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Limite classique de la fonction d’onde

10.7 Limite classique

10.7.2 Limite classique de la fonction d’onde

a condition de se placer `a temp´erature ultra-basse.

On peut objecter que, comme v figure au d´enominateur de la formule de de Broglie, il suffit, pour une particule de masse donn´ee, de lui attribuer une vitesse assez petite pour obtenir une longueur d’onde plus grande, ou en tout cas commensurable avec toute valeur prescrite `a l’avance. Ceci est indiscutable, mais l’argument – qui tend `a conduire vers une incoh´erence (une particule macroscopique de tr`es faible vitesse serait quand mˆeme quantique) – ne r´esiste pas `a l’application num´erique. Reprenons le grain de poussi`ere, sans faire r´ef´erence `a un milieu ext´erieur `a la temp´erature T (pourtant in´evitable51) pour estimer sa vitesse v ; celle-ci est donc reli´ee `a λpar :

v = h

M λ 6.6×1034

1015λm 1018 λm

m/s . (10.106)

Siλest tr`es petit devant la dimension du grain – seule autre longueur disponible – il est clair que la M´ecanique ordinaire suffit. Inversement, on attend (?) des effets quantiques lorsqueλ l ou moins ; il faut donc que la vitesse soit inf´erieure ou de l’ordre de :

v 1018

106 m/s = 1012m/s = 102 ˚A/s . (10.107) Une telle vitesse n’a pas de sens pour un objet macroscopique – ne serait-ce que parce que sa rugosit´e de surface n’est certainement pas mieux d´efinie qu’`a 1 ˚A pr`es.

10.7.2 Limite classique de la fonction d’onde

La fonction d’onde est l’objet quantique par excellence, dont il vaut la peine d’examiner la limite classique. Par simplicit´e, on consid`ere une particule de masse m dans une dimension spatiale ; pour un ´etat (stationnaire) d’´energie E, le point de d´epart est l’´equation aux valeurs propres (10.63). Quand le potentiel V est constant, (on peut le prendre nul), les solutions sont des ondes planes de la forme eikx dont le vecteur d’onde est reli´e `a l’´energie par :

E = 2k2

2m . (10.108)

Quand le potentiel n’est plus constant, mais varie lentement (en un sens `a pr´eciser), on se trouve dans des conditions o`u une approche quasi-classique devrait constituer une bonne approximation. Ind´ependamment de cette hypoth`ese d’ailleurs, il est toujours possible d’essayer une solution du genre eiφ(x), ce qui revient simplement

`

a effectuer un changement de fonction inconnue (φ(x) se r´eduit `a une fonction lin´eaire dexdans le casV 0) ;

51 . . . sauf `a consid´erer un grain unique dans l’Univers `a temp´erature nulle, situation pour le moins extrˆeme, o`u le caract`ere sp´ecieux de l’objection saute aux yeux. . . ; imaginer mettre le grain dans une enceinte vide pour le soustraire `a l’agitation thermique de l’atmosph`ere ambiante est un leurre : dans l’enceinte “vide”, il y a du rayonnement thermique !

siV varie lentement, on peut esp´erer obtenirφpar approximations successives, en commen¸cant par n´egliger sa d´eriv´ee seconde, puis `a l’incorporer dans un terme correctif. En posant donc :

ψ(x) = eiφ(x) , p(x) = 2m[E−V(x)] k(x) , (10.109) l’´equation aux valeurs propres (10.63) se transforme en une ´equation (non-lin´eaire) pourφ:

iφ−φ2+ [k(x)]2 = 0 ⇐⇒ φ2 = [k(x)]2+ iφ . (10.110) La quantit´e p(x) n’est autre que l’impulsion classique de la particule, exprim´ee `a l’aide de la coordonn´ee x en utilisant la constante du mouvement E. Bien sˆur, classiquement, cette quantit´e est positive : c’est donc ainsi qu’il faut interpr´eter le radical dans (10.109), dans la r´egion o`u E > V(x), c’est-`a-dire dans la r´egion o`u, classiquement, la particule peut seulement se trouver52. Inversement, en M´ecanique Quantique, rien a priori n’empˆeche E d’ˆetre plus petit que V(x) et il convient donc d’´etendre le domaine de d´efinition de la fonction qui co¨ıncide avec p(x) dans la r´egion classique. On d´efinit donc d’une fa¸con g´en´erale une fonctionp(x), qui donne l’impulsion classique quandE > V(x) (alorsp R+) et qui est prolong´ee par continuit´e dans la r´egion inaccessible classiquement, o`u elle est imaginaire pure ; il en va de mˆeme pourk(x). Le cas ´ech´eant, on utilisera la fonction r´eelle positiveκ(x) telle que :

iκ(x) = 2m[E−V(x)] (E < V(x)) . (10.111)

Le sch´ema it´eratif d’approximation part de l’id´ee que quandV = 0, la d´eriv´ee seconde φest identique-ment nulle. Avec un potentiel lenteidentique-ment variable, l’approximation la plus brutale consiste `a oublier φ dans (10.110) ; ceci produit l’approximationφ0 pourφ:

φ02 = [k(x)]2 ⇐⇒ φ0(x) = ±

k(x)dx+C0 (10.112)

o`uC0est une constante. L’approximation suivante consiste `a remplacer 0 parφ0 au second membre de (10.110), ce qui donne une nouvelle ´equation pour une fonctionφ1 :

φ12 = [k(x)]2+ iφ0 . (10.113)

La solution est, compte tenu de (10.112) :

φ1 = ± k2(x) + iφ0dx+C1 = ±

k2(x)±ik(x) dx+C1 . (10.114) Et ainsi de suite. Les φ0, φ1,. . . constituent les approximations successives de la fonctionφ cherch´ee ; si on s’arrˆete `a φ1, on a doncφ(x) φ1(x). Dans l’expression (10.114), les signes sont solidaires (+ va avec +, avec).

Si l’on s’en tient `aφ1, ceci implique que le rapport|k/k2|est tr`es petit devant 1 : garder la racine carr´ee n’aurait donc pas grand sens. Dans ces conditions, le moins que l’on puisse faire est un d´evelopement limit´e du radical ; `a l’ordre le plus bas, on ´ecrit donc :

φ1 ±

k(x)

1 + ik(x) 2k2(x)

dx+C1 . (10.115)

En effectuant l’int´egration venant du second terme, on trouve : φ1 ±

k(x) dx+ i

2 lnk(x)

K , (10.116)

o`uKest une constante d’int´egration incorporantC1. Revenant `aψpar (10.109), on obtient les deux solutions : ψ(x) ψ±(x)

K p(x)

1/2

e±iΦ(x) , Φ(x) = 1

p(x) dx . (10.117)

52Dit autrement : une particule classique ne peut se trouver dans une r´egion o`u, par la constance de l’´energie, elle aurait une

´

energie cin´etique n´egative.

10.7. LIMITE CLASSIQUE 27

Cette expression est valide si|k/k2| 1, soit53 :

|p(x)| 1|p2(x)| ⇐⇒ |

p| |p(x)| ⇐⇒ |λ(x)p(x)| |p(x)| . (10.118) p repr´esente le taux de variation de p, pilot´e par celui du potentiel V(x). En d´efinitive, la derni`ere ´ecriture signifie que le potentiel doit varier lentement `a l’´echelle de la longueur d’onde.

On dispose maintenant de deux solutionsψ± ; la solution la plus g´en´erale de (10.63) (´equation lin´eaire) est donc :

ψ(x) A+ψ+(x) + Aψ(x) , (10.119)

o`u lesA± sont des constantes `a trouver. C’est ici que les difficult´es techniques commencent r´eellement ([7], Ch.

7 et notamment p. 122).

En effet, consid´erons un point d’abscissex0– dit point tournant – o`u la quantit´eE−V(x) s’annule :

E−V(x0) = 0 , (10.120)

et, pour fixer les id´ees, supposont que dans le voisinage de ce point, on a : E−V(x0)

> 0 six < x0

< 0 six > x0

. (10.121)

La r´egion de droite (x > x0) est donc inaccessible classiquement (l’´energie cin´etique serait n´egative) : un point tournant est un point o`u la vitesse classique change de sens, la particule classique faisant demi-tour. Il est clair que la rapidit´e du changement de sens de la vitesse est d’autant plus grande que le potentiel varie vite enx0 : pour une paroi totalement r´efl´echissante, la vitesse classique passe instantan´ement de +v0 `a−v0.

D’une fa¸con g´en´erale, la condition de validit´e (10.118) est donc certainement viol´ee pr`es d’un point tournant ; ceci veut dire qu’une expression telle que (10.119) n’a de sens que loind’un tel point, donc loin de x0, `a gauche ou `a droite. Dans chacune des r´egions ainsi pr´ecis´ees, l’expression (10.119) est correcte ; on peut donc de fait retenir :

ψ(x)

A+ψ+(x) + Aψ(x) six x0

A+ψ+(x) + Aψ(x) six x0 . (10.122) Il y a maintenant 4 constantes `a trouver ; elles ne sont pas ind´ependantes les unes des autres : il faut bien comprendre que les deux expressions (10.122) sont deux formes approch´ees d’uneseule et mˆeme fonction: si on connaissait celle-ci, son d´eveloppement `a grand|x|fournirait toutes les constantes. Pour relier explicitement les A± auxA±, il faut trouver des conditions de raccordement . . . qui ne peuvent ˆetre ´ecrites enx0en consid´erant seulement les expressions (10.122), puisque celles-ci ne sont valables que loindex0!

La cl´e consiste `a contourner l’obstacle et, au lieu de rester sur l’axe r´eel de l’abscissex, `a se promener dans le plan complexe en contournant le pointx0de suffisamment loin. Alors, moyennant un calcul de math´ematiques appliqu´ees tr`es subtil (o`u les traquenards ne manquent pas), il est de fait possible d’´etablir les relations existant entre lesA± et lesA±.

Ceci ´etant fait, on obtient la limite dite quasi-classique54 de la fonction d’onde pour le probl`eme consi-d´er´e. Le point ´enigmatique est de trouver une fonction d’onde parfaitement d´efinie dans la r´egion inaccessible classiquement : quel peut en ˆetre le sens ? Dans cette r´egion, la fonction d’ondeψest petite (elle contient une exponentielle r´eelle, qui ne peut ˆetre physiquement qu’une exponentielle d´ecroissante, du genre eκ|x|), mais elle n’est pas strictement nulle (dans un langage ondulatoire, on peut parler d’onde exponentiellement amortie).

On verra par la suite que ce fait traduit un effet spectaculaire, strictement quantique, appel´e effet-tunnel : la particule passe de l’autre cˆot´e de la montagne sans passer par dessus.

Terminons par l’expression compl`ete de la fonction d’onde Ψ(x, t), telle qu’elle ressort de l’approximation quasi-classique. En ne consid´erant que la solutionψ+, on a (voir (10.117)) :

Ψ(x, t) K

p(x) 1/2

eiΦ(x)ei−1Et . (10.123)

53Il convient de garder les modules : ppeut fort bien ˆetre complexe.

54On dit aussi : approximation WKB, pour Wentzel - Kramers - Brillouin (ou BKW dans les ouvrages en fran¸cais (!))

En reconnaissant l’action classiqueS =

pdq−Et, ceci s’´ecrit aussi : Ψ(x, t)

K p(x)

1/2

exp [i S(x, t)] . (10.124)

A partir de cette expression, le courant´ j d´efini en (10.82) ressort comme : j = ρ(x) 1

m

∂S

∂x avec ρ= ΨΨ . (10.125)

Puisque ∂S/∂x=p=mv, on trouve finalement :

j = ρ(x)v(x) . (10.126)

A nouveau, cette expression montre queρ= ΨΨ joue bien le rˆole d’une densit´e de particules. Cette id´ee est le fondement du postulat de Born (1927), ´enonc´e dans le chapitre suivant.

Chapitre 11

Fonction d’onde

La fonction d’onde Ψ est manifestement la quantit´e centrale de la M´ecanique Ondulatoire de Schr¨odinger.

Jusqu’`a pr´esent, cette fonction n’a pas encore re¸cu d’interpr´etation pr´ecise bien que Schr¨odinger lui-mˆeme ait commenc´e `a poser quelques jalons sur la voie menant au sens et `a l’utilisation de Ψ en tant qu’outil de pr´evision et de description du monde microscopique. Le but de ce chapitre est de donner l’interpr´etation usuellement accept´ee1, construite peu `a peu entre 1926 et 1930 grˆace aux travaux de Born [9], Heisenberg [10] et Bohr [11].

Cette th´eorie est non-relativiste. La g´en´eralisation relativiste a ´et´e initi´ee par Dirac [12]. Auparavant, pour pr´eparer le terrain, il convient de discuter en d´etails certaines cons´equences des id´ees admises jusqu’`a pr´esent ; on verra comment celles-ci imposent une r´evision compl`ete de certains concepts consid´er´es in´ebranlables par la Physique Classique.

11.1 Fentes d’Young

L’exp´erience des fentes d’Young est bien connue en Optique : c’est elle qui permet la mise en ´evidence des interf´erences lumineuses. Comme d´ej`a not´e, l’association d’une longueur d’onde `a une particule mat´erielle permet de pr´evoir l’existence de ph´enom`enes typiquement ondulatoires avec ces particules, un fait confirm´e par Davisson et Germer en 1927 (voir chapitre pr´ec´edent).

La pr´esentation suivante est une analyse des interf´erences produites avec des particules qui, pour fixer les id´ees, seront des ´electrons. Elle se r´ef`ere `a une exp´erience dont la mise en œuvre effective est bien plus complexe que la description sch´ematique qui va en ˆetre donn´ee ne pourrait le faire croire. Ici, le but est de d´ecrire une exp´erience mentale : c’est une exp´erience, en principe r´ealisable, destin´ee `a illustrer des concepts ´etablis afin d’´edifier – ´eventuellement par essai et erreur – une nouvelle doctrine th´eorique.

Le principe du dispositif est repr´esent´e sur la figure 11.1. Des ´electrons acc´el´er´es par une ddpU passent

`

a travers une grande ouverture S en direction d’un plan (plaque) perc´e(e) de deux trous (fentes) s´epar´e(e)s par la distance d et num´erot´ees 1 et 2 pour la commodit´e. La longueur d’onde associ´ee aux ´electrons apr`es leur acc´el´eration par la ddpU est :

λ = h

2m|e|U . (11.1)

Les franges d’interf´erences sont nettement visibles siλ d, ce qui peut ˆetre r´ealis´e en ajustantU. Les ´electrons sont d´etect´es dans un plan P situ´e `a la distanceLde la plaque ; un compteur mobile permet de savoir combien d’´electrons arrivent `a une abscisse xdonn´ee.

1Le d´ebat sur l’interpr´etation de la M´ecanique Quantique est de nos jours moins passionn´e qu’il ne l’a ´et´e. Devant les impres-sionnants succ`es de cette th´eorie, et l’effet r´evolutionnaire ´etant ´emouss´e par l’habitude, l’immense majorit´e des physiciens a adopt´e une attitude pragmatique qui peut surprendre quand on en revient `a quelques interrogations majeures sur les fondements mˆemes de la M´ecanique Quantique (selon Penrose [8], la M´ecanique Quantique est“la plus exacte et la plus myst´erieuse de toutes les th´eories physiques.”). Ce pragmatisme n’a rien d’´epistologiquement nouveau : aucun physicien ne croit qu’une th´eorie donn´ee est un ach`evement dans l’absolu, mais s’y r´ef`ere en confiance tant qu’aucuneexp´eriencene vient l’´ebranler sur ses bases. C’est le statut actuel de la M´ecanique Quantique.

+

S 1

2

P : plan d'observation

compteur

e -filament

chauffé

plaque

L d

x

Figure 11.1: Sch´ema de l’exp´erience d’Young avec des ´electrons.

A condition d’utiliser un compteur suffisamment sensible et une source pas trop intense, le “courant”` mesur´e dans le plan d’observation n’est pas continu, mais est caract´eristique d’une “pluie” de particules : le d´etecteur donne une suite de coups s´epar´es dans le temps, entre lesquels aucun bip ne se produit. C’est bien pour cela que l’on parle par habitude de particules, sous-entendant par l`a des objets donnant lieu `a des manifestations localis´ees, finalement assimil´es `a des points mat´eriels. D’un autre cˆot´e, rien n’interdit d’utiliser une source suffisamment intense pour que le courant mesur´e soit quasi constant – `a des petites fluctuations pr`es.

On sait bien ce que produit l’exp´erience ci-dessus si, au lieu d’une source d’´electrons, on dispose d’une source lumineuse banale2 et monochromatique, de longueur d’ondeλ0. L’intensit´e lumineuse I(x) poss`ede un maximum central en x = 0 et des maxima secondaires d´ecal´es en angle de 2λ0/d (voir 11.1). La figure vue sur l’´ecran est fixe dans le temps grˆace `a l’´enormit´e du flux de photons. Bien ´evidemment, si l’on r´eduit consi-d´erablement l’intensit´e de la source, on va finir par mettre en ´evidence3 l’aspect granulaire de la lumi`ere : on ne voit plus des franges permanentes mais une suite de petites taches lumineuses ´eph´em`eres, situ´ees `a un endroit ou un autre, apparemment au hasard– la lumi`ere est constitu´ee de photons ! Bien sˆur, `a condition d’int´egrer dans le temps sur un intervalle suffisamment long, la distribution des impacts finira par se confondre avec la distribution d’intensit´e de la figure d’interf´erences obtenue d’embl´ee avec une source conventionnelle.

x

I(x)

Figure 11.2: Repr´esentation sch´ematique de la figure d’interf´erences lumineuses.

Revenons `a l’exp´erience conduite avec des ´electrons. Une longue exposition en un point d’abscisse x variable permet de reconstituer peu `a peu le profil de distribution des impacts,N(x). En divisant par le nombre total d’impacts, on obtient la distribution statistique des fr´equences, f(x), fonction qui tend vers un certain P(x) `a la limite d’un nombre “infini” de coups ; on a envie de consid´ererP(x) comme la (densit´e) de probabilit´e des impacts en un point d’abscisse x: le produit P(x)dxdonne la proportion d’impacts re¸cus entre les points d’abscissesxetx+ dx, normalis´ee `l’unit´e. Le point remarquable est que cette fonctionP(x) est proportionnelle

`

a la distribution d’intensit´e lumineuse quand on fait l’exp´erience avec de la lumi`ere (voir figure (11.2)) :

P(x) I(x) . (11.2)

Si on est d´ej`a persuad´e de la “r´ealit´e” de l’onde associ´ee de de Broglie, ce r´esultat ne devrait pas surprendre.

Toutefois, p´en´etr´e de l’habitude mentale consid´erant les ´electrons “avant tout” comme des particules au sens

2On se souvient (voir l’effet photo´electrique ordinaire) qu’une source ordinaire donne un courant de photons gigantesque (`a 1 m d’une lampe de 100 W ´emettant dans le jaune, on re¸coit environ 1016photons par seconde et par cm2).

3`a condition que le d´etecteur soit assez sensible pour mesurer un petit nombre de photons.

11.1. FENTES D’YOUNG 31

commun, on peut tenter de raisonner comme suit, adoptant implicitement une vision purement m´ecaniste.

L’arriv´ee d’un ´electron en un point donn´e d’abscisse xest un ´ev´enement r´esultant de l’unou l’autre des deux

´

ev´enements ´el´ementaires mutuellement exclusifs : l’´electron passe par une fente oupasse par l’autre. Dans le mˆeme ´etat d’esprit que ci-dessus, on devrait donc pouvoir introduire deux probabilit´esP1etP2d´efinies comme : Pi(x) = Probabilit´e d’arriver enxsur l’´ecran apr`es passage par la fentei (i = 1,2) (11.3) (il s’agit bien sˆur de densit´es de probabilit´e). Dans la vision m´ecaniste ainsi adopt´ee, il n’y a pas d’autres possibilit´es ; le “ou” ci-dessus se traduit, en probabilit´es, par l’addition (la probabilit´e associ´ee `a l’occurrence d’un mˆeme ´ev´enement final (l’arriv´ee au pointx) en cons´equence de deux ´ev´enements mutuellement exclusifs est la somme des probabilit´es). Dans cette vision des choses, on doit donclogiquement´ecrire que l’arriv´ee enx est distribu´ee suivant la somme :

P1(x) +P2(x) . (11.4)

A quoi ressemblent les fonctions Pi(x) ? Na¨ıvement, on s’attend `a deux courbes en cloche comme indiqu´e `a gauche sur la figure 11.3. Les ayant, il est facile de tracer leur somme (`a droite) : elle n’a rien `a voir avecP(x) !

(a) (b) (c) P (x)

P (x) 1

2

P (x) + P (x) 1 2

Figure 11.3: Probabilit´es de passer par un trou ou par l’autre ???

D’un autre cˆot´e, et pour en avoir le cœur net, on peut proc´eder comme suit, `a titre de mise `a l’´epreuve de la validit´e des deux courbes P1 et P2 devin´ees intuitivement. On commence par fermer la fente 2 ; alors, les ´electrons ne peuvent passer que par 1 et on observe de fait sur l’´ecran une distribution du genre P1(x) ayant l’allure indiqu´ee sur la partie (a) de la figure 11.3. Puis, on obture seulement la fente 1 ; les ´electrons ne peuvent passer que par 2 et on observe de fait la distribution P2(x) de la partie (b). L’addition graphique ces deux fonctions donne la courbe (c) . . . qui n’a rien `a voir avec P(x), observ´ee quand les deux trous sont simultan´ementouverts ! Le paradoxe semble mˆeme atteindre son comble quand on r´ealise que, lorsque les deux fentes sont ouvertes, l’´electron a plus de chemins possibles. Et pourtant, l’ouverture de la deuxi`eme fente vient lui interdire d’arriver l`a o`u il le pouvait quand l’un des deux trous seulement est ouvert. Ceci est le fait quantique fondamental : quand plusieurs potentialit´es se pr´esentent, le r´esultat n’est pas la simple superposition des effets associ´es individuellement `a chaque possibilit´e isol´ee.

En d´efinitive, quelque chose est faux dans le raisonnement ci-dessus ; il n’est pas question de remettre en cause la th´eorie des probabilit´es, qui est une th´eorie coh´erente en soi, formul´ee ind´ependamment d’un champ d’application. L’erreur doit donc se tenir dans lemaniementdes probabilit´es pour la situation analys´ee ; il doit ˆ

etre faux d’additionner les probabilit´es comme on vient de le faire. Comme ce n’est pas la th´eorie des probabilit´es qui est en cause mais son usage, la seule conclusion logique est : lorsque les deux fentes sont ouvertes, il est faux de dire “l’´electron est pass´e par une fenteoupar l’autre”.

On verra par la suite que c’est l’ensemble du raisonnement qui est incorrect : lorsque les deux fentes sont ouvertes, l’arriv´ee en un pointxde l’´ecran est calculable en additionnant non des probabilit´es mais des amplitudes de probabilit´es(d´efinies en temps utile par la suite), chacune ´etant associ´ee `a un “chemin” possible.

Par ailleurs, on a essay´e de corr´eler un ´ev´enement (le passage par une fente) `a un ´ev´enement ult´erieur (l’arriv´ee sur l’´ecran) ; la corr´elation stricte n’est possible que dans la mesure o`u l’´ev´enement interm´ediaire est unique : c’est bien le cas lorsqu’une seule une fente est ouverte et alors la distribution P1 ou P2 refl`ete bien le seul

´

ev´enement interm´ediaire possible. Au contraire, lorsque les deux fentes sont ouvertes, la figure globale carac-t´eris´ee parP(x) ne permet pas de “remonter” `a un ´ev´enement interm´ediaire : tous jouent un rˆole comparable.

Quand les deux fentes sont ouvertes, on ne peut pas dire si l’´electron est pass´e par (1) ou par (2) au vu de la distributionP(x). Ne pas pouvoir le dire n’est pas prendre position sur la r´ealit´e d’un tel ´ev´enement ; cependant,

on imagine mal, si la trajectoire existe, qu’elle puisse d´ependre de l’´etat respectif des fentes : si la trajectoire existe au sens commun et si l’´electron passe par une fente, le mˆeme sens commun ne peut accepter l’id´ee que cette trajectoire est sensible au fait que l’autre fente est ouverte ou ferm´ee.

La conclusion `a ce stade se r´esume par la non-´egalit´e suivante. Les deux fentes ´etant ouvertes, la distribution des impacts d´efinie ci-dessus – identique `a celle obtenue avec une lumi`ere de mˆeme longueur d’onde, voir (11.2) – n’est pas ´egale `a la somme P1+P2:

P(x) = P1(x) +P2(x) . (11.5)

Il s’agit d’un fait d’exp´erience, donc indiscutable ; seule son l’interpr´etation peut ´eventuellement ˆetre l’objet d’un d´ebat. Il est important de noter que l’´egalit´eP = P1+P2 (qui est fausse !) a un cˆot´e quelque peu

Il s’agit d’un fait d’exp´erience, donc indiscutable ; seule son l’interpr´etation peut ´eventuellement ˆetre l’objet d’un d´ebat. Il est important de noter que l’´egalit´eP = P1+P2 (qui est fausse !) a un cˆot´e quelque peu