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Le projet et la différenciation des scènes d'action publique

Le projet, entre fragmentation et recomposition de l'action publique urbaine

1. Le projet figure de l'interaction et de l'indétermination

1.1 Le projet et la différenciation des scènes d'action publique

Dans la démarche de projet, la volonté de l'acteur, du groupe, de l'institution ou du territoire mobilisé doit être négociée avec le contexte de l'action. Le contenu du projet n'est plus tant déterminé par des intentions abstraites et générales mais également par ce que les acteurs vont découvrir du contexte interne et externe. Plus, avec le projet, l'enjeu des politiques territoriales n'est plus tant ou uniquement d'unifier, de redistribuer, d'homogénéiser des conditions territoriales mais, au contraire, de développer les spécificités des territoires, de les différencier. Tout ces éléments font donc du projet un vecteur de fragmentation, d'hétérogénisation voire de dissolution des ambitions classiquement attribuées aux politiques territoriales.

1.1.1 Un mode d'action contextualisant : le projet est toujours spécifique à un lieu

Le projet est un mode d'action sur mesure. Il est forcément spécifique à un lieu, à un collectif d'acteur, à une expérience et en cela, contribue à différencier l'acteur, le groupe ou le territoire qui le porte de son environnement. Dans le domaine des politiques d'aménagement et d'urbanisme, la démarche de projet revient à appréhender le territoire comme un isolat physique, social et économique dont la spécificité est irréductible. L'enjeu de l'intervention publique n'est plus alors d' "homogénéiser le territoire" mais plutôt de l' "hétérogénéiser"1. Ce dernier n'est plus vu comme un support et un inducteur des rapports sociaux sur lequel il faudrait intervenir pour réduire des disparités de conditions, il est davantage vu comme sujet dont les caractéristiques doivent être renforcées et valorisées par l'action publique. Le projet est ainsi porteur d'une forte logique de différenciation des politiques territoriales. Celles-ci sont moins guidées par des objectifs d'égalisation des conditions que par des logiques de mobilisation et de valorisation de ressources spécifiques.

Ce "contextualisme" a plusieurs types de déclinaisons dans les démarches de projet. Selon les cas l'accent est mis tantôt sur le contexte interne, tantôt sur le contexte externe. Dans la démarche du projet urbain, l'accent est mis sur le contexte interne. La volonté de rompre avec l'idéologie de la table rase qui caractérisait l'urbanisme fonctionnaliste amène à valoriser les traces de la ville existante dans le souci de "faire la ville sur la ville", de la "ménager". Le projet urbain, indique C. Devillers, est "une pensée de la reconnaissance de ce qui est là, des

1 . Padioleau, J.-G., Demesteere, R., "Les démarches stratégiques de planification des villes", Annales de la

traces, du substrat"2. Dans le cas des projets de ville et de la planification stratégique, l'accent est davantage mis sur le contexte externe. La planification classique, durant les Trente Glorieuses, tendait à faire de l'environnement extérieur de la ville une variable stable, le contexte de croissance était réduit à un effet multiplicateur simple garanti par des politiques nationales keynésiennes soustrayant les villes aux humeurs de la conjoncture économique. A partir des années 1980, les villes voient leur environnement se transformer fondamentalement. La crise des industries traditionnelles, l'austérité fiscale imposée par les Etats centraux et les progrès de la construction européenne déstabilise le contexte d'action des élites urbaines. Celles-ci sont de plus en plus contraintes de scruter l'environnement pour y identifier des menaces et des opportunités et en déduire des stratégies de développement. Le thème de la compétition territoriale fait alors son apparition dans les agendas urbains3. La floraison des démarches de planification stratégique et des projets de ville4 traduit bien cette situation nouvelle où les politiques urbaines ne sont plus conçues comme des réponses à des besoins standardisés, normalisés par des administrations centrales mais construites par le rapprochement des ressources internes de la ville et des opportunités qu'offre l'environnement.

La démarche de projet porte ainsi potentiellement une logique de différenciation des réponses politiques des territoires correspondant elle-même à une logique de différenciation des problèmes et des situations territoriales. La multiplication des pratiques de projet dans les politiques territoriales correspondrait à ce que P. Duran a défini comme le passage d' une "logique des besoins" à une "logique des problèmes". Dans le premier cas, chaque problème social peut être réduit à des besoins universels quantifiables qu'une politique sectorielle peut satisfaire au moyen d'outils et de ressources standards5. Avec le projet, on sort de cette conception selon laquelle la réalité sociale peut être saisie à travers les découpages sectoriels

2 . Le "contextualisme" indique encore C. Devillers, est un des "corollaires conceptuels" du projet urbain, in Le

projet urbain, op. cit., p. 12, 13, 15. Le projet urbain, ajoute Bernard Huet, s'inspire du contexte pour "produire

du contexte, à travers des tracés, des découpages". Le projet urbain est une démarche qui revendique un certain conservatisme qui va à l'encontre de la vulgate éradicatrice que portait le Mouvement moderne. "Pour moi, la ville est une question de continuité, un problème de consensus, en tout cas, ce n'est pas un problème d'innovation. Faire la ville n'est pas innovant. Il y a un aspect conservateur dans la ville, au sens le plus noble du terme, un sens de protection", in "Le projet urbain et l'histoire", art. cit., p. 9.

3 . Sallez, A., Vérot, P., "Strategies for cities to face competition in the framework of European integration",

Ekistics, n°350-351, sept.-oct. 1991, pp. 292-298 ; Budd, L., "Territorial competition and Globalisation : Scylla

and Charybdis of European cities", Urban Studies, vol. 35, n°4, 1998, pp; 663-685 ; Jensen-Butler, C., Shachar, A., van Wersep, J., European Cities in Competition, Avebury, Aldershot, 1997.

4 . Bouinot, J., Bermills, B., La gestion stratégique des villes : entre compétition et coopération, Paris, A. Colin, 1995, p. 75.

5 . L'archétype de cette logique des besoins est la politique des grilles d'équipement menée par le Ministère de l'Equipement en France. Les besoins en équipement étaient évalués en fonction de critères quantitatifs appliqués à toutes les situations locales. Si un besoin était avéré il était satisfait par une procédure et un produit standard.

d'une "nomenclature administrative"6 pour épouser une "logique des problèmes". Les problème sociaux ne vont pas de soi, il doivent être identifiés et formulés à travers le maillage des interactions qui le définissent : "les problèmes sont moins imposés en fonction de nomenclatures juridiques que vécus à partir du territoire, qu'il s'agisse du développement local, de l'exclusion, de l'habitat ou de l'environnement. Du même coup, c'est l'interconnexion des problèmes sociaux qui prend le pas sur la segmentation de l'action, l'interdépendance des acteurs plus que leur juxtaposition, la multiplicité des acteurs et donc des finalités poursuivies sur l'unité du pouvoir"7. Avec la multiplication des recours à la démarche de projet, l'Etat central tend de moins en moins à déterminer les thèmes et les contenus de l'intervention publique. Les problèmes sont construits et pris en charge à l'échelle de leur manifestation : le territoire, la ville, le quartier, etc.8. Certains auteurs ont tenté de rendre compte de cette différenciation des politiques territoriales. Duran et Thoenig, dans une analyse centrée sur le cas français, tentent de démontrer que l'intervention des autorités publiques, et notamment de l'Etat, pour "peser sur la conduite des affaires publiques" se résume désormais à proposer "de façon peu coercitive des scènes d'action plus ou moins durables dans le temps", "destinées à structurer des modes d'échange et à articuler des positions dans un contexte d'interdépendance entre des problèmes, des acteurs et des intérêts"9. La mise en place de dispositifs d'institutionnalisation de l'action collective tels que les contrats, les chartes, les projets, a pour effet de nourrir la fragmentation de l'action publique et d'accentuer "la différenciation des scènes où se construit l'action publique"10.

Dans cette approche, inspirée par le courant français de la sociologie des organisations, le projet est appréhendé comme une forme d'action permettant des recompositions à l'échelle micro des systèmes d'actions locaux mais organisant parallèlement la fragmentation de l'action publique et notamment des politiques territoriales de l'Etat. Cette perspective donne à voir des réseaux de projet agissant au sein d'univers réduits (ce que Lowi appelle les "issues areas"11) définissant, dans une grande autonomie, leurs propres objectifs, normes d'action et identités. Il s'agit à travers la démarche de projet de garantir les conditions

6 . Duran, P., "Le partenariat public-privé entre réglementation et régulation", Revue économique et financière, n° spécial "partenariats public-privé" et développement territorial", 1995, p. 270.

7 . Duran, P., "Les non-dits de l'évaluation", in Timsit, G., Claisse, A., Belloubet-Frier, N. (dir.), Les

administrations qui changent. Innovations techniques ou nouvelles logiques, Paris, PUF, 1996, p. 168.

8 . Béhar, D., Estèbe, P., "L'Etat peut-il avoir un projet pour le territoire ?", Les Annales de la recherche urbaine, n°82, 1999.

9 . Duran, P., Thoenig, J.-C., "L'Etat et la gestion publique territoriale", Revue française de science politique, vol. 46-4, 1996, pp. 600-601.

d'une efficacité de l'action publique en l'organisant sur de territoires restreints, autour de problèmes et d'objectifs bien circonscrits et de systèmes d'acteurs réduits. Des procédures de construction collective des problèmes doivent permettre une appropriation par chacun des acteurs de ces problèmes, l'action par objectifs doit permettre d'articuler les interventions des différents acteurs et de conférer un horizon temporel bien identifiable à l'action. Dans la démarche de projet, l'attention portée à la qualité des processus, à leur capacité de générer une cohésion des systèmes d'acteurs est aussi importante que l'attention portée aux objectifs.

Néanmoins, cette attention portée à la qualité des micro-processus de projet, à l'institutionnalisation de l'action collective a pour corollaire, selon Duran et Thoenig, la fragmentation et la différenciation de l'action publique davantage que sa recomposition12, différenciation des politiques d'un territoire à l'autre mais également au sein du même territoire. Le projet participe d'un processus d'entropie qui rend illusoire la recomposition d'une capacité d'intégration politique à des échelles plus vastes, celle de la ville par exemple. Si recomposition il y a, elle est circonscrite à l'échelle des périmètres d'interaction entre les acteurs13. Le projet n'a des effets intégrateurs qu'à l'échelle des systèmes d'action concrets14. Il ne participe pas d'une dynamique plus globale d'intégration et d'institutionnalisation.

1.1.2 La centralité de l'enjeu des ressources

Le projet est un mode d'action correspondant à une période de rareté des ressources. Ceci a deux types de conséquences dans le domaine des politiques urbaines et territoriales. D'une part, la raréfaction des ressources qui jusque-là étaient fournies par des tiers, 11 . Lowi, T., "American Business, Public Policy, Case Studies, and Political Theory", World Politics, 16 (4), juillet, 1964, pp. 677-715.

12 . La recomposition d'ordres sociaux ne fait de toute façon pas partie des préoccupations théoriques de cette tradition de sociologie des organisations. Pour Olivier Borraz, "la notion même de recomposition prête à confusion dans la mesure où elle postule un ordre antérieur et possiblement un ordre ultérieur". La réalité de l'action publique impose de considérer avant tout "les décalages, les dissonances et les incongruités comme étant la règle au sein des secteurs et des systèmes d'action publique", "les moments d'alignements", de mise en cohérence étant, eux, "toujours contingents et temporaires" et constituant l'exception, in Borraz, O., "Pour une sociologie des dynamiques de l'action publique locale", in Balme, R., Faure, A., Mabileau, A. (dir.), Les

nouvelles politiques locales. Dynamiques de l'action publique, Paris, Presses de Sciences Po, 1999, p. 81 et 77.

13 . C'est ce qu'indique très clairement J.-P. Gaudin pour qui les arènes de négociation qui se structurent autour des démarches de projet ne structurent bien souvent que des mini-représentations catégorielles et professionnelles et participent donc à des recompositions de l'action publique urbaine qui ne dépassent pas le cadre limité des systèmes d'action, in "Politiques urbaines et négociations territoriales. Quelle légitimité pour les réseaux de politiques publiques ?", Revue française de science politique, 45 (1), février 1995, pp. 31-56.

14 . Thoenig, J.-C., "La gestion systémique de la sécurité publique", Revue française de sociologie, XXXV, 1994, pp. 357-392. "L'approche organisationnelle, indique E. Friedberg, traite en fait de la construction et du maintien d'ordres locaux qui assurent la régulation des comportements et l'intégration des stratégies divergentes, sinon conflictuelles, des acteurs concernés. Ces ordres sont limités. Leur ressort et leur extension sont fluctuants : la participation des acteurs varie, et les 'limites' du système d'acteurs concret pertinent s'étendent ou au contraire se

essentiellement l'Etat, s'accompagne d'une injonction faite aux acteurs territoriaux, par les niveaux supérieurs, régionaux, étatiques ou européens, à mobiliser des ressources proprement locales. On voit là encore apparaître un facteur de différenciation et de fragmentation des politiques territoriales. D'autre part, la mobilisation des ressources locales étant devenue un enjeu central, auquel est suspendue l'allocation de ressources extérieures, la mobilisation et l'articulation des ressources tend à déterminer la discussion sur les fins.

L'injonction à la mobilisation des ressources internes

La figure du projet est "liée au temps de rareté : les ressources disponibles de tous ordres deviennent rares et problématiques. Comment mieux gérer cette rareté et éviter qu'elle nous asservisse" se demande J.-P. Boutinet15. La naissance de la planification stratégique aux Etats-Unis est contemporaine d'un tarissement des subventions fédérales aux villes16 ; les projets de ville et d'agglomération sont une réponse à une compétition accrue entre villes ; la Politique de la Ville est une des dimensions du redimensionnement du welfare. La mobilisation des ressources devient donc une dimension essentielle du processus de construction des politiques urbaines. Les politiques territoriales ne sont plus seulement financées ou entreprises sur la base d'une prise en compte de critères objectifs de déséquilibres territoriaux. Le principe de l'allocation de ressources sur la base d'une logique de péréquation et de redistribution est de plus en concurrencé par un principe qui soumet l'allocation de ressources à la mobilisation et à l'articulation préalables de ressources proprement locales. Un principe de mobilisation vient ainsi suppléer un principe d'allocation dans les politiques territoriales de l'Union Européenne mais aussi des Etats français et italien. Tout se passe comme si le projet était la forme d'action correspondant à des stratégies du territoire des Etats reléguant l'enjeu de la redistribution au second plan au profit de l'enjeu de la compétitivité.

rétrécissent au gré des circonstances", in Le pouvoir et la règle. Dynamiques de l'action organisée, Paris, Seuil, 2e éd., 1997, p. 187-188.

15 . Boutinet, J.-P., "Du projet-objet au projet-méthode : destinée d'un concept nomade", préface à Vassilef, J., La

pédagogie du projet en formation, Lyon, Chronique sociale, 4e éd., 1997, p. 9.

16 . Gottdiener, M., "Crisis theory and state –financed capital : the new conjoncture in the USA", International

Journal of Urban and Regional Research, vol. 14, n°3, 1990, pp. 383-404 ; Gottdiener, M., "Retrospect and

prospect in urban crisis theory", in M. Gottdiener (ed.), Cities in Stress : a New Look at the Urban Crisis, Beverly Hills, CA, Sage, 1986, pp. 277-291 ; Fainstein, S., Fainstein, N., "The ambivalent State : economic development policy in the US federal system under Reagan administration", Urban Affairs Quaterly, vol. 25, n°1, sept. 1989, pp.41-62.

C'est le constat que l'on peut faire à la lecture de certaines analyses néo-marxistes et régulationnistes des politiques urbaines et territoriales17. A la lumière de ces travaux, la généralisation des démarches de projet correspondrait à une transformation de l'action publique urbaine commandé par des mutations du système productif, elles-mêmes relayées par les politiques néo-libérales des Etats. Les politiques urbaines et régionales redistributives correspondaient à une phase historique où le Capital, relativement statique, requérait l'appui de l'Etat et de ses dispositifs de redistribution pour constituer des espaces nationaux homogènes et stables permettant d'écouler des productions standardisées. Les politiques urbaines étaient des politiques de la demande reflétant le compromis keynesiano-fordiste de l'après-guerre. Les ressources nécessaires au développement des villes étaient essentiellement détenues et distribuées par les Etats centraux sur la base de critères objectifs (population, niveau d'équipement et de développement, etc.). Par contraste, l'émergence des projets correspondrait à l'abandon des politiques de la demande et la conversion des administrations centrales et locales à une stratégie de l'offre18. La pression exercée par les systèmes de redistribution sur les finances publiques et sur les entreprises, la plus grande mobilité du capital ont entraîné la rupture du compromis keynesiano-fordiste. Les conditions de la croissance sont davantage attendues de la capacité des entreprises à accroître leur compétitivité que de l'accès de classes toujours plus nombreuses de la population à la consommation19. Dès lors, les Etats, mais également les territoires, doivent générer les conditions de la compétitivité des entreprises.

Toujours selon ces approches néo-marxistes et régulationnistes, l'apparition de nouveaux systèmes d'organisation de la production autour du principe de la "spécialisation flexible" mettrait les territoires locaux, et notamment les villes, en première ligne face aux nouvelles exigences de l'économie et expliquerait l'émergence de politiques urbaines pro-actives. Face à des marchés changeants et hyper-concurrentiels, des demandes de plus en plus

17 . Nous nous appuyons ici essentiellement sur les travaux de David Harvey et Bob Jessop : Harvey, D., "From managerialism to entrepreneurialism : the transformation in urban governance in late capitalism", Geografiska

Annaler, 71B (1), 1989, pp. 3-17 ; The Condition of Postmodernity, op. cit. ; Jessop, B., "The Regulation

approach, governance and Post-fordism : alternative perspectives on economic and political change ?", Economy

and Society, vol. 24, n°3, august 1995, pp. 307-333 ; "Fordism and the State", in Amin, A. (ed.), Post-fordism. A reader, Oxford, Blackwell, 1994.

18 . Bob Jessop parle lui du passage d'un "Keynesian Welfare State" à un "Schumpeterian Workfare State", in "Towards a Schumpeterian Workfare State ? Preliminary remarks on Post-Fordist political economy", Studies in

political economy, 40, spring 1993, pp. 7-39.

19 . David Harvey parle de remplacement d'une "rationalité sociale" –forme d'organisation sociale dans laquelle les institutions politiques sont légitimées à mettre en œuvre les conditions de la justice sociale- par une "rationalité de marché" dans laquelle le marché est vu comme une forme pure d'organisation sociale rationnelle, vecteur de justice sociale. Cf. Harvey, D., "Social justice, postmodernism and the city", International Journal of

différenciées, la "spécialisation flexible"20 organiserait la production autour de réseaux de petites unités intégrées, spécialisées conférant aux firmes une meilleure réactivité. Cette nouvelle organisation de la production trouverait dans les villes ou les régions d'industrie diffuse ses lieux d'épanouissement. La proximité spatiale entre firmes, entre une entreprise et ses filiales et/ou ses sous-traitants est redécouverte comme moyen de réduire les coûts d'échange d'information et les coûts de transaction21, de mutualiser les risques liés à certains investissements. La proximité avec des marchés de consommation de plus en plus segmentés et mouvants et avec les secteurs de la recherche-innovation permet aux firmes de réagir plus rapidement aux évolutions de la demande et des technologies. Cependant, la nécessité d'être localisé dans un environnement offrant un niveau maximum de services et un accès aux flux d'informations, incitent les plus grandes entreprises à ne privilégier qu'un nombre restreint de lieux d'implantation22. Ces lieux, ce sont les plus grandes métropoles du monde, celles qui sont capables d'offrir aux entreprises ce que Pierre Veltz appelle une "assurance flexibilité"23, ou bien encore les districts industriels.

Dès lors, villes et territoires se retrouvent en première ligne pour organiser les conditions de la compétitivité économique. Ils s'opposent dans une compétition féroce pour obtenir les implantations d'activités et attirer les classes sociales solvables alors que, parallèlement, la manne des transferts étatiques tend à se tarir24. Autrement dit, les villes doivent faire davantage que ce qui leur était demandé durant la période fordiste avec des ressources qu'elles doivent mobiliser elles-mêmes.

Les projets sont la résultante de cette situation nouvelle. Les projets de villes, les démarches de planification stratégique voient les élites économiques et politiques locales s'associer pour combiner leurs ressources et produire des politiques de l'offre. Les projets urbains et les grandes opérations de renouvellement urbain de prestige sont privilégiés pour