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Formation-emploi : une relation toujours introuvable ?

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Master

Reference

Formation-emploi : une relation toujours introuvable ?

BEN MOUSSA, Mounia

Abstract

Ce mémoire traite la question de la réinsertion professionnelle des publics faiblement qualifiés, bénéficiant des mesures de réinsertion préconisées par les lois fédérales et cantonales en matière de chômage. La notion de l'employabilité, considérée comme la clé de la réinsertion, est appréhendée à travers un tour d'horizon assez large qui corrobore un rapport causal entre qualification et employabilité des individus. Un exemple d'institution d'intégration et de réinsertion par l'économique est présenté et se focalise sur un atelier de nettoyage des textiles. Le cadre théorique est celui de l'analyse de l'activité qui récuse la séparation entre savoir et action et stipule une codéfinition entre l'acteur et l'environnement dans lequel il agit. Un dispositif de formation s'appuyant sur le courant du cours d'action clôture cette recherche. Cette dernière ne s'appuie pas sur un corpus particulier et est présentée dans une phase exploratoire d'une recherche-action.

BEN MOUSSA, Mounia. Formation-emploi : une relation toujours introuvable ?. Master : Univ. Genève, 2013

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:28759

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MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DU

MASTER EN SCIENCES DE L'ÉDUCATION - FORMATION DES ADULTES

PAR

Mounia Ben Moussa

DIRECTEUR DU MEMOIRE Annie GOUDEAUX

JURY

Annie GOUDEAUX Isabel VOIROL-RUBIDO Christopher PARSON Germain POIZAT

GENEVE Janvier 2013

UNIVERSITE DE GENEVE

FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'EDUCATION SECTION SCIENCES DE L'EDUCATION

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Chapitre : Introduction

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Résumé

Ce mémoire traite la question de la réinsertion professionnelle des publics faiblement qualifiés, bénéficiant des mesures de réinsertion préconisées par les lois fédérales et cantonales en matière de chômage. La notion de l’employabilité, considérée comme la clé de la réinsertion, est appréhendée à travers un tour d’horizon assez large qui corrobore un rapport causal entre qualification et employabilité des individus. Un exemple d’institution d’intégration et de réinsertion par l’économique est présenté et se focalise sur un atelier de nettoyage des textiles. Le cadre théorique est celui de l’analyse de l’activité qui récuse la séparation entre savoir et action et stipule une co- définition entre l’acteur et l’environnement dans lequel il agit. Un dispositif de formation s’appuyant sur le courant du cours d’action clôture cette recherche. Cette dernière ne s’appuie pas sur un corpus particulier et est présentée dans une phase exploratoire d’une recherche-action.

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Chapitre : Introduction

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Remerciements

Le mémoire est un grand moment de solitude, une traversée du désert.

Seule devant la page blanche, désertique, je n’ai pas manqué de soutien.

Des gens qui voulaient tous m’aider, sans savoir comment, mais toujours prêts à aider.

Merci à Annie GOUDEAUX pour ses remarques pertinentes, pour sa patience et sa générosité, pour avoir pressenti et prévenu un décrochage.

Merci à ma famille, mes amis et mes collègues qui ont tous contribué, chacun à son niveau et chacun à sa manière, pour que ce travail de mémoire aboutisse.

Merci à vous tous, je vous suis tendrement reconnaissante.

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Chapitre : Introduction

3

La Cigale, ayant chanté Tout l'été, Se trouva fort dépourvue Quand la bise fut venue : Pas un seul petit morceau De mouche ou de vermisseau.

Elle alla crier famine Chez la Fourmi sa voisine, La priant de lui prêter Quelque grain pour subsister Jusqu'à la saison nouvelle.

"Je vous paierai, lui dit-elle, Avant l'août, foi d'animal, Intérêt et principal. "

La Fourmi n'est pas prêteuse : C'est là son moindre défaut.

Que faisiez-vous au temps chaud ? Dit-elle à cette emprunteuse.

- Nuit et jour à tout venant Je chantais, ne vous déplaise.

- Vous chantiez ? J’en suis fort aise.

Eh bien! Dansez maintenant.

La cigale et la fourmi, fable de Jean de la Fontaine

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Chapitre : Introduction

4 Table des matières

I) Introduction ... 8

1. Problématique ... 11

2. Objectifs de la recherche ... 12

3. Hypothèses ... 13

II) Cadre théorique : l’entrée activité ... 14

1. Le Choix théorique : analyse de l’activité ... 14

2. Qu’est-ce que l’analyse de l’activité ? ... 15

2.1. Le Work Place Learning ... 19

3. Cours d’action ... 20

3.1. L’objet Activité... 20

3.2. Les Espaces d’Actions Encouragés (EAE) ... 23

3.3. Les méthodes d’analyse en cours d’action ... 24

4. Méthodologie ... 26

5. Cadre théorique : conclusion ... 30

III) Travail, chômage et (ré)insertion ... 31

1. Le travail ... 31

1.1. Point de vue de certains économistes ... 33

2. Quid du chômage ? ... 33

3. … et la réinsertion ? ... 35

4. Conclusion du chapitre ... 38

IV) Emploi et employabilité : un zoom du niveau international au cantonal 39

1. Niveau international – BIT ... 39

1.1. L’état des lieux ... 39

1.2. Quelle(s) réponse(s) ? ... 41

2. Niveau européen... 44

3. La confédération helvétique : Du personnel qualifié pour la Suisse... 46

4. Le canton de Genève ... 50

4.1. La loi sur l’assurance chômage à Genève... 51

4.2. Un dispositif : les compétences clés ... 52

V) Employabilité ... 53

(7)

Chapitre : Introduction

5

1. Historique ... 53

2. Définition(s)... 53

3. Implications ... 55

3.1. Employabilité : une histoire de mobilité et de transitions ... 55

3.2. Employabilité : une histoire d’adaptation ... 58

3.3. Employabilité et management ... 59

4. Employabilité : conclusion ... 61

VI) Les EPI ... 62

1. Un peu d’histoire…très récente ... 62

2. …et l’employabilité ? ... 64

2.1. Le programme EPIFAIRE (EPI formation, apprentissage individualisé en vue du retour à l’emploi)... 66

2.2. La liasi : Loi sur ll''iinnsseerrttiioonn et l’aide sociale individuelle ... 70

3. L’atelier blanchisserie... 71

3.1. La place de l’atelier dans les EPI ... 74

3.2. Composition de l’équipe ... 77

3.3. Une blanchisserie barrière, certifiée EN14065 ... 79

3.4. Conclusion ... 83

VII) Le dispositif ... 84

1. Le vêtement ... 88

1.1. Un corps à corps avec le vêtement ... 91

2. Le métier ... 93

3. Former à des situations clés ? ... 97

3.1. Quelles situations ? ... 97

3.2. Comment former à ces situations ? Les principes de conception ... 98

4. Dispositif ... 104

5. Recommandations ... 115

VIII) Conclusion ... 118

Bibliographie ... 121

Annexes ... 124

Instruction au sosie ... 125

Canevas pour bilan professionnel ... 134

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Chapitre : Introduction

6

Table des illustrations

Figure 1 - Analyse de l'activité comme trait d'union entre travail et formation ...9

Figure 2 - extrait d'un protocole à deux volets réalisé lors d'une étude en tennis de table (Sève & Saury, 2010) ... 25

Figure 3 - grille de Scott... 32

Figure 4 - Notre représentation de la différence insertion/intégration ... 36

Figure 5 - Zoom sur le concept de l'Employabilité... 39

Figure 6 le cercle vicieux de la politique d'austérité ... 40

Figure 7 - Les projections en termes de qualification et besoins de compétences (p.22) ... 44

Figure 8- Variations de la population résidente permanente, dès 2010 projection selon le scénario « moyen » de l’OFS, croissance moyenne par année (source : OFS/ESPOP, Scénarios de l’évolution démographique 2010-2060 ... 47

Figure 9 - Panorama des mesures au service des demandeurs d'emploi à Genève... 51

Figure 10 – proposition de différents axes de lecture de l'employabilité ... 54

Figure 11 - Etapes politiques de la création des EPI ... 63

Figure 13 Bref aperçu des différentes mesures aux EPI ... 65

Figure 12 La population des ateliers EPI ... 65

Figure 14- déroulement du programme EPIFAIRE, tiré de la présentation du programme, document interne aux EPI ... 68

Figure 15 les grands champs d'action des EPI selon la LIPH ... 72

Figure 16 - l'organigramme des EPI ... 75

Figure 17 – distribution des prestataires pour le traitement du linge des résidences EPI ... 76

Figure 18 - système de lecture RFID ... 80

Figure 19 - Vêtement et Langage... 90

Figure 20 Signe, signifié et signifiant ... 90

Figure 21 - exemple d'explication théorique d'une fibre textile ... 100

(9)

Chapitre : Introduction

7

Liste des abréviations :

BIT : Bureau International du Travail CEBIG : Centre de Bilan Genève

CIP : Centre d’Intégration Professionnelle DFE : Département Fédéral de l’Economie

DSE : Département Solidarité et Emploi – Etat de Genève EdS : Emploi de Solidarité

EFP : enseignement et formation professionnels (Communiqué de Bruges) EPI : Etablissements Publics pour l’Intégration

EPIFAIRE : EPI formation, apprentissage individualisé en vue du retour à l’emploi EPSE : Etablissements Publics Socio-éducatifs

HG : Hospice Général

HUG : Hôpitaux Universitaire de Genève

LACI : Loi fédérale sur l’Assurance-Chômage obligatoire et l’Indemnité en cas d’Insolvabilité LIASI : Loi sur l'Insertion et l'Aide Sociale Individuelle

LIPH : Loi sur l'Intégration des Personnes Handicapées – Canton de Genève LMC : La loi en matière de chômage – Canton de Genève

OCAI : L'Office Cantonal de l'Assurance-Invalidité OCAS : Office Cantonal des Assurances Sociales OCE : Office Cantonal de l’Emploi

OFAS : Office Fédéral des Assurances Sociales

OFPC : office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue – Genève OOFP : office d’orientation et de formation professionnelle

OIT : Organisation Internationale du Travail PETF : Programme d’Emploi Temporaire Fédéral

(10)

Chapitre : Introduction

8

I) Introduction

La cigale et la fourmi, quelle idée de commencer un travail de recherche, à visée scientifique, par une fable ! Notre culture contient une dimension imaginaire – entre autres les fables de la Fontaine – et c’est l’image qui nous vient à l’esprit quand on aborde le thème du chômage et le parcours des chômeurs, faisant écho au discours moralisant qui vise à « activer » ces fainéants au lieu de leur octroyer passivement des aides.

Notre travail de mémoire s’inscrit à un moment de l’histoire où l’économie mondiale est en souffrance, et où le chômage bat ses propres records à travers le monde, n’épargnant pas les pays les plus développés. La Suisse constitue une exception avec des taux de chômage qui, malgré leur hausse significative, restent peu alarmants. Cependant, une tranche de la population peine à trouver un emploi et se retrouve dans une situation semblable à celle de la cigale, c’est-à-dire ils deviennent demandeurs d’aides sociales. Ce n’est pas que la fourmi n’est pas prêteuse dans notre cas, mais les temps sont durs pour tout le monde et l’octroi des subsides devient plus exigeant. Par ailleurs, un effet domino s’enchaine avec le chômage : le manque d’emploi engendre un manque de revenu et un affaiblissement du lien social et ces derniers génèrent pauvreté et exclusion, deux composantes hautement inflammables qui menacent la paix et la cohésion sociale.

Ainsi, une solution est d’aider ces femmes et ces hommes à regagner le marché de l’emploi à travers une panoplie de mesures de réinsertion professionnelle. Ces mesures sont créées, financées et soutenues par les instances étatiques à travers des lois qui régissent leur application. Pour les concrétiser, les organes cantonaux chargés de l’indemnisation et la réinsertion des demandeurs d’emploi collaborent avec des structures de type plutôt associatif pour l’organisation de stages et de formations (souvent les deux sont jumelés) dans ces établissements afin d’augmenter l’employabilité des chômeurs.

Travaillant dans une institution qui accueille ces demandeurs d’emploi en réinsertion, les Etablissements Publics pour l’Insertion (EPI), nous nous sommes sentie concernée par les interrogations qui entourent ces stages de réinsertion et les dispositifs mis en place à cette fin. La question de l’employabilité a retenu notre attention car elle revient sans cesse dans les différents discours qui peuplent le domaine de la réinsertion. Notre cigale est-elle dans une situation délicate parce qu’elle n’a pas su être prévoyante, parce qu’elle n’a pas assez investi dans son employabilité ? En tant qu’actrice au sein d’une institution de réinsertion, nous nous sommes interrogée également sur notre place dans cette course vers l’employabilité. Comment pourrions-nous contribuer à doter les chômeurs de ce qui leur manque pour réussir notre mission et les aider à réussir la leur ? Nous n’avons trouvé en notre possession qu’une qualité – à ne pas entendre dans le sens vertueux du terme mais comme une compétence en voie d’acquisition – apte à servir cette mission, celle de formatrice d’adultes.

Durant notre cursus de maitrise en formation d’adultes, nous avons pu découvrir la variété des profils du formateur d’adultes (du consultant au formateur dans un face à face pédagogique en

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Chapitre : Introduction

9

passant par le responsable de formation au sein des Ressources Humaines) ainsi que la diversité des approches qui gravitent autour de ces profils. Pour notre part, nous avons pris parti pour une entrée qui prend l’activité comme moyen et finalité de la formation et crée des ponts entre le travail et la formation : l’analyse de l’activité.

Ce parti pris émane d’un rejet de deux modes de transmission des savoirs liés à la pratique professionnelle, constituant en quelque sorte les deux extrêmes : une forme applicationniste qui consiste à transposer dans la pratique des savoirs ‘’ théoriques’’ et considérer cette dernière comme le fruit de l’application rigoureuse d’une prescription ; l’autre forme de transmission se déroule de manière plus tacite entre expert et novice, sur le tas.

Dans l’analyse de l’activité, nous avons sélectionné le cours d’action comme courant privilégié pour asseoir notre réflexion théorique. Erigé et conceptualisé par Jacques Theureau (2004), qui le nomme également ‘’anthropologie cognitive située’’, le cours d’action constitue un nouveau paradigme épistémologique et théorique pour les sciences cognitives ; une alternative au modèle représentationniste selon lequel l’action est le résultat d’une représentation préalable, détachée.

Selon notre approche de référence, la césure entre savoir et action, cognition et corps, est écartée : les savoirs s’expriment dans l’action, s’y acquièrent et s’y développent. En effet, le principe de

« l’enaction » (Varela) résume ce caractère inséparable de l’action et de la cognition. L’enaction renvoie également à l’idée d’un couplage entre l’acteur et le monde dans lequel il agit et qu’il fait émerger en agissant.

Après avoir présenté notre problématique de recherche et les hypothèses qui sous-tendent le développement qui s’en suit, nous nous attèlerons à exposer notre assise théorique. Cela constitue la première partie de ce mémoire.

La seconde partie sera dédiée aux questions relatives au travail, chômage et réinsertion, ainsi qu’un tour d’horizon afin de cerner l’idée de l’employabilité. Considérée comme la voie royale menant à l’insertion/réinsertion dans le monde du travail, il nous a semblé utile de mener notre enquête pour voir jusqu’où nous conduit la notion d'employabilité et quelles instances la portent et la soutiennent.

Si ce concept ne relève pas de la chimère, il nous faudra donc, en tant qu’actrice de la formation au service de la réinsertion professionnelle, trouver le maillon qui relie une formation basée sur l’analyse de l’activité et le développement de l’employabilité des personnes qui bénéficient des mesures de réinsertion au sein de l’institution où nous exerçons.

Travail Formation AA

Figure 1 - Analyse de l'activité comme trait d'union entre travail et formation

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Chapitre : Introduction

1 0

La troisième partie est une extension de la seconde car, toujours dans le cadre de l’enquête sur l’employabilité, il sera question d’une institution en particulier, celle où nous travaillons, en se focalisant sur l’exemple d’un atelier de réinsertion utilisant l’activité de blanchisserie pour former et rendre plus employables des demandeurs d’emploi.

Ce qui précède débouchera sur une quatrième partie qui reprend des principes de conception de situations de formation selon l’approche enactive afin de mettre en place un dispositif de formation proposant des modalités originales et non applicationnistes, et ce dans le but de favoriser l’apprentissage et le développement chez ces demandeurs d’emploi en stage de réinsertion au sein de l’atelier blanchisserie susmentionné.

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Chapitre : Introduction

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1. Problématique

La question de l’insertion ou la réinsertion professionnelle constituera, tout au long de ce mémoire, la pierre angulaire, ce qui nous amènera à travailler sur des thématiques qui lui gravitent autour comme le travail, le chômage, la formation professionnelle et l’employabilité.

Plusieurs acteurs, à plusieurs niveaux, entrent en jeu pour assurer le retour sur le marché principal du travail des demandeurs d’emploi qu’ils soient nouvellement inscrits au chômage ou ceux dits de longue durée, c’est-à-dire qui arrivent à la fin de leur droit aux indemnités chômage. Nous faisons partie de ces acteurs, c’est pourquoi nous nous sommes intéressés de plus près à ce sujet pour comprendre pour quoi « l’insertion n’insère pas » vraiment (Castra, 2003).

Notre réflexion part d’un constat : plus la durée du chômage s’allonge, plus les chances de retourner sur le marché de l’emploi s’amenuisent, en particulier dans le contexte genevois comme le souligne Yves Flückiger (Dunand & Pasquier, 2006, p.5). Paradoxalement, les dispositifs de réinsertion dans les différentes entreprises de réinsertion rallongent la durée du chômage et on pourrait dire qu’ils produisent l’effet contraire, c’est-à-dire qu’au lieu de rapprocher les demandeurs d’emploi du marché premier du travail, ils participeraient, à leur insu, à les en éloigner davantage.

Le présent travail a pour enjeu de comprendre la situation de la réinsertion professionnelle et d’étudier des pistes pour réduire la distance créée par les dispositifs de réinsertion entre les chômeurs et le marché de l’emploi, afin que ces dispositifs puissent déboucher sur une sortie

« heureuse » du parcours de demandeur d’emploi. Un concept à la mode pourrait apporter des éléments de réponse ; il s’agit de la question de l’employabilité. En effet, les demandeurs d’emploi les plus « employables » retrouvent plus facilement et plus rapidement un travail, les autres passent par une ribambelle de (trans)formations et de placements pour améliorer leur employabilité et les rendre attractifs pour le marché principal du travail. Alors comment peut-on définir, circonscrire l’employabilité ? Quels en sont les ingrédients ?

Si le concept d’employabilité s’avérait un trait d’union entre les demandeurs d’emploi et le marché du travail, nous émettons l’hypothèse qu’il y ait un rapport de causalité entre la qualification ou son absence et le degré d’employabilité et donc la facilité, ou non, de réinsertion dans le tissu économique.

D’un autre côté, pour ne pas adopter une démarche de travailleur social – ne bénéficiant pas de cette compétence – en traitant la situation du chômage/réinsertion, nous avons opté pour une approche théorique basée sur quelque chose d’observable et d’analysable, c’est-à-dire l’activité humaine dans le contexte professionnel. Le courant du cours d’action nous sert de toile de fond théorique, dans lequel nous avons sélectionné un « Un programme de recherche technologique en formation des adultes » (Durand, 2008). Ce dernier nous permet d’adopter une certaine attitude en abordant les questions de recherche et à proposer une alternative innovante en termes de conception d’environnements d’apprentissage, ayant une plus-value inexplorée (à notre connaissance) dans le domaine de la réinsertion professionnelle et de l’employabilité.

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Chapitre : Introduction

1 2

La réflexion se base sur un tour d’horizon pour vérifier nos hypothèses et prend comme point d’arrivée un exemple concret de dispositif mis en place au sein d’une institution ayant comme mission l’intégration et la réinsertion (les Etablissements Publics pour l’Intégration, EPI ci-après), et plus particulièrement dans un atelier d’apprentissage des techniques d’entretien du linge en vue d’une future réinsertion professionnelle dans ce domaine d’activité. Cela amène d’autres questions annexes aux premières interrogations sur l’employabilité :

la formation et plus particulièrement la formation par le travail est-elle une condition suffisante permettant un retour au travail ?

Qu’est-ce qui est mis en place à l’atelier blanchisserie des EPI pour atteindre cet objectif ? Quelles incidences cela a sur l’apprentissage d’un nouveau métier pour certains et la consolidation/amélioration des acquis pour les autres ? De quelle(s) nature(s) est l’impact ?

Comment améliorer l’employabilité des stagiaires de cet atelier ? Que faudrait-il ajouter pour améliorer le dispositif et le rendre plus efficace?

Pour mieux cerner le sujet, 3 axes guideront cette recherche :

 Définir une assise théorique innovante

 Explorer la notion de l’employabilité : la qualification en est-elle la clé de voûte ?

 Présenter un dispositif de réinsertion par la formation en particulier : l’atelier blanchisserie aux EPI

2. Objectifs de la recherche

Le but du mémoire, dans le cadre de cet atelier de réinsertion, est de contribuer à passer de modalités informelles d’accompagnement et d’encadrement sur la place de travail à un dispositif formel intentionnellement orienté vers la formation et la reconnaissance de celle-ci par les acteurs/institutions concernées par la réinsertion des chômeurs.

L’objectif principal de la recherche consiste à porter une réflexion sur les dispositifs de réinsertion et étudier des pistes pour que ceux-ci atteignent leur but, dans le contexte spécifique des Etablissements Publics pour l’Intégration. Pour ce faire, le travail de mémoire sera jalonné par des objectifs intermédiaires qui contribueront à mieux comprendre le problème et à apporter des éléments de réponse :

Définir un cadre théorique, socle de la réflexion menée dans ce mémoire

Faire un état des lieux concernant la question de l’employabilité à plusieurs niveaux

Évaluer le dispositif de formation à la blanchisserie des EPI

Décrire le public cible

Étudier la faisabilité d’accès à une forme de qualification, à travers l’entrée théorique choisie

Faire des recommandations pour optimiser l’accompagnement de l’apprentissage dans l’atelier blanchisserie des EPI

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Chapitre : Introduction

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3. Hypothèses

Pour la formatrice d’adultes que nous sommes, la polarisation de la formation d’adultes par les préoccupations d’ordre professionnel est une évidence. Nous ne nions assurément pas la place des formations de types « développement personnel » et leur importance dans le processus de développement individuel. Cependant, nous sommes bien consciente du changement des paradigmes ; les débats militants pour une éducation permanente nous paraissent déjà bien éloignés dans le temps, faisant place à une configuration sociale basée sur la concurrence et la loi du marché, dans un monde on ne peut plus mondialisé. Le public qui bénéficiait hier des cours de soir se trouve aujourd’hui affaibli par l’augmentation des exigences du marché de l’emploi (Maubant, 2004).

Dans ce décor, la formation se profile, encore une fois, comme la solution miracle pour combler les lacunes. Toutefois, la relation formation/emploi reste introuvable, surtout lorsqu’il s’agit de retrouver un travail quand on est au chômage. C’est au niveau de cette relation que se situent nos deux hypothèses principales.

1. Notre première hypothèse est d’ordre théorique : nous pensons que l’entrée activité n’est pas assez exploitée par les dispositifs de réinsertion pour les demandeurs d’emploi. Elle serait une approche à privilégier quand on travaille sur les questions de réinsertion car elle permet de travailler sur le contenu du travail et pourrait mener à la qualification si on l’adapte aux contextes de ces dispositifs

2. La seconde hypothèse a pour objet la question de la qualification : nous stipulons que ce qui est introuvable dans la relation formation/emploi, dans le contexte des dispositifs de réinsertion, est justement la qualification ou la reconnaissance des acquis des individus. Nous soutenons que la certification, dont la VAE, augmente et favorise l’employabilité, et donc faciliterait la réinsertion professionnelle.

Pour résumer les deux hypothèses, nous misons sur une entrée activité avec une visée qualifiante pour favoriser l’employabilité des demandeurs d’emploi en stage à la blanchisserie des EPI.

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Chapitre : Cadre théorique : l’entrée activité

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II) Cadre théorique : l’entrée activité

L’entrée activité s’inscrit dans une conjoncture qui fait l’engouement pour tout ce qui est analyse de l’activité et centration sur les situations réelles. Ceci est le reflet d’une pression générale (Barbier &

Durand, 2003) des sciences sociales : définir les objets de recherche en termes d’activité. En effet, d’une part elle permet de se rapprocher des pratiques réelles et d’autre part, elle peut toucher un certain nombre d’approches anciennement disjointes et partant de points de vue différents. Sa grande force est de se baser et pouvoir combiner un grand nombre d’approches théoriques telles que les sociologies de l’action, l’ergonomie et la psychologie du travail ou la psychologie de l’activité.

Dans ce sens, elle offre des outils de pensée transversaux pour appréhender l’activité réelle.

1. Le Choix théorique : analyse de l’activité

Les différentes recommandations concernant l’employabilité, au niveau des instances internationales, européennes et suisses – comme nous allons le voir au chapitre dédié à cette question – visent dans leur globalité la création de ponts entre le monde du travail et celui de la formation. Soucieuse des enjeux que présente la problématique de l’employabilité, l’analyse de l’activité nous a paru l’entrée par excellence pour répondre à cette injonction : l’élaboration de dispositifs de formation selon cette entrée a pour point de départ la compréhension et la prise en considération de l’activité, du travail réel effectué sur le terrain, en tenant compte des prescriptions mais sans se circonscrire à ces dernières. Cela ne peut être possible sans passer par une analyse des situations de travail pour repérer les développements qui s’y déroulent.

D’un autre côté, le métier de nettoyeur de textiles est une pratique qui requiert un certain nombre d’habiletés, et ces dernières ne peuvent être développées qu’à travers une mise en pratique, régulière. Cela n’exclut en aucun cas l’existence d'un savoir du métier qui a atteint un certain degré d’institutionnalisation car il fait l'objet d’enseignement dans les écoles de formation professionnelle initiale. Cependant, « l’ingestion » et la constitution de ce bagage savant nécessitent de se déployer sur des temporalités assez importantes, moyennant des dispositifs « duals » pour se mettre en place et surtout en pratique. Les détenteurs de CFC Nettoyeur de textiles sont sûrement plus qualifiés qu’une lingère d’un EMS occupant depuis 30 ans ce poste ; sont-ils pour autant plus performants en traitement du linge ? Cela reste à vérifier.

Le public cible de cette étude ne dispose pas de cette aisance temporelle requise, étant donné que la durée des stages de réinsertion est limitée à six mois. Grâce à l’approche axée sur l’activité, la formation octroyée à ce public a pour point de départ et d’arrivée la pratique et celle-ci doit les préparer pour qu’ils puissent rapidement répondre aux exigences du marché de l’emploi. Par conséquent, une formation qui rendrait les EPIFAIRES employables ne peut se limiter à des exposés sur l’activité, elle passe par une mise en activité, mais de manière régulée et étudiée, ciblant le développement de gestes particuliers.

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Chapitre : Cadre théorique : l’entrée activité

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2. Qu’est-ce que l’analyse de l’activité ?

Tout d’abord, suite à la lecture de l’article de Champy-Remoussenard (2005, p.32), nous invitons notre lecteur à faire la distinction entre analyse de l’activité et analyse des pratiques. En effet, l’analyse de pratique serait un concept générique qui englobe l’analyse de l’activité. L’analyse de pratiques est une pratique souvent de formation, intuitive et peu normalisée qui vise le changement dans le but de l’amélioration d’une situation ou d’une personne, basée sur un échange collectif et une analyse réflexive d’une pratique quelconque au sein d’un collectif (Perrenoud, 2003). L’analyse de l’activité, quant à elle, représente un champ épistémologique et théorique dense, fortement outillé, qui connait un essor certain depuis quelques décennies et que nous allons présenter ci-après.

Pour commencer, rappelons un constat bien évident : actuellement, la formation d’adultes est polarisée par le travail (J-M. Baudouin). L’activité professionnelle n’est plus que finalité de la formation, mais en devient également l’objet, support et média, à tel point que s’opère une sorte de superposition entre les deux champs. Dans cette perspective, il s’est avéré indispensable de s’intéresser de plus près à ce qui se passe dans cette activité et cela a donné lieu à l’élaboration de moult théories autour de la question de l’activité, particulièrement professionnelle. Cette diversification s’est accompagnée également d’une abondance au niveau méthodologique pour le recueil et l’analyse de cette activité.

Objet d’engouement, comme mentionné précédemment, l’activité a suscité l’intérêt à partir de plusieurs angles d’attaques théoriques : cognitivisme, constructivisme, interactionnisme social, philosophie analytique, phénoménologie, approches sociologiques (l’homo oeconomicus, habitus de Boudieu, la sociologie ascendante), ergonomie de langue française, psychologie du travail, sociologie du travail, etc. Cette diversité a donné lieu à son tour à un ensemble de courants aux méthodologies et présupposés théoriques différents, tous ayant pour point commun l’analyse de l’activité. Il s’agit de : la clinique de l’activité (Clot), la didactique professionnelle (Pastré, Vergnaud), l’analyse pluridisciplinaire des situations de travail (APST) et l’ergologie, la psychophénoménologie (entretien d’explicitation de Vermersch), le cours d’action (Theureau), la psychodynamique des situations de travail (Dejours). Pour notre propos, nous avons choisi de baser notre réflexion sur un courant en particulier, celui du cocouurrss dd’’aaccttiioonn. Le Work place learning (Billet) sera également abordé, vu que nous touchons à des questions d’apprentissage dans et par l’activité professionnelle.

Dans une perspective formative, l’analyse de l’activité permet l’exploration du contenu de l’activité professionnelle afin d’élaborer des cursus de formation adéquats avec l’activité réelle des acteurs. En effet, l’analyse du travail représente une source d’innovation en matière de formation professionnelle (Durand, 2006). C’est ce qui la différencie de l’ingénierie de formation.

Cela nous amène à une distinction entre deux types de formateurs. Ainsi, le formateur/ingénieur croit à l’efficacité d’outils déjà utilisés, et donc validés, par lui ou par d’autres experts qu’il applique pour répondre à une demande ou un besoin de formation exprimé par le mandant (courant de l’analyse des besoins en ingénierie). Il s’agit là d’un schéma applicationniste que nous révoquons.

L’analyste/chercheur adoptant l’entrée activité procède autrement. Considérant que chaque environnement est unique, il innove chaque fois qu’il est confronté à une nouvelle demande.

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Néanmoins, l’innovation ne part pas de rien. Outre des outils dont il dispose et qu’il peut transposer parce qu’il en a fait l’expérience par exemple dans un environnement ressemblant, en analysant le nouvel environnement auquel il a affaire, il fabrique d’autres outils, d’autres astuces qui ne peuvent être universels parce qu’intimement liés à une personne, à un collectif, en un mot à un contexte donné. Il considère que l’intelligence vient des personnes et des situations de travail et non pas uniquement des sphères savantes.

L’analyse de l’activité est innovante également à d’autres égards. Comme nous venons de l’expliquer, elle constitue une sorte d’ingénierie alternative, adoptant l’étude de l’activité déployée par les acteurs comme préalable à la conception de la formation, dans le milieu professionnel en particulier.

De plus, et c’est là que la portée novatrice est importante, l’activité et son analyse peuvent être utilisées comme outil de formation et de développement des acteurs concernés.

Commune aux différents courants centrés sur l’activité, l’analyse du travail présente des traits de parenté entre ces derniers, des fondamentaux qui créent un air de famille entre ces diverses approches :

TrTraavvaaiill pprreesscrcriitt//ttrraavvaiaill réréeell : Nous devons cette distinction à l’ergonomie dite de langue française1. En effet, il existe un écart entre la prescription ou la tâche et l’activité réelle des opérateurs. Cela peut paraitre allant de soi, mais pendant des décennies, l’activité des individus au travail était considérée comme la simple application des prescriptions élaborées au « bureau des méthodes » ; nous renvoyons bien entendu aux configurations de travail de type taylorien. Cela sous-entend une sorte de hiérarchisation entre ceux qui « pensent le travail », l’imaginent et le prescrivent et ceux qui exécuteraient les prescriptions sans aucune prétention à une quelconque forme d’autonomie ou de créativité.

L’apport de cette distinction entre l’activité réelle et la prescription consiste en une prise de conscience par rapport au travail en tant qu’activité complexe ; on reconnait enfin à cette dernière une certaine opacité qui la rend énigmatique (Schwartz, 1997). La prescription s’avère insuffisante pour couvrir l’ensemble des actions entreprises pour mener à bien la mission professionnelle. Par surcroit, les travailleurs savent que pour bien faire le travail demandé, ils sont amenés à détourner, voire aller au-delà des prescriptions car celles-ci peuvent être handicapantes pour le déroulement de l’activité…ils le savent si bien qu’ils peuvent s’en servir comme moyen de pression comme l’exemple des grèves de zèle des douaniers européens lors de la signature des accords Schengen.

Dans les organisations de travail contemporaines où ce dernier se complexifie et tend de plus en plus vers l’abstraction, la tâche demandée au travailleur regroupe un ensemble de prescriptions, d’objectifs décrivant le travail à faire et le temps à disposition sans décrire la manière de le faire. Il est souvent de la responsabilité de l’opérateur de faire preuve d’ingéniosité pour trouver les moyens de le réaliser. L’analyse de travail permet alors

1 Pour la distinguer de l’ergonomie outre-Atlantique, traitant en particulier l’adaptation des postes de travail aux opérateurs, dans une préoccupation d’ordre sanitaire.

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d’observer ces moyens mis en place par le travailleur pour réaliser l’objectif. Elle permettra de mettre en évidence les connaissances, compétences acquises dans la pratique mais aussi d’observer les compétences absentes qu’il faudrait développer pour optimiser le travail de l’opérateur novice.

Cela ne dénigre aucunement la prescription. La présence de cette dernière est essentielle pour garantir un certain niveau de formalisation nécessaire au bon déroulement du travail.

D’ailleurs, l’analyse du travail s’appuie aussi bien sur la description des tâches prescrites que sur les tâches réalisées par les opérateurs, s’agissant de deux aspects fondamentaux de l’activité de natures différentes.

Les professionnels participant aux études et différentes formes d’analyse nene sosonntt plpluuss dedess susujjeettss,, mmaaiiss ooccccuuppeenntt uunnee ppllaaccee dd’’aacctteeuurrss, détenteurs d’une expertise et n’ayant pas à subir une attitude surplombante des chercheurs-formateurs qui analysent leur travail. La violence symbolique (Bourdieu), si elle n’est pas totalement évincée, se trouve en tous cas beaucoup plus atténuée. Ceci est rendu possible grâce au volet éthique de ces courants portant sur l’activité.

Dans un article de Durand et Veyrunes (2005), cette éthique est explicitée à propos d’un programme de recherche. Le contrat de collaboration implique la définition négociée des objets d’étude entre le chercheur d’un côté et les individus ou les collectifs de l’autre côté.

Le contrat est basé sur un engagement à long terme, ce qui assure la validité de la recherche, sur un thème commun et dans le but de recherche de meilleure compréhension de l’objet d’étude. Dans cette étape sont rendues explicites les conditions de coopération, les objectifs partagés, les gains escomptés pour chacun des protagonistes (opérateur- chercheur), ainsi que la position d’égalité entre eux (l’analyste n’est pas placé en position de surplomb).

Dans l’élaboration du « contrat » sont rappelées les maximes de coopération, ainsi que des règles de déontologie, comme la sincérité, l’exhaustivité, la confidentialité, l’anonymat des restitutions, le respect à l’intimité (l’analyse ne pénètre que de façon contrôlée l’intimité des opérateurs).

Le contrat comprend aussi une délimitation de la durée de la coopération, les aspects liés à l’accessibilité et contrôle permanent des données par les opérateurs, à l’acceptation librement consentie des contraintes de la recherche et l’explicitation des conditions (notamment éthiques) de rupture de contrat.

L

Laa rerellaattiioonn sasavvooiirr//aaccttiioonn : ce point est intimement lié au deux précédents. Considérés dans une relation presque d’antinomie des siècles durant, l’entrée activité opère une réconciliation entre « savoirs théoriques et savoirs d’action » (Barbier, 1996). Cela découle d’un modèle représentationniste, c’est-à-dire que l’action était considérée comme

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l’expression d’une représentation : si la représentation est correcte, l’action est efficace et, inversement, une action inadéquate est due à une erreur de calcul préalable à ladite action.

Ceci n’est pas sans incidence sur les problématiques liées à la formation professionnelle.

Dans une vision traditionnelle de la formation, qui est bien enracinée dans cette pratique, le formateur est un expert dans un domaine et, de par son expertise, est considéré comme capable de transmettre cette expertise/savoir aux novices, aux newcomers. C’est une forme d’apprentissage basée sur la transmission d’un savoir dont seul le formateur s’estime le détenteur. La source du savoir retransmis est quasi-unique, dans un sens vertical descendant, souvent d’ordre très formel car basée sur la prescription que le formateur tente d’inculquer, estimant ainsi que l’efficacité future sur le lieu de travail par exemple est tributaire du degré de maîtrise et d’application de la prescription. Cela vise également un contrôle total de la situation de formation en évitant la variabilité et donc l’imprévisible au détriment de la prise en compte de la subjectivité des acteurs.

Cette manière de considérer le savoir et la pratique, surtout dans leur rapport à la formation, est bien ancrée dans notre société ; la position de l’entrée activité est non orthodoxe à ce sujet. A titre d’anecdote, quand nous nous présentons en tant que formatrice d’adultes, la question systématique qui s’en suit est : « tu enseignes quoi ? » ou encore « dans quel domaine ? ».

C’est là que nous expliquons à nos interlocuteurs que le formateur/analyste de l’activité est capable d’intervenir dans n’importe quelle situation en général vu qu’il dispose d’une méthodologie de travail et non d’un savoir théorique/prescrit à transmettre. Il puise et aide à faire émerger ‘’le savoir’’ ou la compétence à développer à partir les situations réelles du travail : le savoir s’acquiert, s’exprime et se transmet dans et à travers l’action ; nous venons d’introduire là le principe fondamental de l’Enaction (Varela) que nous allons reprendre plus en détail en présentant le courant du Cours d’action.

D’un autre côté, ce point nous a paru crucial à présenter et à spécifier, compte tenu des caractéristiques afférentes à notre public cible. En effet, la majorité des demandeurs d’emploi qui fréquentent le programme de réinsertion EPIFAIRE à la blanchisserie des EPI ont interrompu assez tôt leur scolarité et entretiennent des rapports critiques avec le savoir.

C’est la raison pour laquelle l’entrée activité constitue pour nous une excellente alternative pour la conception de la formation, sensée faciliter la réinsertion professionnelle de ces individus.

PlPlaaccee pprrééppoonnddéérraannttee ddoonnnnééee àà llaa vvererbbaalliissaattiioonn et donc le droit à la parole qui est rendu aux professionnels : il s’agit à notre sens d’une forme de reconnaissance, car ce sont les professionnels eux-mêmes qui produisent du savoir. Ils sont reconnus dans leur capacité d’analyse et de faire du métadiscours en s’observant lors des séances d’analyse de l’activité (du type autoconfrontations que nous allons expliquer plus loin) et en étudiant, avec une certaine distance, leur propre activité.

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Pour clore ce point sur l’analyse de l’activité, nous pourrions introduire un débat sur les buts poursuivis par les acteurs – formateurs et chercheurs confondus. En effet, nous avons présenté ci- dessus la distinction entre l’analyse du travail et le courant de l’analyse des besoins. Finalement, si l’analyse de l’activité permet d’élaborer des dispositifs de formation dont l'objet est le travail afin d’apporter des améliorations qui, somme toute, visent l’augmentation de la performance et donc celle de la production des entreprises, la vision utilitariste au service de l’augmentation des richesses du patronat se trouve fortement valorisée. Ce constat ouvre une brèche aux adeptes de l’éducation populaire (Maubant, 2004) qui clament en premier lieu le développement et l’épanouissement personnels des individus et par extension leur promotion sociale (dès les années 60). Le compromis apporté par Pastré (2009) est intéressant à cet égard. Cet auteur invite à dépasser cette conception dichotomique entre finalité utilitariste et visée émancipatrice : favoriser l’apprentissage des individus, leur permettre d’opérer une meilleure adaptation à leur environnement, autrement dit augmenter leur professionnalisation et leur pouvoir d’agir, c’est sans doute contribuer à leur développement, ce qui est en soi émancipateur.

2.1. Le Work Place Learning

Selon Stephen Billet (2009), il y a des conditions qui font que les opérateurs s’engagent dans des situations de travail et qu’ils apprennent par la même occasion. Ces conditions, ou ce que Billet désigne également par « modalités de participation au travail », se subdivisent en deux types de facteurs : les affordances des situations de travail et donc les ressources mises à disposition des travailleurs et les spécificités individuelles qui font qu’un opérateur choisit de s’engager ou pas dans ces affordances. Ces modalités de participation au travail ont des effets à la fois sur l’apprentissage et sur la transformation des pratiques professionnelles. Nous présentons ci-dessous ces deux types de facteurs ainsi que les conséquences de leur interaction :

I. L’affordance dans le milieu professionnel correspond par exemple à la possibilité d’être accompagné par des collègues plus expérimentés qui assurent encadrement et guidage pour un nouvel arrivant. Cela consiste à expliciter les connaissances invisibles, donner accès à l’organisation séquentielle des activités, évaluer le travail accompli, réguler les apprentissages, etc. Cependant, les milieux de travail ne sont pas toujours bienveillants, ils peuvent être des lieux de compétition par exemple : il faut qu’au niveau hiérarchique et surtout institutionnel soit encouragé et valorisé ce type d’affordance pour favoriser l’apprentissage (les ateliers de réinsertion comme ceux des EPI en sont un exemple parlant – Chapitre VII). Pour ces mêmes raisons institutionnelles, certains travailleurs peuvent se voir limiter l’accès à des postes de travail favorisant l’apprentissage. Les jugements sur les compétences et motivations du travailleur peuvent orienter le choix des activités qui lui seront attribuées et donc le type d’affordance qui le mèneraient ou pas au développement.

C’est l’importance de l’impact institutionnel que nous retiendrons de l’approche Work Place Learning.

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II. L’engagement individuel : nous abordons ici la question de l’agentivité. En effet, malgré les affordances, ce sont les individus eux-mêmes qui choisissent ce qui construira leur savoir, même dans des situations de contraintes, les efforts à fournir pour la formation, et l’implication dans les activités du travail. La qualité et l’intensité de l’engagement ne sont pas homogènes et varient selon les individus, leurs centres d’intérêts, leurs valeurs et croyances.

Si on relie cela à notre sujet et surtout au public concerné par notre recherche, on ne voit plus la démotivation des chômeurs comme émanant d’un refus de travailler ou d’être en activité, mais comme une conséquence d’un obstacle ou plusieurs à la nature de cet engagement dans les affordances, soit émanant de la sphère individuelle soit provenant d’une insuffisance au niveau de l’environnement ‘’affordant’’.

Par la superposition du travail et de l’apprentissage que cette approche propose, le Work Place Learning représente une alternative peu couteuse pour les entreprises : plus besoin de se séparer de ses employés le temps qu’ils vont en formation, puisque celle-ci a lieu sur la place de travail. Les individus produisent et améliorent leur pratique en apprenant sur leur poste de travail. Même si cette approche représente une situation idéale, surtout pour les employeurs, nous soutenons une entrée théorique qui prône justement une sorte de débrayage nécessaire entre la situation de formation et la situation de travail (voir les principes de conceptions - chapitre Dispositif, p.114) ; il s’agit du programme Cours d’Action qui sera présenté ci-après.

3. Cours d’action

3.1. L’objet Activité

Dans leur présentation du programme de recherche Cours d’action, Durand & Veyrunes (2005) en définissent un double but : la description et l’analyse de l’activité située des enseignants. Mais pourquoi « située » ? Les raisons sont à chercher dans les caractéristiques de cette activité. Ainsi, elle est :

Dynamique : elle change constamment selon les contextes et les intentions des acteurs

Autonome : elle émerge en situation

Cognitive : elle construit et manifeste des savoirs

Incarnée : se réalise par un être qui a un corps

Cultivée : elle se déploie à partir de préconstruits culturels, dans un univers pré-ordonné

Subjective : elle est liée et donne lieu à l’expérience : la même réalité sera appréhendée depuis l’expérience (et donc subjectivité) de chaque acteur.

Ces aspects constitutifs de l’activité humaine en font un ensemble complexe, pluridimensionnel (Durand, 2008), qui n’est qu’indirectement appréhendable. Nous avons choisi le Cours d’Action comme entrée théorique pour mieux aborder, sous cet angle, les caractéristiques de l’activité, de son organisation et de son analyse dans une visée de conception d’environnements de formation.

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L’objet théorique cours d’action a été initié par Theureau, qui le définit comme suit : « […] c’est l’activité d’un (ou plusieurs) acteur(s) engagé(s) dans une situation, qui est significative pour ce (ou ces) dernier(s), c’est-à-dire montrable, racontable et commentable par lui (ou eux) à tout instant, moyennant des conditions favorables. » (Theureau, 2004, p.48).

Cette définition met en lumière l’essentiel des présupposés théoriques sous-tendant cette approche :

L’L’aauuttooppooïïèèssee (Maturana & Varela): l’activité analysée est celle d’un système vivant (l’être humain en l’occurrence) doté d’un système nerveux. Ce système vivant est physiquement délimité de son environnement – par la peau – mais en même temps il fait preuve de porosité car il assimile des éléments extérieurs appartenant à son environnement qui deviennent partie intégrante de lui-même. L’autopoïèse est alors cette capacité de se créer, se redéfinir, se reconstruire en ingérant des éléments de son environnement tout en conservant son identité, sa « mêmeté ». La cognition qui fait partie de ce système vivant qu’est l’être humain émerge de cette interaction incessante entre l’individu et son environnement – le couplage structurel.

L’L’aaccttiioonn esestt totouujjoouurrss ininddiivviidduueellllee--ssoocciiaallee : l’acteur agit forcément dans un contexte socioculturel, c’est-à-dire dans un environnement prédéfini qui lui a précédé et qui lui survivra. Nous sommes tous marqués par un héritage culturel qui a un impact sur notre façon et nos dispositions à agir dans le monde (l’Habitus de Bourdieu), mais cet héritage constitue en même temps un potentiel pour l’action : nous n’avons pas besoins de réinventer pour chaque action mais nous nous appuyons sur les schémas que nous avons hérités. En utilisons cet héritage, nous participons par la même occasion à son évolution et sa transformation, et nous le transmettons à notre tour. Cette culture constitue une ressource pour l’action car elle détermine les normes, les légitimations ou interdictions qui guident et valident l’action. Il reste à préciser que cette transmission peut revêtir plusieurs degrés variant entre le tacite et l’organisé, comme les œuvres artistiques, littéraires, scientifiques et, en ce qui concerne notre sujet, la formation.

Au niveau individuel, l’expérience passée instruit et guide l’expérience actuelle. Mais tout n’est pas retenu par l’expérience, celle-ci est plus sensible à ce qui est spectaculaire, mémorable, relevant de situations particulières retenues comme telles ; le reste est plus ordinaire et se transforme en ce qu’on peut appeler des contenus mentaux (Durand, 2006, p.16). Par principe d’économie, nous ne retenons des expériences passées que ce qui peut nous aider à agir et réagir in situ, en exploitant ces scschhéémmaass que Durand décrit comme un

« processus par lequel les éléments structuraux des expériences passées sont mméémmooririssééss à long terme et aaccttuuaalliissésés en cours d’action dans des circonstances jugées analogues ». Ceci confère à l’action une dimension routinière. Cependant, celle-ci fait preuve également d’improvisation et d’invention.

L’L’eennaaccttiioonn :: cette notion défendue par Varela découle du concept d’autopoïèse et vient controverser la position cognitiviste selon laquelle il y aurait séparation entre le corps et l’esprit/la psyché et que l’action est représentée d’abord au niveau du cerveau avant d’être

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déployée par le corps. Ce dernier, non seulement exécuterait les ordres cognitifs, mais permet également de fournir la cognition en informations à travers l’appareil sensoriel.

L’enaction rejette cette conception du corps asservi à la cognition. En effet, toute action est incarnée et donc corps et cognition ne sont pas séparables, et par extension action et cognition ne sont pas distinguables. Cette cognition n’est pas figée mais sujette à 3 types de dépendances :

 Dépendance de la capacité de perception : nous ne disposons pas des mêmes systèmes ‘’percepteurs’’ qu’un oiseau dans les airs ou un poisson dans l’eau, ce qui fait que ce qui est perçu par ces 3 êtres vivants est forcément différent

 Dépendance de la dynamique interne du système vivant : Durand (2006) donne l’exemple d’une rivière perçue par 3 individus. Le peintre saisit les jeux de lumière, le pêcheur les endroits propices pour dénicher les poissons et le kayakiste les courants qui l’aideraient ou lui feraient obstacle.

Dépendance du moment t : les éléments de l’environnement peuvent faire sens pour nous à un moment t mais pas à un autre. L’appartement dans lequel nous vivions sereinement il y a quelque mois, nous parait le jour où nous aurions un enfant qui rampe comme un lieu jonché de pièges dangereux pour le bébé.

Ainsi, d’après cette nouvelle perception de la cognition, nous constatons qu’à chaque instant, nous faisons émerger le monde, voire des mondes, dans lesquels nous agissons. Ce rapport dynamique qu’entretient l’individu avec son environnement est ce qui est appelé dans le cours d’action par CoCouuppllaaggee SSttrruuccttuurreell. Il s’agit d’un processus incessant qui ne s’arrête qu’avec la mort du système vivant : acteur et environnement se définissent dans une boucle sans fin.

Cependant, ce couplage est asymétrique car c’est l’acteur qui choisit dans son environnement ce qui est significatif pour lui et c’est lui qui, en quelque sorte, donne le coup d’envoi au couplage. Cela introduit également la distinction entre environnement et situation : l’environnement est objectif alors que la situation est subjective car elle est intimement liée au couplage, c’est-à-dire à ce qui fait sens pour l’acteur (concept de l’action située par exemple).

LaLa ccoonnsscciieennccee pprréérrééfflleexxiivvee : l’action qui se déroule est un vécu dont on ne retient pas tout et où on construit un certain nombre de « connaissances en acte » ; on a une possibilité d’accès à ce vécu grâce à une action réflexive dirigée qui permet le passage des connaissances en acte aux connaissances réfléchies. Quand on agit, on est dans une certaine mesure conscient de ce qu’on est en train de faire, on en fait l’expérience et on pourrait l’exprimer si quelqu’un pose la question : « que fais-tu ? »

Comme le formule Durand (2006, p.21), le « concept d’expérience qualifie donc un accès à son vécu et sa compréhension. ». Cependant, cet accès ne s’opère pas automatiquement, il nécessite une action réflexive sur l’activité en cours. Quand nous maitrisons l’accomplissement d’une activité, celle-ci tombe dans le registre des automatismes : « je sais marcher mais je ne sais pas que je sais marcher » et ce n’est qu’interrogé par un

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interlocuteur sur mon activité que je peux répondre que « je suis en train de marcher » et par là même je prends conscience de ma capacité de marcher.

La conscience préréflexive est donc présente en filigrane dans l’action, elle lui est concomitante (Durand, 2008) car elle n’entrecoupe pas le flux de l’activité qu’elle accompagne. Mais une fois devenue réflexive, il y a interruption de l’activité en cours, une sorte de « destruction » de cette activité qui ne sera plus la même.

Ainsi, les méthodes d’analyse de l’activité perturbent cette dernière en invitant l’acteur à marquer un arrêt sur image, et c’est le cas de le dire, souvent après l’accomplissement des actions, pour stimuler la réflexivité de l’acteur sur son agir et son vécu. En effet, l’autoconfrontation, par exemple, permettra de saisir dans le discours des acteurs une partie

« cachée » ou inédite de la dynamique du couplage, en faisant appel à leur conscience préréflexive. L’analyse ayant pour assise théorique le cours d’action procède par un double mouvement :

 Une démarche analytique consistant à la déconstruction de l’activité achevée en unités ayant une signification élémentaire, c’est-à-dire qu’elles correspondent à la plus petite unité de sens pour un acteur.

 Une démarche synthético-progressive consistant en une reconstitution reproduisant virtuellement l’action observée.

3.2. Les Espaces d’Actions Encouragés (EAE)

Le travail d’analyse sollicite l’acteur pour l’allocation de sens aux détails de son activité qui permet d’en déceler une certaine organisation, un ordre. Même si l’activité est un ``flux dynamique et fluctuant``, l’analyste peut y détecter des configurations isolables, répétées, stables et reconnaissables, qui serviront après à un travail de typicalisation des couplages significatifs. Les Types permettront de généraliser l’expérience qui sera exploitable et exploitée ultérieurement et constitueront ainsi une ressource pour les futurs couplages dans des environnements présentant un certain degré de similitude.

Pour la conception des formations, le formateur s’appuiera sur ces types afin de construire des situations de formations normatives (développant des pratiques standardisées par des communautés de pratiques par exemple) mais non prescriptives car les couplages possibles, comme nous l’avons vu plus haut, restent tributaires du choix de l’acteur de ce qui le perturbe dans son environnement.

Nous adoptons, à l’instar de Durand, la dénomination d’EAE (Espace d’Action Encouragée) pour renvoyer aux pratiques de formation issues du programme Cours d’Action. Aussi, une des composantes principales des EAE est-elle l’intention émise par le formateur de provoquer une « transformation stable » chez l’apprenant. L’intention est la caractéristique qui nous permet de différentier la situation de formation d’une situation de travail de laquelle on peut retirer un apprentissage qui n’est pas recherché à l’origine.

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Cela nous mène à introduire la notion d’artefacts. Ainsi, les artefacts sont définis dans les dictionnaires comme des phénomènes ou des productions humaines artificielles ou factices. Dans le cadre d’une situation de formation, ils peuvent prendre plusieurs formes matérielles ou virtuelles comme les logiciels de simulation, l’utilisation des exemples, l’introduction dans la salle de cours d’une caméra pour l’enregistrement de la séance, etc. Les artefacts sont introduits par le formateur dans le but d’agir sur l’activité en cours du formé, de la perturber ou la déranger, pour établir un couplage avec le nouvel environnement manipulé.

Les artefacts sont donc des « objets » qui peuplent un environnement de formation pour étayer l’activité des formés et non pas pour s’y substituer. Pour ce faire, les artefacts doivent garder une certaine opopaacciittéé,, c’est-à-dire continuer à déranger l’activité des formés afin de produire du développement/apprentissage, car en devenant transparents, donc inconscients, ils perdent de leur force formative au profit de l’efficacité de l’action d’ici et maintenant. À titre d’exemple, dans l’atelier blanchisserie des EPI, une table de repassage professionnelle est un artefact transparent pour une professionnelle chevronnée qui manie le fer à repasser comme si c’était le prolongement de son bras, il fait presque partie de son corps. À l’opposé, ce même fer à repasser, en tant qu’artefact opaque, constitue un vrai défi pour un novice qui doit apprendre à l’apprivoiser pour une utilisation ultérieure plus performante.

Par ailleurs, le même artefact n’agirait pas de la même manière sur les différents formés, eu égard à leur « sensibilité », leurs histoires personnelles, leur structures cognitives, leurs façons de traiter les informations, etc. Les transformations escomptées par le formateur tiennent d’un pari sur l’avenir.

Nous reviendrons de manière plus détaillée sur ces Espaces d’Action Encouragée dans le cadre du dispositif de formation qui sera proposé à la fin de ce mémoire, et nous présenterons également quelques principes de conceptions basés sur les présupposés théoriques du cours d’action.

3.3. Les méthodes d’analyse en cours d’action

Le cours d’action se veut un programme de recherche empirique ; Theureau (2004) parle d’« observatoire du cours d’action ». Dans ce sens, le volet méthodologique est basé sur la récolte d’enregistrements et/ou d’observations de l’activité des individus et la confrontation de ces derniers à ces traces afin de favoriser l’expression verbale (ainsi que gestuelle) des acteurs concernant leur propre activité et de là les faire accéder à leur conscience préréflexive. Cela renvoie à l’asymétrie du couplage de l’acteur avec son environnement : comme ce couplage est guidé par l’importance que l’acteur attribue aux éléments de l’environnement qui font sens pour lui, c’est à l’acteur que l’analyse s’intéresse et aux processus d’attribution de sens qui ont eu lieu pendant les couplages enregistrés et analysés.

La méthode phare est celle de l’autoconfrontation, déjà pratiquée depuis les années 80 (Theureau, 2012). Cette méthode heuristique consiste à confronter les acteurs à des traces, généralement filmées, de leur activité dans le but de la commenter, de manière rétrospective, en présence et à l’aide d’un observateur analyste. Ce dernier sélectionne les parties de l’activité qui l’intéressent pour

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l’analyse, en rapport avec des questions de recherche ou des préoccupations de formation.

L’autoconfrontation peut être croisée, c’est-à-dire qu’elle confronte deux sujets exerçant la même activité, en l’occurrence professionnelle, à des situations analogues filmées par l’analyste concernant respectivement l’un et l’autre opérateur, le but étant de susciter des controverses sur les différentes manières de s’y prendre dans telle ou telle situation.

L’hypothèse qui sous-tend ces séances [d’autoconfrontation] est qu’en se confrontant à l’instant t + 1 aux traces de son activité enregistrées à l’instant t, l’acteur accède à la conscience pré-réflexive accompagnant son activité à l’instant t, par une remise en situation dynamique, et peut la rendre accessible à l’analyste. (Durand, 2009b)

Ainsi, les entretiens d’autoconfrontation permettent de reconstruire, a posteriori, la signification et l’organisation de l’action, avec l’acteur concerné. La signification de l’action fait émerger l’organisation à travers 2 niveaux interdépendants :

 Niveau local : le flux de l’action peut être décomposé en unités ayant une signification élémentaire, c’est-à-dire qu’elles correspondent à la plus petite unité de sens pour un acteur.

 Niveau global : c’est un niveau d’organisation englobant les unités élémentaires qui, une fois identifiées, peuvent être reconstruites en s’enchaînant et s’enchâssant dans des unités plus larges (séquences et séries).

Nous constatons que c’est une analyse à double sens : une déconstruction des composantes à partir de l’activité achevée à travers une démarche analytique (des protocoles à deux volets, voir l’exemple du tableau ci-dessous) et une re-construction reproduisant virtuellement l’action observée (démarche synthético-progressive), mais à travers les significations attribuées par l’opérateur.

Figure 2 - extrait d'un protocole à deux volets réalisé lors d'une étude en tennis de table (Sève & Saury, 2010)

D’autres méthodes peuvent être utilisées, comme l’instruction au sosie, plus pratiquée dans le cadre de la clinique de l’activité que dans le cours d’action. Cette technique consiste en un entretien entre

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