• Aucun résultat trouvé

A propos des problèmes d’estimation de la fonction exposant d’échelle

Notons que les cascades multiplicatives aléatoires IID canoniques produisent des séries de variables aléatoires dont la loi de probabilité est de type algébrique (hyper-exponentielle). Ce n’est pas le cas des cascades micro-canoniques. Ce type de lois ne possède pas de mo-ments finis d’ordre supérieur à un ordre critique qd. Ce phénomène est appelé ”divergence des moments” par les spécialistes des multifractals. Les similitudes entre les séries pluvio-métriques et les séries issues de processus de cascades multiplicatives ont amené certains auteurs (Schertzer et al., 2002a) à penser que les distributions statistiques d’intensités de pluies et d’autres variables hydrologiques devaient être de type algébrique : i.e. elles ne possèdent pas de moments finis d’ordre supérieur à qd. La question du type de loi des valeurs extrêmes en hydrologie est importante et discutée, nous y reviendrons dans le chapitre 7. Elle n’a cependant pas de lien avec les problèmes abordés ici. La fonction d’exposant d’échelle empirique a été obtenue à partir d’une série finie de données dont les moments sont finis. De même, les séries synthétiques sont le fruit d’un nombre fini de niveaux de cascades : elles ont aussi des valeurs finies de moments quel que soit l’ordre q. Les problèmes soulevés ici sont des problèmes d’estimation et ne sont pas directement liés à la divergence des moments.

5.4 A propos des problèmes d’estimation de la fonction

ex-posant d’échelle

5.4.1 Sensibilité à la fluctuation d’échantillonnage

L’analyse de sous-séries confirme la grande sensibilité de la fonction exposant d’échelle à la fluctuation d’échantillonnage (figure 5.7).

L’estimation de cette fonction repose sur celle des moments d’ordre q. Or il est bien connu que la valeur de l’estimateur du moment d’une distribution de variables aléatoires est d’au-tant plus sensible à l’effet de l’échantillonnage que l’ordre q de ce moment est élevé. Le tableau 5.2 illustre ce phénomène. On y constate que plus l’ordre q est élevé, plus le nombre de valeurs, réalisations de la variable aléatoire, pesant réellement sur la valeur du moment diminue. Dans le cas de la série pluviométrique étudiée, la contribution de l’intensité maxi-male sur 8 minutes à la valeur globale du moment d’ordre 2 de la série représente déjà 5%. Ce poids relatif augmente avec l’ordre du moment, de sorte que la valeur des moments d’ordres élevés de la série étudiée apparaît contrôlée par un nombre très limité de pas de temps. La présence ou l’absence d’une valeur d’intensité élevée, due à l’échantillonnage,

Fig. 5.7 – Fonctions exposant d’échelle empiriques de divers sous-séries.

peut donc modifier radicalement la valeur du moment. Le poids relatif de la valeur maxi-male de la série augmente aussi lorsque le pas de temps diminue. Ce phénomène, moins prévisible, est le reflet de l’augmentation de la variabilité des séries pluviométriques lorsque le pas de temps diminue. Il explique aussi peut-être pourquoi la sensibilité de l’estimateur de la fonction exposant d’échelle à la fluctuation d’échantillonnage n’a pas été aussi clai-rement mise en évidence dans les études antérieures, qui pour la plupart, portaient sur l’étude de séries pluviométriques horaires ou supra-horaires.

La forme de la fonction exposant d’échelle apparaît donc très dépendante de l’échantillon-nage, de la présence ou de l’absence de quelques événements pluvieux intenses au sein de la série de données observées. Elle n’est pas représentative de la répartition temporelle des intensités et des cumuls de pluie au sein de la série, mais est contrôlée par un nombre limité de pas de temps, les pas de temps les plus intenses. A titre indicatif, la présence ou l’absence de l’épisode de pluie particulièrement intense du 11/06/1997 modifie totalement la forme de la fonction exposant d’échelle empirique (figure 5.8.b). Lorsque cet événement atypique et rare est éliminé de la série étudiée, le modèle de cascade le mieux adapté est un modèle à générateur log-Poisson LP(0.5,1.09), mais de nombreux autres modèles appa-raissent comme des candidats plausibles, y compris le modèle le plus simple à générateur uniforme. De plus, les deux gammes d’échelles identifiées plus haut n’apparaissent plus (figure 5.8.a). Les conclusions concernant l’invariance d’échelle sont donc aussi sensibles à l’échantillonnage.

5.4 A propos des problèmes d’estimation de la fonction exposant d’échelle 87

q 8 min 16 min 32 min 64 min 128 min 256 min 1 0.2 % 0.3 % 0.3 % 0.3 % 0.3 % 0.4 % (0.2) % (0.3) % (0.3) % (0.3) % (0.3) % (0.3) % 2 6.5 % 5.3 % 3.5 % 2.3 % 2.2 % 2.1 % (6.5) % (5.3) % (3.5) % (2.3) % (1.6) % (1.1) % 3 37 % 27 % 14 % 8.1 % 6.9 % 6.2 % (37) % (27) % (14) % (8.1) % (3.2) % (2.3) % 5 84 % 71 % 41 % 25 % 24 % 22 % (84) % (71) % (41) % (25) % (8.5) % (4.2) % 6 91 % 80 % 50 % 33 % 35 % 32 % (91) % (80) % (50) % (33) % (13.2) % (4.5) % 10 99 % 95 % 75 % 61 % 69 % 66 % (99) % (95) % (75) % (61) % (13.8) % (2.5) %

Tab. 5.2 – Contributions de l’intensité maximale de la série pluviométrique étudiée et de l’intensité maximale de l’épisode pluvieux du 11/06/1997 (parenthèses) à la valeur des moments d’ordre q pour différents pas de temps.

(a) moments empiriques (b) fonctions exposant d’échelle Fig. 5.8 – Moments empiriques d’ordre q de la série d’intensités de pluie en fonction du pas de temps en coordonnées log-log et fonction exposant d’échelle correspondante ζ(q)b. L’épisode pluvieux du 11/06/1997 a été éliminé de la série observée. Synthèse de l’analyse de 30 séries synthétiques simulées à l’aide du modèle de cascade multiplicative log-Poisson LP(0.5,1.09) calé. Les fonctions exposant d’échelle théoriques des modèles log-Poisson calés sur la série complète ζ(q) et du modèle LP(0.5,1.09) ζ(q)b sont aussi reportées sur ce graphique (lignes continues).

sur l’invariance d’échelle des séries et de caler des modèles de cascades multiplicatives à partir de l’étude des moments d’ordre q d’une série de données et de la forme de la fonction exposant d’échelle empirique ? La prudence engagerait à répondre par la négative à cette question. Que penser alors des résultats d’études antérieures du même type ? Nous laissons ici le lecteur tirer ses propres conclusions.

5.4.2 Origine du biais

Les valeurs de la fonction exposant d’échelle ζ(q) sont issues d’ajustements linéaires de la relation entre le logarithme du pas de temps et le logarithme du moment d’ordre q. Or si la moyenne des intensités d’un échantillon élevées à la puissance q est connue pour être un estimateur non biaisé du moment d’ordre q de la distribution statistique de cet échantillon, il n’en va pas de même pour toute transformation non linéaire, en l’occurrence logarithmique, de cet estimateur. A titre d’exemple, il est bien connu que la racine carrée de la variance d’un échantillon est un estimateur biaisé de l’écart-type de la distribution statistique de cet échantillon. Du fait de la forme de la fonction logarithmique, l’espérance de l’estimateur du logarithme des moments d’ordre q est inférieure au logarithme de ce moment d’ordre q (equation 5.27).

E [log hIq(∆t)i] ≤ log (E [hIq(∆t)i]) (5.27)

Pour tenter d’évaluer le biais de l’estimateur du logarithme des moments d’ordre q, log hIq(∆t)i, nous pouvons procéder à des simulations de type Monte Carlo. Pour ce faire, une distri-bution statistique Gamma, notée (G (a, b, g)), a été ajustée sur chaque série d’intensités mesurées pour chaque pas de temps (table 5.3). La fonction de densité de probabilité de la loi Gamma a pour expression :

p(x) = 1

bΓ (a)(x − g)

a

ex−gb (5.28)

avec a paramètre de forme, b paramètre d’échelle et g valeur minimale.

Pour chaque pas de temps, 1000 échantillons d’intensités de pluie de même longueur que l’échantillon mesuré ont été génrés par tirages aléatoires dans la loi Gamma callée. Les 1000 valeurs correspondantes de l’estimateur log hIq(∆t)i ont été calculées. Les intensités inférieures à la valeur minimale g de la loi Gamma n’ont pas fait l’objet de tirage et ont été supposées égales à 0 dans les échantillons synthétiques. Elles pèsent cependant très peu dans le calcul des moments comme cela vient d’être illustré.