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Palais des Congrds de Montr6al 10-1'l-12 d€cembre 1 997

Dans le document eu treEc SYMPOSIUM (Page 97-103)

LE DROIT DE L'EAU : A QUIAPPARTIENT L'EAU ? / Lorne Giroux

Animateur

Alors monsieur Giroux, d quiappartient I'eau exactement ?

M. Lorne Giroux

Merci beaucoup. Tous les auteurs Qui ont €tudi6 le droit de I'eau au Qu6bec s'entendent sur un 6l6ment commun: le droit de I'eau au Qu6bec est 6clat6. ll y a une multiplicit6 de juridictions, une multiplicit€ de l6gislations et je remercie les organisateurs de m'avoir donn6 une occasion unique de faire rire de moi en vous synthAtisant cela en 13 minutes. D'ailleurs, sivous remarquez, ils n'ont pas pris quelqu'un de l'lNRS, ils sont all€s d I'ext6rieur.

J'ai particulidrement appr6ci€ la confErence de monsieur SliviEky parce que ce qu'il dit, 9a refldte l'6tat du droit canadien et qu6b6cois. On se pr€occupe peu des questions de quantit6, le droit se prEoccupe des questions de qualite. Je pense i ce que monsieur SliviEky a dit avec beaucoup de justesse: ce n'est pas tellement au niveau de la captation gu'on a des probldmes, c'esf au niveau des rejets. Ce sont des probldmes qualitatifs. Le droit qu6b6cois et le droit canadien ont, depuis d peu pr€s les ann6es 1970, d0 s'occuper de fagon prioritaire du probldme de la qualit6. Pour revenir d la question qui m'a 6t6 pos6e, on m'a demandE d qui appartient l'eau, je pense qu'on peut dire que globalement, l'eau comme vous le savez tous est un bien commun. Cette r€gle de principe qui est exprim6e dans le code d I'article 913, s'applique aux eaux de surface. Elle s'applique d peu prds i toutes les eaux courantes du Qu€bec i quelques exceptions prds. ll y a deux grandes exceptions. ll y a des questions de d6tails mais les deux grandes exceptions c'est I'eau de source; le propri6taire qui a une source sur son tenain peut l'utiliser et il peut m€me en disposer sauf si cette source-li est i la t€te d'un cours d'eau. Ensuite il y a le probldme des eaux souterraines sur lequelje reviendrai sij'ai un petit peu plus de temps.

Rdgle gen6rale, le droit qu€b6cois donne un droit d'usage i celui qui est propri6taire du sol lorsque sa propri6t6 est born€e ou travers6e par un cours d'eau. Alors on n'a que des droits d'usage et le nouveau code civil dit "Si votre propri5fC esf travers6e ou bornAe par un cours d'eau, vous pouvez l'utiliser it la condition de le remettre d son cours sans qu'il y ait modification importante au niveau qualit€ ou guantit€" . La grosse exception, c'est l'eau soutenaine et vu qu'une bonne partie de la documentation et de l'int6r€t est port6 lddessus, je dirai ceci sur I'eau souterraine...

Le nouveau code civil n'a pas chang6. L'ancienne rdgle qui 6tait dans I'ancien code civil du bas Canada avant 1994 qui dit en substance que le propriEtaire du sol est propri€taire du sous-sol. En matidre de mines, le l€gislateur a dissociO la propri6t6 du sol de la propri6t6 du sous-sol, ce qu'il n'a pas fait ir l'6gard des eaux souterraines. Le probl€me qui se pose ici, c'est que le droit ant6rieur avait 6t6 d€velopp6 i une 6poque o0 on consid6rait le droit de propri6t€ comme un droit absolu. Et la difficulte vient des cons€quences de ce principe ld. Quand on lit la vieille jurisprudence, il y a des histoires d'horreur qui disent d peu prds ceci : " Celui qui est propri6taire de la surface peut exercer ses droits sur I'eau soutenaine d peu prds sans se pr6occuper des droits de ses voisins ". Alors on a dit par exemple qu'il peut, en utilisant l'eau souterraine, couper les veines qui permettent d ses voisins d'utiliser l'eau soutenaine ou m€me couper impundment les veines d'eau qui permettent i ses voisins d'avoir une source. ll y a des histoires d'horreur dont je vous ferai gr6ce qui concernent des voisinages de cimeti€re...vous voyez ce que je veux dire!

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Symposium sur la gestion de l'eau au Qu6bec I 10-11-12 d6cembre 1997 lMontr6al

84 L'6tat de I'eau au Qu6bec / Les ressources qu6b6cOiSes en eau

Cette jurisprudence-li s'est d6velopp6e au '19" siecle et on en retrouve des traces jusque dans les ann6ei 1970 au Qu€bec, quoiqu'elles soient peu abondantes. Je suis d'avis que ind€pendamment de la question des eaux souterraines, on peut argumenter que le droit contemporain ne permettrait pas que l'on tire du droit de propri6t6 i I'eau souterraine les cons€quences extr€mes que la jurisprudence ant6rieure en a tir6. Je pense que la notion moderne d'abus de droit, la notion moderne de troubles de voisinages, les dispositions de certains articles du code qui sont plus sp€cifiques qui disent qu'on n'a pas le droit d'Epuiser l'eau etc., et €galement les dispositions de la loi sur les qualit6s de I'environnement ne permettent plus d'en arriver d des r€sultats comme 9a. La pr6occupation que j'ai i l'egard de I'eau souterraine pour les fins de mon texte actuel est surtout d'6viter les consEquences exag€r6es que I'ancienne conception a tir6 de ce droit de propri6t€-li.

A l'6gard des eaux de surface maintenant, 6tant donn6 que ce que la loi accorde, ce sont des droits d'usage, il importe de d6terminer la situation de chacun parce que les situations diff6rentes donnent des droits d'usage d'intensit6 plus ou moins importante. Alors, il y a des droits qui appartiennent au public et le nouveau code civil nous dit a I'article 920 que le public a le droit de circuler sur les cours d'eau. Par contre, il y a un certain nombre de conditions: A condition qu'il ait accds; d condition qu'il ne mette pas pied sur la propriEt€ riveraine si elle ne lui appartient pas; A condition qu'il ne nuise pas aux utilisations que le riverain fait et i condition que son droit ne nuise pas au droit d'autrui.

Par ailleurs, je dois dire que le 3 d6cembre dernier, la cours d'appel a rendu une d6cision importante en matidre de droit d'usage de I'eau et d propos de I'article 920, il y avait des auteurs qui avaient dit:

"Ca vous donne le droit de circuler en bateau, c'est tout ". La cours d'appel a dit que depuis les d6buts de l'humanit6 la premiOre circulation s'est faite probablement i la nage alors la cours reconnait que le droit de circulation reconnait au moins le droit de nager et de faire certains usages r6cr6atits de l'eau.

Ensuite, il y a des droits qui sont accord6s aux riverains, c'est-d-dire ceux dont la propri€tE est bord6e par le cours d'eau. Alors le droit accorde, et depuis trds longtemps, aux riverains le droit d'accds et c'est un droit qui a €t6 prot6g6 m€me par le conseil priv6 de Londres. ll y a eu des d6cisions trEs c6lBbres qui ont 6t€ rendues au 19" et au d6but du 20" si€cle. C'est un droit qui a 6t€ jalousement pr6serv€ par les tribunaux et c'est un droit qui s'applique peu importe que le cours d'eau soit navigable ou non navigable ou peu importe qu'il soit de propri6t€ publique ou priv6e.

La situation de riverainetE donne 6galement le droit de s'approvisionner au cours d'eau pour ses besoins domestiques, pour abreuver son b6tail etc. Seulement, le code nous dit que le droit d'utiliser l'eau comme riverain emporte l'obtigation de remettre I'eau A son cours apr€s son utilisation sans avoir fait des pr6ldvements quantitativement et qualitativement qui soient d'importance. lci, il y a toute une possibilit€ surtout parce que la notion de retour en terme qualitatil et 9a rejoint la conf6rence de monsieur SliviEky, i mon avis, c'est une rdgle qui est exprim€e pour la premi€re fois de fiagon express dans le code et ga va amener des dEveloppements int6ressants dans le futur. La loi sur le r6gime des eaux accorde 6galement aux riverains le droit depuis 1856 d'utiliser le.cours d'eau d des fins industrielles et le droit m€me d'y faire des ouvrages de retenue. A la facult6, nous avons eu I'honneur de faire la partie juridique du rapport Nicolet et ce droit-ld qui remonte a 1856 ....deuxidme cot6 ... dans la loi sur le r6gime des eaux d'aujourd'hui , ce droit-ld est i la base i toutes fins pratiques de tout le d6veloppement hydro€lectrique du Qu6bec. Ensuite, ily a certaines utilisations qui sont r€serv6es au propri€taire du lif Ou cours d'eau et la premidre de ces utilisations, c'est le droit de p€che. A une nuance prds, en droit canadien, le droit de p€cher dans les eaux ott la mar6e se fait sentir (pour ceux qui, comme moi, naviguent d Qu€bec on pourrait dire que la mar6e se fait sentir i peu pr€s i mi-chemin entre Qu6bec et Montr6al), est un droit public. Dans les eaux qui ne sont pas sujettes i mar6es, le droit de p€che suit la propri€t6 du lit. La cours d'appel I'a encore rappel€ dans la d€cision dont je vous parlais tout i I'heure et les tribunaux ont 6galement dit que c'est un droit que I'on peut

Symposium sur la gestion de I'eau au Qu6bec I 10-11-12 d5cembre 1997 lMontr6al

LE DROIT DE L'EAU : A QUIAPPARTIENT L'EAU ? / Lorne Giroux

s6parer du lit. Alors moi, j'ai un droit de p6che, je pourrais trds bien conc6der mon droit de p6che d quelqu'un d'autre tout en me gardant la propri6t6 du lit. . Cependant, et c'est ici que l'on remonte au d6veloppement historique du droit de I'eau au Qu6bec. Evidemment, si par exemple, votre qualit6 de riverain vous permet d'utiliser l'eau d des fins industrielles, et bien c'est difficile d'assegir un barrage si vous n'avez pas une concession de la propri6t6 du lit pour au moins asseoir votre ouvrage. C'est ce qui fait que historiquement A partir de l'abolition du r6gime seigneurial, il y a une trds abondante jurisprudence qui s'est d6velopp6e au Qu€bec sur la question de savoir quel est le partage des droits de propri6t6 sur la rive et le lit. La raison qui a amen6 le dCveloppement de cette jurisprudence, c'est que, comme vous le savez, I'Etat qui i l'origine est propri6taire des ressources, a le droit d'avoir un r6gime de concessions de ces ressourcesid. Sauf que dans les rdgles de droit qui nous ont gouvern6 au cours des 6poques ant6rieures, il y a eu comme vous le savez deux r6gimes juridiques: un r6gime frangais et un r6gime anglais. ll y a eu des concessions implicites qui se sont faites. En d'autres termes, dans certains cas lorsque I'Etat conc6dait une propri6t6 riveraine implicitement suivant les rdgles de droit qui s'appliquaient, la propri6t6 du lit pouvait passer avec la propriete de la rive.

Jusqu'd ce que t'Etat te r6alise i la faveur de certaines d€cisions (ex. les rdgles comme celles de la rEserve des trois ch€nes qui avait pour but de pr€server les droits de I'Etat sur le lit, les ressources du lit, notamment la p€che, et ensuite les autres ressources qui pouvaient suivre la propri6t6 du lit). C'est ce qui fait que une grande partie de la jurisprudence qu€b6coise en droit de l'eau porte sur les rdgles qui ont prEsid€ i la concession des droits implicites sur le lit. Vous allez trouver un sommaire de toutes ces r6gles d l'article 919 du code civil du Qu€bec. On peut r6sumer en disant ceci : lorsque I'on conc6dait une propri6t6 sur la rive d'une rividre qui 6tait navigable et flottable (et je reviendrai dans les dernidres secondes sur la question de la navigabilit6), la jurisprudence a dit, que ce soit sous le r6gime frangais ou sous le rEgime anglais avant I'ancien code civilde 1866, sous I'ancien code civilde 1866 et m€me sous le nouveau code de 1994: 'Lorsque la propri6t6 de la rive sort du domaine public, la propri6t6 priv6e (la concession) s'an6te i la ligne des hautes eaux, sauf si dans le titre de concession ily a une concession express du lit". Sur les rividres non navigables et non flottables (et c'est ld que ga a amen6 beaucoup de complications juridiques), sous le r6gime frangais, la cour seigneuriale, qui a 6t6 mise sur pied lorsque le r€gime a €t6 aboli pour rdpartir les droits entre les seigneurs, les censitaires et I'Etat, a dit ' Sur les rividres non navigables et non floftables (et les lacs suivent la m€me rdgle) lorsque I'Etat a conc6d6 une propri€t6 riveraine, automatiquement la propri€t€ du lit suit. Alors si le terrain du propriEtaire 6tait born6 par le cours d'eau, il est propriEtaire jusqu'd la moiti€ du cours d'eau, si son terrain 6tait travers6 par le cours d'eau, il devenait propri6taire du lit.

C'est ce qui a amen6 en 1884 I'introduction de la r€serve des trois ch€nes, pas tellement pour la propri€tO i l'6poque mais tout d'abord parce qu'on avait i I'esprit la protection des droits de p6che.

Evidemment, en conc6dant le lit implicitement, les droits de p6che et tout ce qui avait avec le lit suivait automatiquement. Ce qui fait qu'aujourd'hui, bien que le code civil emploie la date de 1918, le code civil ne tient pas compte de la loi sur les tenes du domaine public. En gros, c'est ceci: sur les rividres non navigables et non flottables, la propri€t€ de la rive a apport6 la propri€t6 du lit sauf i partir de 1884 d cause de la r€serve des trois ch6nes. M€me si I'Etat aujourd'hui a abandonn6 la r6serve des trois ch€nes au propri€taire, il a fait une r€serve express pour la propri6t6 du lit du cours d'eau pour 6viter que les concessions implicites ne se r€p€tent. Evidemment, il pourrait arriver qu'il y ait des r6serves dans le titre; il faut toujours remonter au titre original. Alors, vous comprenez qu'on a plaid6 longtemps et dur sur ces questions, on est all6 au conseil priv6 et la question tournait autour de la navigabilit6.

La navigabilit6 pour le droit, c'est une navigabilit6 i caractdre commercial et les tribunaux disent ' Une navigabilitO utile et profitable au public '. De plus, lorsqu'on dit "navigable et flottable", pour que la rividre soit consid6r6e navigable et flottable, il n'6tait pas suffisant que I'on puisse flotter du bois d 85

Symposium sur la gestion de l'eau au Qu6bec I 10-11-12 d6cembre 1997 lMontr6al

86 L'6tat de I'eau au Qu6bec / Les ressources qu6b6coises en eau

b0ches perdues, ce n'€tait r6serv6 que dans les cas o0 on pouvait flotter du bois en radeau. Alors ld, il y a tout un raffinement de rdgles. ll est possible que la rividre soit navigable m€me si elle n'est navigable qu'A la faveur de la mar6e haute, certaines rividres sur la c6te nord par exemple ne sont navigables qu'i certaines heures de la journ6e. Qa ne change rien, elles sont navigables. Ce qui n'est pas possible, c'est lorsque la rividre n'est navigable qu'i la faveur de pluies exceptionnelles; ce n'est pas suffisant pour luidonner le critdre de navigabilit6.

ll y a eu d'autres probldmes qui tiennent d la d€termination de la ligne des hautes eaux. Alors li, la ligne des hautes eaux, ga pose certains probldmes au Qu6bec parce que les tribunaux ont dit: sur les rividres o0 il y a de la mar€e, la cours d'appel a dit en 1919, suivant le vieux droit frangais, que la ligne des hautes eaux, c'est la ligne la plus haute atteinte par les mar6es du mois de mars. C'est I'ordonnance frangaise de l'6poque. lci au Qu6bec, les plus hautes mar€es ne sont malheureusement pas au mois de mars. C'est difficile de mesurer les mardes au mois de mars parce qu'il y a une 6paisse couche de glace alors disons que cette rdgle a emb6t€ beaucoup le ministdre de I'Environnement mais. A ma connaissance elle n'a pas encore €t6 chang6e par voix lOgislative. Sur les rividres of il n'y a pas de mar6es, la ligne des hautes eaux est la ligne la plus haute atteinte par le cours d'eau d son 6tat naturel sans d6bordement, sans crues excessives. Qa pose le probldme de la d6limitation. lly a deux grandes m€thodes. La premidre m6thode, c'est ld oU commence la v6g6tation ligneuse du c6t6 de la tene et la deuxidme m6thode, c'est i partir d'observations, d'expertises r6parties sur plusieurs ann6es. C'est tout ce que j'avais d vous dire. Merci beaucoup.

Animateur

Dans quelques instants, on va aller d la pause. Je voudrais tout simplement vous expliquer un ajout i l'6change qu'on va pouvoir avoir avec les gens du panel ici. Nous avons pr6vu d la salle 410C un soutien informatique qui fait que si vous avez des commentaires A formuler ou des questions i poser vous pouvez aller i cette salle et les inscrire. On en tiendra compte dans I'heure qui va suivre, c'est-i-dire que je reviendrai avec l'essence de ce qui a 6t6 dit d travers ce soutien informatique pour ajouter aux questions que vous pourez bien sOr poser de vive voix. Mme Anita Ramacidre se joindra i moi pour I'heure qui suit afin d'animer le d6bat qui viendra. Alors c'est i la salle 410C pour ceux et celles qui voudraient se pr€valoir de ce petit syst6me. Merci et on se retrouve dans i peu prds 25 minutes.

Symposium sur la gestion de l'eau au Qu6bec 110-11-12 d6cembre 1997 lMontr6al

L'ETAT DE L'EAU AU OUEBEG LES REssouRcEs ouEeEcotsEs EN EAU

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