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ECOLE NATIONALE

2.2 L’auto-réhabilitation en France

2.2.2 Législations et politiques

L’Agence Nationale de l’Habitat (ANAH) constitue l’une des figures centrales lorsque l’on parle d’accompagnement à l’auto-réhabilitation. Créée en 1971 pour remplacer le Fond National d’Amélioration de l’Habitat, elle est à l’époque chargée de l’amélioration et de l’entretien de l’habitat et priorise trois éléments de confort considérés comme primordiaux : l’installation de sanitaires, de salles de bain en intérieur ainsi qu’un chauffage centralisé1.

Puis en 1977 sont mises en place les Opérations Nationales de l’Habitat qui, travaillant conjointement avec l’ANAH, contribuent à la réhabilitation du patrimoine bâti et l’amélioration du confort des logements en proposant aux propriétaires des subventions variées. L’Agence fut en outre un acteur clé du soutien financier des mouvements Castors puis plus tard

de celui des Compagnons Bâtisseurs2, favorisant les pratiques d’auto-

réhabilitation et d’auto-construction qui constituent à l’époque des réponses idéales à la pénurie de logements. Cette posture de soutien à l’auto-réhabilitation, portée par l’État, est toutefois remise en question à partir des années 1990, et notamment lorsque furent publiées les circulaires du 31 décembre 1996 et du 13 janvier 1997, qui excluent de manière catégorique les travaux non réalisés par des professionnels

des Primes de l’Amélioration de l’Habitat (PAH)3. Ceci fut néanmoins

bien vite remis en question, puisque dès 2004, l’auto-réhabilitation et l’auto-construction sont réintroduites dans les subventions de l’ANAH, le gouvernement percevant son intérêt pour la lutte contre l’habitat indigne et l’exclusion sociale. À cet acteur central qu’est l’ANAH s’ajoute également la Caisse d’Allocation Familiale, les Conseils Généraux ainsi que de plus en plus les aides publiques locales qui bénéficient d’une politique de décentralisation permettant l’adaptation des mesures à chaque région.

Ces outils d’aides à l’auto-réhabilitation sont toutefois très encadrés et contrôlés par ces différentes administrations : l’objectif premier est en effet d’assurer la réinsertion des foyers vivant dans des logements insalubres ainsi

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que de renforcer la cellule familiale et cela nécessite un accompagnement technique et social important. Ces aides s’adressent donc en priorité à un public en situation de précarité énergétique ou financière : celui qui ne

correspond pas aux critères d’attribution1 aura donc accès à des aides

beaucoup plus restreintes. En outre, l’absence de personnes qualifiées sur un chantier d’auto-réhabilitation tout public représente un frein pour l’attribution des aides de l’état, car la bonne réalisation des ouvrages ne peut être garantie et peut générer des problèmes lors d’accidents sur le chantier ou de malfaçons.

L’auto-réhabilitation est néanmoins perçue par les pouvoirs publics comme un bon moyen d’améliorer le parc de logement actuel

à moindre coût2. À cela s’ajoute la considération croissante des

problématiques environnementales, marquant un tournant dans les politiques de l’État au regard de ce mode de construction : adoptée en 2014, le Plan de Rénovation Énergétique pour l’Habitat (PREH) a pour objectif d’atteindre 500 000 logements rénovés par an d’ici 2017, mettant en place des aides financières spécifiques ainsi que des structures de conseil spécialisées à destination des porteurs de projet. L’État vise en outre une réduction de la précarité énergétique de 20 % d’ici 2020 et oblige tous les bâtiments résidentiels à atteindre une consommation énergétique inférieure à 330 Kwh/m²/an d’ici 2030 : sans pour autant être spécifiquement évoquée dans la loi, l’auto-réhabilitation est considérée comme un bon moyen d’atteindre cet objectif rapidement. L’État à en outre mis à la disposition des ménages plusieurs plate-formes de conseil et créé un nouveau titre professionnel : le chargé d’affaires en rénovation énergétique qui devra ainsi conseiller le porteur de projet, le préparer et suivre avec lui la réalisation de ses travaux.

Et si la majorité des institutions étatiques, comme on l’a vu, se concentrent en priorité sur les ménages en situation de précarité, certaines régions tentent néanmoins d’instaurer un accompagnement à l’auto-réhabilitation « tout public » afin de répondre au mieux aux exigences énergétiques évoquées précédemment. C’est le cas par exemple de la région du Nord-Pas-de-Calais (actuel Haut de France), qui au regard du nombre important de foyers nécessitant une rénovation énergétique a décidé de lancer un programme de diffusion des actions

1 L’ANAH attribue une aide à des foyers ne dépassant pas un certain niveau de ressources et vivant dans un logement de plus de 15 ans.

2 Comme le définit l’ANAH dans son instruction du 20 janvier 2006.

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1 L’Assemblée Permanente de l’Économie Solidaire (APES) est une association créée en 2000 et a pour objectif de promouvoir une production responsable et écologique (commerce équitable, agriculture biologique...) par le moyen de l’ESS, ou Économie Sociale et Solidaire (promulguée par une loi en juillet 2014).

2 L’association des Maisons Paysannes de France est créée en 1966. Par le biais de bénévoles, des chantiers de sauvegarde, des formations ou encore des tables rondes sont mises en place afin de sensibiliser le grand public à ce petit patrimoine, tout en accompagnant les démarches de restauration par des conseils et un réseau d’artisans diversifiés.

3 Une bonne restauration est, au sens où le définit MPF, signifie une remise en état du bien en respectant le plus possible son plan et ses caractéristiques constructives (type de menuiserie, couverture de toit, coloris du crépis...)

d’auto-réhabilitation accompagnée « tout public » avec la contribution de l’APES1. Cette dernière travaille étroitement avec les territoires locaux,

finançant les entreprises éventuellement mandatées, ainsi que l’assistant à la maîtrise d’ouvrage qui s’assurera entre autre du bon déroulement des travaux. En parallèle, elle a mis en place une formation à ce métier de conseiller, qui allie compétences techniques et pédagogiques et s’adresse à tout professionnel du bâtiment désireux de s’engager dans l’accompagnement technique à la réhabilitation. Il est à signaler toutefois que ces projets sont en suspend depuis 2015, faisant suite aux élections : cela témoigne de la difficulté à mettre en place une stratégie efficace d’accompagnement dans des contextes politiques sensibles et instables.