peuple maori et symbolisent les liens spirituels entre cette communauté humaine et son environnement »341. Un autre exemple peut être « L’Archipel de Vega » en Norvège qui est inscrit en 2004 sur la Liste du patrimoine mondial. Composé d’une « myriade d’îles, d’îlots et de skerrys », des pêcheurs et chasseurs vivent et travaillent au sein de ce paysage culturel depuis plus de 100 000 ans342. Ils contribuent à

l’expression d’une tradition qui consiste en la fabrication et le commerce de couettes grâce à la récolte du duvet des canards eider lors du départ des oiseaux de leurs nids343. L’inscription de l’Archipel de Vega sur la Liste du patrimoine mondial encourage la revitalisation de la tradition du duvet de canard eider ainsi que l’augmentation du nombre d’oiseaux et de nids chaque année depuis 2004344 démontrant les bénéfices que peuvent tirer les êtres humains et la nature de la gestion d’un écosystème commun.

Suite à la création des paysages culturels, la distinction entre les quatre catégories (culturelle, naturelle, mixte et paysage culturel) est perçue comme un facteur de division échouant à reconnaître la complexité et la continuité des rapports culture-nature345. Par l’établissement d’une distinction entre le patrimoine culturel et naturel, la Convention entérine la dichotomie entre la nature et l’Homme pour certains346. Le choix du Comité PM d’élaborer des critères différents pour l’inscription des biens culturels et naturels ne favorise pas la synergie des communs. En conséquence, en 1998, il est recommandé d’établir dix critères pour l’ensemble des biens et non plus six d’un côté et quatre de l’autre347. Cette décision est entérinée dans le Guide des orientations en 2005.

La création de la catégorie des paysages culturels est l’occasion de souligner la nécessité de protéger les différentes formes du patrimoine (culturel, naturel, matériel et immatériel). Cependant, cette protection n’est offerte qu’aux biens de valeur universelle exceptionnelle.

340 CAMERON, C., ROSSLER, M., Many Voices, One Vision: The Early Years of the World Heritage Convention,

op. cit., p. 69.

341 UNESCO, « Parc national de Tongariro », (consulté en ligne le 22 août 2017) :

http://whc.unesco.org/fr/list/421

342 JOHANSEN, R., « Les paysages culturels, défis et possibilités : Vegaoyan – Archipel de Vega, Norvège »,

GALLA, A. (dir.), Patrimoine mondial. Bénéfices au-delà des frontières, Editions UNESCO, Paris, 2013, p. 53.

343 Id.

344 Ibid., p. 60-61.

345 WHITBY-LAST, K., « Article 1. Cultural Landscapes », op. cit., p. 58. 346 Ibid., p. 61.

D’ailleurs, le Guide des orientations ne donne pas aux Parties les outils nécessaires à la sauvegarde des éléments immatériels du patrimoine. La Convention PCI a pout but de combler ces lacunes en droit international de la culture.

B. La reconnaissance du rôle des communautés dans la protection du patrimoine mondial