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Le projet, entre fragmentation et recomposition de l'action publique urbaine

2. Le projet comme figure de l'autonomie, de la capacité d'agir et du volontarisme

2.1 Le projet comme mode d'accès à l'autonomie

Le projet est d'abord le mode d'action à travers lequel un individu, un groupe, un système d'acteurs, un territoire, définit lui-même ses priorités d'action et de donne son propre sens à son insertion dans son environnement. Pour saisir cette dimension du projet, on peut opérer un détour par la littérature des sciences de l'éducation : le projet y est présenté comme un outil de formation permettant à un individu d'opérer une véritable réappropriation de

86 . V. Dégot met bien l'accent sur cette tension dans le cas précis des projets d'entreprises : "l'humain, pour être motivé, a besoin de voir où il va, ainsi que d'adhérer aux valeurs de l'entreprise. A ce propos, on constate un léger hiatus qui naît de l'insistance simultanée sur ce besoin de voir et de l'affirmation que la complexité rend difficile la détermination et la désignation d'objectifs précis", in "Projets d'entreprise : évaluation d'un instrument de changement", art. cit., p. 77.

même, de son histoire et lui permettant de mieux maîtriser son environnement et d'y évoluer de manière autonome88. "Alors que l'adaptation signifie l'intériorisation d'un système de valeurs hétéro-finalisé, la projection est l'extériorisation d'un système de valeurs auto-finalisé ; elle consiste à donner du sens à ses actes […] à partir de ses propres valeurs, de ses propres conceptions"89. Jean-Pierre Boutinet rappelle que la notion de projet est intimement liée à différents courants philosophiques qui donnent à voir le monde avant tout comme une volonté90. Mais, à la faveur du volontarisme ambiant, elle connaît depuis deux décennies dans différentes sphères d'activités sociales une fortune jusque-là inconnue. L'individu autonome est censé pouvoir produire par lui-même, à travers son projet, les conditions de son insertion dans le monde et de sa capacité d'action sur ce monde91. Par bien des aspects, le projet apparaît comme le mode d'action par excellence d'une société hyper-individualiste et compétitive et comporte un risque de dislocation du lien social par la négation de ce lien, l'individu ou les groupes se voulant absolument autonomes par rapport à leur environnement92. 87 . Boutinet, J.-P., Anthropologie du projet, op. cit., p. 54.

88 . Cf. notamment Vassileff, J., La pédagogie du projet en formation, Lyon, Chronique sociale, 4e éd., 1997. Pour l'auteur, la fonction que les individus occupent dans la société industrielle est caractérisée par un "système général d'attribution des places sociales qui se caractérise par l'application de critères et de modalités extérieures aux individus concernés" (p. 26). La forme dominante du rapport que les individus établissent avec le monde est un "rapport d'adaptation aux exigences de l'environnement" (p. 27). Mais la fin de la société du plein emploi exige des individus qu'ils passent à un autre type de rapport au monde : un "rapport de projection", "dans lequel la personne prend elle-même en charge le problème de son insertion sociale" (p. 27). Ce passage est à la fois extrêmement exigeant pour les individus mais en même temps, il peut conduire –si l'individu est accompagné par une formation adéquate- à un accroissement de son degré d'autonomie. Car –finissons par cette envolée lyrique- "la projection véhicule la dimension du Désir, elle est une attitude philosophique où la personne fonde son devenir dans l'extériorisation vécue de son désir. La démarche de projection consiste donc pour un individu, à intégrer, dans sa réflexion et dans ses actes, une part plus large de son désir et le conduit ainsi à accroître son degré d'autonomie. L'enjeu est d'ordre culturel : la Pédagogie du projet s'inscrit dans un mouvement qui prépare l'avènement d'une société désignant le Désir et l'Autonomie de ses membres comme valeurs fondamentales" (p. 29).

89 . Vassileff, J., La pédagogie du projet en formation jeunes et adultes, Lyon, Chronique sociale, 3e éd., 1991, cité in Vassileff, J., op. cit., 1997, p. 142.

90 . Jusqu'au XVIIe siècle, l'histoire est ce dont les hommes héritent, mais avec les Lumières, ceux-ci deviennent agents de l'histoire. Le projet devient l'acte par lequel les hommes instituent le monde selon leur volonté. Par la suite, la notion de projet sera plus ou moins directement exploitée par les philosophes pour concevoir le rapport de l'homme au monde. Pour des auteurs tels que Heidegger, Sartre ou encore Merleau-Ponty, le projet est le seul mode possible et légitime d'être au monde. Seule la projection permet à l'être acquérir la conscience de sa subjectivité. Pour un développement très riche sur la prise en charge du projet par la philosophie, cf. Boutinet, J.-P., Anthropologie du projet, Paris, PUF, 1993, p. 29 à 54.

91 . La rhétorique du projet et de l'autonomie a même connu ces derniers temps des développements quasi-pathologiques, notamment dans le domaine de l'éducation et du management, où l'autonomie et le comportement protagoniste qui sont requis des individus ont souvent pour corollaire un renforcement des pressions et des logiques de contrôle qui s'exercent sur eux. Tout ceci dans un contexte où les rapports d'autorité et de domination, les dissymétries de ressources sont systématiquement euphémisés. Sur ce point, voir Boltanski, L., Chiapello, E., Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 1999 et Le Goff, J.-P., La barbarie douce. La

modernisation aveugle des entreprises et de l'école, Paris, La Découverte, 1999.

92 . J.-P. Boutinet évoque cette dérive du projet, celle du narcissisme et de l'autosuffisance qui verrait "l'universalisme mortifère du structuralisme" remplacé par le "singularisme non moins mortifère de l'individualisme projectif", in Anthropologie du projet, Paris, PUF, 1993, p. 5.

Dans le domaine des politiques territoriales, cette dérive individualisante pourrait avoir comme implication la négation des solidarités territoriales entre territoires au profit de discours lénifiants sur la mobilisation des ressources proprement locales et la responsabilisation des acteurs locaux.

2.1.1 Autonomie et responsabilisation des acteurs locaux du projet

L'autonomie de l'acteur ou du groupe en phase de construction d'un projet se manifeste par une capacité d'auto-analyse, une capacité à se situer par rapport à un environnement, à identifier ses avantages et ses faiblesses et à examiner son expérience antérieure pour y trouver des enseignements sur les conduites à tenir. Les démarches de planification stratégique commencent ainsi quasi-systématiquement par la mise en œuvre de la méthode SWOT (Strengths, Weakenesses, Opportunities, Threats). De la même manière, les démarches de projet de ville sont souvent accompagnées d'efforts visant à reconstituer et à interpréter l'histoire de la ville en question. R. Demeestere et J.-G. Padioleau notent ainsi que les démarches stratégiques des villes comportent souvent une légitimation des axes stratégiques par convocation de l'histoire de la ville93.

Le projet fonde l'autonomie de l'acteur ou du territoire parce qu'il lui est, par définition, spécifique à cet acteur ou à ce territoire. Et il lui est spécifique parce qu'il est global, parce que son élaboration est basée sur l'analyse des interactions de processus et de phénomènes qui constituent une situation94. La rationalité qui préside à la démarche de projet est "foncièrement locale et particulariste"95. Le caractère fondamentalement contextuel de la démarche de projet est donc censé être un vecteur d'autonomisation des acteurs et territoires. Selon la rationalité contextualiste du projet, l'autonomie est, en outre, souhaitable car elle est garante d'une plus grande efficacité. La délégation aux échelons locaux, décentralisés, de la production du sens de leur action permet de responsabiliser les acteurs, d'impliquer les

93 . Cf. op. cit., p. 43. Les réformes de décentralisation et la compétition entre villes ont fait connaître une cure de jouvence aux lectures braudeliennes de l'histoire des villes. Nombre d'options économiques et urbanistiques des politiques urbaines sont justifiées par des discours consistant à les rattacher à des généalogies de décisions et de stratégies. Ainsi Braudel est-il directement convoqué par les promoteurs du projet "Lyon 2010" : "Lyon ne trouve son ordre et les conditions de son épanouissement que sur le plan international ; elle dépend de logiques à très large rayon. Il lui faut la complicité du dehors. Les fées qui la favorisent sont étrangères", cité par J.-M. Offner, art. cit., p. 45.

94 . "Autant le terme de programme désigne un contenu général valable partout, autant le projet est spécifique à un lieu, fruit de la seule initiative de ses acteurs potentiels ; autant la mise en œuvre d'un programme nécessite pour son exécution une concertation des administrations concernées, autant le projet requiert pour son élaboration ce qu'il est convenu d'appeler une approche globale, c'est-à-dire un dépassement des raisonnements verticaux et sectoriels", in Donzelot, J., Estèbe, Ph., L'Etat animateur, pp. 39-40.

95 . "La vérité pragmatique des démarches stratégiques remplace la vérité révélée de la planification urbaine" indiquent encore Demeestere et Padioleau, op. cit., p. 80 et 81.

personnels. Telle est la logique de la démarche des "projets de service" dans l'administration française lancée par le gouvernement Rocard en 1989, et largement inspirée des projets d'entreprise96 et du management participatif. Selon les promoteurs de cette démarche, un système d'acteurs est d'autant plus à même d'atteindre ses objectifs qu'il a participé à leur définition et qu'il a disposé d'une large autonomie pour définir les moyens opérationnels pour atteindre ces objectifs97. Le projet de service consiste donc pour une équipe administrative à mieux connaître la "demande" de ses commanditaires publics et privés, à clarifier ses missions et les relations avec ses commanditaires, à mieux comprendre son environnement, pour finalement redéfinir de manière autonome ses modes de travail98.

La diffusion des démarches de projet correspond effectivement à un mouvement général de localisation de la construction du sens des politiques urbaines, signe lui-même d'une progressive autonomisation des villes. En suivant certains auteurs que l'on peut rattacher au courant de l'économie politique, on peut rapprocher la multiplication de ces projets du processus de mondialisation et de recomposition consécutive des Etats nationaux et de leurs politiques publiques99. Les phénomènes de globalisation, on l'a dit, sont certes porteurs de processus de dé-territorialisation, mais également de re-territorialisation. Certaines transformations des systèmes productifs tendent à localiser les interactions économiques et à induire, consécutivement, une localisation tendancielle des interactions socio-politiques100. Les travaux d'économistes, de géographes et de sociologues sur les économies locales101 ont montré comment l'évolution des systèmes productifs occidentaux vers un modèle de spécialisation flexible pouvait profiter aux économies locales en tant que lieux de production de biens collectifs de plus en plus valorisés par le système économique. En effet, avec

96 . Denis Segrestin note en effet que l'organisation du travail autour d'équipes de projet autonomes dans la définition de leurs modes d'organisation est une des figures essentielles de la recomposition du travail en entreprise : "Pour préparer la conception et la mise en fabrication d'un produit nouveau, pour coordonner les conditions de mise en œuvre d'un gros équipement industriel, des chefs de projet sont chargés de constituer des équipes dont les membres sont prélevés sur toutes les unités concernées et tous les niveaux de la hiérarchie, et ceci pour une durée qui peut être de plusieurs mois ou années. L'objectif est de mettre en contact direct et en situation de responsabilité conjointe toutes les compétences qui, dans le système hiérarchique traditionnel, interviendraient séparément ou successivement", in Sociologie de l'entreprise, Paris, A. Colin, 1992, p. 208.

97 . Ministère de la Fonction Publique, Commissariat Général au Plan, L'Etat dans tous ses projets. Un bilan des

projets de services dans l'administration, Paris, La documentation française, 1994.

98 . Cf. sur ce point la thèse de Lionel Chaty, L'administration face au management. Projets de service et centres

de responsabilités dans l'administration française, Paris, L'Harmattan, 1997.

99 . Sassen, S., The Global City, Princeton, Princeton University Press, 1991 ; Veltz, P., Mondialisation, villes et

territoires, Paris, PUF, 1996 ; Sallez, A. (dir.), Les villes, lieux d'Europe, La Tour d'Aigues, Editions de l'Aube,

1993.

100 . Balme, R., "Introduction. Pourquoi le gouvernement change d'échelle ?", in Balme, R. (dir.), Les politiques

du néo-régionalisme, Paris, Economica, 1996, p. 18.

101 . A partir notamment de l'ouvrage de référence de M. Piore et R. Sabel, The Second Industrial Divide :

l'accélération du rythme du changement des technologies et de la demande, les biens collectifs qui résultent de la proximité entre acteurs et institutions –connaissance réciproque, rapports de confiance et de coopération entre acteurs, transferts de technologie, orientation de la formation professionnelle en fonction des besoins de l'économie locale, connaissance fine des marchés et des demandes, réseaux de coopération entre firmes, flexibilité de la main d'œuvre, etc.- et qui sont produits localement pour l'essentiel102 semblent prendre une importance que les biens collectifs produits au niveau national (systèmes de négociations collectives, de protection sociale, de planification et de programmation économiques, politiques d'infrastructures) tendent à perdre. Ainsi, dans un contexte de globalisation qui semble affaiblir la capacité des Etats-nations à réguler l'économie, les villes apparaissent comme les espaces d'établissement d'un possible compromis entre économie et politique et de recomposition d'une capacité politique et sociale à construire et réguler l'économie. Les projets seraient alors les signes d'une autonomie croissante des villes dans la définition de leurs stratégies de spécialisation économique en réponse aux sollicitations croissantes de l'économie globalisée et à la recomposition des politiques territoriales des Etats.

2.1.2 Projets et autonomie des villes en France

Ce mouvement d'autonomisation est net en France où l'Etat semble bien en peine aujourd'hui de produire une vision intégrée de l'aménagement du territoire national et des fonctions qu'y occupent les territoires locaux et régionaux. Aujourd'hui, la mutation des conditions économiques ne permet plus à l'Etat d'organiser le territoire national à l'image d'une grande usine fordiste. "Privé de représentation, l'espace national ne sert plus de référent à un projet national d'aménagement du territoire. Dès lors, l'inflation procédurale et la délégation du projet aux différents niveaux de collectivités territoriales composent la réponse pragmatique à cette 'crise de la représentation'"103. Les grandes politiques d'aménagement du territoire des Trente Glorieuses, les politiques d'infrastructures, de décentralisation industrielle, des métropoles d'équilibre et des OREAM104, mettaient en scène un Etat central fort, ordonnant les territoires dans le cadre d'un schéma national d'organisation de la production.

102 . Ce que Le Galès et Voelzkow appellent les "local collective competition goods" intangibles, Le Galès, P., Voelzkow, H., "Introduction", in Crouch, C., Le Galès, P., Trigilia, C., Voelzkow, H. (eds), The Governance of

Local Economies, à paraître.

103 . Béhar, D., Estèbe, P., "L'Etat peut-il avoir un projet pour le territoire ?", Les Annales de la recherche

Aujourd'hui, à la faveur des lois de décentralisation et de la transformation des conditions économiques, l'Etat français est davantage amené à accompagner les territoires locaux dans la constitution d'une capacité à élaborer de manière autonome les modalités de leur insertion dans leur environnement national et européen. Si l'Etat conserve aujourd'hui un rôle essentiel notamment en matière de redistribution financière –essentiellement à travers les dispositifs de protection sociale d'ailleurs- et de disposition du cadre législatif et procédural des politiques territoriales, sa capacité à prescrire des stratégies territoriales semble se réduire comme peau de chagrin. La DATAR à travers l'initiative des chartes d'objectifs au début des années 1990 et, aujourd'hui, autour du dispositif expérimental des projets d'agglomération accompagne ce processus d'autonomisation105. Son nouveau slogan en est le témoin : "Faites des projets, l'Etat vous soutiendra". La récente Loi d'Orientation sur l'Aménagement et le Développement Durable du Territoire (LOADDT de juin 1999), dite loi Voynet, entend clairement rompre avec une tradition d'un aménagement du territoire conçu à partir d'un centre ordonnateur106. La priorité est désormais au renforcement des "communautés géographiques que l'histoire et l'économie ont façonnées", en faisant des pays et des agglomérations les acteurs principaux du développement. La politique d'aménagement du territoire doit viser sur ces territoires à développer une capacité d'action collective : "l'objectif est de passer d'une logique de guichet à une politique de projet" permettant aux territoires de gagner en autonomie107. Cette insistance sur la capacité autonome d'action collective des 104 . Organismes Régionaux d'Etudes des Aires Métropolitaines mis en place pour accompagner la politique des métropoles d'équilibre et pour préparer les Schémas Directeurs. Cf. Laborie, J.-P., de Roo, P., La politique

française d'aménagement du territoire de 1950 à 1985, Paris, La Documentation française, 1985.

105 . Prévus par la Loi Voynet, les contrats d'agglomération sont un dispositif expérimental de contractualisation directe entre les structures intercommunales de 14 agglomérations volontaires. La démarche, conduite conjointement par la DATAR et l'Association des Maires des Grandes Villes de France (AMGVF), a associé les structures intercommunales et les services de l'Etat dans la définition des enjeux et problématiques spécifiques des 14 sites et dans la signature de contrats d'agglomération. Sur cette expériences, voir le livre que Francis Ampe, ancien maire de Chambéry, conseiller régional Rhône-Alpes et conseiller pour la DATAR de l'opération Contrats d'agglomération et Claude Neuschwander, consultant en ont tiré : La République des villes. Une

révolution en marche, La Tour d'Aigues, 2002 ainsi que le rapport de Daniel Béhar et Philippe Méjean, Contrats d'agglomération, l'obligation d'innover, Rapport de synthèse de l'opération "Sites témoins" des contrats

d'agglomération, DATAR - AMGVF, juin 2001.

106 . La fonction planificatrice de l'Etat est même radicalement remise en question par l'abandon du "schéma national", reliquat d'une vision fonctionnaliste et centraliste du territoire national encore présente dans la précédente loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, dite loi Pasqua, du 5 février 1995. Il est remplacé par des schémas de services collectifs qui sont construits de manière incrémental au fil de la confrontation des intérêts locaux et nationaux.

107 . Duron, Ph., Rapport sur le projet de loi n°1071 d'orientation pour l'aménagement et le développement

durable du territoire portant modification de la loi n°95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, Assemblée Nationale, n°1288, p. 9. Le projet de loi est assez explicite quant à

cette volonté d'autonomiser les territoires en les rendant responsables de leur projet d'inscription dans les territoires national et européen : "l'Aménagement et le développement durable du territoire [...] incitent à repenser l'organisation de la société avec la mise en place de réseaux interactifs et flexibles qui favorisent

territoires est intimement liée à une reconnaissance par la loi du rôle primordiale des villes et des agglomérations dans le développement durable qui rompt avec la tonalité anti-urbaine de la Loi Pasqua : le dispositif des projets d'agglomération doit permettre aux structures intercommunales urbaines de négocier directement avec l'Etat dans le cadre des Contrats de Plan. Les villes doivent se constituer en unités sociales et politiques autonomes capables de dire "nous"108.

Les seuls territoires où l'Etat semblait jusqu'à récemment encore porteur d'une vision substantielle de l'aménagement et de la solidarité sont les quartiers urbains en difficulté investis par une Politique de la Ville, dernier refuge d'un Etat annonçant sempiternellement son retour. Mais là aussi, la logique même du projet induit une croissante logique d'autonomisation de la production du sens des politiques urbaines. Cette logique d'autonomisation/localisation de la Politique de la Ville s'est vue validée par le Rapport Sueur109 : pour inscrire véritablement les dispositifs de la Politique de la Ville dans une politique territoriale globale, les membres de la Commission Sueur préconisent d'en confier la compétence à un véritable "pouvoir d'agglomération", doté d'une légitimité démocratique, de moyens financiers (fiscalité propre notamment) lui permettant de procéder aux arbitrages territoriaux en matière de programmation de l'habitat, de localisation des activités économiques, d'implantation des services, des équipements, d'organisation des réseaux de

l'autonomie des personnes et des petites unités. Ils nécessitent aussi des modes inédits de régulation qui organisent la coopération entre les différents acteurs du développement et favorisent l'émergence d'activités pérennes" (p. 5). La mise en valeur de la capacité autonome d'action collective des territoires renvoie du même