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2.3 Quelles combinaisons de mesures pour encourager la participation des usa-

3.1.1 Production de déchets et alternatives d’élimination

Soit un usager, représentatif des N usagers composant une collectivité territoriale, qui bénéficie du service de collecte des déchets ménagers. Cet usager consomme des biens et services en quantité Q. Le déchet étant un sous-produit de la consommation, une certaine quantité w(Q) de déchets résulte de l’activité de consommation dont le consommateur cherche à se débarrasser. Dans un souci de simplification du modèle, nous considérons que le potentiel de déchets – recyclables et non recyclables – associé à chaque bien consommé est identique. L’objet du modèle étant d’étudier les réactions des usagers du service aux instruments de politique environnementale des collectivités territoriales, nous avons choisi de ne pas prendre en considération l’effet sur les décisions d’achat des consommateurs d’une taxe amont sur les biens de consommation, ce dispositif ne relevant pas du domaine de compétence des collectivités territoriales françaises. Choe et Fraser (1998, 1999), Fullerton et Wu (1998) ou Glachant (2004) modélisent par ailleurs remarquablement les effets de ce type de dispositif sur les choix de consommation des usagers.

Pour se débarrasser des déchets qu’il produit, l’usager dispose de plusieurs alternatives d’élimination. Dans ce modèle, nous avons fait le choix de nous concentrer uniquement sur les alternatives d’élimination légales, sur lesquelles la collectivité exerce un pouvoir de contrôle direct. Nous considérons donc deux alternatives d’élimination possibles : (i) la collecte traditionnelle, en vue de l’incinération ou de l’enfouissement des déchets, notée

g ou (ii) le recyclage, matière et organique, noté r. Depuis une dizaine d’années, cer- tains modèles théoriques (Fullerton et Kinnaman 1995, Choe et Fraser 1999, Kinnaman et Fullerton 2000) prennent en compte une troisième alternative, l’élimination illégale (dépôt sauvage, brûlage), en lien avec le développement d’une tarification du service basée sur les quantités de déchets produits. Toutefois, comme le prix payé par la majorité des usa- gers du service en France est forfaitaire, nous jugeons que les signaux-prix produits par le système de tarification français sont insuffisants pour conduire les usagers à adopter des comportements déviants.

La demande de service d’élimination des déchets se présente alors sous la forme suivante :

w(Q) = g + r (3.1)

L’usager peut agir sur les volumes de déchets enfouis g et sur les volumes de déchets recyclés r en triant ses déchets, en compostant ses déchets organiques ou en adoptant des pratiques de consommation responsable telles que le réemploi. Mais nous faisons l’hy- pothèse qu’il ne peut pas agir sur le volume total de déchets en sélectionnant des biens moins générateurs de déchets, le potentiel de déchets associé à chaque bien consommé étant supposé identique.

Nous écrivons la fonction de production des déchets triés r de la façon suivante :

r=       

ρ.f(e) si ρ.f(e) < r (a)

r si ρ.f(e) ≥ r (b)

(3.2)

Le flux des déchets triés r varie positivement avec l’effort de recyclage de l’usager (e), i.e. en fonction du temps et de l’énergie qu’il consacre au tri sélectif et/ou au compostage de ses déchets (avec e ≥ 0). Pour une production de déchets w(Q) donnée, plus l’effort de recyclage est important, plus les quantités de déchets triés seront élevées. Nous faisons toutefois l’hypothèse que la productivité marginale de l’effort de recyclage est décroissante : un effort de tri supplémentaire conduit à un volume de déchets triés additionnel de plus en plus faible. Dans le cas extrême où l’usager ne fait aucun effort de recyclage, le volume de déchets triés est nul et par conséquent l’ensemble des déchets produits sont mis à la

collecte traditionnelle (g).

Le volume de déchets triés est également déterminé par l’efficacité des gestes de tri de l’usager (ρ), c’est-à-dire par le temps nécessaire à l’usager pour trier une quantité donnée de déchets recyclables (avec ρ ≥ 0). Nous supposons dans le modèle que l’efficacité du tri dépend uniquement de l’existence d’une filière de recyclage plus ou moins développée pour les déchets concernés. L’organisation du tri au sein du foyer (connaissances de l’usager, point de pré-collecte, etc.) n’est pas prise en compte dans le modèle.

Le volume de déchets triés peut enfin varier avec les quantités de biens et services consommés (équation 3.2 (b)), mais uniquement dans le cas où la totalité du volume potentiellement recyclable des déchets produits est triée r puisque :

r= k.w(Q) (3.3)

où k représente la fraction recyclable des déchets ménagers, supposée fixe dans le modèle.

Dans la suite du modèle, nous faisons l’hypothèse que la situation décrite par l’équa- tion 3.2 (b) n’est jamais atteinte. En 2009, les ménages français recyclaient 63% des em- ballages ménagers (source Eco-Emballage). Nous considérons donc que la fonction de re- cyclage d’un usager représentatif dépend uniquement de l’effort de tri (e) et de l’efficacité des gestes de tri (ρ). Si la consommation augmente, le volume de déchets triés augmentera uniquement si l’usager du service effectue un effort de tri plus important, toutes choses égales par ailleurs.

Les deux alternatives d’élimination (g et r) étant considérées comme des substituts, le flux des déchets présenté à la collecte traditionnelle (g) est déterminé par la différence entre le volume total de déchets et le volume de déchets triés, soit :

g(Q, e, ρ) = w(Q) − r(e, ρ) (3.4)

g est donc défini comme un flux de déchets résiduels.

Le recyclage demande un temps et des efforts supplémentaires à l’usager. Mais si l’effica- cité du tri augmente, l’usager sera incité à produire un effort de recyclage plus important,

augmentant ses volumes de déchets recyclés (r) au détriment de ses volumes de déchets présentés à la collecte traditionnelle (g). Le volume de déchets résiduels g est donc affecté négativement par l’efficacité des gestes de tri (ρ) et l’effort de recyclage (e). Il dépend également positivement des quantités de biens consommés (Q), le potentiel de déchets associé à chaque bien consommé étant supposé identique.

Dans une perspective de protection de l’environnement, le recyclage (r) est préféré à la collecte traditionnelle (g). Cette idée est illustrée dans la figure 3.1, qui représente gra- phiquement le coût marginal privé (CmP) et le coût marginal social (CmS) de chacune des alternatives d’élimination des déchets ménagers, g et r. Le coût marginal privé renvoie au temps, aux efforts et à l’argent dépensé par l’usager pour chacune des alternatives d’élimination des déchets. Le coût marginal social correspond au coût marginal privé aug- menté des dommages environnementaux occasionnés par chaque alternative d’élimination. La différence entre le coût marginal privé et le coût marginal social représente donc les externalités environnementales négatives associées aux décisions individuelles de l’usager. On constate que l’écart entre le coût marginal privé et le coût marginal social est bien plus élevé pour la collecte traditionnelle que pour le recyclage, cette première alternative produisant des externalités environnementales plus importantes que la seconde. L’égalisa- tion du coût marginal privé de chacune des alternatives (wP) conduit à une plus faible

utilisation de l’alternative r comparativement à l’alternative g. La collectivité territoriale doit donc trouver les incitations adéquates pour que l’usager prennent en compte le coût social de ses actions et ainsi l’amener à privilégier le recyclage de ses déchets par rapport à l’élimination traditionnelle (situation wS). Ce point sera développé dans la section 3.2.