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Employabilité : une histoire de mobilité et de transitions

V) Employabilité

3. Implications

3.1. Employabilité : une histoire de mobilité et de transitions

Pourquoi mêler mobilité et transition à la notion d’employabilité ? Parce que cette dernière est au croisement entre une situation professionnelle vécue ou absente et une situation professionnelle potentielle, possible ou souhaitée. Changements, ruptures, transitions, reconversions, adaptation/adaptabilité sont les mots clés intimement liés à cette notion.

L’adulte d’aujourd’hui est confronté à des changements sociétaux qui prennent une cadence de plus en plus importante. Les schémas qui ont régi les différents cycles de vie jusqu’aux années 70 ne sont plus appliqués/applicables, ceci étant le résultat du passage d’une société de production à une société qui met plus en avant la communication. Le public accueilli dans les mesures de réinsertion

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pour chômeurs10 est resté prisonnier du premier schéma – celui de la production - et ne maitrise pas ou n’a pas les outils pour mieux maitriser le flux d’informations ambiantes pour avoir une prise, moindre soit-elle, sur la communication qui l’entoure et surtout celle qui le concerne.

Un autre maitre mot régissant notre société dite « postmoderne » (Boutinet, 2011) est la notion de la mobilité :

D’un certain côté les environnements techniques marqués par l’innovation et l’obsolescence avec leurs aspects coercitifs associés à cette triple tutelle des coûts, des délais et de la qualité mais aussi leurs aspects fuyants et évolutifs poussent les adultes au changement et au renouvellement continuel ; car les choix ne peuvent plus supporter une permanence dans le temps ; ils deviennent constamment révisables et réactualisables. D’un autre côté, dans les contextes de crise larvée caractéristiques de notre postmodernité, cette mobilité exigée est rendue plus difficile avec un marché de l’emploi fort capricieux et déprimé : les changements de poste, les reconversions professionnelles demeurent problématiques, les offres d’emploi sont refermées sur un nombre restreint d’opportunité. » (Boutinet, 2011, p.196)

Le changement est d’autant plus difficile à gérer quand il faut non seulement changer d’entreprise ou d’institution mais également changer de métier plus ou moins apparenté à celui pratiqué jusqu’alors.

Là encore, les effets de la reconversion ne sont pas les mêmes selon que celle-ci est voulue ou subie.

C’est une des raisons pour lesquelles des passerelles sont souhaitables pour assurer le transfert des compétences d’un environnement à un autre. Or, les compétences sont foncièrement liées à une situation, d’où l’intérêt grandissant pour ces compétences dites transversales, supposées être transposables plus facilement et relatives à tous les métiers.

Ainsi, la mobilité devient une norme, mais comme expliqué par Boutinet, à double tranchant, ambivalente, dont il faut maitriser les rouages pour mouvoir sans effets secondaires non souhaitables. En effet, la mobilité génère des transitions entre un état et un autre, un avant et un après.

Les transitions au cours de la vie adulte sont vécues sur un mode très différent selon qu’elles sont anticipées ou non. La transition imposée par les événements, c’est-à-dire non anticipée, surprend l’individu ; elle s’apparente plus directement à la crise à travers l’irruption d’un imprévu dérangeant avec lequel il va falloir composer pour trouver une issue opportune. Par le scénario catastrophe qu’elle implique, une telle transition va laisser l’adulte dans une position vulnérable. (Boutinet, 2011, p.197)

10 Public accueilli à l’atelier blanchisserie des EPI par exemple.

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C’est cette vulnérabilité qui fait de la perte d’emploi une transition risquée. En effet, Gazier dans son article présente les 4 catégories de risques liés à l’emploi :

1. Risques économiques Risque de l’entreprise (faillite)

Risque sur les résultats du travail (erreurs de production) 2. Risques de l’emploi

Risque de perte d’emploi

3. Risques liés aux conditions d’accomplissement du travail

Risque lié à la sécurité du travail (accidents) 4. Risques sociaux

Risque de perte de capacité de gains résultant de l’interruption du travail (vieillesse, maladie). (p.p.2-3)

Selon cet auteur, la prise en charge de ces risques était partagée dans le cadre du travail salarié, et elle l’était bien évidemment moins pour le travailleur indépendant. Or, dernièrement, la gestion des risques a tendance à reporter le plus de responsabilité sur le salarié, rapprochant son statut à celui d’indépendant. C’est pour cela qu’on a plus tendance à considérer l’employabilité au niveau individuel, comme inhérente au travailleur ou au demandeur d’emploi et on oublie la responsabilité du marché de travail qui ne crée plus suffisamment de places pour insérer tout le monde et qui n’assure pas ou peu l’aide pour retrouver du travail

Le temps que prennent ces transitions est également important par rapport à la réussite du passage.

Dans le chapitre « définition(s) », nous en avons présenté une tout en la contestant, entre autres parce qu’elle ne précisait pas ce qu’elle entendait dire par « délai raisonnable ». Nous ne pouvons que faire le lien avec la catégorie des « chômeurs de longue durée », réputés pour être les plus difficiles à placer, et le souci des politiques du chômage qui visent en premier lieu un retour « rapide et durable » à l’emploi.

Les transitions devenant une réalité, voire une norme, elles peuvent être anticipées et mieux préparées pour éviter l’effet de la surprise. Nous nous demandons si ce n’est pas pour cela qu’il est demandé quasi systématiquement maintenant aux personnes à la recherche d’emploi d’avoir sinon d’élaborer un projet.

Quand on a réussi à « transiter » et qu’on n’est pas resté suspendu entre deux possibles, encore faut-il pouvoir s’adapter au nouvel environnement. C’est ce que nous allons voir dans la section suivante.

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