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Les Tableaux 20 à 22 présentent les préoccupations des parties prenantes aux prises de décisions lors du programme de réadaptation au travail documenté. Plus précisément, le Tableau 20 contient les préoccupations des intervenants; le Tableau 21 porte sur les préoccupations des travailleurs; et le Tableau 22 présente les préoccupations respectives des autres parties prenantes aux prises de décisions lors du programme, soit celle du représentant de l’employeur, du représentant de la mutuelle de prévention, des collègues et du médecin traitant. Puisque l’objectif du programme de réadaptation au travail est le retour au travail, ces tableaux contiennent les préoccupations socioprofessionnelles des parties prenantes (c.-à-d., leurs préoccupations concernant le retour et le maintien au travail). Ils contiennent aussi les « autres » préoccupations qui peuvent influencer les préoccupations socioprofessionnelles des parties prenantes dans les Cas à l’étude.

En consultant les Tableaux 20 à 22, il est possible de constater que les préoccupations d’une même partie prenante peuvent diverger entre les Cas. Par exemple, les préoccupations socioprofessionnelles des travailleurs varient : certains travailleurs visent le retour au travail chez l’employeur antérieur (Cas-2, 4 et 6), alors que d’autres non (Cas-1 et 3) (Voir le Tableau 21). Il en est de même pour les préoccupations respectives des parties prenantes aux prises de décisions dans un même Cas (c.-à-d. entre les parties prenantes d’un même Cas). Pour en faire ressortir les convergences et les divergences (d’abord à l’intérieur d’une même partie prenante, puis entre les parties prenantes), les Sections 5.1 à 5.3 détaillent les préoccupations respectives de chacune des parties prenantes, puis la Section 5.4 les compare (entre les parties prenantes).

5.1) Préoccupations des intervenants lors du programme

Pour chacun des cas, les intervenants semblent partager la préoccupation socioprofessionnelle qu’est le retour sécuritaire au travail selon une approche dite concentrique, dans l’optique que le travailleur puisse s’y maintenir (à plus ou moins à long terme). Les prochaines lignes servent à préciser l’utilisation de chacun des mots en italique dans la phrase précédente.

Tableau 20: Préoccupations des intervenants de l'équipe interdisciplinaire

Équipe

Préoccupation

socioprofessionnelle

Autres préoccupations

Intervenants

Équipe

interdisciplinaire

Retour sécuritaire au travail selon une approche dite concentrique, pour que le travailleur puisse s’y maintenir

- Évaluer, puis développer graduellement les capacités de travail

- Travailler ensemble (partager, compléter, rectifier les informations pertinentes)

- Favoriser la compréhension et la participation optimale du travailleur et (le cas échéant) des autres parties prenantes

 Tous travailler « dans le même sens », ce qui réfère au partage d’un objectif et des stratégies pour l’atteindre.

- Lorsque le retour au travail antérieur semble impossible : trouver des « options socio- professionnelles »

Coordonnatrice

Idem - Coordonner, s’assurer du bon déroulement du programme

- Avec l’aide des intervenants de chaque discipline, élaborer le PII

Physiothérapeute

Idem - Évaluer puis développer les capacités physiques du travailleur en regard des objectifs uni- et

inter-disciplinaires du programme

Ergothérapeute

Idem - Évaluer puis développer les capacités de travail du travailleur sur le plan psychologique, social

et physique, en regard des objectifs uni- et inter-disciplinaires du programme

Psychologue

Idem - Évaluer puis développer les capacités du travailleur sur le plan psychologique et social, en

regard des objectifs uni- et inter-disciplinaires du programme

Kinésithérapeute

Idem - Évaluer puis développer la condition physique (incl. cardio-vasculaire et pulmonaire) du

travailleur en regard des objectifs uni- et inter-disciplinaires du programme

Ergonome

Idem - Évaluer puis, le cas échéant, intervenir pour diminuer les exigences du travail

Il est question de retour sécuritaire au travail compte tenu de certains éléments soulignés par les intervenants en milieu de travail (soit, l’ergothérapeute, la psychologue et/ou l’ergonome) lors de la mise en place des deux RTT et de l’IMT. D’abord, les intervenants en milieu de travail soulignent les principes du RTT, qui visent à (a) enlever certaines tâches jugées « critiques » au début du RTT (p. ex., des tâches physiquement plus exigeantes ou encore la tâche ayant entrainé la blessure); (b) permettre une progression en terme d’heures de travail et (c) de tâches de travail; et (d) de placer le travailleur en surnuméraire (autant que possible, avec le même collègue). Selon l’ergothérapeute dans les Cas-2 et 6, tout cela est mis en place pour qu’« à chaque semaine il y ait un succès, que ça se passe bien ». Voici un extrait où l’ergothérapeute explique ces principes aux représentants de l’employeur, lors de la rencontre d’ouverture de porte (dans le Cas-6) :

Ergothérapeute : « Ce qu’on veut, c’est [que] le retour thérapeutique se fasse dans les tâches régulières, mais quand même avec une certaine progression. Donc une progression en terme d’heures. Ça veut dire que la première semaine par exemple elle pourrait venir… Je donne un exemple : trois fois quatre heures. Donc elle viendrait trois journées différentes, quatre heures. Parce qu’il faut se dire que le reste de la semaine, elle continue à avoir des interventions au centre aussi. Puis plus les semaines avancent, bien, plus on augmente le temps en emploi [et on] va diminuer les interventions au centre. Puis il y a une progression en terme de tâches aussi… Donc c’est pas des travaux légers. [P]ar contre les premières semaines, on pourrait dire, il y a certaines tâches qu’elle ne fait pas. Où que là, étant donné qu’elle est en surplus, bien la personne qui normalement fait sont poste de travail, bien, les tâches qu’elle [c.-à-d., la travailleuse] ne peut pas faire les premières semaines, l’autre personne les aurait faites de toute façon, donc les faits. Et plus les semaines avancent aussi, plus on ajoute des tâches pour qu’elle revienne à temps plein dans toutes ses tâches. »

Ensuite, que l’IMT prenne ou non la forme d’un RTT, l’ergothérapeute émet habituellement61 des recommandations « pour [favoriser] le maintien durable et sécuritaire en emploi » après l’IMT. Cela dit, cette préoccupation peut être difficile à mettre en pratique62. Par exemple, dans le Cas-4, les recommandations pourraient ne pas être complètes puisque la conseillère en réadaptation refuse que l’ergonome intervienne lors de l’IMT63.

Concernant la notion de retour au travail selon une approche dite concentrique, elle réfère au fait de privilégier la réintégration du travailleur dans son poste de travail antérieur. À cet effet, les préoccupations socioprofessionnelles des ergothérapeutes sont dirigées vers le retour au travail antérieur des travailleurs

61 À noter que dans le Cas-2, ces recommandations ne sont pas émises puisque la travailleuse change d’emploi dès qu’elle a terminé son RTT.

62 Concernant l’IMT (Cas-4) même si la doctorante n’a pas assisté à la rencontre d’ouverture de porte, l’ergothérapeute mentionne que l’IMT comprend des observations, notamment pour évaluer les capacités de travail. De plus, l’ergothérapeute souligne que l’objectif de l’IMT est de désensibiliser la main du travailleur. Dans ce Cas, l’ergothérapeute n’aurait pas la permission d’adapter le travail comme lors d’un RTT. La conseillère en réadaptation lui demande plutôt d’inscrire ses recommandations à cet effet dans le rapport final d’interventions, qu’elle remet notamment à l’employeur. 63 D’ailleurs il s’agit de recommandations et c’est donc dire que l’employeur est libre de les mettre en place ou non à la suite de l’IMT.

dans les Cas-1 et 2. Cela, bien que le travailleur du Cas-1 ne soit pas indemnisé par la CSST (qui privilégie cette approche, voir la Section 5.3.2). Pour ce dernier Cas, l’ergothérapeute affirme que :

Ergothérapeute : « Le poste qu[e le travailleur] avait avant, sur lequel il y a eu l’accident, il y a eu un remaniement de poste : il y a pas eu accès à ce poste-là. Il occupe un nouveau poste et, [où], pour lui, il s’est aggravé […]. Puis il le verbalise là : “moi j’aimerais ça être à un autre poste”. C’est pas ça l’approche. L’approche c’est que faut que vous soyez capable de faire votre poste. Puis après, on regarde ailleurs. L’approche concentrique c’est toujours ça. Donc ça, c’est sûr que… Il veut pas retourner à ce poste-là : il va s’aggraver. Fais qu’on a un enjeu avec ce poste-là aussi… »

Ici, il faut souligner que l’ergothérapeute privilégie cette approche, même si les capacités du travailleur lui auraient probablement permis de réintégrer plus facilement un emploi dont les exigences musculaires sont « plus dynamiques » (vs un travail dont les exigences musculaires statiques sont élevées) :

Doctorante : « Tout à l’heure… Peut-être que j’ai mal compris là, mais tu me disais que, peut- être que si ça avait été une activité [de travail] qui avait été plus dynamique, qu’il aurait peut- être… »

Ergothérapeute : « Sa job? » Doctorante : « Oui? »

Ergothérapeute : « Oui! Mais, si on n’avait pas eu les mêmes exigences… Mettons qu’il fait un travail de… Qu’est-ce que ça pourrait être? Un aide qui n’a pas trop de charges à transporter, qui a des papiers à déplacer… Ça pourrait-tu être commis à l’imprimerie… En tout cas, je sais pas trop. Quelque chose qui reste debout et qui n’a pas trop de charges… Là, ce monsieur-là il aurait pu faire deux heures... »

Doctorante : « OK, puis à ce niveau là, le bénévolat c’était pas possible non plus ici, c’était pas quelque chose qui était envisageable? »

Ergothérapeute : Non, mais quand on parlait du bénévolat c’était vraiment comme une étape puisqu’on voyait que nos interventions avaient pas l’impact pour développer son potentiel [de travail pour le poste antérieur]. Il fallait changer d’environnement pour qu’il voie d’autres façons de faire, puisqu’on rentre dans un nouvel environnement, pour qu’il se développe. Mais c’était pas ici là… Pour moi c’était : on l’accompagne, on lui donne des indications pour trouver une place de bénévolat qui va faire un peu le tremplin pour le travail. »

Doctorante : « OK, fais que c’était pas dans le cadre du programme… »

Ergothérapeute : « Ça aurait pu… On n’avait pas fermé la porte… Parce que j’aurais pu l’accompagner plus si ses capacités s’étaient développées. Moi là, faut que je reste cannée, parce que là tu me parles de debout dynamique. »

Doctorante : « Oui? »

Ergothérapeute : « J’veux pas développer son debout dynamique. »

Doctorante : « OK, parce que c’est pas ça que ça y prends pour son travail. ((L’ergothérapeute est affirmative)) »

Le retour au travail antérieur est aussi privilégié par les intervenants dans les Cas-4, 5 et 6. Dans le Cas-3, les intervenants et le travailleur envisagent plutôt la possibilité d’un retour au travail dans un autre emploi. Malgré cela, l’approche dite concentrique est aussi privilégiée par les intervenants : puisque le retour au travail antérieur ne semble pas réaliste étant donné les relations tendues avec l’employeur, les intervenants optent pour le retour au travail dans un autre emploi (et cela, même si la CSST privilégie le retour au travail

antérieur). En somme, du moins, pour les Cas à l’étude, les intervenants privilégient l’approche dite concentrique pour le retour au travail des travailleurs en réadaptation.

Concernant la notion du maintien en emploi, il est question d’un retour au travail dans l’optique que le travailleur puisse s’y maintenir, puisque dans le Cas-2, les intervenants et le travailleur sont conscients que le retour au travail antérieur ne sera probablement pas durable, étant donné les préoccupations de carrière de la travailleuse (voir la Section 5.2.2). Dans ce cas, les intervenants s’entendent plutôt pour voir le retour au travail comme un « tremplin » vers les objectifs de carrière de la travailleuse. Ainsi, malgré que la dénomination de retour au travail « durable » du travailleur soit celle utilisée par certains ergothérapeutes et l’ergonome observé, il semble que leurs préoccupations viseraient davantage le maintien en emploi.

Enfin, il faut souligner que toutes les « autres » préoccupations des intervenants seraient orientées vers la préoccupation socioprofessionnelle susmentionnée (soit, le retour sécuritaire au travail selon l’approche concentrique, dans l’optique que le travailleur puisse s’y maintenir). En effet, sauf peut-être la coordonnatrice64, les intervenants évaluent, puis traitent le travailleur selon leur champ d’expertise disciplinaire respectif pour atteindre des objectifs disciplinaires, qui, dans les Cas à l’étude, s’inscrivent tous dans le but de développer progressivement les capacités de travail du travailleur65.

5.2) Préoccupations des travailleurs lors du programme

Dans cette section, les préoccupations du travailleur sont détaillées pour chacun des Cas. 5.2.1) Préoccupations du travailleur dans le Cas-1

Dans le Cas-1, les préoccupations du travailleur ne seraient pas orientées vers le retour au poste antérieur étant donné (a) les préoccupations qu’il exprime; (b) le contexte dans lequel se déroule le programme; et (c) la participation du travailleur dans le cadre des interventions visant à améliorer ses capacités de travail pour qu’il puisse répondre aux exigences du poste de travail antérieur. De plus, l’analyse permet de suggérer que ses préoccupations pourraient être orientées vers le retour au travail dans un poste physiquement moins exigeant; bien que cela ne soit pas une possibilité chez l’employeur antérieur au moment du programme (voir la Section 5.3.1).

64 Dont les interventions visent notamment à coordonner les efforts des intervenants.

Tableau 21: Préoccupations des travailleurs prenant part au programme dans les Cas à l'étude

Travailleur Préoccupation(s) socioprofessionnelle(s)

Autres préoccupations en lien avec le retour au travail

Cas-1

Pas le retour au travail dans le poste antérieur

(possiblement : retour au travail dans un poste

physiquement moins exigent, chez l’employeur antérieur66)

- Respecter ses limitations - Financières

(Le travailleur est le pourvoyeur de sa famille : son revenu est le seul de la famille) - Revendications

(Faire reconnaitre sa lésion)

- Être pris en charge par l’équipe du programme

Cas-2

Retour au travail chez l’employeur antérieur, à

court terme*

(comme un tremplin pour arriver à atteindre ses objectifs de carrière)

*Mais bref changement juste avant le RTT

- Besoin de changement

(Veut retrouver une vie « normale », progresser vers ses objectifs de carrière) - Qualité de l’ambiance au travail

(Qualifiée de « malsaine ») - Financières

Cas-3

Pas le retour au travail (du moins) chez l’employeur

antérieur

- Respecter ses limitations - Financières

Cas-4

Maintien au travail pour l’employeur antérieur, (du

moins) à court terme

- Irritants dans le poste antérieur

(Sentiment de dépendance; changement dans la relation avec les collèges; impression de « tourner en rond »; « logique » de l’organisation du travail)

- Améliorer l’état fonctionnel de sa main

(En respectant sa condition de douleur chronique)

Cas-5

Début du programme : Retourner rapidement dans

l’emploi antérieur Fin du programme : Retourner au travail

(poste incertain)67

*Changerait en cours de programme

- Changement début vs fin du programme :

Début du programme : Récupérer ses capacités de travail le plus rapidement possible Fin du programme : Développer ses capacités de travail en tenant compte de ses nouvelles

limites

Cas-6

Retour au travail rapide et durable chez

l’employeur antérieur

- S’occuper/ne pas rien faire - Financières

- Besoin de changement

(Reprendre son travail et ses loisirs)

66 N.B. Lorsqu’il est question de l’employeur antérieur, il est question de l’employeur au moment où survient la lésion professionnelle. 67 Selon le discours du travailleur.

Concernant les préoccupations exprimées par le travailleur du Cas-1, dès l’évaluation en ergothérapie, ce dernier souligne que le retour au travail dans le poste antérieur lui semble impossible :

Ergothérapeute : « Est-ce que vous pensez que c’est réaliste de retourner à ce poste-là? » Travailleur : « Non, je ne crois pas »

Il affirme aussi qu’il ne sait pas s’il aime le travail à ce poste de travail, puisqu’il n’y a pas travaillé longtemps. Pour ce qui est du contexte dans lequel s’inscrit le programme, il faut souligner que le travailleur entretient une forte préoccupation de revendications sur le plan médicolégal. D’une part, avant, pendant et après programme, il conteste une décision de la CSST (à la Commission des Lésions Professionnelles (CLP)) puisqu’il perçoit sa lésion comme une rechute d’une lésion antérieurement reconnue par la CSST. Or, son médecin traitant a déclaré à la CSST que cette lésion professionnelle est guérie (c.-à-d. qu’il a consolidé la lésion) puisqu’à ce moment-là, le travailleur voulait :

Travailleur : « retourner au travail, […] ne pas rester à la maison, donc c’est pourquoi je me suis laissé aller [vers la consolidation]… Peut-être que j’ai fait un mauvais choix… Je ne sais pas… Parce que c’est en discutant avec le médecin qu’il a consolidé l’accident… Je peux te dire, c’est plus qu’à 70%, ou bien 80%, que c’est moi qui ai laissé le médecin accepter la consolidation… Parce que j… Le poste qu’ils m’ont offert, c’est pas ce poste-là [où la rechute a eu lieu], c’est un autre travail où il y a des changements de position… C’est un travail dans un autre département… C’est pas celui-là… »

Ergothérapeute : « Celui que vous aviez avant là? »

Travailleur : « Vraiment. Ce sont des choses qui sont compliquées pour moi parce que ça a été consolidé sur un poste, mais que je suis retourné dans un autre poste… »

Étant donné cette consolidation, la CSST est d’avis que la lésion du travailleur ne peut pas constituer une rechute et le travailleur conteste cette décision. D’autre part, avant l’entrée du travailleur au programme, le médecin de l’employeur statue que le travailleur est apte à retourner au travail à temps complet. Le travailleur conteste aussi cette décision. Selon l’ergothérapeute, étant donné ces préoccupations de revendications, le travailleur serait à la recherche de rapports appuyant le fait qu’il est incapable de retourner au poste antérieur. L’ergothérapeute souligne à cet effet que le travailleur lui aurait affirmé dès le début du programme qu’il : « pense que [les] rapports [du programme] vont lui permettre de faire valoir à l'assureur qu'il ne peut pas reprendre tout de suite son travail en raison de sa condition ».

Concernant la participation du travailleur dans le cadre des interventions, ce dernier évite ou progresse peu dans certains traitements visant à développer ses capacités de travail dans des positions statiques, ce qui est une « exigence critique » pour que le travailleur soit capable de reprendre son travail :

Ergothérapeute : « Pour moi, c’est clair que ce monsieur-là a des enjeux. Puisque il a… Pourquoi qu’il n’a pas été capable de développer [ses capacités de travail en position assis]?

Parce que spontanément, en entrevue [au moment de l’évaluation], il a été capable de compléter le 30 minutes. Donc pourquoi, dans une situation clinique, il n’est pas capable de faire plus qu’une séance de 30 minutes? C’est bizarre… Il l’a fait…

Doctorante : Pourquoi?

Ergothérapeute : C’est parce que pour lui… Quand il a mal, il faut qu’il arrête puis… Ça va beaucoup avec ses craintes, les croyances par rapport à sa condition. Puis il y a aussi le fait qu’il y a un enjeu médicolégal qui fait que ce monsieur-là, il est en démonstration.

Doctorante : C’est-à-dire?

Ergothérapeute : Son… Il veut démontrer que ça va pas. Son rationnel c’est qu’il a eu une aggravation [nomme la date de la lésion pour lequel le travailleur est au programme], une aggravation qui aurait dû être reconnue par la CSST, mais qui ne l’a pas été. Donc pour lui, il lui faut des documents… Malgré sa volonté. Ça pour moi, c’est pas tout à fait conscient. Parce que d’un côté, il veut s’améliorer, mais, de l’autre, il nous dit qu’il faut qu’il aille à la CLP pour aller contester sa condition, puis qu’ils vont voir qu’il n’a pas les capacités de reprendre son travail. Donc s’il s’améliore, c’est comme s’il laissait tomber un peu de ça…

Doctorante : OK. Par rapport à la CLP, est-ce que c’est de ça que vous parliez lorsque vous disiez qu’il y avait un enjeu au niveau des formulaires?

Ergothérapeute : Oui, il y a un enjeu par rapport aux formulaires que c’est certain que lui là, s’il a des rapports qui documentent le fait qu’il est incapable de reprendre son travail, ça va l’aider beaucoup beaucoup. Tout ça va passer… Là, finalement son employeur, il va voir qu’il avait vraiment mal, que c’était pas du fake… Ce monsieur là, c’était ça aussi là. Il veut démontrer, c’est humain : il veut démontrer qu’il a vraiment mal… Puis il n’a pas été cru, puis il est convaincu qu’ils [c.-à-d., les représentants de l’employeur] ne le croient pas. Donc, reprendre les capacités… Qu’est-ce que ça va démontrer? Ça ne marche pas… »

En somme, étant donné les éléments susmentionnés, les préoccupations socioprofessionnelles du travailleur ne semblent pas orientées vers le retour au poste de travail antérieur.