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Le programme EPIFAIRE (EPI formation, apprentissage individualisé en vue du

VI) Les EPI

1. Un peu d’histoire…très récente

2.1. Le programme EPIFAIRE (EPI formation, apprentissage individualisé en vue du

Acteur de taille dans le domaine de la réinsertion et de l’intégration au niveau genevois comme nous l’avons décrit ci-dessus, les EPI ont pour partenaires différents organismes de l’action sociale dont les principaux, introduits par la figure 9, sont : l’Hospice Général (HG), l’Assurance Invalidité (AI) et l’OCE.

Pour ce dernier, ils constituent un des prestataires disponibles pour le placement des demandeurs d’emploi participant aux mesures de réinsertion ; le programme EPIfaire est l’illustration de ce genre de prestations.

Il s’agit d’un Programme d'Emploi Temporaire Fédéral (PETF) se déroulant sur 6 mois et faisant partie des mesures "métier" proposées par l’OCE17 en application de la LACI. Ce dernier présente ces mesures comme suit : « Contrairement aux cours classiques, les mesures en entreprise sont des mesures d'insertion centrées sur une activité. Elles permettent au demandeur d'emploi de mettre en pratique des connaissances nouvellement acquises et/ou de renouer avec une pratique professionnelle. ».18

Dans les ateliers des EPI, ce programme se donne pour but de permettre au demandeur d’emploi de :

• de mettre en pratique les connaissances acquises lors d’un cours ou d’une formation

• de se réinsérer dans le monde professionnel suite à une interruption de travail (chômage par ex.)

• d’acquérir une expérience pratique en entreprise

• de maintenir et développer ses compétences et connaissances techniques

• de se remobiliser et de retrouver une motivation, d'exercer et de renforcer son autonomie Il reste à préciser que le programme EPIFAIRE s’adresse à tout public confondu, compte tenu de la diversité des postes proposés par les ateliers des EPI : administration, socio-éducateurs,

16 Voir le document interne 0325, Ensemble des mesures d’évaluation, d’orientation et de reclassements professionnels proposées par les EPI

17 Voir le chapitre La loi sur l’assurance chômage à Genève

18 http://www.geneve.ch/emploi-recherche/mesures/emploi.asp?id=emploi

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électroniciens, mécaniciens, archivistes, agents de nettoyage, horticulteurs, employés de cuisine/restaurant, nettoyeurs de textiles, etc.

Cependant, pour reprendre notre hypothèse concernant la corrélation entre le niveau de qualification et le degré d’employabilité, les personnes les plus employables et donc les plus qualifiées (re)trouvent généralement plus facilement et plus rapidement un emploi. Au cas où ces dernières bénéficient de mesures, ce serait plutôt des mesures de formations qui peuvent être qualifiantes. C’est une évidence dans le monde de la formation d’adultes : ce sont les plus formés qui continuent à se former plus et plus longtemps.

Par conséquent, le public qui fréquente le programme EPIFAIRE fait partie plutôt de celui qu’on désigne par « faiblement qualifié ». Par ailleurs, la question de la sélection à l’entrée du programme de réinsertion selon un niveau quelconque ne se pose pas, sauf pour la maitrise de la langue. En effet, le seul pré-requis consiste à maitriser suffisamment le français (A2) pour pouvoir communiquer en équipe et comprendre une consigne.

Ces pré-requis, ainsi que d’autres éléments régissant cette collaboration entre l’OCE et les EPI, font l’objet d’un cahier des charges EPIFAIRE19 qui précise les différentes modalités de prise en charge des demandeurs d’emploi EPIFAIRE.

L’employabilité est un élément clé dans ce cahier des charges car elle est au cœur de l’objectif principal de du programme EPIFAIRE comme le montre l’extrait suivant :

Les demandeurs d’emploi bénéficient de l’infrastructure, des outils et du savoir-faire des EPI afin de se former et/ou de se perfectionner sur les techniques professionnelles attendues et exigées par les entreprises. L’objectif est de parvenir, par un accompagnement personnalisé, à développer ou maintenir l’employabilité des demandeurs d’emploi et à favoriser leur retour sur le marché du travail dans le secteur professionnel concerné. (CDC EPIFAIRE, p.3)

Nous remarquons que l’employabilité selon ce document est corollaire d’une formation répondant aux besoins et exigences du marché de l’emploi. Elle serait également favorisée grâce aux dispositifs de requalification pour le public faiblement qualifié. L’OCE encourage ses prestataires pour la mise en place de ce genre de dispositifs :

Dans le cadre de l’encouragement à la qualification des publics peu/non qualifiés, l’Office cantonal de l’emploi s’associe aux projets initiés par le Département de l’instruction publique tendant à favoriser la validation des acquis et de l’expérience (VAE) tant pour l’obtention du CFC que pour celle de l’AFP et la certification des compétences clefs.

19 Pour des raisons de confidentialité, nous ne pouvons joindre ce document à ce travail de mémoire.

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L’OCE sensibilisera l’ensemble de ses prestataires à ces projets dans le but d’harmoniser et d’uniformiser les pratiques quand cela sera possible en fonction des professions présentes dans les mesures.

Dès les projets aboutis, il sera demandé aux EPI, dans le cadre de la mesure EPIFAIRE, d’adapter ses modules de formation et son organisation afin de permettre aux demandeurs d’emploi d’accéder à ce dispositif. (CDC EPIFAIRE, p.3)

A l’état actuel du programme EPIFAIRE, les dispositifs de requalification n’ont pas encore été mis en place. Mais nous avons eu l’occasion d’assister à la présentation du programme Descarte, du même type que le programme EPIFAIRE, développé par l’entreprise Swissnova20. Il s’agit d’un dispositif élaboré par cette entreprise et ayant pour partenaire l’OFPC et le CEBIG (Centre de Bilan Genève) pour l’attestation des compétences clés de base, inspiré du dispositif compétences-clés de l’OFPC.

Eu égard à notre hypothèse de départ qui s’est vérifiée au cours de l’état des lieux en matière d’employabilité, des dispositifs de validation et de reconnaissance des acquis, même a minima comme le programme Descarte, sont au cœur de la promotion du potentiel professionnel d’un individu. Ceci représente une plus-value en matière de programmes de réinsertion et nous ne pouvons qu’encourager les responsables de la mesure EPIFAIRE de développer des pistes et des partenariats pour certifier les acquis des demandeurs d’emploi peu qualifiés.

Figure 14- déroulement du programme EPIFAIRE, tiré de la présentation du programme, document interne aux EPI

20 http://swissnova.com/partenaires/concept-mobilier-carton

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Quelques caractéristiques du public cible EPIFAIRE

Les stagiaires de l’atelier blanchisserie proviennent d’horizons et de mesures différentes, mais le public concerné par cette étude est celui des demandeurs d’emploi EPIFAIRE. Ils ont un passé de chômage de durée variable, généralement excédant une année. Mais l’étiquette de « chômeurs de longue durée » les rend vulnérables quand ils entretiennent des démarches pour retrouver un travail. Cette vulnérabilité n’est pas une caractéristique intrinsèque aux personnes, mais le résultat d’un jugement de valeur répandu : ceux qui sont en rupture d’emploi depuis un certain moment ne seraient pas capables de renouer, du moins facilement et de manière satisfaisante, avec le monde professionnel. C’est une des raisons pour lesquelles ces personnes sont placées au sein de structures comme les EPI pour les « remobiliser ». Au-delà des compétences métier, en l’occurrence celles du métier de blanchisserie, les stagiaires sont souvent suivis pour ce qui relève des « savoir-être ».

Cela renvoie à l’idée révoquée par Castra (2003) : le grand intérêt aux « savoirs-être » conçus comme la condition sine qua non pour le retour à l’emploi n’est d’autre que l’expression d’une centration sur la personne et non sur ses compétences. Il est vrai que les attitudes et comportements ont une certaine importance pour le travail, surtout au sein d’une équipe, car souvent cela renvoie aux manières d’être avec les autres. Mais il est préférable de les nommer « compétences transversales » ou « professionnelles » au lieu de « savoirs-être » car cela introduit un débat qui pourrait avoir une dimension philosophique : qu’est-ce que cela veut dire de « savoir-être » ? Développer des savoirs-être voudrait dire qu’il y ait des gens qui « ne savent pas savoirs-être » ? La personne en situation de chômage n’était-elle pas un peu perdue entre des conseils-injonctions qu’on entend un peu partout

« d’être soi-même » et des formations sur « savoir-être » un autre, politiquement correct car répondant à d’autres types d’injonction qui modélisent le travailleur parfait qu’elle ne serait pas ? La perspective théorique que nous avons adoptée permet d’échapper à l’utilisation abusive de ce genre d’étiquettes. En effet, selon la théorie de l’activité, les savoirs et les savoir-faire sont incorporés, incarnés et donc inséparables de la personne. Ainsi, l’éternelle trilogie des savoirs se trouve concentrée en une seule entité, l’acteur. Cet acteur, seul moteur de son couplage et donc de son développement, n’est pas une entité malléable et façonnable dans un moule correspondant aux exigences du marché du travail (schéma hylémorphique), mais il est en continuelle interaction avec son environnement, dans lequel il choisit les éléments faisant sens pour lui.

Cela voudrait dire que, plutôt que de vouloir motiver les individus, il faut penser à ce qu’on pourrait mettre en place dans leur environnement, suffisamment « affordant » et donc faisant sens pour eux, pour qu’ils retrouvent une motivation. D’après notre expérience avec ce public et les discussions que nous avons eues, la plus grande source de motivation reste le travail. Par conséquent, le degré et la nature d’engagement constatés comme manque de motivation lors des stages de réinsertion trouvent une explication : ces personnes sont en manque de travail et cherchent à retrouver un emploi durable, car dans la plupart des cas il y a une famille à entretenir et donc des enjeux économiques et vitaux importants. Un stage de réinsertion (un CDD) est perçu comme une perte de temps et ne fait pas sens pour ces individus, surtout ceux qui ont eu de mauvaises expériences avec des contrats à durée déterminée répétitifs, synonymes de précarité.

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Nous nous sommes interrogés sur ce qui faisait la précarité de ces personnes. Nous relevons ci-dessous des caractéristiques qui relèvent plus d’un constat que d’une affirmation sur les causes liées à cette précarité :

- LeLe sesexxee : d’après nos deux expériences dans le domaine de la réinsertion professionnelle, au CSP et aux EPI, les stagiaires reçues sont exclusivement des femmes. Ceci est lié probablement à la nature de l’activité : la blanchisserie reste une activité professionnelle assez féminine. En dehors de ce métier et de manière plus générale, selon les statiques au niveau international, les femmes sont plus frappées par le chômage de longue durée que les hommes21.

- LaLa nnaattiioonnaalliittéé : aucune stagiaire n’a été de nationalité suisse. Les seules Européennes sont de nationalité portugaise, albanaise et italienne. Sinon, la majorité est de provenance africaine et sud-américaine

- NiNivveeaauu ddee qquuaalliiffiiccaattiioonn éléléémmeennttaaiirree : dans la plupart des cas, elles ont arrêté tôt leur scolarité et celles qui sont allées jusqu’aux études secondaires ne sont pas détentrices de diplôme. Celles qui en ont un n’entretiennent pas de démarches pour la reconnaissance de leur diplôme en Suisse. De plus, leurs connaissances sont obsolètes et nécessitent une remise à jour, surtout avec l’utilisation des nouvelles technologies.

- LaLa babarrrriièèrree lilinngguuiissttiiqquuee : la majorité de ces dames rencontre de sérieux problèmes en français. Sans parler de l’écrit, ces stagiaires affichent un déficit linguistique au niveau oral qui fait obstacle à la compréhension des consignes et à l’expression de leurs propres remarques, questions, besoins ou angoisses.

De plus, les blanchisseries que j’ai contactées cherchent des personnes polyvalentes qui non seulement maitrisent bien les différentes activités liées à l’entretien du linge, mais qui puissent également recevoir les clients, prendre note de leur commentaires et gérer une caisse enregistreuse.

- L’L’ééttaatt ddee sasannttéé : pour certaines, des problèmes de santé s’ajoutent à cette liste ; des maladies (tendinites, réactions dermatologiques, etc.) qui sont parfois liées à des activités professionnelles exigeantes physiquement comme le nettoyage ou femmes de chambre dans des hôtels. À préciser que dans 99% des cas, ces dames ont pratiqué une activité de nettoyage et continuent à chercher un poste dans ce domaine.