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3.1 Qui est auto-réhabilitateur ?

3.1.2 Le profil-type de l’auto-réhabilitateur

Les différentes enquêtes réalisées ont permis d’esquisser un profil-type commun aux personnes rencontrées, et ce même si

la catégorie d’âge varie d’un foyer à l’autre1. Tout d’abord, tous font

partie de la « classe moyenne »2, c’est-à-dire qu’ils disposent d’un

niveau de ressources correct quoique insuffisant dans leur cas pour faire intervenir des artisans sur l’intégralité des travaux de rénovation à réaliser. En outre, chacun de ces foyers appartient à une catégorie socio-professionnelle tournée vers la culture, la transmission des connaissances ou la recherche : trois des six personnes rencontrées sont ainsi enseignantes (au collège ou en étude supérieure), l’une est architecte, et les deux dernières ont travaillé dans le milieu de la viniculture.

Ces emplois variés, s’ils n’accordent pas toujours un niveau de ressources élevé, apportent néanmoins un fort niveau socio- culturel : ne s’appuyant pas nécessairement sur un haut diplôme, ce niveau socio-culturel se traduit alors par une curiosité aiguisée et une soif d’apprendre. L’auto-réhabilitateur est ainsi prêt à chercher de l’information là où il peut, questionne et apprend vite :

« Bon, alors je sais pas si tu as vu, mon mari, le nombre de livres qu’il a acheté sur l’architecture, sur le Moyen-Age, sur l’architecture du Berry, tout les livres qu’on a lu... » (Habitant n°1)

A cette grande curiosité s’ajoute une haute estime de soi, comme le dit l’habitante n°3 : « il y a un grand sentiment d’auto- confiance, qui compte beaucoup dans l’auto-construction. ». Cette foi en ses capacités peut ainsi favoriser le lancement d’un chantier de grande ampleur, et ce même si le porteur de projet ne possède pas toujours de connaissances au préalable. L’auto-réhabilitateur se fait confiance, il sait qu’il pourra trouver les renseignements et apprendre les techniques nécessaires afin de mener à bien son chantier : et si il ne possède pas les compétences requises, il ira alors les chercher dans

1 Voir page 246

2 Selon l’Observatoire des Inégalités, la classe moyenne désigne la part de la population qui ne fait ni parti des 30% plus pauvres, ni des 20% plus riches.

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son entourage. Cette estime de soi a largement été décrite dans

le rapport de Viviane Hamon1 : elle remarque en outre que ceux

qui ont eu une expérience antérieure du chantier d’auto-réhabilitation sont encore plus sûrs d’eux. Parmi les foyers interrogés, deux ont participé durant leur jeunesse à d’autres chantiers, et parlent en effet de cette expérience préalable comme une source de connaissances et d’inspiration :

« Déjà, c’est en voyant mes parents faire des travaux chez

eux, ça m’a beaucoup inspirée. » (Habitante n°2)

La confiance en soi est donc un élément central de l’auto- réhabilitation, qu’elle soit présente en amont du chantier ou soit

le résultat des travaux réalisés2. L’auto-réhabilitateur est ainsi un

« débrouillard »3 : toujours prêt à s’investir dans un nouveau projet, il

met également en avant son goût pour le travail manuel qui pourra parfois constituer un exutoire lorsque son activité quotidienne est très intellectuelle (chercheur, enseignant...) Cette confiance l’encourage à trouver les moyens de réussir ce qu’il entreprend, ce qui se traduit par une capacité à faire appel à son entourage pour l’aider, à invoquer des réseaux alternatifs pour se procurer le matériel et les outils nécessaire ou encore à valoriser les matériaux ou éléments de construction récupérés ça et là :

« On visitait beaucoup les décharges, où on trouvait à l’époque

beaucoup de choses. On trouve cette grosse serrure, 15ème, qui n’avait pas de clé. Donc j’ai demandé à quelqu’un si il y avait un vieux serrurier. Je suis tombée sur un monsieur qui avait peut-être 80 ans et qui possédait toute une collection de serrures, qui nous a dit « oh bah je vais vous la refaire la clé». » (Habitante n°1)

« La porte du fond qui sépare de la grande grange, je

voudrais la garder, la remettre en état... J’ai gardé toute la ferraille de

1 PADES - GERES - VIVIANE HAMON CONSEIL. L’accompagnement à l’auto-réhabilitation du logement « tous publics » et l’émergence d’un nouveau métier du bâtiment, PADES - GERES, 2014, p.18

2 L’estime de soi est ainsi l’objectif central de l’auto-réhabilitation très sociale.

3 Le mot « débrouillard » est également évoqué dans le rapport de Viviane Hamon : selon le cnrtl, le débrouillard désigne celui qui sait se débrouiller, se tirer d’affaire pour parvenir à ses fins. « Débrouillard», cnrtl, [en ligne], www.cnrtl.fr , [consulté le 18 mars 2017]

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Chapelle de Villemort, 2017

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fermeture, ouverture de porte, qu’on remette sur les nouvelles ! Je vais les poncer, les repeindre... » (Habitante n°2)

Cette dernière attitude parfois adoptée qui consiste à faire avec « les moyens du bord » démontre enfin un esprit indépendantiste qui pourra s’exprimer chez certains auto-réhabilitateurs. La maison est alors le catalyseur de cet individualisme, qui peut en l’occurrence représenter un moyen de sortir d’une société de consommation perçue comme trop rapide, trop superficielle, trop agitée :

« Quand on dit qu’on veut être en milieu rural pour pas être

dans cette course effrénée, on sait qu’une maison c’est pas en 9 mois que ça se fait... C’est pour une qualité constructive qu’on fait ça, mais c’est aussi pour pas se situer dans une société de consommation qui nous fait pas trop envie. » (Habitante n°3)

« Ya 20 ans on s’est dit « il faut qu’on parte à la campagne, c’est plus possible de vivre en ville ». On était 7 à la maison, on pouvait plus loger correctement... Notre désir c’était que les enfants puissent profiter d’un jardin, qu’on aie une autre vie, et pas une vie de boulot-métro-dodo... » (Habitante n°2)

À cette volonté de se démarquer de la société peut également être associé des engagements environnementaux forts, qui conduisent les porteurs de projet à choisir des matériaux et des techniques constructives plus écologiques, ainsi qu’à effectuer des choix globalisés sur leur mode de vie : création d’un potager dans le jardin, installation d’un poulailler pour valoriser les déchets verts... L’auto-production agricole s’associe alors à l’auto-réhabilitation et exacerbe le sentiment d’indépendance des occupants.