• Aucun résultat trouvé

Professeur en hydrog6ologie, INRS-Eau, Universit6 du Qu6bec

Dans le document eu treEc SYMPOSIUM (Page 61-69)

Symposium sur la gestion de I'eau au Qu6bec

Palais des Congrds de Montr6al

10-11-12 d6cembre 1997

LE CAPITAL EAU - LES EAUX SOUTERRAINES / Olivier Banton

Animateur

La parole est maintenant d monsieur Olivier Banton qui va nous entretenir du capital en eau, son potentiel et ses usages.

M. Olivier Banton

Oui bonjour. Mon expos6 se divisera en 3 grandes parties: d'abord des chiffres pour pr6ciser un peu plus la disponibilit6 des eaux souterraines au Qu6bec et leur utilisation, ensuite l'alternative sur diff6rents systdmes de gestion qui peuvent s'offrir au Qu6bec et en terminant quelques points que i, ::Vront n6cessairement rencontrer cette gestion.

Donc au niveau de la disponibilite des eaux souterraines sur la plandte, 13% des eaux douces mondiales sont constitu6es par des eaux souterraines, ce qui reprEsente 60% des eaux douces disponibles une fois qu'on a enlev6 les glaciers et les calottes glaciaires, 5 millions de milliards de mdtres cubes. C'est donc le chiffre qui serait susceptible d'6tre disponible d la population mondiale.

Au Qu6bec en fait, (on parle principalement au niveau des secteurs habit6s, on exclut le grand nord), il y a 200 milliards de mdtres cube d'eau soutenaine disponible ce qui repr6sente quand m€me une fraction relativement infime par rapport aux eaux de la plan6te, par rapport aux chiffres quiavaient 6t6 vehiculEs pr6c6demment. par contre, 9a repr6sente quand mOme la moiti6 du d6bit annuel du fleuve St-Laurent. Mais il faut voir que toute cette eau n'est pas fondamentalement une eau qui est disponible aux humains dans le sens oi c'est une eau qui est en r6serve mais qui ne correspond pas i la realit6 qui est en fait la disponibilit€ en termes de renouvellement naturel de l'eau. Au niveau du renouvellement naturel par I'infiltration des pr6cipitations, on l'6value i peu pr€s d 15 milliards de m€tres cube par an ce qui repr6sente environ 8% du volume total des eaux souterraines disponibles.

Donc, si on fait I'inverse, on se rend compte que I'eau soutenaine s6journe environ 13 ans dans les aquifdres avant de retourner de fagon naturelle aux rividres et aux oc6ans. Donc, les pr6ldvements ne sont en fait qu'une interception de ce retour naturel vers les systdmes de surface. Dans le sud du Quebec, si on s'int6resse aux territoires les plus peupl€s donc autour de Montr6al et de Quebec, on a environ 10% des pr6cipitations qui s'infiltrent, lesquelles ont entre 750 et 1000 millimdtres selon les endroits ce qui reprEsente donc un total renouvelable de 5 milliards de mdtres cube par an.

Au niveau de l'utilisation de ces eaux, 20o/o de la population du Qu6bec d6pend directement de I'eau souterraine, 80% est aliment6 par les eaux de surface. Mais ce 20o/o de la population r6parti sur 80%

du territoire habit€ du Qudbec repr6sente 66% des municipalit6s et au niveau du secteur agricole, 80%

du secteur agricole en est directement d6pendant. Ceci repr6sente un total de prEldvement de 0,4 milliard de mOtres cube ce qui ne constitue que 3% des eaux souterraines renouvel6es annuellement.

Donc, le prEl€vement actuel est de 3% de ce qui s'infiltre annuellement dans les eaux souterraines.

Au niveau des utilisations de I'eau, les gros secteurs sont, tel que l'a montrE un pr6c6dent orateur:

50% pour la consommation domestique, 40oh pour I'industrie de I'agriculture et de I'alimentation incluant les iameuses piscicultures, et 7% pour l'usage industriel confondu. Les piscicultures, les plus gros consommateurs d'eau soutenaine (une centaine de millions de mdtres cube par an pour une centaine d'entreprises, donc 1 million de mdtres cube par an par entreprise), le chauffage et la climatisation par thermopompe (on oublie g6n6ralement cefte consommation qui repr6sente un chiffre assez 6lev€: 15 millions de m€tres cube par an pour environ 3000 unitds de thermopompe) et l'embouteillage d'eau qui a €t6 d6cri6 trds r6cemment et qui ne consomme finalement qu'un demi million de mdtres cube pour une vingtaine d'entreprises donc moins qu'une seule pisciculture d eux tous.

47

Symposium sur la gestion de l'eau au Qu6bec I 10-11-12 d6cembre 1997 lMontr6al

L'5tat de I'eau au Qu6bec I Les ressources qu6b6coiSes en eau

Au niveau des attentes sociales en matidre de gestion, deux enqu6tes ont €t6 r6alis6es dans la r6gion nord de Montr6al, la r€gion autour de Mirabel. En fait, de fagon globale, ce qui ressort c'est que les citoyens font confiance Lu gouvernement et aux municipalitEs pour la gestion des eaux. Les citoyens acclpteraient de payer leui consommation d'eau potable avec entre autres par exemple le recours d une taxe fixe ou la mise en place d'un compteur. lls demandent g€n6ralement aux autorit€s d'en faire plus en matidre de protection fie pense que le Symposium ici a fait ressortir tout un ensemble d'interrogations de la part de la population qui donc appuie finalement la dOmarche pour aller en avant), et gtobatement, la population pense que chaque citoyen devrait payer pour prot6ger la ressource, donc ce n'est pas n6cessairement au gouvernement ou au pollueur i le faire. Cependant, la population approvisionn6e par un puits, donc approvisionn€e par l'eau souterraine, est en fait plus satisfaite par la qualit6 de son eau puisque l'eau naturellement est prot€g€e. Par contre, c'est la moins pr€te i payer son eau peut-Etre justement parce qu'elle s'en juge majoritairement propri6taire fie pense qu'une conf6rence va aborder la notion de propri€t6). C'est la population la plus critique envers ie gouuernement dont elle juge la gestion " mauvaise " A " trds mauvaise ". C'est celle par contre qui terait te plus confiance i un comit6 de bassin pour la gestion des eaux plutOt qu'd une gestion par le gouvemement.

Ces gens li gdn6ralement pensent que c'est au pollueur A payer pour la protection de l'eau et non pas au citoyen et par contre ils sont relativement pr€ts i payer entre autres pour une protection globale des ressources avec 73 $ en moyenne par famille et par ann€e pour ceux qui sont aliment6s i partir de I'eau souterraine. Au niveau des non-utilisateurs, bien entendu eux sont surtout en faveur d'une gestion par le gouvernement et sont pr€ts i payer quand m€me 46 $ en moyenne par famille et par ann6e m6me s'ils ne sont pas des utilisateurs directs de la ressource. Le chiffre global pour la population qu6b6coise repr6senterait une centaine de millions de dollars que la population est pr€te dt contribuer pour la mise en place d'une politique de gestion.

Diff6rentes avenues sont possibles. J'en ferai €tat de cinq qui vont i peu prds passer i travers tout le portrait. Un groupe de r€flexion politique a propos€ r6cemment la nationalisation des eaux souterraines dans lequel, contre toute nationalisation, l'6tat exerce un contrOle total et discr€tionnaire sur la ressource. Pour cela , tout usager de la ressource devrait obtenir une autorisation d'utilisation et bien entendu payer une redevance, qu'elle soit tacite ou non, il faut bien payer le systdme. Les pidges g€n6ralement rencontr6s dans les systdmes nationalisOs, c'est g6n6ralement le prix d'accds de la ressource, g6n6ralement supErieur i celui du marchE libre (e me complais gEndralement i citer la Soci6t6 des Alcools comme exemple), I'augmentation des formalit6s administratives, I'impossibilit6 pour une r€gion ou pour une municipalit6 de choisir ses priorit€s de d€veloppement ax6s sur I'utilisation de la ressource d'eau souterraine [e pense que c'est un point extr€mement important).

G6n6ralement, un faible d6veloppement international du march6 €conomique de la ressource (g€n6ralement les gouvernements pr6nent surtout la gestion inteme et pas forc€ment internationale), et I'inertie en c€ts de n€cessit€ d'une modiftcation des conditions de gestion (comme on I'a vu dans beaucoup de cas), font que le systdme est assez lourd d faire bouger.

Le deuxidme syst€me est un systeme qui a 6t6 propos6 dans le projet de politique de gestion des eaux souterraines par le Ministdre de I'Environnement et de la Faune du Qu6bec, c'est la domanilisation c'est-d-dire rendre du domaine public, ou I'expropriation finalement des eaux souterraines otr la propri€tE du sol n'emporterait uniquement qu'un certain droit d'usage et encore, 96r€ par la loi et pour lequel le projet de politique proposait de d6l6guer le pouvoir et le contrOle aux autorit6s municipales et r6gionales. L'inconv€nient ou le risque que pourrait faire apparaitre un. tel systdme est la mise en place d'un systdme de monopoles locaux, donc on diffdre le monopole d'Etat vers des monopoles rEgionaux ou municipaux. ll pourrait ainsi y avoir un probldme d'absence de

Symposium sur la gestion de I'eau au Qu6bec 110-11-12 d6cembre 19971Montr6al

LE CAPITAL EAU - LES EAUX SOUTERRAINES / OI|ViET BANTON

comp6tence locale; on s'imagine mal chaque municipalite se doter d'un hydrogeologue pour g6rer la ressource. Le probldme li6 A la politicaillerie locale et A l'alternance politique (i chaque mandat une municipalit6 pourrait renverser les d6cisions de la municipalit6 pr6c6dente) entrainerait un fonctionnement d court terme alors que les eaux souterraines n€cessitent une planification et une gestion d long terme.

Le troisidme systdme: comit6 de gestion avec octroi de concessions et de permis. C'est aussi ce qui est actuellement mis de l'avant par g€nEralemerft les hydrologues de surface entre autres avec le Ministere de I'Environnement et de la Faune qui teste I'approche par bassins versants. G6n€ralement, dans ce systdme-ld, I'Etat concdde la gestion et la protection des ressources i des entit€s de nature socio-€conomique indOpendantes de I'Etat. C'est par exemple le cas en France avec les agences de I'eau ou en Californie avec les comit6s d'utilisateurs des eaux souterraines. G6n€ralement, 9a fonctionne sous forme de tables de concertation et de d€cision qui impliquent tous les usagers r6els ou potentiels de la ressource. Qa dispose de son propre mode et de ses propres rdgles de fonctionnement donc chaque entit6 peut librement dEcider de son mode de fonctionnement et donc des priorit6s en matidre de d€veloppement et dEcider de la location des ressources, des taxes, des redevances et bien entendu des p6nalit6s pour les contrevenants.

La location dans un tel contexte r6sulte un peu plus d'un processus d6mocratique avec obtention d'un consensus ou tout au moins d'une majorit6. Les pidges sont g6n6ralement la r6ticence des pouvoirs locaux A perdre un peu leur monopole et la m6fiance des forces 6conomiques et des groupes sociaux d cohabiter.

4" point. Le sfafuf guo sur la situation actuelle. La gestion actuellement est assurEe par I'Etat au niveau du ministdre de I'Environnement et de la Faune. Le droit de propri6t€ est partiel puisque, tel que le prEsentera Lorne Giroux tout i I'heure, vous verrez que de fagon flagrante on ne sait pas trop d qui appartiennent les eaux. Les autorisations sont sp6cifiques, c'est donn6 au compte-gouttes sans r6ellement de d6veloppement rdgional int6gr6. Puis la plupart des gens b€n6ficient d'un droit tacite et d'un droit acquis sur presque tous les usages et presque tous les usagers entre autres: toute l'agriculture et tous les usagers priv€s. Les usagers sont trds critiques envers le systdme actuel (on l'a vu r6cemment dans les journaux). lls sont conscients et pr€ts i assumer un certain co0t (les enqu€tes ont fait ressortir cela), mais sont aussi peu enclins d accepter les contraintes de nouvelles rdgles.

Donc, le probldme c'est d'arriver d trouver le compromis entre de nouvelles rdgles suffisamment souples et la mise en place d'un systdme int€9r6. Puis le probldme du syndrome du "Pas dans ma coui', un journal titrait samedi: "Pas dans ma source", entraine un blocage social et €conomique important.

Le 5" point, ce serait la libEration compldte du march€ avec une d€simplication presque totale de I'Etat o0 le marchE gdrerait totalement la location de la ressource et oir I'Etat bien entendu se contenterait d'imposer certains cadres et certaines barridres. C'est par exemple le cas de I'immobilier. t'Etat n'intervient pas dans I'immobilier; le marchE g€re I'immobilier et a pioi 9a marche. Le probldme, c'est que g€n6ralement il y a un d€sir de contr6le et d'interventionnisme des pouvoirs nationaux et locaux qui limite consid6rablement la mise en place d'un tel systdme de m€me qu'une absence de march6 de location des ressources.

Au niveau de la politique de gestion, il faudrait revoir la lGgislation. ll est nEcessaire de cr6er un v6ritable droit de I'eau; li on ne parle m€me plus d'une refonte mais can€ment de la r€6criture compldte du droit de l'eau. ll faudrait fournir des outils adaptEs i I'application de ces lois; c'est bien d'€crire des lois mais encore faut-il donner les outils pour les appliquer. ll est n6cessaire de certifier la

49

Symposium sur la gestion de I'eau au Qu6bec I 10-t'l-12 d6cembre 1997 lMontr6al

L'6tat de I'eau au Qu6bec / Les ressources qu6b6coises en eau

profession des hydrog6ologues; actuellement tout le monde peut se proposer comme sp6cialiste en hydrogeologie, c'est une profession qui n'est pas prot€g6e et oir il y a beaucoup de gens qui s'improvisent sp6cialistes.

Au niveau de la gestion des ressources, faire un inventaire des ressources; il y a actuellement une totale m6connaissance des ressources. Etablir une classification des nappes et surtout des usages prioritaires; est-ce qu'on priorise l'utilisation pour l'eau potable ou plutOt l'usage pour I'irrigation.

lnstituer des systdmes de droit parmi les concessions tel qu'on I'a dit par exemple au travers des agences de l'eau. Au niveau de l'implication de ta population, trds important, Oduquer et informer les citoyens; on a vu dans les journaux beaucoup de choses mal v6hicul6es, les gens ne comprennent pas l'eau souterraine et nous on comprend pourquoi ils ne la comprennent pas. lmpliquer chaque citoyen dans la gestion (mise en place par exemple de comit6s de gestion ou de groupes de concertation). D6centraliser le processus vers la collectivitd c'est-i-dire vers les vrais usagers.

En conclusion, les eaux soutenaines repr6sentent un volume trds important qui sufiirait d pourvoir tous les besoins de la population du Qu€bec. Pourtant on n'alimente que 20o/o de la population, donc elles peuvent €tre largement d6velopp6es. C'est un bien collectif qui appartient i tous et d personne. La l6gislation actuelle n'exprime pas clairement i qui appartient I'eau souterraine ce qui implique des conflits sociaux qui vont en s'accroissant et surtout qui entraine I'unanimit6 des critiques et surtout l'identification du besoin d'une modification importante de la loi. La population est en faveur du renforcement de la gestion, de la mise en place d'un nouveau systdme, et est pr€te i s'impliquer d la fois individuellement et financidrement . Finalement, les utilisateurs de I'eau souterraine pr6f€reraient, suite i I'enqu6te qui a €t6 r6alis6e, un comit€ de bassin pour g6rer la location de la ressource "eau soutenaine" plut6t qu'un systOme centralis6 ou d6centralis6 au profit des municipalit6s. Je vous remercie.

Animateur

Merci monsieur Banton.

Symposium sur la gestion de I'eau au Qu6bec 110-11-12 dScembre 1997 lMontr6al

AGETATES

I

LE CAPTTAL EAU - LES EAUX SOUTERRAINES / Olivier Banton

Symposium sur la gestion de I'eau au Qu6bec I 10-11-12 d6cembre 1997 lMontr6al

G6rer les ressources d'eau

Dans le document eu treEc SYMPOSIUM (Page 61-69)