14.7 Repr´ esentation- p
15.1.1 La description de Schr¨ odinger
Cette description4 est centr´ee sur l’´evolution du vecteur d’´etat lui-mˆeme (ou de l’une de ses quelconques repr´ e-sentations : fonction d’onde ordinaire, fonction d’onde en repr´esentation-p, d´eveloppement sur une base discr`ete, etc.). L’´equation de Schr¨odinger (15.1) peut ˆetre r´ecrite en introduisant un op´erateur U(t, t0), dit op´erateur d’´evolution, engendrant l’´etat `a l’instantt`a partir de l’´etat `a l’instantt0. En effet, compte tenu de l’unicit´e de la solution quand on connaˆıt l’´etat de d´epart et de la lin´earit´e de l’´equation de Schr¨odinger, on peut affirmer que|Ψ(t)s’obtient `a partir de|Ψ(t0)par l’action d’un op´erateur lin´eaire5agissant dans l’espace des ´etats ; on pose ainsi :
|Ψ(t) = U(t, t0)|Ψ(t0) . (15.14) En reportant dans (15.1), il vient6 :
i ∂
∂tU(t, t0)|Ψ(t0) = H(t)U(t, t0)|Ψ(t0) . (15.16) Maintenant, l’´etat initial peut ˆetre choisi absolument quelconque ; en particulier, on peut le prendre
successive-|Ψ(t)>
|Ψ(t )>0 U(t, t )
0
Figure 15.1: U(t, t0) contruit|Ψ(t)`a partir de|Ψ(t0).
ment comme ´etant l’un des ´el´ements d’une base de l’espace des ´etats ; l’´equation pour U doit donc ˆetre valide au niveau des op´erateurs eux-mˆemes. On obtient ainsi l’´equation d’´evolution pour l’op´erateurU lui-mˆeme :
i ∂
∂tU(t, t0) = H(t)U(t, t0) . (15.17)
C’est ´evidemment une ´equation du premier ordre ; par la d´efinition deU, on doit avoir :
U(t0, t0) =1 ∀t0 . (15.18)
Par ailleurs, comme la norme de|Ψ(t)est conserv´ee au cours du temps (puisqueH est hermitique),U est un op´erateur unitaire :
[U(t, t0)]−1= [U(t, t0)]† . (15.19)
L’´evolution det0`atpeut toujours ˆetre d´ecompos´ee en deux ´etapes : ´evolution det0`at1puis ´evolution7 det1 `at. Par la d´efinition de U(t, t0), il en r´esulte :
U(t, t0) = U(t, t1)U(t1, t0) . (15.20) En prenantt=t0 on trouve ainsi :
U(t0, t1)U(t1, t0) = U(t0, t0) = 1 , (15.21) et en multipliant `a gauche par l’inverse, il vient :
U(t1, t0) = [U(t0, t1)]−1 . (15.22)
4aussi appel´ee “point de vue de Schr¨odinger” (en anglais : Schr¨odinger picture).
5L’op´erateur est forc´ementlin´eaire– il ne saurait tre antilin´eaire –, puisqu’il existe des transformations infinit´esimales infiniment proches de l’identit´e, celles repr´esentant le passage det`at+ dt.
6La d´eriv´ee de l’op´erateurUse d´efinit comme suit :
∂
∂tU(t, t0) = lim
δt→0
U(t+δt, t0)−U(t, t0)
δt . (15.15)
7Il n’est d’ailleurs pas n´ecessaire quet1se situe entret0 ett.
L’inverse de U s’obtient en ´echangeant les deux arguments – ce qui est bien naturel. Les diverses propri´et´es qui viennent d’ˆetre ´etablies montrent que l’ensemble des op´erateurs d’´evolution d’un mˆeme syst`eme, pris `a des instants diff´erents, a une structure de groupe. En rassemblant (15.19) et (15.22) :
U†(t, t0) = U−1(t, t0) = U(t0, t) . (15.23) Remarque
Une mise en garde est ici n´ecessaire. L’´equation (15.17) porte sur des op´erateurs, dont l’alg`ebre est a priorinon-commutative. Il en r´esulte que l’int´egration de cette derni`ere ´equation ne conduit pas `a8 :
U(t, t0) = exp
comme ce serait le cas si tous les termes d´ependant du temps ´etaient de simples scalaires. L’expression (15.24) n’est la solution de (15.17) que dans le cas o`uH(t) commute avecH(t), quels que soient les deux instantstet t ; ceci n’est r´ealis´e que dans des cas tr`es particuliers – hormis des probl`emes triviaux sans int´erˆet. L’obtention explicite de l’op´erateurU dans le cas o`u le Hamiltonien d´epend du temps est en g´en´eral impossible et on ne sait r´esoudre ce probl`eme (explicitement, `a l’aide ´eventuellement de fonctions sp´eciales) que dans quelques cas assez simples qui jouent un rˆole exemplaire et servent de mod`eles. D’une fa¸con g´en´erale, lorsque le probl`eme ne peut ˆ
etre r´esolu exactement, on recourt aux m´ethodes de perturbation9.
Il est facile de voir o`u intervient la non-commutativit´e. Int´egrons une fois membre `a membre (15.17) ; en utilisant la condition initiale (15.18), il vient :
U(t, t0) = 1 + 1
et ainsi de suite. On met ainsi en ´evidence une s´erie : U(t, t0) = 1+ 1 Par inversion de l’ordre des int´egrations et ´echange des variables muettes d’int´egration, il est facile de voir que le 3`eme terme est aussi :
et on peut l’´ecrire comme la demi-somme de ses deux expressions : 1
qui est le 3`eme terme du d´eveloppement de exp 1
i
t
t0H(t)dt
. Le mˆeme argument vaut pour tous les termes du d´eveloppement en s´erie.
En revanche, lorsque H ne d´epend pas du temps, la difficult´e pr´ec´edente tombe compl`etement : quand H est constant dans le temps,H commute bien sˆur avec lui-mˆeme `a tout temps ; l’alg`ebre devient commutative
8On omet de toute fa¸con le facteurU(t0, t0) = 1.
9expos´ees dans le cours de Maˆıtrise.
15.1. DESCRIPTION DE L’ ´EVOLUTION DANS LE TEMPS 107
et l’´equation (15.17) s’int`egre formellement comme avec des scalaires. D`es lors, la solution qui vaut1ent=t0
s’´ecrit :
U(t, t0) = exp 1
i(t−t0)H
(15.31) ce que l’on ´ecrit d’habitude :
U(t, t0) = ei1 H(t−t0) (15.32)
quand on est sˆur de voir dans les parenth`eses un facteur multiplicatif et non pas une d´ependance en temps de H – qui n’existe pas. L’op´erateur exponentiel au second membre n’est qu’un raccourci d’´ecriture pour la s´erie :
U(t, t0) =
+∞
n=0
(i)−n
n! Hn(t−t0)n . (15.33)
Il est manifeste que, en tant que fonction deH,U(t, t0) commute avecH :
[U(t, t0), H] = 0 . (15.34)
Cela vaut la peine de noter que quandH est ind´ependant du temps,U (donn´e par (15.32)) ne d´epend que de la diff´erencedes tempst et t0; cette propri´et´e traduit l’invariance par rapport `a la translation dans le temps pour un syst`eme dont le Hamiltonien est statique : alors seul compte le temps ´ecoul´e. En pareil cas, U(t, t0) est une fonction d’une seule variable que l’on peut simplement noter U(t−t0) et qui satisfait :
U(t, t0) ≡ U(t−t0) = U(t)U(−t0) = U(t)U†(t0) , (15.35) o`u :
U(t) = ei1 H t . (15.36)
Un exemple simple permet de m´emoriser le pi`ege `a ´eviter quand H d´epend du temps. Imaginons que le Hamiltonien d’un syst`eme change soudainement `a un certain instant (pris comme origine), passant de la valeur constanteH0, ∀t <0, `a la valeurH1, ´egalement constante,∀t >0 :
H(t) =
H0 sit <0
H1 sit >0 (15.37)
En d´ecomposant l’´evolution det0<0 `at1>0 en deux ´etapes, on peut ´ecrire :
U(t1, t0) = U(t1−0+)U(0+,0−)U(0−−t0) (15.38) U(0+,0−) est en fait ´egal `a l’identit´e (voir ci-dessous, (15.45)). Par ailleurs, dans les deux autres intervalles, le Hamiltonien prend une valeur constante, ind´ependante du temps ; on peut donc utiliser le r´esultat (15.32) et
´ ecrire :
U(t1, t0) = ei1H1(t1−0+)ei1 H0(0−−t0) = ei1H1t1e−1i H0t0 . (15.39) CommeH1 etH0 ne commutent pas en g´en´eral entre eux, on n’a pas le droit de regrouper les arguments dans une mˆeme exponentielle10 – qui en effet serait l’int´egrale deH(t) dans le cas consid´er´e :
U(t1, t0) = ei1 H1t1e−1i H0t0 = ei1(H1t1−H0t0) = ei1
Rt1 t0 H(t)dt
. (15.40)
Cet exemple donne en outre l’occasion de discuter ce qui se passe lors d’un brusque changement du Hamiltonien, et d’´etablir le r´esultat annonc´e ci-dessus par anticipation : lors d’un saut fini de H, le vecteur d’´etat est continu. Dans les mˆemes notations que pr´ec´edemment, soit donc une variation instantan´ee de H passant deH0`aH1`a l’instantt= 0. Int´egrons formellement l’´equation de Schr¨odinger entre deux instants±δt de part et d’autre det= 0 :
|Ψ(+δt) − |Ψ(−δt) = 1 i
+δt
−δt
H(t)|Ψ(t)dt . (15.41)
10Pour deux op´erateursAetBqui ne commutent pas, eAeB = eA+B.
Le vecteur |Ψ(t)est born´e `a tout instant puisqu’il est de norme finie ; par ailleurs, H(t) est born´e si l’on ne consid`ere que des sauts d’amplitude finie (aucune des valeurs propres de H0 et H1 n’est infinie). Au total, l’int´egrand est born´e : quandδt→ 0, l’int´egrale tend aussi vers z´ero et on en d´eduit :
|Ψ(+0) − |Ψ(−0) = 0 , (15.42)
ce qui ´etablit la continuit´e du vecteur d’´etat ; on peut raffiner l’argument en imaginant queHpasse graduellement d’une valeur `a l’autre, sur un intervalle de dur´ee T ; par exemple, on peut consid´erer une mont´ee lin´eaire, ce qui revient `a poser explicitement :
H(t) = (H1−H0) t
T +H0 (0 ≤ t ≤ T) . (15.43)
Un calcul simple montre alors que :
|Ψ(T) − |Ψ(0) = 1
i(H1−H0) T
0
t
T|Ψ(t)dt+ 1 iH0
T 0
|Ψ(t)dt . (15.44) A nouveau, tous les int´` egrands sont born´es et si le facteur (H1−H0) l’est aussi, la limiteT → 0 du second membre est nulle. En terme de l’op´erateur d’´evolution, on voit ainsi que, pour un saut fini du HamiltonienH(t) autour d’un instant quelconquet0 (modification soudaine) :
U(t0+ 0, t0−0) = 1 . (15.45)
On retiendra que juste apr`es un tel saut de H, le vecteur d’´etat est inchang´e – il n’a pas encore eu le temps d’´evoluer. `A l’inverse, on peut montrer que pour un changement infiniment lent (modification adiabatique de H(t)), l’´etat du syst`eme ´evolue de fa¸con `a ˆetre, `a tout instant, un ´etat propre du Hamiltonien instantan´e qui varie infiniment lentement. Ainsi, lorsqu’un syst`eme est dans l’´etat fondamental d’un HamiltonienH0`at=−∞
et si ce Hamiltonien varie infiniment lentement pour arriver `a la nouvelle valeurH1(`a t = 0 par exemple), le syst`eme se retrouve dans un ´etat propre de H1 – qui est souvent le fondamental de H1, mais ce n’est pas obligatoire (th´eor`eme de Gell-Mann et Low).
La connaissance du vecteur d’´etat `a l’instantt permet de trouver la moyenne de n’importe quelle ob-servable A`a cet instant11, qu’elle d´epende ou non du temps ; cette moyenne est la moyenne d’un ensemble de mesures effectu´ees dans les mˆemes conditions, au mˆeme instant t `a partir d’un mˆeme ´etat initial|Ψ(t0)et se calcule suivant les principes ´enonc´es ant´erieurement ; dans le cas le plus g´en´eral o`uA d´epend du temps, on a (|Ψ(t)´etant suppos´e normalis´e `a l’unit´e) :
A(t)(t) = Ψ(t)|A(t)|Ψ(t) = U(t, t0)Ψ(t0)|A(t)|U(t, t0)Ψ(t0)
= Ψ(t0)|U†(t, t0)A(t)U(t, t0)|Ψ(t0) ; (15.46) visiblement, mˆeme siAne d´epend pas du temps, sa moyenne en d´epend en g´en´eral par l’interm´ediaire de|Ψ(t): A(t) = Ψ(t)|A|Ψ(t) = fonction du temps ; (15.47) Il n’existe qu’un cas o`u toutes les observables ont une valeur moyenne ind´ependante du temps c’est celui o`u
|Ψ(t)est un ´etat stationnaire. Dans ce cas,|Ψ(t))est de la forme :
|Ψ(t) = ´etat stationnaire ⇐⇒ |Ψ(t) = eEnt/(i)|ψn , (15.48) o`u|ψnest un ´etat propre deH asoci´e `a l’´energieEn ; alors :
A(t) =eEnt/(i)ψn|A|eEnt/(i)ψn= eEnt/(−i)eEnt/(i)ψn|A|ψn=ψn|A|ψn= Cste ; (15.49) Parmi toutes les observables,H joue un rˆole ´eminent, sa moyenne est l’´energie E et s’obtient par :
E(t) = H(t)(t) = Ψ(t)|H(t)|Ψ(t) . (15.50) La d´eriv´ee deE est :
d
dtE(t) = dΨ
dt |H(t)|Ψ(t)+Ψ(t)|dH
dt |Ψ(t)+Ψ(t)|H(t)|dΨ
dt . (15.51)
11au sens d’une esp´erance math´ematique de mesures ind´ependantes effectu´ees au mˆeme instant.
15.1. DESCRIPTION DE L’ ´EVOLUTION DANS LE TEMPS 109
En utilisant (15.1), il vient : d
dtE(t) = H(t)
i Ψ(t)|H(t)|Ψ(t)+Ψ(t)|dH
dt |Ψ(t)+Ψ(t)|H(t)|H(t)
i Ψ(t) . (15.52) Par l’antilin´earit´e du produit scalaire, le second membre se transforme comme suit :