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Cette section décrit le programme de réadaptation au travail à l’étude ainsi que ses grandes étapes. Le contenu de cette section provient de plusieurs sources : d’un document interne concernant le contenu du programme (Établissement de réadaptation, 2007), de l’article de Gagnon et Belzile (2005) et du site internet de l’établissement de réadaptation (2008). Juste avant le début de l’étude, des échanges avec l’un des ergothérapeutes du programme ont permis de décrire les grandes étapes du programme. Toutes ces informations ont été révisées par des professionnels du programme, notamment, par la chef de programme et la coordonnatrice clinique avant le début de l’étude.

5.1) Informations générales

Le programme de réadaptation au travail à l’étude s’inscrit dans une approche écosystémique. Plus précisément, le programme se tient au moins en partie dans le milieu de travail (réf. à la qualification d’« éco ») et tente de mettre en relation les différents milieux de vie pertinents à la réadaptation (réf. à la qualification de « systémique »; p. ex., le système de compensation, le système de santé, etc.). Le principal mode d’intervention des professionnels du programme est l’interdisciplinarité. Chaque équipe interdisciplinaire œuvrant au sein du programme comprend habituellement un médecin, un ergothérapeute, un ergonome, un psychologue, un physiothérapeute et un kinésiologue (éducateur physique). Au long du programme, les membres de l’équipe établissent ensemble les objectifs interdisciplinaires. Chacun des professionnels de l’équipe utilise des modalités thérapeutiques propres à son champ d’expertise ou relevant de champs de compétences partagées pour atteindre chaque objectif interdisciplinaire. Ainsi, pour chacun des objectifs, chaque membre de l’équipe a un rôle spécifique à jouer. Par exemple, si l’objectif interdisciplinaire vise à améliorer la gestion des symptômes de douleur de la personne en réadaptation (l’usager) : le psychologue lui enseignera des méthodes de relaxation ou différentes stratégies d’adaptation (« coping ») en milieu clinique, le physiothérapeute fournira des exercices d’étirements et l’ergothérapeute s’assurera qu’il utilise convenablement ces stratégies lors de la réalisation des tâches de travail. De plus, l’équipe doit échanger avec plusieurs autres représentants provenant de divers milieux, dont le milieu médical (p. ex., le médecin traitant ou de l’employeur), le milieu de travail (p. ex., le supérieur immédiat et un représentant du syndicat) et le milieu de l’assurance (p. ex., un conseiller en réadaptation). Concernant le milieu de travail, les intervenants du programme doivent échanger régulièrement avec l’employeur et, le cas échéant, un représentant du syndicat afin d’améliorer le pronostic de retour au travail. Ainsi, tout au long du processus il y a échange d’informations, discussions des modalités du retour au travail et sensibilisation aux besoins des travailleurs. Le programme de réadaptation au travail étudié s’adresse à une clientèle présentant des problématiques de santé variées touchant les systèmes nerveux, musculaire ou squelettique et qui est en situation de handicap

au travail ou aux études. Plus précisément, selon la vision du modèle du processus de production du handicap (MDH-PPH2), une situation de « handicap » signifie la présence d’une divergence entre les capacités de la personne et les exigences de son environnement de travail ou d’étude42. Les usagers du programme présentent des atteintes musculosquelettiques (douleurs subaigües ou chroniques) et/ou neurologiques (p. ex., traumatisme craniocérébral (TCC), accident vasculaire-cérébral (AVC), lésions médullaires, etc.), les empêchant de travailler ou d’étudier. Concernant les atteintes musculosquelettiques, au moment de l’étude, deux équipes de réadaptation coexistent : l’équipe « subaigüe » et l’équipe « chronique ». Malgré cette appellation, ces équipes sont établies sur certains critères faisant en sorte qu’ils ne visent pas spécifiquement les usagers en phase de douleur « subaiguë » (entre 4 et 12 semaines) ou « chronique » (plus de trois mois)43. En effet, l’équipe « subaigüe » s’adresse généralement à des individus blessés ou malades depuis huit semaines à deux ans et qui présentent un pronostic favorable de réintégration au travail dans un court délai (à l’intérieur de quatre semaines). La deuxième équipe, celle dite « chronique », s’adresse à des usagers blessés ou malades depuis plus de six mois, qui présentent certaines problématiques d’adaptation et une mauvaise condition physique générale nécessitant davantage d’interventions cliniques avant le retour au travail. La plupart sont sans lien d’emploi et proviennent de l’extérieur de la région de Québec. La coordonnatrice clinique dirige les usagers vers l’une ou l’autre de ces équipes selon l’ampleur des impacts du TMS sur ses habitudes quotidiennes. L’usager sera donc dirigé vers l’équipe « subaiguë » si la coordonnatrice évalue que l’effet du TMS sur ses habitudes quotidiennes est modéré et qu’un retour au travail est envisageable rapidement. Dans le cas contraire (effet important du TMS sur les habitudes quotidiennes et retour au travail difficilement envisageable à court terme), l’usager est plutôt dirigé vers l’équipe « chronique ». Les usagers de l’équipe subaiguë sont ceux ciblés pour prendre part à l’étude puisque, contrairement à ceux pris en charge par l’équipe « chronique », ils ont habituellement conservé leur lien d’emploi.

5.2) Étapes du programme

Même si tous les plans d’interventions sont personnalisés et adaptés aux besoins de chaque travailleur, le processus de réadaptation au sein de l’équipe « subaigüe » peut être divisé en cinq grandes étapes : (a) l’avant prise en charge; (b) l’évaluation; (c) la préparation au Retour Thérapeutique au Travail (Pré-RTT); (d) le Retour Thérapeutique au Travail (RTT); et, au besoin, (e) le Maintien des Acquis en Emploi (MAE). L’objectif du programme est le retour au travail (ou aux études) durable et sécuritaire44.

42 Cette vision n’est pas compatible avec celle de la classification internationale des déficiences, incapacités et handicaps (CIDIH) où la situation de handicap est une conséquence de la déficience (Durand et Loisel, 2001b).

43 À noter que la dénomination de ces équipes est remise en question au sein du programme.

44 Il est possible que certains usagers ne puissent pas retourner en emploi chez l’employeur d’avant la lésion et c’est pourquoi l’objectif du programme n’est pas libellé spécifiquement pour le retour au travail chez le même employeur.

(a) L’avant prise en charge. Les demandes de prise en charge peuvent être transmises par plusieurs organismes ou professionnels externes au programme (notamment la CSST, les médecins, les employeurs ou les centres de réadaptation régionaux). Elles peuvent aussi provenir de l’un des programmes de l’établissement de réadaptation (c.-à-d., de « l’interne »), ou encore, peuvent provenir directement de l’usager (via le médecin traitant). Toutes les demandes sont ensuite évaluées par le coordonnateur clinique de chaque équipe qui établit la priorité des dossiers et, le cas échéant, les ordonne sur la liste d’attente.

(b) L’évaluation. Le début de la prise en charge est marqué par l’évaluation du patient. Plus précisément cette étape se divise en trois : l’évaluation initiale, les évaluations disciplinaires et l’élaboration d’un plan d’interventions interdisciplinaires (PII) initial.

Lors de l’évaluation initiale, des rencontres se tiennent entre l’usager et les intervenants concernés. Habituellement, l’usager prend part à trois rencontres : une rencontre de 20 minutes avec la personne responsable de la coordination clinique, une rencontre d’une durée variant entre 1 h et demie et 2 h avec le médecin et une rencontre de plus ou moins 2 h avec l’ergothérapeute. Ces rencontres visent notamment à identifier les facteurs de risque reliés à l’incapacité de retourner au travail ainsi que les obstacles et les facilitateurs du retour au travail45. Cela permet d’établir un portrait de l’usager, puis d’élaborer un plan de réadaptation agissant sur ces facteurs. À la suite de leurs rencontres respectives, une rencontre regroupant l’équipe d’intervenants concernés a lieu pour discuter des facilitateurs et des obstacles au retour au travail. Ils doivent aussi s’entendre sur la capacité de l’usager à participer au programme et, le cas échéant, poursuivre le processus d’évaluation. Dans le cas contraire, l’évaluation peut entrainer la fin des interventions. Enfin, chaque « cas » est présenté brièvement (15 à 30 min) à l’équipe d’intervenants à la suite des rencontres d’évaluation initiale. Lors de cette première « discussion de cas », les intervenants ayant participé à l’évaluation initiale présentent le portrait de l’usager, les priorités d’intervention et les recommandations ciblées. Par la suite, ces « discussions de cas » ont lieu chaque semaine, c’est-à-dire de l’entrée de l’usager dans le programme jusqu’à sa sortie. Une rétroaction des discussions est effectuée auprès de l’usager.

45 Via le recours à différents questionnaires, entrevues et un examen médical. Plus précisément, les indicateurs de la situation de handicap au travail (ISHT; Durand et coll., 2002) sont documentés à l’aide d’une entrevue semi-structurée. Différents questionnaires sont aussi remplis (p. ex., l'outil d'identification de la situation de handicap au travail (OISHT), le Tampa Scale of Kinesiophobia (TSK), le Work Adaptation, Partnership, Growth, Affection and Resolve questionnaire (Work APGAR), le Pain Catastrophizing Scale (PCS) et d’autres45). L’OISHT permet de cibler certains facteurs de risque liés à l’incapacité de retourner au travail, d’ordre personnel, administratif et environnemental. Quant aux autres questionnaires, ils visent à mesurer certains déterminants du retour au travail, dont la dramatisation (p. ex., la kinésiophobie, le degré de soutien ou la qualité de l’environnement de travail perçu par l’usager) en plus d’établir le portrait professionnel (le développement professionnel et les expériences de travail), certaines caractéristiques personnelles (la situation économique, le soutien des proches) et certaines caractéristiques de la situation du travail (le milieu de travail, l’attitude de l’employeur et des collègues de travail). Quant à l’examen médical, il vise à documenter l’état physique et psychologique de l’usager.

L’évaluation initiale est suivie par des évaluations unidisciplinaires. Alors, chacun des intervenants concernés par les priorités d’intervention procède à l’évaluation unidisciplinaire de l’usager (sur le plan physique, psychologique, etc.), afin de préciser les cibles d’interventions. À la suite de cette évaluation, les plans d’interventions unidisciplinaires (PIU) sont élaborés (p. ex., le plan d’interventions de l’ergothérapeute). Enfin, il y a élaboration du PII initial par les intervenants concernés (du programme de réadaptation au travail ou d’autres programmes de l’établissement, selon les besoins de l’usager), le conseiller en réadaptation et l’agent d’indemnisation. Ces deux derniers peuvent être absents lors de la rencontre visant l’élaboration du PII initial et sont alors contactés par téléphone. Quant à l’usager, il n’est habituellement pas présent lors de l’élaboration du PII initial, mais pourrait participer à sa révision. La rencontre permet de documenter le pronostic d’intégration socioprofessionnelle, les objectifs poursuivis et les moyens d’intervention à préconiser. Lorsque l’élaboration du PII initial est terminée, il est envoyé au médecin traitant et, le cas échéant, à l’assureur. Toutefois, un PII n’est pas élaboré dans les cas où l’intervention est ponctuelle, unidisciplinaire ou ne vise que l’évaluation de la situation (p. ex., adaptation d’un poste)46. Des révisions du PII ont lieu aux quatre à six semaines, lors d’une rencontre (de 30 à 60 min en moyenne) où les changements significatifs relatifs au processus de réadaptation sont soulevés. Les objectifs du PII sont donc révisés pour rendre compte de ces changements. De même, les prochaines cibles d’intervention et la durée des interventions sont discutées. L’usager peut participer à la révision de son PII selon des modalités variant entre les équipes. Dans les cas où l’usager est absent, le PII lui est présenté pour approbation ou modification.

(c) La Préparation au Retour Thérapeutique au Travail (Pré-RTT). Lorsque l’usager n’a pas les préalables pour amorcer rapidement la phase d’intégration au travail, le Pré-RTT marque le début de la « réelle » prise en charge. Il s’agit alors du début des interventions cliniques interdisciplinaires. La durée de cette étape varie généralement entre deux et quatre semaines, mais elle peut être plus longue selon les besoins de l’usager. Le Pré-RTT vise à augmenter les capacités générales de travail de l’usager en milieu clinique avant le retour dans le milieu de travail. Pour se faire, des traitements selon l’approche cognitivo-comportementale sont mis en place. Sur le plan cognitif, des informations sur la pathologie, sur la gestion de la douleur et sur le stress peuvent être données à l’usager. Sur le plan comportemental, d’autres traitements visent aussi à développer ses capacités physiques du travailleur. Selon les besoins de l’usager, des consultations médicales peuvent être au programme, de même que des mises en situation spécifiques de travail supervisées par l’ergothérapeute. Cette étape sert à préparer la suivante (le RTT) et c’est pourquoi, dans les quatre semaines suivant le début de la prise en charge, l’ergothérapeute peut contacter l’employeur pour planifier une « rencontre d’ouverture de porte » dans le milieu de travail. Parfois, ce contact est effectué par l’intermédiaire de l’assureur. La « rencontre d’ouverture de porte » est une visite du milieu de travail qui inclut habituellement

une analyse sommaire du poste de travail ainsi que des discussions quant aux modalités concernant la mise en place du RTT. Cette rencontre a pour but de vérifier la possibilité d’effectuer un RTT dans l’organisation et de connaitre les modalités possibles pour se faire (p. ex., prise en compte des particularités du milieu devant être respectées et entente sur les mécanismes de communications). Elle a aussi pour objectif avoué de créer un « partenariat » avec l’employeur, facilitant le RTT. Selon le contexte de la réintégration et l’ergothérapeute responsable du dossier (certains sont plus enclins que d’autres à faire participer les usagers), l’usager peut être ou non présent à cette rencontre. Par « contexte », il est question qu’une participation de l’usager à cette rencontre est plus probable si la relation entre l’employeur et l’usager semble bonne. Dans le cas contraire, l’usager n’y prend habituellement pas part. La tendance actuelle vise toutefois à s’assurer qu’au moins une portion de l’entretien s’effectue sans l’usager afin d’éviter que l’employeur retienne des informations pertinentes à la réintégration en emploi en raison de sa présence.

(d) Le Retour Thérapeutique au Travail (RTT). Le RTT marque le début du retour progressif et thérapeutique au travail. L’intégration dans le milieu de travail s’effectue en alternance avec des journées en milieu clinique et la progression est planifiée hebdomadairement selon l’évolution de l’usager. Différentes interventions peuvent être requises pour faciliter l’apprentissage et la réalisation autonome du travail. Par exemple, selon les contraintes occupationnelles, il peut s’agir de préparer l’accueil en milieu de travail, de développer certaines capacités de travail, de changer le rythme ou la nature des tâches, l’horaire de travail, le régime d’emploi, ou encore, de fournir de l’aide au travailleur en réintégration. Lors des premières présences au travail, l’ergothérapeute ou l’ergonome assure la supervision du travail. Ces derniers sont aussi présents lors des moments stratégiques (p. ex., lors de l’essai d’un nouvel équipement ou de la reprise d’une tâche jugée « critique »). Leurs interventions sont consignées dans des « relevés d’interventions ». Chaque semaine ou aux deux semaines, les intervenants en milieu de travail discutent et/ou transmettent un plan de RTT à l’employeur ou son représentant. Ce plan indique les modalités du RTT pour la ou les deux semaine(s) à venir. Il contient, par exemple, les tâches à reprendre, celles à éviter ainsi que les heures de travail à effectuer. Des rencontres « bilan » avec l’employeur et le travailleur ont parfois lieu à la moitié et/ou à la fin du processus du retour au travail, ainsi qu’aux moments jugés opportuns (p. ex., lorsqu’une modification ou une adaptation de tâche est discutée). La finalité du programme est le retour durable et sécuritaire au travail ou l’interruption du programme. C’est-à-dire que, tout au long du RTT, les interventions peuvent cesser si les objectifs du PII sont atteints, s’il y a absence de changement significatif au PII, si l’usager (ou son représentant) désire mettre fin aux interventions après avoir reçu les informations lui permettant de prendre une décision éclairée ou encore, si les conditions de participation ne sont plus remplies. La majorité du temps, le travailleur aura repris l’ensemble de ses tâches selon son horaire régulier de travail. Lorsque l’objectif final du processus de réadaptation est atteint, les intervenants procèdent à leurs évaluations finales, qui sont consignées dans les rapports finaux de chacune des disciplines ainsi que dans le PII final. Le cas échéant, le

PII final est transmis à « l’organisme référant » (c.-à-d., l’organisme ayant dirigé le travailleur vers le programme), aux médecins traitants et, s’il en fait la demande, au bureau de santé de l’employeur. Des lettres contenant les recommandations finales de l’équipe, incluses dans le dernier plan de RTT, sont aussi transmises à l’employeur et, sur demande, aux différentes parties concernées (notamment, à l’usager). (e) Maintien des Acquis en Emploi (MAE). Lorsqu’elle est de mise, cette étape s’échelonne généralement sur les 4 semaines suivant le RTT. C’est une étape additionnelle parfois nécessaire pour finaliser la mise en place des adaptations ergonomiques au milieu de travail. Elle vise à s’assurer que le travailleur peut accomplir son travail de manière durable et autonome après le retrait des intervenants. Les possibilités de soutien à cet égard sont discutées avec les partenaires et, au besoin, mises en place.