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Prise de décisions en contexte de réadaptation au travail : un processus concerté? : étude de cas de travailleurs atteints de troubles musculosquelettiques

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Academic year: 2021

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Prise de décisions en contexte de réadaptation au

travail: un processus concerté?

Étude de cas de travailleurs atteints de troubles

musculosquelettiques

Thèse

Marie-Michelle Gouin

Doctorat en relations industrielles

Philosophiae doctor (Ph.D.)

Québec, Canada

© Marie-Michelle Gouin, 2015

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Résumé

Les conséquences des Troubles MusculoSquelettiques d’origine professionnelle (TMS) sont réelles et substantielles, particulièrement lorsque le travailleur touché évolue vers l’incapacité prolongée à reprendre son travail (incapacité). La mise en place d’Interventions en Milieu de Travail (IMT) serait un moyen efficace pour faciliter le retour au travail de ces travailleurs. Dans le cadre d’une IMT nommée Retour Thérapeutique au Travail (RTT), l’action concertée des parties prenantes pourrait être un élément « déterminant » pour le succès du retour au travail. Or, il est possible que la concertation ne soit pas le seul type de prise de décision qui s’y tient. La présente thèse vise à explorer le processus de prise de décisions entre des parties prenantes à un programme de réadaptation au travail (contenant une IMT), dans l’optique d’explorer empiriquement les types de prise de décisions pouvant y être observés. Pour se faire, une étude de cas multiple (N=6) est menée où, pour chaque cas, les échanges entre les parties prenantes aux prises de décisions sont documentés. L’étude doctorale suggère que des prises de décisions négociées et imposées pourraient se tenir en contexte de réadaptation au travail, en plus de prise de décisions concertées. De plus, certaines parties peuvent être consultées préalablement à la prise de décisions (sans y prendre part). Enfin, l’étude permet de souligner plusieurs objets sur lesquels ont lieu des prises de décisions, qui peuvent avoir lieu à divers moments et se dérouler entre diverses parties prenantes dont les préoccupations et les pouvoirs peuvent diverger. L’étude comporte certaines limites attribuables à sa nature exploratoire ainsi qu’à certaines contraintes méthodologiques. Néanmoins, il s’agit à notre connaissance de la première étude à explorer empiriquement les types de prise de décisions et les préoccupations de parties prenantes à une IMT. Les résultats obtenus soutiennent le besoin de documenter la manière dont les négociations pourraient influencer le retour au travail en contexte de réadaptation au travail. De plus, le développement d’un outil pour faciliter les prises de décisions négociées, notamment dans le contexte d’une IMT, pourrait être envisagé.

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Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... v

Liste des tableaux ... vii

Liste des figures ... ix

Liste des abréviations et des sigles ... xi

Remerciements ... xiii

Introduction générale ... 1

Chapitre 1 : Contexte théorique ... 3

Section 1 : Troubles musculosquelettiques d’origine professionnelle, incapacité et prise en charge ... 3

1.1) Troubles musculosquelettiques d’origine professionnelle et incapacité ... 3

1.2) Prise en charge des individus atteints de TMS ... 5

1.3) Rôle de l’action concertée dans l’efficacité du RTT : Questionnement ... 10

1.4) Conclusion partielle ... 12

Section 2 : Conception des relations entre les parties prenantes aux interventions en milieu de travail ... 13

2.1) Paradigme réaliste critique ... 14

2.2) Conceptions des relations sociales en milieu de travail issues du champ de recherches en relations industrielles... 18

2.3) Concept de négociation ... 26

2.4) Conclusion partielle ... 33

Section 3 : Exploration du processus de prise de décisions lors de réadaptation en milieu de travail, une recension des écrits ... 34

3.1) Méthodologie de la recension des études ... 35

3.2) Description des études quantitatives ... 36

3.3) Description des études qualitatives ... 40

3.4) Description des interventions et des programmes de réadaptation au travail recensés... 44

3.5) Processus et types de prise de décisions pouvant être observés lors d’IMT ... 50

3.6) Conclusion partielle ... 66

Section 4 : But, objectif et questions de recherche ... 67

Section 5 : Le programme de réadaptation au travail ... 68

5.1) Informations générales ... 68

5.2) Étapes du programme ... 69

Section 6 : Justification sociale de la thèse ... 74

Chapitre 2 : Méthodologie ... 75

Section 1 : Stratégie de recherche ... 75

1.1) Cohérence ontologique ... 76

Section 2 : Stratégies de collecte des données ... 77

Section 3 : Stratégies d’analyse des données ... 80

Section 4 : Considérations relatives à la validité du projet ... 81

Chapitre 3 : Résultats ... 83

Section 1 : Données descriptives ... 83

1.1) Caractéristiques des observations, entrevues, suivis et documents consultés ... 83

1.2) Description des cas à l’étude... 85

Section 2 : Objet des prises de décisions lors du programme ... 99

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2.2) Autres prises de décisions ... 102

Section 3 : Moments et objets des prises de décisions lors du programme ... 104

3.1) Début du programme ... 106

3.2) Au long du programme ... 106

3.3) Au long et après le programme ... 106

3.4) Moments des décisions concernant la mise en place de l’IMT ... 106

Section 4 : Parties prenantes aux prises de décisions lors du programme ... 108

Section 5 : Préoccupations des parties prenantes aux prises de décisions lors du programme ... 112

5.1) Préoccupations des intervenants lors du programme ... 112

5.2) Préoccupations des travailleurs lors du programme ... 116

5.3) Préoccupations des autres parties prenantes aux prises de décisions lors du programme ... 127

5.4) Préoccupations des parties prenantes aux prises de décisions lors du programme : un résumé ... 133

Section 6 : Types de prise de décisions pouvant être observés lors du programme ... 135

6.1) Prise de décisions concernant la portion clinique du programme ... 135

6.2) Prise de décisions concernant l’IMT pouvant prendre la forme d’un RTT ... 159

6.3) Prise de décisions concernant des aspects administratifs... 191

CHAPITRE 4 : DISCUSSIONS ... 197

Section 1 : Exploration des types de prise de décisions lors du programme ... 197

1.1) Importance de distinguer les types de prise de décisions ... 198

1.2) Limites de l’unitarisme dans la compréhension des relations ... 201

Section 2 : Exploration du processus de prise de décisions entre les parties prenantes au programme de réadaptation au travail ... 206

2.1) Objets des prises de décisions ... 206

2.2) Moments des prises de décisions ... 207

2.3) Parties prenantes aux prises de décisions ... 207

2.4) Préoccupations des parties prenantes aux prises de décisions ... 209

Section 3 : Forces et limites de l’étude... 213

Section 4 : Contributions et perspectives futures ... 215

Conclusion ... 217

Bibliographie ... 219

Annexe 1 : Questionnaire de vérification ... 227

Annexe 2 : Entrevue en cas de refus d’une partie prenante à la rencontre d’ouverture de porte ... 229

Annexe 3 : Grille d’entrevue semi-dirigée avec l’ergothérapeute ... 231

Annexe 4 : Grille d’entrevue semi-dirigée avec le travailleur ... 233

Annexe 5 : Grille d’entrevue semi-dirigée avec le représentant de l’employeur ... 235

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Liste des tableaux

Tableau 1: Caractéristiques des différents types de prise de décisions ... 33

Tableau 2: Caractéristiques des Essais Cliniques avec Répartition aléatoire et groupe témoin (ECR) documentant une intervention de réadaptation au travail ... 37

Tableau 3: Caractéristiques des Essais Cliniques avec Répartition aléatoire et groupe témoin (ECR) ainsi que des études quasi-expérimentales documentant un programme de réadaptation au travail... 38

Tableau 4: Caractéristiques des études qualitatives exploratoires recensées en fonction des essais cliniques d'où est issu l'IMT qu'elle documente ... 41

Tableau 5: Caractéristiques des études qualitatives évaluatives ou explicatives recensées en fonction des essais cliniques d'où est issu l'IMT qu'elle documente ... 43

Tableau 6: Stratégie d'IMT et de traitement employées dans les interventions de réadaptation au travail ... 45

Tableau 7: Stratégies d'IMT et de traitements employées dans les programmes de réadaptation au travail recensés ... 46

Tableau 8: Durée de l'enregistrement des observations (en minutes) pour chaque cas à l'étude, selon la phase du programme ... 84

Tableau 9: Durée de l'enregistrement des entrevues (en minutes) pour chaque cas à l'étude, selon la phase du programme ... 84

Tableau 10: Nombre de suivis pour chaque Cas à l'étude, selon la phase du programme... 84

Tableau 11: Cas 1 - Description des parties prenantes et du contexte dans lequel s'inscrit le programme ... 87

Tableau 12: Cas 2 - Description des parties prenantes et du contexte dans lequel s'inscrit le programme ... 88

Tableau 13: Cas 3 - Description des parties prenantes et du contexte dans lequel s'inscrit le programme ... 89

Tableau 14: Cas 4 - Description des parties prenantes et du contexte dans lequel s'inscrit le programme ... 90

Tableau 15: Cas 5 - Description des parties prenantes et du contexte dans lequel s'inscrit le programme ... 91

Tableau 16: Cas 6 - Description des parties prenantes et du contexte dans lequel s'inscrit le programme ... 92

Tableau 17: Objet des prises de décisions observées ou évoquées ... 100

Tableau 18: Moment des prises de décisions évoquées ou observées, selon l'objet et le Cas considéré ... 105

Tableau 19 : Parties prenantes aux prises de décisions observées ou évoquées lors du programme pour chaque Cas à l'étude, selon l'objet de la prise de décisions ... 109

Tableau 20: Préoccupations des intervenants de l'équipe interdisciplinaire ... 113

Tableau 21: Préoccupations des travailleurs prenant part au programme dans les Cas à l'étude ... 117

Tableau 22: Préoccupations des autres parties prenantes observées ou évoquées ... 128

Tableau 23: Particularités des différents types de décisions tels que définis à la Section 2 du Chapitre 1 .... 135

Tableau 24: Types de prise de décisions concernant la portion clinique du programme, selon le Cas, l'objet de la prise de décisions et les parties prenantes ... 136

Tableau 25: Types de prise de décisions concernant l'IMT pouvant prendre la forme d'un RTT, selon le Cas, l'objet de la prise de décisions et les parties prenantes... 160

Tableau 26: Types de prise de décisions concernant les décisions administratives lors du programme, selon le Cas, l'objet de la prise de décisions et les parties prenantes ... 193

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Liste des figures

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Liste des abréviations et des sigles

CSST : Commission de la Santé et de la Sécurité du Travail du Québec CLP : Commission des Lésions Professionnelles

ECR : Essais Cliniques avec Répartition aléatoire et groupe témoin IMT : Intervention en Milieu de Travail

IRSST : Institut de recherche Robert-Sauvé en Santé et en Sécurité du Travail LATMP : Loi sur les Accidents du Travail et les Maladies Professionnelles PII : Plan d’Interventions Interdisciplinaires

PIU : Plan d’Interventions Unidisciplinaires

RAMQ : Régime de l’Assurance Maladie du Québec RQAP : Régime Québécois d’Assurance Parental RTT : Retour Thérapeutique au Travail

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Remerciements

Cette thèse est le fruit d’un travail qui aurait été impossible sans l’aide précieuse reçue de la part de plusieurs personnes et organismes. Je dois d’abord remercier la directrice de la thèse : Manon Truchon. Merci pour ta générosité, tant concernant le temps accordé, que pour (tous!) tes précieux conseils. Je te serai toujours reconnaissante de m’avoir prise sous ton aile. Tu as été une mentore hors pair. Je dois aussi remercier la chef du programme de réadaptation au travail, la coordonnatrice clinique et les intervenants du programme : sans votre appui, la réalisation de l’étude doctorale aurait été impossible. Merci pour votre ouverture et votre grande générosité. Merci aussi à tous les participants ayant accepté de prendre part à l’étude. Merci enfin à Marie-Ève Schmouth pour tes précieux conseils et nos discussions toujours très enrichissantes. Au point de vue financier, je suis parmi les étudiant(e)s privilégié(e)s qui ont pu bénéficier du soutien de plusieurs organismes. Merci au Conseil de Recherches en Sciences Humaines (CRSH), à l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST), au Comité des bourses d’études aux 2e et 3e cycles en relations industrielles et à la Chaire en Gestion de la Santé et de la Sécurité du Travail (CGSST) pour leur appui et le financement de mes études graduées.

La réalisation de mon doctorat s’inscrit dans un parcours de vie parsemé de joies, mais aussi, de doutes et quelques embuches. Parsemé de joies puisque j’ai entrepris mes études graduées aux côtés d’un amoureux, qui est (aussi) devenu un papa, puis un mari exceptionnel. Merci Alex de partager nos vies et d’être toujours à nos côtés. « Nos », parce que deux petites frimousses d’amour se sont jointes à nous pendant ce parcours. Bien honnêtement, je ne suis pas certaine que je serais parvenue à concilier études, famille, travail et loisirs sans ta présence, ton soutien et ta compréhension. Je dois aussi remercier Carol-Anne, Jennifer, Thouraya et Marie-Laure pour votre présence et votre soutien tout au long du parcours doctoral. Il n’y a rien de mieux qu’un souper en votre compagnie pour décompresser un peu! Concernant les doutes et les embuches, en bref, je retiens qu’avec de la persévérance, beaucoup de soutien, un travail acharné, de l’humilité et, parfois, quelques concessions, rien n’est impossible. À cet effet, je dois remercier mes parents de m’avoir inculqué, entre autres, les vertus du travail et de la persévérance : vous avez posé les bases nécessaires à ma progression dans cette carrière professionnelle. Merci!

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Introduction générale

Au Québec, un travailleur1 sur cinq souffrirait d’un Trouble MusculoSquelettique d’origine professionnelle (TMS)2 qui affecte ses activités quotidiennes (Vézina et coll., 2011). Certains de ces travailleurs doivent s’absenter du travail pour cette raison et demeurent incapables d’y retourner, même après le délai de guérison généralement requis pour ces troubles de santé (c.-à-d. de quelques jours à quelques semaines3) (Rossignol & Arsenault, 2006; Waddel, Burton et Main, 2003). Il est alors question d’incapacité prolongée. Ce phénomène touche environ 10% des travailleurs atteints de TMS (Institut National de Santé Publique du Québec [INSPQ], 2010). Malgré cette faible prévalence, ses répercussions affectent l’ensemble de la société (p. ex., les coûts humains et financiers) (Aptel & St-Vincent, 2008; INSPQ, 2010).

Certains chercheurs soutiennent que les efforts de prise en charge visant à prévenir l’incapacité devraient être de nature biopsychosociale, c’est-à-dire qu’ils devraient comprendre des interventions médicales, psychologiques et sociales (Rossignol & Arsenault, 2006; Spitzer, 1986; Waddell & Burton, 2005). Or, les interventions biopsychosociales sont généralement associées à des résultats plutôt décevants en matière de retour au travail (Hill & Fritz 2011; Nicholas, Linton, Watson, Main et the "decade of the flags" working group, 2011; Truchon, 2011; van der Windt, Hay, Jellema et Main, 2008). En revanche, lorsqu’elles comportent une Intervention en Milieu de Travail (IMT), ces mêmes interventions seraient associées à des résultats positifs et significatifs en fait de retour au travail (Truchon, 2011; Van Oostrom & Boot, 2013; Van Oostrom et coll., 2009). De même, plusieurs programmes de réadaptation au travail (c.-à-d. de nature biopsychosociale et comprenant une IMT) seraient fréquemment associés à des résultats positifs en regard du retour au travail (Nastasia, Tcaciuc et Coutu, 2012).

La mise en place d’IMT nécessite l’établissement de diverses stratégies d’interventions, ce qui requière (minimalement) la participation du travailleur et d’un représentant de l’employeur (Anema, Cuelenaere, van der Beek, Knol, de Vet et van Mechelen, 2004). Certaines de ces stratégies peuvent mener à des modifications en milieu de travail (p. ex., à des changements dans l’équipement, l’organisation, la conception, l’environnement ou les conditions de travail) (ibid.). Selon la recension des écrits menée dans le cadre de la thèse, l’IMT la plus documentée, du moins dans le contexte québécois, se nomme le Retour Thérapeutique au Travail (RTT). Le RTT sous-tend la mise en place de stratégies de retour progressif au travail et de coordination du retour au travail où diverses parties prenantes auraient à dialoguer (c.-à-d., échanger). Ces parties prenantes

1 Dans le cadre de cette thèse, le masculin est employé à titre épicène, pour ne pas alourdir le texte.

2 Pour faciliter la lecture de la thèse, les concepts clés sont présentés en italiques dans les premières sections, puis définis.

3 Voir Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles [INRS] (2013); The Institute for Work and Health [IWH] (2010), ainsi que Simoneau, St-Vincent et Chicoine (2013).

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proviennent généralement du milieu clinique, du milieu de travail ou de celui de l’assurance (Loisel, Durand, et coll., 2001; Nastasia et coll., 2012). Cette IMT a notamment été trouvée efficace pour faciliter le retour au travail de travailleurs en situation d’incapacité prolongée (Durand & Loisel, 2001a; Loisel, Durand, Gosselin, Simard et Turcotte, 1996; Rivard et coll., 2011). Les échanges entre les parties prenantes ou, plutôt, leur action concertée pourrait être un élément « déterminant » pour le succès du retour au travail dans le cadre du RTT (Durand, Berthelette, Loisel, Baudet et Imbeau, 2007; Durand, Berthelette, Loisel et Imbeau, 2012a). L’action concertée peut référer à la présence de bonne communication et à l’adoption de stratégies et d’objectifs communs aux parties prenantes (Durand et coll., 2007; Durand, Vachon, Loisel, et Berthelette, 2003). Cette définition de l’action concertée peut également correspondre à un type de prise de décision : la concertation. D’autres types de prise de décisions sont toutefois documentés dans la littérature, tels que la négociation et l’imposition (Thouzard, 2006; Thuderoz, 2000; 2010). De plus, selon la recension systématique des écrits effectuée par l’auteure de la thèse, aucune étude n’aurait encore vérifié la présence possible de ces autres types de prise de décisions lors des échanges entre les parties prenantes au RTT. Une meilleure compréhension de ces types de prise de décisions pourrait en faciliter le déroulement dans le cadre d’IMT. Le cas échéant, l’efficacité des IMT pourrait être améliorée, facilitant ainsi le retour au travail durable et en bonne santé des travailleurs y prenant part.

La présente étude doctorale vise à documenter le processus de prise de décisions entre les parties prenantes dans le cadre de la mise en place et, le cas échéant, au long d’une IMT. Pour se faire, une étude de cas multiples exploratoire (N=6) est menée dans le contexte d’un programme de réadaptation pouvant mener à un RTT. Il s’agit d’un Programme de Réadaptation au Travail offert dans un établissement de réadaptation du Québec. Ce dernier est retenu puisqu’il s’agit d’un programme systématique et structuré dont l’efficacité est documentée (Rivard et coll., 2011). Le recueil des données concernant les processus de prise de décisions est mené à l’aide d’observations non participantes effectuées à différents moments clés (soit, au début du programme, peu avant l’IMT et à la fin du programme). Des entrevues individuelles semi-structurées sont également réalisées à la fin du programme de réadaptation au travail avec les travailleurs y ayant participé, l’intervenant en milieu de travail (ergothérapeute) et, le cas échéant, un représentant de l’employeur. Ces dernières visent à vérifier l’interprétation des observations et à compléter le recueil des données.

La thèse comporte quatre chapitres. Le premier sert à établir le contexte théorique et à présenter les objectifs et les questions de recherche. Le deuxième chapitre contient la méthodologie de l’étude. Le troisième chapitre vise la présentation des résultats obtenus pour chaque question de recherche. Enfin, le quatrième chapitre sert à discuter les résultats.

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Chapitre 1 : Contexte théorique

Section 1 : Troubles musculosquelettiques d’origine

professionnelle, incapacité et prise en charge

1.1) Troubles musculosquelettiques d’origine professionnelle et incapacité

Au Québec, les Troubles MusculoSquelettiques d’origine professionnelle (TMS) touchent un travailleur sur cinq (Vézina et coll., 2011) et constituent près d’une lésion indemnisée sur trois (INSPQ, 2010). Les TMS peuvent être définis comme :

un ensemble de symptômes et de lésions inflammatoires ou dégénératives de l’appareil locomoteur au cou, au dos, aux membres supérieurs et aux membres inférieurs [… qui] touchent diverses structures, telles que les tendons, les muscles, les ligaments, les gaines synoviales et les articulations, incluant les disques intervertébraux. Les nerfs et les vaisseaux sanguins connexes à ces structures peuvent également être touchés (Vézina et coll., 2011, p. 446).

Ils englobent notamment les affections vertébrales (Commission de la Santé et de la Sécurité du Travail du Québec [CSST], 2012a), c’est à dire les « maux de dos » (lombalgie, dorsalgie et cervicalgie), qui sont les plus prévalents des TMS. En effet, les affections vertébrales représentent 58,2% des cas de TMS indemnisés (INSPQ, 2010).

Les TMS sont préoccupants étant donné leurs répercussions, notamment sur les plans humain et financier. Sur le plan humain, les travailleurs touchés doivent composer avec la douleur, l’incapacité éventuelle de retourner au travail et avec les risques d’exclusion/d’isolement social reliés à cette incapacité (National Institute for Health and Clinical Excellence [NICE], 2007; Pérez, 2000). Ils peuvent aussi être confrontés à une restructuration de leurs rôles sociaux et familiaux (Murphy, Spence, McIntosh et Gorber, 2006; Statistique Canada, 2006; Soklaridis, Cartmill et Cassidy, 2011; Strunin & Boden, 2004). Quant aux entreprises qui les emploient, elles doivent composer avec les nombreuses conséquences des arrêts de travail (p. ex., formation de remplaçants et retards dans la production), qui peuvent se répercuter sur le climat de travail, ainsi que sur la charge de travail des collègues (CSST, 2000). Sur le plan financier, ces arrêts de travail peuvent occasionner d’importants coûts, notamment pour les individus touchés qui sont souvent aux prises avec une réduction de leurs revenus (NICE, 2007). Les entreprises aussi doivent assumer certains coûts, qui recouvrent notamment les dépenses pour le remplacement des travailleurs atteints (p. ex., embauche, formation du personnel) de même que les hausses potentielles des cotisations versées à la Commission de la Santé et de la Sécurité du Travail (CSST; qui est l’organisme d’assurance couvrant la majorité des travailleurs au Québec). Il est à noter qu’au Québec, ce sont les employeurs qui financent à 100% le régime de la CSST, d’où l’impact direct de l’augmentation des lésions professionnelles sur leurs cotisations.

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Les débours de la CSST en terme d’indemnité de remplacement de revenu (IRR) pour les travailleurs atteints de TMS ont augmenté au cours des dernières années. En 2000, la CSST a versé plus de 500 millions de dollars en IRR pour des cas de TMS (Aptel & Vézina, 2008). Seulement pour les affections vertébrales, ces montants se sont élevés à 509,3 et 516,5 millions de dollars pour les années respectives de 2006 et 2007 (CSST, 2007a; 2008). Or, ces montants constituent « la pointe de l’iceberg », car moins de 20% des travailleurs atteints d’un TMS d’origine occupationnelle font une demande d’indemnisation à la CSST (Vézina et coll., 2011). Les données fournies par la CSST sous-estiment donc l’ampleur de la problématique, et ce, pour au moins deux raisons : (a) ce régime d’indemnisation ne couvre pas tous les travailleurs québécois et (b) il y aurait une sous-déclaration générale des lésions professionnelles (Duguay, Massicotte et Prud'homme, 2008). Néanmoins, lorsque les coûts ne sont pas assumés par la CSST, les travailleurs touchés sont soutenus par d’autres régimes d’assurances (p. ex., via l’assurance maladie, l’assurance-emploi, l’aide sociale et les rentes d’invalidité). C’est pourquoi, plus généralement, les coûts reliés aux TMS se répercutent aussi sur l’ensemble de la société.

Si les conséquences des TMS sont réelles et substantielles, elles le sont encore plus lorsque le travailleur touché évolue vers l’incapacité prolongée à reprendre son travail (incapacité). À cet effet, par rapport à l’ensemble des cas de TMS indemnisés par la CSST, le pourcentage de cas indemnisés pour 91 jours ou plus est passé de 13% en 1998, à 19% en 2007 (INSPQ, 2010). Le phénomène de l’incapacité aurait donc progressé au cours des dernières années. Ainsi, même si le nombre total de cas de TMS déclarés à la CSST a diminué dans les dix dernières années (CSST, 2007a; 2007b; 2012a; 2012b; INSPQ, 2010), la durée de l’indemnisation et les coûts qui y sont associés, eux, ont augmenté (INSPQ, 2010). Or, plus l’arrêt de travail persiste, plus le risque d’incapacité augmente. Autrement dit, la probabilité de retour au travail diminue à mesure que la durée d’absence augmente (Rossignol & Arsenault, 2006; Waddell, Burton et Main, 2003). Si bien qu’après six mois d’absence, les chances qu’un travailleur retourne au travail sont estimées à moins de 20% (Cats-Baril & Frymoyer, 1991).

C’est pourquoi plusieurs recherches ont été menées pour étudier les facteurs pouvant contribuer au développement de l’incapacité. À ce jour, l’origine multifactorielle et biopsychosociale de l’incapacité est reconnue (Gatchel & Gardea, 1999; Iles, Davidson et Taylor, 2008; Organisation mondiale de la santé [OMS], 2013; Spitzer, 1986; Truchon et coll., 2007). Plus précisément, les facteurs explicatifs de l’incapacité proviendraient de plusieurs composantes, notamment de la composante « biologique » (médicale), « psychologique », « sociale » ou « occupationnelle »4 (Guzman et coll., 2001; Waddell & Burton, 2005).

4 La composante « occupationnelle » pourrait être incluse dans la composante « sociale » (plus large). Toutefois, puisque la thèse traite des IMT, il semble important de distinguer la composante ayant trait au travail, de celle (plus large) incluant p. ex., le soutien provenant de la famille et des amis.

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Toutefois, cette compréhension du phénomène ne se reflète pas toujours dans les interventions mises en place lors de la prise en charge des individus atteints de TMS, tels que la lombalgie (Durand & Loisel, 2001b; Loisel, Durand, et coll., 2001; Staal, de Rijk, Houkes et Heymans, 2013). La section suivante aborde certains types de prise en charge possible pour les individus atteints de TMS.

1.2) Prise en charge des individus atteints de TMS

1.2.1) Distinction : Prise en charge usuelle et biopsychosociale

La prise en charge des individus atteints de TMS peut requérir la mise en place de divers types d’interventions. C’est-à-dire qu’un ou plusieurs clinicien(s)/professionnel(s) peuvent poser divers actes (ou, autrement dit, mettre en place diverses stratégies d’intervention), pour atteindre un objectif (p. ex., le retour au travail ou la réduction de la douleur) (Nastasia et coll., 2012). Dans le cadre de cette thèse, deux types de prise en charge doivent être départagés : la prise en charge usuelle et la prise en charge biopsychosociale. La prise en charge usuelle des individus atteints de TMS comprend habituellement la mise en place d’interventions cliniques (ou traitements), telles que la prise de médicaments, la présence de suivis en physiothérapie ou en chiropractie et, possiblement, la chirurgie (Loisel et coll., 1996). Ces interventions visent la résorption des symptômes ou des lésions associés aux TMS (Staal et coll., 2013). Ce type de prise en charge peut donc inclure des actions touchant la composante biologique (médicale) du phénomène de l’incapacité. Or, plusieurs chercheurs soulignent que ce type de prise en charge serait insuffisant pour faciliter le retour au travail chez les individus à risque d’incapacité prolongée ou chez ceux en situation d’incapacité prolongée (Gatchel, Peng, Peters, Fuchs et Turk, 2007; Rossignol & Arsenault, 2006; Truchon et coll., 2007). Ce constat pourrait être relié au fait que ces traitements ne ciblent pas nécessairement l’ensemble des composantes (bio-médicale, psychologique et sociale) du phénomène de l’incapacité.

Quant à la prise en charge biopsychosociale, elle rend compte des recommandations de plusieurs chercheurs soulignant le besoin de prendre en compte les dimensions psychosociales dans la prévention de l’incapacité (Fishbain, Rosomoff, Steele-Rosomoff et Cutler, 1995; Rossignol & Arsenault, 2006; Spitzer, 1986; Waddell & Burton, 2005). Ce type de prise en charge comporte au moins une intervention sur la composante biologique, en plus d’intervention(s) sur les composantes psychologique, sociale ou occupationnelle de l’incapacité (Guzman et coll., 2001; Ravenek et coll., 2010; Truchon, 2011). Ces interventions sont mises en place par plusieurs professionnels ou cliniciens provenant de diverses disciplines (p. ex., physiothérapie, ergothérapie, psychologie ou ergonomie), ce qui permet de prendre en compte plusieurs composantes du phénomène de l’incapacité. La prochaine section présente deux possibilités dans la prise en charge biopsychosociale : a) la prise en charge dans le cadre d’interventions ou b) dans le cadre de programmes de réadaptation.

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1.2.2) Distinction : Interventions et programmes biopsychosociaux

Une prise en charge biopsychosociale peut comprendre la mise en place d’intervention ou de programme de réadaptation biopsychosociaux. Les interventions biopsychosociales permettent aux cliniciens ou aux professionnels de poser divers actes (ou, autrement dit, mettre en place diverses stratégies d’intervention) pour atteindre un objectif (Nastasia et coll., 2012). Cet objectif peut consister à faciliter le retour au travail des individus touchés. Les stratégies d’intervention choisies pour atteindre ces objectifs sont habituellement consignées dans ce que les cliniciens nomment un plan d’interventions. Par exemple, dans le cadre d’interventions biopsychosociales, les plans d’interventions peuvent contenir des stratégies d’intervention s’inscrivant dans l’approche cognitivo-comportementale (Mayer et coll., 1985) et comprendre la réalisation d’activités graduelles en clinique (graded activity) (Truchon, 2011).

Quant au programme de réadaptation, il combine ces interventions, qui sont dispensées par une équipe de réadaptation multi- ou inter-disciplinaire (Nastasia et coll., 2012). La nature (multi- ou inter-disciplinaire) de l’équipe influence notamment la manière d’établir le plan d’interventions : une équipe de réadaptation multidisciplinaire établit un plan d’interventions pour chacune des disciplines concernées, tandis qu’une équipe interdisciplinaire élabore plutôt un plan global, prenant en compte l’ensemble des disciplines. Selon la nature de l’équipe, le programme peut être qualifié de multi- ou d’inter-disciplinaire. Un programme de réadaptation biopsychosocial comprend donc des interventions biopsychosociales, dont la mise en place est assurée par une équipe multi- ou inter-disciplinaire. En somme, ce qui distingue l’intervention du programme biopsychosocial est que seul le second comprend des intervenants formant une équipe de réadaptation (multi- ou inter-disciplinaire).

À noter que les interventions biopsychosociales sont parfois nommées : « intervention multidisciplinaire » ou « intervention multidisciplinaire biopsychosociale », puisqu’elles peuvent notamment requérir l’intervention d’un médecin, d’un physiothérapeute, d’un ergothérapeute, d’un psychologue ou d’un ergonome (Guzman et coll., 2001; Ravenek et coll., 2010). Pour éviter la confusion, dans le cadre de la thèse, ces interventions sont plutôt qualifiées d’« interventions biopsychosociales ». L’appellation « multidisciplinaire » est préférée pour désigner certains types de programmes de réadaptation biopsychosociaux (c.-à-d. ceux qui comportent une équipe de réadaptation pouvant être qualifiée de multi- ou d’inter-disciplinaire).

En ce qui concerne l’efficacité de ces programmes et interventions, actuellement, les études ayant comparé des interventions biopsychosociales à la prise en charge à l’aide de traitements usuels font état de résultats plutôt décevants en matière de retour au travail (Hill & Fritz, 2011; Nicholas et coll., 2011; Shaw, Linton et Pransky, 2006; Truchon, 2011; van der Windt et coll., 2008). Toutes les tentatives de prises en charge biopsychosociales ne sont pas inefficaces pour autant. En effet, un type précis d’interventions biopsychosociales, soit les Interventions en Milieu de Travail (IMT), de même que plusieurs programmes de

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réadaptation biopsychosociaux sont associés à des résultats positifs et significatifs en ce qui concerne notamment le retour au travail (Nastasia et coll., 2012; Van Oostrom & Boot, 2013; Van Oostrom et coll., 2009; Truchon, 2011). La prochaine section traite des IMT et des programmes de réadaptation pouvant en contenir. 1.2.3) Intervention en milieu de travail (IMT) et programmes de réadaptation au travail Une IMT est une intervention (biopsychosociale) de réadaptation qui cible la dimension occupationnelle de l’incapacité (voir les Sections 1.2.1 et 1.2.2). Plus précisément, les IMT requièrent minimalement la participation du travailleur et d’un représentant de l’employeur (Anema et coll., 2004). Elles peuvent comporter diverses stratégies, certaines pouvant mener à des modifications dans le milieu de travail (soit, des équipements, de l’organisation/conception du travail, des conditions de travail ou de l’environnement de travail; ibid.). Les IMT peuvent être combinées avec d’autres interventions cliniques et/ou biopsychosociales (voir p. ex., Anema et coll., 2007). De même, elles peuvent compter parmi les interventions incluses dans un programme de réadaptation biopsychosocial (voir p. ex., Lambeek, van Mechelen, Knol, Loisel et Anema, 2010), qui est alors nommé « programme de réadaptation au travail ».

Selon la recension des écrits menée dans le cadre de la thèse, l’IMT la plus documentée, du moins, dans le contexte québécois, se nomme le Retour Thérapeutique au Travail (RTT) (Briand, Durand et St-Arnaud, 2007; Durand, Baril, Loisel et Gervais, 2008; Durand et coll., 2003; 2007; 2012a,b; Durand & Loisel, 2001a; Loisel et coll., 1996; Loisel, Durand Shapiros, Contandriopoulos, Beaudet et Imbeau, 2008; Loisel, Durand, Baril, Gervais et Falardeau, 2005; Loisel, Durand, Baril, Langley et Falardeau, 2004; Rivard et coll., 2011). Plus précisément, le RTT est contenu dans certains programmes de réadaptation au travail, dont celui dans lequel les études de cas de la thèse sont documentées. Puisque le contenu de ces programmes varie et que la thèse traite spécifiquement des IMT, le détail des interventions (ou composantes) pouvant être incluses dans ces programmes est traité plus loin, soit dans la Section 3. Il faut ici retenir que les IMT, dont le RTT, peuvent être combinées avec divers traitements qui sont dirigés ou coordonnés par les cliniciens ou les professionnels de l’équipe (multi- ou inter-disciplinaire). La prochaine section présente l’IMT de RTT.

1.2.4) Le retour thérapeutique au travail (RTT)

Le RTT est une IMT où le travailleur, habituellement en surnuméraire, est accompagné par un ergothérapeute et/ou un ergonome lors de son retour au travail (Durand, Loisel et Durand, 1998). Même si le travailleur est de retour au travail, il est toujours considéré en réadaptation. Au fil des semaines et selon la progression des capacités de travail du travailleur, l’horaire ainsi que les tâches de travail progressent (Durand, Loisel et Durand, 1998; Loisel et coll., 1996; Rivard et coll., 2011). Le superviseur, le travailleur et l’ergothérapeute doivent notamment s’entendre sur la progression dans le cadre du RTT, qui est consignée dans un plan de RTT. Ce dernier prend la forme « d’un contrat écrit », réévalué périodiquement (Durand, Loisel et Durand, 1998, p. 73).

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Selon les écrits consultés, trois études documentent l’efficacité en matière de retour au travail de programmes comportant un RTT (Durand & Loisel, 2001a; Loisel et coll., 1996; Loisel et coll., 2008; Rivard et coll., 2011). Deux d’entre elles rapportent des résultats positifs et significatifs (Durand & Loisel, 2001a; Loisel et coll., 1996; Rivard et coll., 2011) alors que, selon la troisième, le programme n’est pas plus efficace que le traitement usuel pour faciliter le retour au travail (Loisel, et coll., 2008). Durand et ses collègues (2007; 2012a) soulèvent que ces derniers résultats pourraient, entre autres, être reliés à un manque d’action concertée entre les parties prenantes. À cet effet, il faut souligner qu’un modèle contenant entre autres le concept d’action concertée est proposé par Durand et ses collègues (2003) pour expliquer le retour au travail dans le cadre d’un RTT. Ce modèle explicatif est présenté dans la prochaine section, de même que l’étude menée pour le tester (c.-à-d. l’étude de Durand et coll. (2007 ; 2012a), qui s’inscrit en parallèle à l’essai clinique de Loisel et coll., 2008).

1.2.4.1) Modèle explicatif du retour au travail dans le cadre d’un RTT

Un modèle théorique explicatif du retour au travail dans le cadre d’un programme5 comprenant un RTT est élaboré par Durand et ses collègues (2003) (voir la Figure 1). Ce dernier propose que le retour au travail lors d’un RTT s’explique par l’activation de deux mécanismes. Le premier stipule que le « program is expected to e) increase the worker’s general work capacities, f) decrease work environmental demands (physical, mental, social and organizational) and g) promote concerted action between stakeholders in order to B) increase competent work behavior » (Durand et coll., 2003, p. 239). Le second mécanisme explicatif relie directement le développement d’AGIRS spécifiques au travail (réf. à « competent work behaviors ») au retour au travail (ibid.). Autrement dit, selon ce modèle, l’action concertée entre les parties prenantes aurait un effet indirect sur le retour au travail, via le développement d’AGIRS spécifiques au travail, c’est-à-dire via « la reprise progressive de comportements de travail en milieu naturel » (Durand et coll., 2007, p. 9). Alors, seul le développement d’AGIRS spécifiques au travail serait en lien direct avec le retour au travail (Durand et coll., 2003). Toutefois, en testant ce modèle, Durand et ses collègues (2007; 2012a) proposent que l’action concertée puisse aussi être en lien avec le retour au travail.

5 Soit, le programme Prévicap (PRÉVention des situations de handICAP au travail), duquel découle le programme de rédaptation au travail étudié dans le cadre de l’étude doctorale (à cet effet, voir Loisel et Durand (2005); Rivard et coll. (2011)).

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Figure 1: Modèle théorique explicatif du retour au travail proposé par Durand et ses collègues (2003)

Figure tirée de Durand et ses collègues (2007, p. 9), reproduite avec l’autorisation de l’auteure principale

Durand et ses collègues (2007; 2012a) vérifient la concordance entre ce modèle (voir la Figure 1) et la réalité empirique dans le cadre d’une étude de cas multiple. Pour se faire, ils analysent rétrospectivement 20 cas de travailleurs de la construction ayant complété un RTT. Durand et ses collègues (ibid.) documentent notamment le concept d’action concertée à l’aide de la présence de comportements favorables ou défavorables6 à l’action concertée des parties prenantes. Les données obtenues à cet effet proviennent de l’administration de questionnaires aux conseillers en réadaptation, au gestionnaire de cas et au travailleur (en début et en fin de programme), de même que d’entretiens avec le gestionnaire de cas et le travailleur (en fin de programme). Ces entretiens permettent aussi de documenter la participation et l’accord des partenaires en regard de décisions prises dans le cadre du RTT. Durand et ses collègues (ibid.) documentent ensuite chacune des hypothèses mentionnées dans la Figure 1, qui relient les facteurs inclus dans le modèle. Se faisant, ces auteurs constatent la présence d’un lien entre l’action concertée et le retour au travail (de même qu’entre le développement d’AGIRS spécifiques au travail et le retour au travail) (ibid.). Plus précisément, en documentant le lien entre le concept d’AGIRS spécifiques au travail et le retour au travail, les auteurs (ibid.) se sont penchés sur trois cas appuyant l’hypothèse (rivale) selon laquelle la présence d’AGIRS spécifiques au travail ne permet pas le retour au travail à la fin du programme. Durand et ses collègues (ibid.) constatent que ces cas ont en commun : (a) une absence de vision commune entre l’équipe et les partenaires médicaux, ainsi

6 P. ex., l’adhésion des parties prenantes aux principes du RTT, incluant une bonne communication (p. ex., retour d’appels prompt, communication des informations pertinentes), la mise en place des ressources nécessaires de la part de l’employeur (humaines, matérielles…) et l’application des recommandations par le travailleur.

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(b) qu’un mauvais accueil du travailleur blessé par le milieu de travail. Selon les auteurs (ibid.), ces éléments n’auraient pas empêché la progression des AGIRS spécifiques au travail, mais auraient fait obstacle à la progression vers un retour au travail à temps complet. Ce constat peut sembler marginal : seulement trois cas (sur 20) suggèrent l’importance de l’action concertée entre les parties prenantes en fait de retour au travail. Il faut toutefois souligner que seuls les travailleurs ayant pu entamer un RTT sont retenus dans le cadre des analyses menées par Durand et ses collègues (ibid.). De plus, une analyse globale des données mène Durand et ses collègues (2012b) ainsi que Loisel et ses collègues (2008) à relier l’inefficacité du programme (contenant le RTT) à des difficultés d’implantation, qui seraient notamment attribuables à un manque de collaboration de certaines des parties prenantes. Durand et ses collègues (2007) rapportent aussi que trois travailleurs ont refusé de participer au programme après la première semaine d’évaluations et qu’un travailleur n’a pas pu prendre part au programme puisque son médecin traitant a refusé le plan d’interventions. En regard de ces informations, Durand et ses collègues (ibid., p. 40; 2012a, p. 502) soulignent l’importance de l’action concertée en matière de retour au travail et concluent que « l’action concertée semble également au cœur du processus de réintégration au travail ». En d’autres mots, Durand et ses collègues (2007; 2012a) avancent que l’action concertée pourrait être en lien direct avec le retour au travail dans le cadre de leur modèle. En somme, il semble que l’action concertée puisse être « un élément déterminant dans le processus de retour au travail » (tout comme le développement d’AGIRS spécifiques au travail) (Durand et coll., 2007, p. 37). Durand et ses collègues (ibid., p. 39) avancent aussi que l’action concertée agirait comme « une trame de fond qui influencera différents niveaux du modèle théorique ». L’hypothèse d’un lien direct entre l’action concertée et le retour au travail, si elle était confirmée, constituerait une avancée importante dans la compréhension de l’efficacité du RTT et, plus largement, des programmes de réadaptation au travail. Elle permettrait, en effet, de mieux comprendre les mécanismes pouvant expliquer l’efficacité du RTT et des IMT en général.

1.3) Rôle de l’action concertée dans l’efficacité du RTT : Questionnement

L’hypothèse selon laquelle l’action concertée serait en lien avec le retour au travail soulève toutefois un questionnement. Pour Durand et ses collègues (2003, p. 239), l’action concertée réfère à « [a] the exchange of pertinent information between the stakeholders and [b] the contribution of each actor’s expertise and resources for the benefit of a shared goal ». Leur définition de l’action concertée recouvre donc les concepts de (a) communication et de (b) collaboration des différentes parties prenantes. Ces auteurs affinent leur conception du concept de collaboration en empruntant la typologie de Bailey et Koney (2000), qui postule l’existence de quatre niveaux « d’alliance stratégique » entre les parties prenantes, soit :

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1. « la coopération » (où les parties prenantes se supportent mutuellement et partagent de l’information); 2. « la coordination » (où les tâches et les objectifs sont communs);

3. « la collaboration » (où, en plus d’un objectif commun, leurs stratégies sont intégrées) et, finalement; 4. « l’union » (trad. coadunation; où leurs structures et culture seraient unifiées)7.

Dans l’étude de Durand et ses collègues (2007; 2012a), l’action concertée entre les parties prenantes est opérationnalisée par le degré de présence (ou d’absence) de comportements favorables (à l’action concertée), de même que par la participation et l’accord des partenaires en regard des décisions prises dans lors du RTT (voir la Section 1.2.4.1) (ibid.). La présence « d’objectifs » ou de « stratégies » communes/intégrées n’est donc pas directement documentée et, conséquemment, Durand et ses collègues (ibid.) n’ont pas vérifié si les parties prenantes coopèrent, se coordonnent ou collaborent (en réf. à la typologie de Bailey & Koney, 2000) dans le cadre du RTT. Peut-on alors affirmer qu’il y aurait action concertée (ou concertation) des parties prenantes?

La définition de l’action concertée proposée par Durand et ses collègues (2003; 2007; 2012a) (soit la présence d’un objectif et de stratégies communes, de même qu’une bonne communication) peut référer à un type de prise de décision : la concertation (Beuret, 2012; Thouzard, 2006). Or, plusieurs autres types de prise de décisions sont documentés dans la littérature, dont la négociation et l’imposition (Thouzard, 2006). À cet effet, lors du RTT, il semble notamment possible que les parties prenantes communiquent (promptement) entre elles, pour en venir à s’entendre, notamment sur des objectifs et des stratégies, mais à force de négociations. Cela correspondrait davantage aux concepts de coopération ou de coordination qu’au concept de collaboration (en réf. à la typologie de Bailey & Koney, 2000). En d’autres mots, il semble également possible que le RTT soit le théâtre de négociations entre les (ou entre certaines des) parties prenantes. À ce moment, les parties ne collaboreraient pas, mais coopèreraient (au sens de Bailey & Koney, 2000; voir la Section 2.3.6.3). Cette distinction est importante puisque chacun des types de prise de décisions (p. ex., la concertation, la négociation) sous-tend d’importantes différences (Thouzard, 2006; Thuderoz, 2010). Une

7 À noter que cette typologie est conçue pour s’appliquer aux relations entre différentes organisations (p. ex., entreprises), qui pourraient en venir à fusionner et devraient alors tenter d’atteindre le niveau d’« alliance stratégique » de « l’union » (ibid.). En ce qui concerne l’étude du retour au travail lors d’IMT, il ne serait pas question de fusionner le milieu de réadaptation où travaillent les cliniciens ou les professionnels intervenant dans le cadre de l’IMT avec le milieu de travail. Ainsi, bien que niveau 4, soit l’union, ne semble pas applicable à cet objet d’étude, les trois autres niveaux pourraient l’être.

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meilleure compréhension des types de prise de décisions lors du RTT pourrait faciliter le déroulement des prises de décisions s’y tenant (voir la Section 6). Cela pourrait, le cas échéant, améliorer l’efficacité des IMT, facilitant le retour au travail durable et en bonne santé des travailleurs y prenant part.

En somme, il semble possible que l’action concertée des parties prenantes (réf. à leur concertation) ne soit pas le seul type de prise de décisions pouvant se tenir lors d’un RTT. Quels types de prise de décisions pourraient alors être observés dans le cadre des prises de décisions se tenant entre les parties prenantes au RTT ou, plus largement, à une intervention en milieu de travail (IMT)? Pour répondre cette question, il serait nécessaire de documenter directement le contenu et le déroulement du processus de prise de décisions.

1.4) Conclusion partielle

La première section de ce chapitre traite des conséquences des TMS. Ces dernières sont particulièrement importantes lorsque le travailleur touché évolue vers l’incapacité, phénomène en progression constante au Québec depuis les dernières années (INSPQ, 2010). La mise en place d’Interventions en Milieu de Travail (IMT) serait un moyen efficace pour faciliter le retour au travail de ces travailleurs, peu importe si elle est incluse dans une intervention biopsychosociale ou un programme de réadaptation au travail (Nastasia et coll., 2012; Truchon, 2011; Van Oostrom & Boot, 2013; Van Oostrom et coll., 2009). Dans le cadre d’une IMT nommée le « retour thérapeutique au travail » (RTT), l’action concertée des parties prenantes pourrait être un élément « déterminant » pour le succès du retour au travail (2007; 2012a). Or, il est possible que la concertation ne soit pas le seul type de prise de décisions se tenant lors d’un RTT. Dans ce cas, quels types de prise de décisions pourraient être observés entre les parties prenantes au RTT ou, plus largement, à une IMT? La recension des écrits menée dans la troisième section du présent chapitre est articulée autour de cette question. Quant à la section suivante, elle s’affaire à définir le concept de relations sociales, puisque l’étude des prises de décisions entre les parties prenantes y réfère. De plus, elle présente trois types de prise de décisions pertinents en matière de retour au travail qui sont distingués du concept de consultation. Il s’agit de la concertation, la négociation et l’imposition.

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Section 2 : Conception des relations entre les parties prenantes

aux interventions en milieu de travail

L’objet d’étude de la thèse est le processus de prise de décisions se tenant entre les parties prenantes au retour au travail, dans le cadre d’Interventions en Milieu de Travail (IMT). Les relations sociales (entre des parties prenantes provenant de différents milieux, p. ex., du milieu clinique et du milieu de travail) sont l’unité d’analyse de la thèse. La majorité des écrits discutés dans la Section 2 provient du champ de recherches en relations industrielles. Il s’agit d’un champ d’études couvrant plusieurs disciplines, dont la sociologie, mais aussi la psychologie et l’économie (entre autres). En fait, un débat a toujours cours pour définir précisément l’objet d’études des relations industrielles (Kaufman, 1993; Kaufman, 2008). Cela dit, historiquement, les chercheurs/praticiens de ce champ d’études s’intéressent à l’étude des relations d’emploi (Giles, 2000) ou, plus largement, à l’étude des « social relations in production » (Giles & Murray, 1997, p. 81). Certains écrits provenant des champs de recherche en en sociologie médicale et en négociation sociale sont aussi traités dans cette section. Plus précisément, des ouvrages en sociologie médicale sont notamment cités pour rendre compte des paradigmes utilisés jusqu’à présent pour étudier « the entire social spectrum related to health and illness » (Cockerham, 2004). Quant au champ de recherches en négociation sociale, il vise notamment l’étude du processus social « de prise de décision entre des parties interdépendantes, mais dont les intérêts sont différents, ou divergents » (Bourque & Thuderoz, 2002, p. 7). Les ouvrages en négociation sociale ne se limitent donc pas à l’étude des relations de travail ou d’emploi, ce qui semble nécessaire dans le cadre de la thèse. D’une part, puisque le retour au travail à la suite d’une blessure/maladie mettrait en relation des parties prenantes provenant de divers milieux (p. ex., le milieu clinique et le milieu de l’indemnisation) (Anema et coll., 2004; Loisel, Durand, et coll., 2001). D’autre part, puisque les préoccupations de ces (diverses) parties prenantes pourraient diverger (Baril, Friesen, Stock, Cole et le "Work-ready group", 2003; Franche, Baril, Nicholas et Loisel, 2005; Roberts-Yates, 2003).

La Section 2 traite d’ouvrages provenant des trois champs d’études susmentionnés, pour en venir à présenter les concepts pertinents à l’étude des types de prise de décisions dans le cadre d’IMT. Plus précisément, la Section 2.1 vise à décrire le paradigme retenu parmi ceux utilisés en sociologie pour orienter la recherche : le réalisme critique. La Section 2.2 permet de traiter de deux conceptions des relations sociales entre les parties prenantes au retour au travail. Enfin, la Section 2.3 vise à approfondir la conception pluraliste des relations entre les parties prenantes, pour en venir à définir différents concepts pertinents à l’étude des types de prise de décisions lors d’un retour au travail dans le cadre d’une IMT.

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2.1) Paradigme réaliste critique

Historiquement, les études menées en sociologie médicale empruntent divers paradigmes, dont le fonctionnalisme, l’interactionnisme symbolique et, plus récemment, le réalisme critique (Cockerham, 2004). Ces paradigmes précisent les propriétés générales du « réel » (philosophie du réel), puisqu’ils sous-tendent « des postulats ontologiques, épistémologiques et méthodologiques, entre autres » (Fortin, 2010, p. 27). Ces paradigmes indiquent aux chercheurs « what there is to know » (Williams, 2003, p. 52). Le paradigme choisi oriente donc l’ensemble de la recherche puisqu’en précisant comment le « réel » peut être compris, il précise aussi comment les études devraient être menées (Fortin, 2010). Dans le cadre de cette thèse, le paradigme retenu est le réalisme critique (perspective rationaliste). La Section 2.1.1 traite de ses trois postulats ontologiques quant à la nature des entités sociales, soit la structuration, la transfactualité et la stratification. Enfin, la Section 2.1.2 fait état de la conception réaliste critique des relations sociales.

2.1.1) Postulats ontologiques

2.1.1.1) La structuration (intransitivity)

Le premier postulat réaliste critique est celui de la structuration (intransitivity). Il précise que l’existence des objets (ou entités; sur lesquels des connaissances peuvent être développées) serait indépendante des observations que l’on peut en faire : « [K]nowledge has intransitive objects, in other words, which exist and act independently of it » (Williams, 1999, p. 808). Cela dit, les connaissances développées par les chercheurs à propos de ces objets seraient (quant à elles) transitoires (ou provisoires) (Bhaskar, 2008). Autrement dit, contrairement à leurs objets, les connaissances seraient un produit social provisoire (Bhaskar, 2008; Lawson, 1994). Ce postulat semble découler de la dénomination même du paradigme, puisque le « réalisme » (par opposition au « nominalisme ») signifie que l’objet d’étude existe indépendamment de l’exploration qu’en font les chercheurs (Lawson, 1997, p. 15). Quant à l’utilisation du qualificatif « critique », il signifie que la réalité peut être trouvée par l’utilisation de la raison.

Le postulat de la structuration requiert de distinguer clairement l’épistémologie de l’ontologie pour tout phénomène à l’étude. Ainsi, ce qui est connu à propos d’un phénomène donné et comment cette connaissance est obtenue (réf. à l’épistémologie) ne doit pas être confondu avec ce qu’il y a à connaitre au sujet de ce phénomène (réf. à l’ontologie) (Williams, 2003). Cette distinction justifie la présence de la Section 2.1 dans la thèse. En effet, advenant le cas où le paradigme orthodoxe empiriste (positivisme, postpositivisme) aurait été choisi, aucune précision sur le plan de l’ontologie n’aurait été nécessaire, car ce paradigme présuppose que le « réel » relève de l’observation et de l’expérience. Or, selon le paradigme réalisme critique, le « réel » serait constitué de plus que ces deux éléments. Cette proposition est formalisée au sein du deuxième postulat du réalisme critique : la stratification.

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2.1.1.2) La stratification

Le deuxième postulat, celui de la stratification, permet de concevoir le « réel » comme étant stratifiée en trois domaines : (a) l’Empirique, recouvrant le vécu subjectif des expériences et les impressions; (b) l’Actuel, comprenant les évènements ou les états qui sont le fait de l’expérience directe et qui peuvent mener au constat d’une relation causale; ainsi que (c) le Profond8, englobant les structures, les mécanismes et les pouvoirs effectifs (Bhaskar, 2008; Lawson, 1994) (les concepts de structures, de mécanismes et de pouvoirs effectifs sont présentés dans la Section 2.1.1.3). Ces domaines seraient ontologiquement distincts et désynchronisés (Bhaskar, 2008). Plus spécifiquement, chaque évènement serait déterminé par « various, perhaps countervailing factors so that the governing causes, though necessarily ‘appearing’ through, or in, events, can rarely be read straight off » (Lawson, 1994, p. 263).

La présence des deux premiers domaines (soit, l’empirique et l’actuel) est commune au paradigme empirique et réaliste critique. Ces deux paradigmes se distingueraient toutefois par l’importance accordée aux relations causales, c’est-à-dire : « the ‘constant conjonction of events’ » (Williams, 1999, p. 808). Plus précisément, le réalisme critique postule que « what causes something to happen has nothing to do with the number of times we have observed it happening. Explanation depends instead on identifying causal mechanisms and how they work, and discovering if they have been activated and under what conditions » (Sayer, 2000, p. 14). Autrement dit, pour le réalisme critique (et contrairement à l’empirisme), l’observation de relations causales ne serait pas suffisante pour découvrir le « réel ». Il faudrait plutôt s’en servir pour identifier les mécanismes explicatifs (invisibles) sous-jacents à ces relations, de même que les conditions nécessaires à leurs déclenchements. Ainsi, loin de nier l’importance des faits empiriques, le réalisme critique postule toutefois que « the world should not be conflated with our experience of it » (Sayer, 2000, p. 11). En somme, le postulat de la stratification stipule notamment que les données provenant des domaines de l’empirique et de l’actuel devraient servir à comprendre le troisième domaine, c’est-à-dire, le profond. Le dernier postulat permet notamment de spécifier les composantes de ce domaine.

2.1.1.3) La transfactualité

La transfactualité réfère à la présence de mécanismes explicatifs du « réel », qui pourraient s’enclencher lorsque les conditions nécessaires sont réunies (Bhaskar, 2008). Ces mécanismes seraient contenus dans des structures9 (possiblement invisibles), qui définiraient la composition des objets et contribueraient à leur

8 Bien que Bhaskar (1998) utilise le terme de « réel » (real) pour désigner le dernier domaine, le terme « profond » est préféré dans le cadre de la thèse pour prévenir toute confusion.

9 Ici, il faut souligner que, contrairement à une croyance entretenue en sociologie, Danermark (2002) affirme que le concept de « structure » ne concernerait pas seulement les éléments d’ordre « macro » et ce dernier niveau de structures n’aurait pas un caractère plus déterminant que le niveau « micro ». L’importance des structures dépendrait plutôt de l’objet d’étude (p. ex., les structures micros seraient plus importantes dans l’étude du phénomène de socialisation que dans l’étude comparative des politiques internationales) (ibid.). Danermark (ibid.) affirme plus précisément que : « We can

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distinction (Danermark, 2002). L’importance accordée aux structures par le paradigme réaliste critique le distingue du paradigme relativiste. Plus précisément, le relativisme est un paradigme où la « réalité » est conçue comme : « [m]ultiple, subjective, personnelle et socialement construite par les participants » (Fortin, 2010, p. 26). Alors, le « réel » est compris comme l’expérience (unique) des individus et, contrairement au réalisme critique, il n’est pas question de structure. Quant au paradigme réaliste critique, la présence de structure est non seulement soulevée, mais il est parfois même question de leur préséance sur l’action des agents (c.-à-d., des entités sociales). Par exemple, Danermark (2002, p. 181) affirme que : « [T]he social structure in time precedes the actions, which lead to its reproduction or transformation; one cannot change or maintain something that does not exist, and so structure must come first ». Ces structures ne seraient toutefois pas déterminantes. Au contraire, le réalisme critique reconnaitrait la nature dynamique (morphogenetic) de la société, c’est-à-dire sa capacité de changer (Williams, 1999). Cette dernière serait notamment reliée à la possibilité d’émergence de « pouvoirs effectifs » provenant tant des agents (agency; c.-à-d., des entités sociales) que des structures (Archer, 2010, p. 200). Ainsi, pour le paradigme réaliste critique, les structures pourraient être recréées ou transformées par l’action des agents (Archer, 2010; Danermark, 2002). Quant à la libération des « pouvoirs effectifs », elle dépendrait du contexte où se trouvent les mécanismes (Bhaskar, 2008; Edwards, 2005).

Somme toute, le réalisme critique postule, via le postulat de la transfactualité, que la « réalité » serait constituée de structures (pouvant être invisibles et qui sont) pourvues de mécanismes explicatifs, qui pourraient s’enclencher dépendamment de la libération de « pouvoirs effectifs » (causal powers; Edwards, 2005; Lawson, 1994; 1997). C’est l’enclenchement de ces mécanismes qui détermineraient la matérialisation des phénomènes (Edwards, 2005; Lawson, 1994; 1997).

2.1.1.4) Résumé des trois postulats

Les trois postulats ontologiques du réalisme critique sont la structuration, la stratification et la transfactualité. Ces derniers permettent de souligner respectivement : que l’objet d’étude existe indépendamment de l’exploration qu’en font les chercheurs (réf. à la structuration); qu’il existe trois « domaines » de réalité : l’empirique (expériences et impressions/perceptions individuelles), l’actuel (évènements) et le « profond » (structures, mécanismes et pouvoirs) (réf. à la stratification); et que le « réel » est constitué de structures (invariantes et possiblement invisibles, mais pas déterminantes en soi) pourvues de mécanismes explicatifs pouvant (ou non) s’enclencher selon le contexte dans lequel ils s’inscrivent (réf. à la transfactualité).

analyse social structures at all levels and in any area: organization structures, small group structures, the social structures of the dyad or the triad, the structures of street life, communication structures, linguistic structures, personality structures, and so on » (ibid., p. 47).

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2.1.2) Conception réaliste critique des relations sociales

Le réalisme critique s’intéresse aux relations sociales sous deux angles. Un premier angle d’analyse consiste à les concevoir en tant que structure, ce qui réfèrerait à une vision des ‘Relations en tant que tout’ (Relations-as-wholes) (Elder-Vass, 2007). Les structures peuvent alors être comprises comme un ensemble d’entités (ou d’objets) en relation interne (c.-à-d., en relation entre eux; Danermark, 2002, p. 47). Le deuxième angle d’analyse consiste à concevoir les relations en tant que liens, ce qui réfère à une vision des ‘Relations en tant que connexions’ (relations as connections) (Elder-Vass, 2007). À cet effet, les pouvoirs effectifs pourraient provenir des relations entre les entités (Archer, 2010). Les prochaines lignes détaillent ces deux angles congruents dans l’analyse réaliste critique des relations.

2.1.2.1) Relations en tant que structure

Le premier angle d’analyse conçoit les relations sociales en tant que structure. Le concept de structure peut être défini comme : « an entity, a whole, that is composed of its parts plus the relations (with a small r) between them » (Elder-Vass, 2007, p. 464). Une structure serait donc constituée d’entités en (inter)relation (Danermark, 2002). Pour comprendre les structures, les chercheurs devraient cibler les relations pouvant être qualifiées de substantielles et d’internes. Plus précisément, il serait possible de distinguer les relations selon qu’elles sont : (a) substantielles ou formelles, (b) internes ou externes et (c) symétriques ou asymétriques (Bhaskar, 1998; Danermark, 2002). Les prochaines lignes servent à distinguer chacun de ces types de relations.

Contrairement aux relations formelles, où la présence de caractéristique(s) commune(s) aux entités serait suffisante pour conclure à l’existence d’un lien, les relations substantielles sont celles où il y a un lien « réel » entre les objets (Danermark, 2002, p. 45). Par exemple, le fait de constater une similarité entre la taille ou l’âge de certains employés ayant réussi à se maintenir au travail à la suite d’un TMS ne les relit pas de manière substantielle (malgré qu’il puisse s’agir de caractéristiques communes). Il s’agirait d’une relation formelle. Pour être qualifiée de substantielle, la relation doit être interne (et nécessaire) ou externe (et contingente). Plus précisément, une relation interne (et nécessaire) est constatée lorsqu’au moins l’un des objets étudiés est une condition à l’observation de l’autre; dans le cas contraire, il s’agit d’une relation externe et contingente (Bhaskar, 1998; Danermark, 2002). Par exemple, le retour aux études du conjoint d’un individu blessé et en retour progressif au travail pourrait être qualifié de lien externe et contingent s’il n’affecte pas directement le retour au travail de ce dernier. Il pourrait l’affecter de manière indirecte, par exemple si les revenus du couple devenaient insuffisants, ce qui pourrait « précipiter » le retour au travail du travailleur blessé. Une relation interne serait alors observée entre le revenu et au retour le travail, plutôt que le retour aux études.

Figure

Figure 1: Modèle théorique explicatif du retour au travail proposé par Durand et ses collègues (2003)
Tableau 1: Caractéristiques des différents types de prise de décisions
Tableau 2: Caractéristiques des Essais Cliniques avec Répartition aléatoire et groupe témoin (ECR) documentant  une intervention de réadaptation au travail
Tableau 3: Caractéristiques des Essais Cliniques avec Répartition aléatoire et groupe témoin (ECR) ainsi que des études quasi-expérimentales documentant un  programme de réadaptation au travail
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