On appelle28 propagateur l’objet qui permet d’´ecrire la fonction d’onde `a l’instantten fonction de l’´etat initial donn´e `a l’instantt0. Seul sera ici consid´er´e le cas o`u le Hamiltonien est ind´ependant du temps : le traitement du cas contraire rel`eve d’un tout autre formalisme.
La relation donnant la fonction d’onde d´evelopp´ee `a partir d’un ´etat initial29a d´ej`a ´et´e ´ecrite : Ψ(x, t) =
+∞
−∞
dx0U(x, t;x0, t0)Ψ(x0, t0) (15.92) (en dimensiond, la dimension de U est L−d). En notation de Dirac, on a :
|Ψ(t) = U(t, t0)|Ψ(t0) ⇐⇒ x|Ψ(t) = +∞
−∞
dxx|U(t, t0)|xx|Ψ(t0) , (15.93) ce qui permet d’identifier :
U(x, t;x, t0) = x|U(t, t0)|x . (15.94) Si H est ind´ependant du temps, seule compte la diff´erence des temps ; en pareil cas, on note simplement :
U(x, t;x, t0) ≡ U(x, t−t0;x) . (15.95) Toutes les fonctions not´ees U sont des expressions diff´erentes repr´esentant le mˆeme objet, `a savoir le propagateur du probl`eme consid´er´e. Le noyauU(x, t;x0, t0) est en quelque sorte une matrice continue.
L’op´erateurU(t, t0) satisfait l’´equation (15.17) avecU(t0, t0) =1. En repr´esentation-q, ceci s’´ecrit : i ∂
∂tU(x, t;x0, t0) = H
x, p=−i ∂
∂x
U(x, t;x0, t0) , (15.96) avec :
U(x, t0;x0, t0) = δ(x−x0) . (15.97) U conserve la norme (il est unitaire), ce qui se traduit par :
U(x, t;x, t0)∗ = U−1(x, t;x, t0) ⇐⇒ U†(t) = U−1(t) = U(−t) . (15.98)
26Pour l’oscillateur harmonique, tout paquet d’ondes “respire”, en raison du confinement s´ev`ere (mais flou) que constitue le potentiel enx2.
27x ∝t2, ∆x∝t.
28La terminologie est fluctuante : le propagateur s’appelle aussi fonction de Green ; par ailleurs, le nom propagateur est aussi utilis´e dans une acception un peu diff´erente (pour d´esigner sa transform´ee de Fourier par exemple). Dans tous les cas, il s’agit d’une repr´esentation ou d’une autre permettant d’´ecrire explicitement la relation entre un “ancˆetre” et sa descendance (filiation).
La notion de propagateur n’est pas sp´ecifiquement quantique.
29en raisonnant toujours `a une dimension pour simplifier les ´ecritures.
15.2. PROPAGATEUR 115
Compte tenu de ceci, il suffit de connaˆıtreU pourt >0 par exemple. En d´efinissant un nouvel op´erateur U+(t) suivant30:
U+(t) =
0 sit < 0
U(t) sit > 0 , U+(0+) = 1 , (15.99) l’objectif suffisant est de trouver U+(t).
Consid´erons l’exemple le plus simple, celui d’une particule libre ; dans ce cas, (15.96) est explicitement : i ∂
∂tU+(x, t;x) = −2 2m
∂2
∂x2U+(x, t;x) . (15.100)
La combinaison d’une transform´ee de Fourier en espace et d’une transformation de Laplace en temps permet de r´esoudre cette ´equation ; on trouve ainsi la solution qui satisfait la condition initiale (15.97) :
U+(x, t; x) =
si on d´efinit la branche de la racine carr´ee complexe comme31: (√
z)∗ = √
z∗ , (15.103)
on voit que l’expression (15.102) pour t < 0 est la mˆeme que (15.101). En d´efinitive, r´etablissant l’instant arbitrairet0 et adoptant des notatons plus sym´etriques, le propagateur pour la particule libre est :
U(x, t;x0, t0) =
m
2iπ(t−t0) ei
m(x−x0 )2
2(t−t0 ) ∀t . (15.104)
Il est facile de v´erifier que cette fonction satisfait bien l’´equation (15.96)etla condition initiale (15.97).
L’expression (15.104) est tout `a fait remarquable, en ce sens qu’elle implique l’actionclassique(!?) d’une particule partie de x0 en t0 et se trouvant en x`a l’instant t. La pr´esence du facteur i/dans l’exponentielle permet de deviner que si l’action typique du probl`eme est tr`es grande devant, alors une m´ethode de phase stationnaire pour ´evaluer l’int´egrale (15.92) donnant la fonction d’onde `a l’instanttest efficace. Ce fait permet aussi d’entrevoir la possibilit´e de d´efinir des “trajectoires” quantiques – dont la superposition lin´eaire pond´er´ee construit l’amplitude Ψ(x, t) – g´en´eralisant la notion de trajectoire au sens classique. Ces id´ees, d´evelopp´ees par Feynman, permettent de reconstruire32 la M´ecanique Quantique de fa¸con tr`es physique et nettement plus intuitive33.
Remarques
1. Parmi toutes les conditions initiales, l’une d’entre elles joue un rˆole particulier – `a la fois math´ematiquement et physiquement – celle o`u, initialement, la particule est presque parfaitement localis´ee en un point que l’on peut toujours prendre comme origine dans l’espace ; cette situation est repr´esent´ee en choisissant une gaussienne tr`es ´etroite dont l’int´egrale du carr´e vaut 1 :
Ψ(x, t= 0) = 1
√2π δx e− x
2
4δx2 . (15.105)
30U+est appel´e propagateur (ou fonction de Green) avanc´e(e).
31ce qui revient `a prendre comme coupure le demi-axe r´eel n´egatif.
32Il faut cependant utiliser un formalisme sp´ecifique (l’int´egrale de chemin – en anglaispath integral) assez lourd ; la lecture du premierchapitre de [22] reste recommand´ee.
33En quelque sorte, toutes les “trajectoires” de Feynman (chemins) interviennent dans la construction de l’amplitude de proba-bilit´e, et sont rassembl´ees dans une sorte de tube spatio-temporel aux fronti`eres floues ; il n’y a donc ni position, ni vitesse parfaitement d´efinies `a un instant donn´e : l’extension transversale du tube donne une id´ee de l’incertitude en position, cependant que l’impossiblilit´e de d´efinir une tangente commune aux points rassembl´es dans le tube est l’illustration de l’ind´etermination sur la vitesse. On peut dire que la trajectoire estfloue. Le passage `a la limite classique peut se figurer comme la r´eduction graduelle de la dimension transversale du tube qui, `a la limite~→ 0, redonne une ligne – la trajectoire classique (dans cette limite, on r´ecup`ere d’un coup d’un seul la ligneetsa tangente)
Le report dans (15.92) (avect0= 0) compte tenu de (15.104) donne :
Il s’agit d’une int´egrale gaussienne que l’on peut calculer ; on trouve : Ψ(x, t) = 1
C’est visiblement la combinaison /(2m δx2) qui pilote la vitesse d’´etalement du paquet d’ondes : plus celui-ci est initialement bien localis´e, plus il s’´etale vite ; `a la limite d’une localisation initiale parfaite, l’aplatissement est quasi instantan´e. De fait, la bonne ´echelle de temps estτ= 2m δx2/et, pourt τ :
|Ψ(x, t)|2 1
√2π 2mδx
t e−2mδxt 2x2 (t τ) . (15.108) Cette expression montre |Ψ(x, t)|2 est une gaussienne ultra-plate ; |Ψ| est alors pratiquement constant dans l’espace. On peut v´erifier que, si ∆E est l’´ecart-type de l’´energie dans l’´etat (15.105), alors on a :
∆E τ ∼ . (15.109)
2. Lors de la construction de l’´equation de Schr¨odinger – en particulier au moment o`u a ´et´e discut´ee l’apparition un peu magique du nombre i – il a ´et´e not´e que cette ´equation est structurellement iden-tique `a l’´equation classique de la diffusion d´eduite de la loi de Fick. Il est facile de voir explicitement que la solution de :
∂
∂T P(X, T) = D ∂2
∂X2P(X, T) (15.110)
qui vautδ(X−X0) enT = 0 et le propagateur (15.104) se d´eduisent en effet l’un de l’autre par un simple changement de variables effectu´e dans (15.104) :
P(X, T) = ξ U(x=ξX, t=−iT;x0=ξX0) = 1
√4πDT e−(X−X0 )
2
4DT , (15.111)
o`uξ = /(2mD).
3. D’une fa¸con g´en´erale, le propagateur U(x, t;x0, t0) s’exprime aussi sous la forme d’une s´erie impliquant tous les ´etats propres du Hamiltonien, ce qui suppose donc pr´ealablement r´esolu le probl`eme aux valeurs et vecteurs propres deH. En effet, dans le cas o`uH ne d´epend pas du temps, la relation (15.94) donne : En faisantt=t0, on retrouve au second membre la relation de fermeture pour une base orthonorm´ee, en conformit´e avec la condition initiale (15.97).