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R´ esultats possibles de la mesure d’une grandeur physique

12.2 Exp´ erience de Stern et Gerlach

13.1.3 R´ esultats possibles de la mesure d’une grandeur physique

Les valeurs propres d’une observable jouent un rˆole primordial ; elles sont au centre du 3`emepostulat qui s’´enonce comme suit :

Postulat 3 La mesure d’une grandeur physique repr´esent´ee par l’op´erateur (l’observable) A ne peut fournir que l’une des valeurs propres de l’op´erateur A.

De ce postulat, il r´esulte qu’un op´erateur quelconque ne repr´esente pas en g´en´eral une grandeur physique : un op´erateur quelconque a des valeurs propres complexes. Le sens physique du 3`eme postulat impose aux op´erateurs associ´es aux grandeurs physiques d’avoir toutes leurs valeurs propres r´eelles ; de tels op´erateurs sont dits hermitiques. Leurs propri´et´es seront discut´ees plus loin en d´etail, mais leur importance extrˆeme justifie que les deux principales d’entre elles soient ´enonc´ees d`es maintenant :

1. les valeurs propres d’un op´erateur hermitique sont toutes r´eelles

2. deux vecteurs propres d’un op´erateur hermitique associ´es `a deux valeurs propres distinctessont orthogo-naux, au sens d’un produit scalaire `a d´efinir ult´erieurement.

valeurs propres discrètes valeurs propres discrètes valeurs propres discrètes valeurs propres continues valeurs propres continues axe

réel

Figure 13.1: Diff´erentes possibilit´es pour le spectre d’un op´erateur hermitique.

On appelle spectre d’un op´erateur l’ensemble de ses valeurs propres. Comme pour tout op´erateur, le spectre d’un op´erateur hermitique peut ˆetre discret, continu ou les deux la fois ; la figure 13.1 donne quelques dispositions possibles. Les parties discr`ete et continue, si elles existent simultan´ement, peuvent ˆetre disjointes ou se recouvrir : une valeur propre discr`ete peut fort bien ˆetre “noy´ee” dans un continuum d’autres valeurs propres19 – cette imbrication ´etant toutefois assez exceptionnelle. Les valeurs propres discr`etes expriment la

18C’est-`a-dire si la d´ependance en temps ne se r´eduit pas `a un facteur de phase global, inessentiel de ce fait.

19Lorsqu’il s’agit du Hamiltonien, dont le spectre constitue l’ensemble des ´energies stationnaires possibles du syst`eme, la nature de ce spectre conditionne potentiellement toute la dynamique du syst`eme. Des valeurs propres discr`etes donneront une suite discr`ete (finie ou infinie) de termes oscillants. Si les fr´equences sont commensurables (le rapport de deux quelconques d’entre elles ´etant un nombre rationnel), le mouvement sera p´eriodique (l’oscillateur harmonique en est un cas extrˆeme : toutes les fr´equences sont multiples entiers d’une mˆeme fr´equence). Si ces rapports sont irrationnels, le mouvement sera pseudo-p´eriodique avec des temps de pseudo-retour (temps de Poincar´e) ´eventuellement tr`es grands. Enfin, si les ´energies forment un spectre continu, la dynamique est irr´eversible. Le couplage `a un continuum d’´energie est l’ingr´edient n´ecessaire et suffisant de l’apparition de l’irr´eversibilit´e dynamique ; c’est ainsi que l’on peut rendre compte th´eoriquement de la dur´ee de vie finie d’un ´etat excit´e atomique, `a condition d’incorporer le champ ´electromagn´etique dans la description quantique.

13.1. ENONC ´E DES POSTULATS 67

quantification de la grandeur physique en question. Notons qu’une valeur proprediscr`etepeut servir de standard m´etrologique puisqu’elle a, intrins`equement, une valeur fix´ee par la valeur des constantes fondamentales `a une pr´ecision infiniment grande (exemple : l’atome de86Kr, dont une transition a longtemps servi de r´ef´erence pour la d´efinition du m`etre-´etalon).

L’illustration la plus simple de ce postulat est sans doute le r´esultat de l’exp´erience de Stern et Gerlach ; pour le plus petit moment cin´etique non nul (J = 1/2 en unit´es ), on obtient deux taches sym´etriques, correspondant aux deux seules valeurs possibles en tant que r´esultat d’une mesure (plus g´en´eralement, pour un moment cin´etique de valeurJ, on observe 2J+ 1 taches).

Une autre illustration est fournie par le processus d’absorption ou d’´emission de photon(s) par un atome.

Par l’´equation de conservation (en ´emission, pour l’exemple, et dans l’hypoth`ese du noyau infiniment massif) :

Ei = Ef+hν , (13.24)

l’observation de la fr´equenceνconstitue bien une mesure de l’´energie de l’atome, `a partir d’une origine arbitraire.

Une mesure de l’´energie ne peut fournir que l’une des valeurs En dont l’ensemble constitue le spectre du Hamiltonien du syst`eme consid´er´e.

La nature probabiliste (statistique) essentielle de la M´ecanique Quantique doit ˆetre maintenant bien admise. On vient de voir que les valeurs possibles des r´esultats d’une mesure appartiennent `a un certain ensemble pr´ed´etermin´e (le spectre de A). Il faut donc, pour la coh´erence de la th´eorie, ´enoncer une r`egle permettant la pr´ediction effective des r´esultats d’une mesure ; en vertu du caract`ere probabiliste, cette r`egle ne peut ˆetre qu’une affirmation sur les probabilit´esd’observer une valeur ou une autre lors de la mesure d’une observable. Elle constitue le 4`eme Postulat.

Soit une grandeur physique repr´esent´ee par l’op´erateur (observable)A, dont les valeurs et vecteurs propres sont discrets et non d´eg´en´er´es :

A|am = am|am . (13.25)

L’absence de d´eg´en´erescence signifie qu’`a une valeur propream0 ne correspond qu’un seul vecteur propre|am0; ceci se traduit, dans les notations, par le fait que le ket est sp´ecifi´e sans ambigu¨ıt´e par le seul symbole repr´esentant la valeur propream. Les ´etats propres constituent une base sur laquelle on peut d´ecomposer tout ´etat|Ψ:

|Ψ =

m

cm|am . (13.26)

Le 4`eme Postulat (parfois appel´eprincipe de d´ecomposition spectrale) s’´enonce alors :

Postulat 4 La mesure de la grandeur physique repr´esent´ee par l’observableAeffectu´ee sur un ´etat quelconque (normalis´e)|Ψdonne le r´esultatam avec la probabilit´ePm´egale `a|cm|2.

On appr´ecie encore mieux l’importance des ´etats propres d’une observableAen notant que si l’op´eration de mesure est faite sur un ´etat|Ψqui se trouve co¨ıncider avec l’un des ´etats propres de A, soit|am0, alors le r´esultat de la mesure est certainement la valeur propream0 (pour un tel ´etat, on trouveam0 avec probabilit´e 1).

C’est le seul cas o`u la mesure deA donne un et un seul r´esultat avec certitude. Par ailleurs, si deux vecteurs d’´etat ne diff`erent que par une phase globale, ils donnent toujours exactement les mˆemes probabilit´es pour toute op´eration de mesure et repr´esentent donc le mˆeme ´etat physique. Une phase globale n’affectant aucune des pr´evisions physiques, il est naturel d’affirmer que l’on est en pr´esence d’un seul et mˆeme ´etat.

Le postulat 4 se g´en´eralise au cas o`u le spectre de A pr´esente une d´eg´en´erescence, c’est-`a-dire lorsqu’il existe un certain nombre20, gm N, de vecteurs propres lin´eairement ind´ependants associ´es `a la mˆeme valeur propre. Dans ce cas, chaque vecteur propre doit ˆetre rep´er´e par la valeur propre, am, et par un autre label, indicer, permettant de le distinguer de ses semblables. L’ensemble de ces gmvecteurs engendre le sous-espace propre de dimensiongmassoci´e `a la valeur propream. Ainsi, on peut noter :

A|am, r = am|am, r , r = 1,2, . . . , gm . (13.27)

20Le cas non-d´eg´en´er´e correspond `agm= 1.

Dans ce cas, l’´etat |Ψ se d´ecompose en sommant d’une part sur les diff´erentes valeurs propres et, pour une valeur propre, sur toutes les “directions” dans le sous-espace d´eg´en´er´e ; on a ainsi :

|Ψ =

m gm

r=1

cm, r|am, r , (13.28)

et la probabilit´e d’obtenir la valeur am par une mesure effectu´ee sur l’´etat|Ψs’obtient `a partir du postulat 4

´ etendu :

Postulat 4 ´etendu La mesure de la grandeur physique repr´esent´ee par l’observable A effectu´ee sur un ´etat quelconque (normalis´e)|Ψdonne le r´esultatam avec la probabilit´ePm´egale `agm

r=1|cm, r|2.

Il est clair que cette affirmation contient la premi`ere formulation du 4`eme Postulat en tant que cas particulier : il suffit de fairegm= 1. Par ailleurs, pour que cette g´en´eralisation ait un sens physique, il faut que la probabilit´ePmne d´epende pas de la base choisie, c’est-`a-dire que n’importe quel changement de base effectu´e

`

a l’int´erieur du sous-espace propre deamne modifie pasPm. C’est bien le cas, comme on le verra par la suite21. Remarque

A plusieurs reprises, l’attention a ´` et´e attir´ee sur la distinction essentielle entre somme des modules ´elev´es au carr´e et module de la somme ´elev´e au carr´e. Avec ceci en tˆete, l’affirmation du Postulat 4 ´etendu m´erite d’ˆetre comment´ee.

L’existence d’une d´eg´en´erescence pour A signifie que la connaissance d’un vecteur propre recouvre une

“r´ealit´e” multiple, puisque, en pareil cas, ce vecteur propre est d´efini avec arbitraire22; plus pr´ecis´ement, ce qui a un sens du point de vue de l’invariance physique – sauf `a fournir ou exiger une information suppl´ementaire –, c’est le sous-espace de tous les vecteurs propres associ´es `a une mˆeme valeur propre, et non pas l’un quelconque de ces vecteurs. Ce sous-espace, lui, est d´efini sans aucune ambigu¨ıt´e ; dans les notations pr´ec´edentes, sa dimension est ´egale `agm.

Pour donner un sens direct `a chacun de ces vecteurs, il faut et suffit de trouver d’autres observables qui commutent avec Aet de d´eterminer leurs vecteurs propres. Soit par exemple le vecteur|am, bp, propre `a la fois `a A et `a B qui commutent. Si tous les couples de valeurs propres (am, bp) sont distincts (en tant que couples), il n’y a plus de d´eg´en´erescence. CommeAetBcommutent, il s’agit de deux grandeurs compatibles. Le contenu du postulat 4 ´etendu consiste `a dire que lors de la mesure deAdonnant la valeur propreamd´eg´en´er´ee, l’observableB a ou bienla valeurb1, ou bienla valeurb2,etc. Leou bienrenvoie `a l’addition des probabilit´es relatives `a des ´ev´enements mutuellement exclusifs, comme l’affirme la th´eorie des probabilit´es23.

Bien ´evidemment, si le couple (A, B) pr´esente encore de la d´eg´en´erescence, il suffit de trouver une troisi`eme observableC, compatible avecAetB, et de d´eterminer les vecteurs propres communs `aA,BetC,|am, bp, cq, et ainsi de suite. Un ensemble d’observables dont chaque vecteur propre est unique (tous lesn-plets (am, bp, cq, . . .) sont distincts les uns des autres) porte le nom d’ECOC (ensemble complet d’observables qui commutent).

Il reste `a dire un mot du cas o`u l’observable A poss`ede un spectre continu, cas qui englobe en fait le postulat premier de Born `a propos de la fonction d’onde de Schr¨odinger. Soit|a un ´etat propre associ´e `a la valeur proprea, appartenant `a une partie continue du spectre ; l’´etat|Ψse d´ecompose suivant :

|Ψ =

da c(a)|a . (13.29)

Alors, la probabilit´e ´el´ementaire d’obtenir comme r´esultat de mesure la valeur situ´ee dans l’intervalle [a, a+ da]

est :

dP(a) = |c(a)|2da . (13.30)

Si ad´esigne la positionx,c(a) n’est autre que la fonction d’onde Ψ(x) d´ej`a introduite et, en effet, selon Born

|Ψ(x)|2dxd´esigne la probabilit´e ´el´ementaire dP(x) d’observer la particule dans l’intervalle [x, x+ dx].

21Le changement de base est une transformation unitaire conservant les longueurs.

Pgm

r=1|cm, r|2 est le carr´e de la longueur de la projection sur le sous-espace d´eg´en´er´e : c’est un invariant dans toute transformation unitaire (rotation g´en´eralis´ee) effectu´ee`a l’int´erieurde ce sous-espace.

22Toute combinaison lin´eaire de vecteurs propres associ´es `a une mˆeme valeur propre est encore vecteur propre.

23Apr`es tout, on pourrait imaginer des d´emons (de Schr¨odinger, de Heisenberg,. . . ) qui, `a l’insu, mesurent simultan´ementBet trouvent les unsb1, les autresb2,etc.

13.1. ENONC ´E DES POSTULATS 69