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3.4 Les démarches d’accompagnement

3.4.1 Une méfiance vis-à-vis des entreprises ?

Le rapport entre artisans et auto-réhabilitateur a été dûment questionné lors des entretiens effectués pour les besoins de cette étude, afin de saisir la posture des auto-réhabilitateurs vis-à-vis d’un intervenant extérieur et le rôle potentiel d’accompagnateur que peut prendre l’artisan. Il en ressort pour une majorité des foyers interrogés une certaine méfiance envers les entreprises intervenant sur leur chantier, et ce pour diverses raisons.

La volonté d’indépendance déjà évoquée précédemment est l’une d’entre elles : l’auto-réhabilitateur veut pouvoir faire à sa façon et ne pas être perturbé par l’intervention de professionnels. Il possède sa propre vision des choses, et peut être amené à juger l’artisan comme un obstacle au bon déroulement de ses travaux :

« On est assez exigeant. On préfère faire par nous-mêmes, parce

qu’on est sur que ce soit fait comme on aime que ce soit fait. […] Quand il y avait les artisans, on venait quasiment tous les jours sur le chantier le soir pour vérifier ce qui avait été fait... » Habitante n°2

Celui qui fait soi-même son logis a confiance dans la qualité des travaux qu’il réalise, et considère qu’en faisant de cette manière, il évite d’éventuels vices cachés qui auraient pu survenir s’il avait fait intervenir des artisans. Ainsi selon l’habitant n°3, sur « les vieux bâtiments c’est ça, les rénovations sont mal faites [par les artisans] et 20 ans après le bâtiment il est pourri... ». Cette posture est également confirmée par l’habitante n°1, jugeant qu’il faut être derrière les artisans si l’on veut que les ouvrages soient réalisés correctement, ce qui peut sembler paradoxale lorsqu’on sait que lesdits artisans ont reçus une formation

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spécifique et ont une expérience approfondie de la construction. On observe ici l’émergence d’une figure duale de l’artisan, qui sait mieux mais qu’on ne peut pas laisser faire : « Il faut être là. On ne peux pas laisser des artisans, il faut être derrière eux, faire remarquer ‘ah vous avez pas vu ci...’ » relate l’habitante n°1.

S’intéressant de près aux techniques de construction ancestrales et aux moyens de rénover tout en respectant les caractéristiques du bâti ancien qu’ils investissent, les habitants interrogés sont convaincus de bien faire, arguant que leur minutie et l’attention portée aux ouvrages qu’ils réalisent leur permet de mieux appréhender les particularités de leur habitat, à l’inverse d’un artisan qui réaliserait ses travaux par habitude :

« Par exemple, dans la petite maison, ya la chapelle, qui repose

sur la tour. Or la tour, elle [faisait un cercle] forcément. Or dans la partie gauche, on a fait venir un maçon pour faire un vide sanitaire. Et il nous dit ‘oh je suis tombé sur un mur, d’1m20, j’arrivais pas à l’enterrer !’ Je lui dit ‘pourquoi vous nous avez pas appelé?’ ‘oh bah je savait pas’. Donc il a coulé sa dalle, foutu. Voilà. Et ça les artisans, ils ont du mal à dire qu’ils ont découvert quelque chose. » Habitante n°1

Malgré cette position qui peut paraître radicale, tous les foyers rencontrés ont fait appel à des entreprises à un moment particulier de leur projet, afin de profiter des nombreux avantages qu’une telle solution procure : garantie décennale, outils spécifiques (échafaudage, bétonnière...), expertise confirmée ou encore expérience du chantier patrimoniale sont autant de raisons qui conduisent les auto-réhabilitateur à faire ce choix qui peut sembler en contradiction avec leur discours. Ils font en outre l’effort de retrouver des artisans spécialisés à certaines techniques anciennes (taille de pierre, charpente en ardoise posée à l’ancienne...) ou travaillant à proximité, afin de valoriser le travail traditionnel et local, ce qui démontre ainsi un certain respect de l’auto-réhabilitateur envers les professionnels, qu’ils ne rejettent pas de manière catégorique. Car même s’il n’intervient que sur peu d’ouvrage, l’artisan se montre utile : A u t o - r é h a b i l i t a t i o n o u l ’ a r c h i t e c t u r e s a n s a r c h i t e c t e s 84

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« On a fait l’effort d’aller retrouver certains artisans, là il nous manquait une pierre on est allé retrouvé un tailleur de pierre, en dehors de ceux qui travaillait pour les monuments historiques, ça se faisait plus. Ça se refait maintenant ! Mais il fallait trouver le bon artisan. » (Habitante n°1)

« Notre désir de faire travailler les artisans locaux, ça c’est

important, pour faire vivre les gens qui nous entoure, et puis pour savoir que la personne qui a fait les travaux est à côté et est capable de revenir si on a un souci. » (Habitante n°2)

« Ceux qu’on a fait intervenir, ce sont des entreprises du

patrimoine, ce sont des gens spécialisés qui interviennent. Parce que plus personne sait faire ça, même la charpente, c’est compliqué. Ce sont des gens spécialisés, on a choisi précisément qui on allait voir. » (Habitant n°3)

L’une des porteuse de projet reconnaît enfin le rôle central que les artisans ont eu dans la conception de son projet. Assistée par un ami à elle qui participera également à une grande majorité des travaux, elle affirme son manque de connaissances sur le sujet et remercie grandement le concours des artisans qui l’accompagnent dans l’aboutissement de son projet : « je tiendrais compte de l’avis de l’artisan, si ils me conseille ou me déconseille sur un point technique, sur le choix des matériaux. […] On est pas compétent dans le domaine nous. » L’artisan possède ainsi pour cette auto-réhabilitatrice un rôle pédagogique, rôle qui a été analysé par le rapport de Viviane Hamon, supputant que l’artisan pourrait avoir le rôle d’accompagnateur au sein des chantiers d’auto-réhabilitation, du fait de sa proximité avec les porteurs de projet et sa capacité à transmettre les connaissances qu’il a pu acquérir durant sa formation.

Ainsi, bien qu’une réserve vis-à-vis des entreprises se fasse ressentir lors des discussions avec les différents porteurs de projet, on peut affirmer que ces derniers possèdent malgré tout un rôle important dans les chantiers d’auto-réhabilitations, car étant les seuls professionnels du bâtiment amenés à intervenir.

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