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1.3 Une approche locale de la politique de gestion des déchets ménagers

1.3.1 L’organisation territoriale de la gestion des déchets ménagers : une

Le processus de décision à l’échelle locale

La réglementation française (article L.2224-13 du CGCT) stipule que les collectivités territoriales compétentes pour assurer le service public d’élimination des déchets ménagers sont les communes, lesquelles peuvent transférer à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) soit l’ensemble des compétences de collecte et de traitement des déchets des ménages, soit la compétence relative au traitement14. L’article L.2224-13 dis-

pose aussi qu’à la demande des communes et des EPCI qui le souhaitent, le département peut se voir confier la responsabilité de la compétence traitement. En 2007, 96% des com- munes françaises avaient transféré leur compétence de collecte à un EPCI (Ademe 2009). La loi du 12 juillet 1999, dite loi Chevènement, relative au renforcement et à la simpli- fication de la coopération intercommunale a contribué à ce mouvement de concentration communale, l’élimination des déchets devenant :

– une compétence obligatoire des Communautés urbaines ;

– l’une des 6 compétences dont au moins 3 doivent être exercées par les Communautés d’agglomération ;

– l’une des 5 compétences parmi lesquelles 4 doivent être retenues par les Communau- tés de communes pour bénéficier de la Dotation Globale de Fonctionnement bonifiée. Cette loi a aussi précisé les modalités de transfert des compétences. Seul le transfert « en cascade » est autorisé : si une commune transfère à un EPCI l’ensemble des com- pétences d’élimination des déchets, cet EPCI peut lui-même en transférer la composante « traitement » à un Syndicat mixte. En revanche, une commune ne peut plus transférer à deux groupements différents la collecte d’une part, et le traitement d’autre part15.

Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui exercent les com- pétences d’élimination des déchets ménagers sont ainsi de nature différente. Depuis la loi Chevènement, le développement de l’intercommunalité s’est fait au profit des groupements 14. Dans la suite du document, le terme « collectivité territoriale » désignera principalement les com- munes et les groupements intercommunaux.

15. Le rapport de la Cour des comptes (2011) sur « les collectivités territoriales et la gestion des déchets ménagers et assimilés » souligne pourtant que des irrégularités persistent.

à fiscalité propre, en particulier des Communautés de communes et des Communautés d’agglomération. Les Syndicats « traditionnels » (Syndicats intercommunaux à vocation unique (SIVU), Syndicats intercommunaux à vocations multiples (SIVOM) et Syndicats mixtes) qui représentaient 64% des EPCI détenant une compétence d’élimination des dé- chets en 1998 ne représentent plus que 34% des EPCI en 2007, beaucoup d’entre eux ayant notamment été dissous suite à la prise de cette compétence par un groupement à fiscalité propre (figure 1.6). Communauté de communes (26%) Syndicat mixte (5,7%) Communauté urbaine (0,8%) District (9,2%) Groupements à fiscalité propre 36% (9,4%) SIVU SIVOM (13,9%) Syndicat mixte (10,8%) Communauté de communes (60,2%) Communauté d’agglomération (4,7%) Communauté urbaine (0,9%) Syndicats traditionnels 34% SIVU (18,5%) SIVOM (39,8%) Syndicats traditionnels 64% Groupements à fiscalité propre 66% Source : Ademe En 1998 En 2007

Figure 1.6 :Répartition des EPCI ayant une compétence d’élimination des déchets en 1998 et en

2007

L’objectif de ces regroupements intercommunaux est d’exploiter au maximum les écono- mies d’échelle présentent dans la gestion des déchets. Mais ces transferts de compétences ne sont pas toujours optimaux. Selon le rapport de la Cour des comptes (2011) sur « les collectivités territoriales et la gestion des déchets ménagers et assimilés », la collecte s’effec- tue encore parfois sur des périmètres trop réduits et le transfert de compétences ne permet pas toujours d’atteindre la taille efficace à une mutualisation et une rationalisation de la gestion des déchets ménagers.

Une collectivité territoriale ne peut se décharger d’une mission de service public, si ce n’est auprès d’une autre collectivité territoriale dans le respect des dispositions prévues par la loi. En revanche, elle a le choix entre assurer elle-même la fourniture du service (gestion directe) ou transférer tout ou partie de la réalisation effective du service à un opérateur privé via une procédure de mise en concurrence relativement flexible.

La gestion directe est en net retrait. 45% des collectivités territoriales compétentes assuraient la fourniture du service de collecte des ordures ménagères résiduelles en gestion directe en 2007. Pour la collecte sélective des matériaux secs, la gestion directe ne concerne que 27% des collectivités territoriales (Ademe 2009). Avec la complexification technique du service et l’accroissement de l’intensité capitalistique du secteur, les collectivités ter- ritoriales s’adressent de plus en plus à des entreprises spécialisées, en particulier pour les opérations de traitement des déchets (Bertolini 1990).

Les marchés publics sont les contrats les plus fréquents16. Dans ce cas, la collectivité

transfère l’exécution du service à un prestataire qui assure la fourniture du service en échange d’une contrepartie financière. La responsabilité du service est pleinement exercée par la collectivité. Elle reste l’interlocuteur privilégié des usagers et conserve à sa charge le financement du service et le risque de l’exploitation.

Le recours à la délégation de service public17intervient uniquement pour les opérations

de traitement. Dans un contexte de fortes réglementations environnementales, les collecti- vités sont amenées à moderniser ou à construire de nouveaux équipements, plus techniques et performants. La concession – forme particulière de délégation de service public – permet de déléguer par exemple tout ce qui relève de la conception de l’équipement de traitement et de l’ingénierie à une entreprise qui dispose de compétences pointues dans ce domaine. Le concessionnaire apporte les capitaux nécessaires à l’investissement initial et exploite l’ouvrage à ses risques et périls. Il s’agit de contrats de long terme compte tenu de la nécessité pour le concessionnaire d’amortir ses investissements Ils ne peuvent toutefois pas excéder 20 ans dans le domaine de la gestion des déchets. Au terme du contrat, les biens 16. Réglementés par le Code des marchés publics, les marchés publics sont définis comme « des contrats

conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs et des opérateurs économiques publics ou privés pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services » (article 1er du CMP).

17. Régie par la loi Sapin (1993), la délégation de service public est définie comme « un contrat par

lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service ».

acquis ou construits par le concessionnaire reviennent à la collectivité.

Les modalités du service public d’élimination des déchets ménagers

Le service public des déchets se scinde donc en deux compétences distinctes : la collecte et le traitement. La compétence de collecte comprend l’organisation de l’intégralité des opérations de ramassage des déchets, à savoir la collecte traditionnelle, les collectes sélec- tives et la gestion des déchèteries, ainsi que le tri des déchets recyclables en centre de tri18

et le regroupement des déchets en vue de leur transport vers une installation de traitement (Directive 2008/98/CE). La compétence de traitement se réfère à l’organisation de toutes les opérations d’élimination des déchets ultimes (mise en décharge) ou de valorisation qu’elles soit énergétique avec l’incinération, matière avec le recyclage, ou organique avec le compostage (Directive 2008/98/CE). Les étapes du service sont interdépendantes, dans le sens où la qualité de la collecte détermine la qualité du traitement et donc la qualité globale du service.

La figure 1.7 présente le cycle de vie du déchet. Le déchet résulte d’une part de la décision d’un individu λ d’acheter un produit qui générera lors de sa consommation une quantité plus ou moins importante de déchets ; et d’autre part de la décision de cet individu λ de trier ses déchets afin de leur donner une seconde vie. Les ménages, en tant que producteurs de déchets et usagers du service, constituent donc le premier maillon de la chaîne de la valorisation des matériaux recyclables. Certains déchets seront ainsi orientés vers le marché de l’occasion, d’autres transformés sur place en matière fertilisante par le compostage domestique ou réintroduits dans le processus de production en substitution de certaines matières premières.

Différents types de collecte existent : (i) la collecte traditionnelle des déchets, où les déchets sont collectés en mélange ; (ii) les collectes sélectives de certains flux de déchets (emballages ménagers, papiers, verres ou biodéchets par exemple), préalablement sépa- rés par les usagers en vue de leur valorisation ; et (iii) la collecte en déchèterie où les usagers peuvent déposer les déchets non pris en charge par les collectes précédemment ci- 18. Un centre de tri est une installation dans laquelle les déchets collectés sont rassemblés pour subir un tri et/ou un conditionnement de la fraction valorisable.

Légende :

Comportements des individus

Cadre du service public d’élimination des déchets Activités du secteur marchand

Produits Déchets 1er Tri

Réemploi Collecte Marché de l’occasion Collecte traditionnelle Collectes sélectives Collecte en Déchetterie

Recyclage Compostage Energétique

Déchets ultimes (mise en décharge) Processus de production

Réintégration dans le processus de production Matières

premières

Valorisation

2nd Tri Compostage domestique

Elaboration propre de l’auteur, inspirée de Grégoire Macqueron/Futura-Sciences

tées (déchets verts, objets encombrants, gravats, etc.), qu’ils acheminent par leurs propres moyens19. En 2009, la collecte traditionnelle représentait 19,2 millions de tonnes de dé-

chets, soit 299 kg de déchets collectés par habitant et par an (Ademe 2011). 99% de la population française bénéficiait d’une collecte sélective des matériaux secs (emballages ménagers, papiers) et 96% d’une collecte sélective du verre. Ces collectes sélectives repré- sentaient 4,8 millions de tonnes de déchets en 2009, soit 75 kg par habitant et par an. La collecte spécifique des biodéchets est encore peu développée en France, elle s’élevait à 20 200 tonnes en 2007.(Ademe 2009) Enfin, les déchets collectés en déchèterie s’élevaient à 11,8 millions de tonnes, soit 184 kg par habitant et par an. Ces volumes sont sensiblement similaires à ceux collectés en 2007.

Les modalités de la collecte proposées dans le cadre du service public peuvent varier selon les collectivités territoriales. On distingue deux modes de collecte : la collecte en porte-à-porte et la collecte par apport volontaire. Dans le premier cas, un contenant est mis à proximité immédiate de l’usager et lui est propre. Il est responsable de son contenu et de sa présentation les jours de collecte. Dans le second cas, le contenant est mis à disposition d’un groupe d’usagers, en libre accès dans un lieu public. L’usager doit alors se déplacer jusqu’au contenant pour y déposer ses déchets. En 2007, La collecte en porte- à-porte concernait 97% de la population pour les ordures ménagères résiduelles, 88% de la population pour les papiers et emballages et 30% de la population pour le verre (Ademe 2009). Le choix entre une collecte en porte-à-porte et une collecte par apport volontaire est fortement dépendant des caractéristiques du territoire. Le service public d’élimination des déchets ménagers est un service public local, c’est-à-dire produit et consommé à l’échelle du territoire de la collectivité qui en a la responsabilité. Les collectivités territoriales sont donc soumises à une double contrainte de proximité et d’efficacité (Krattinger et Gourault 2009). Efficacité économique, puisque comme tout service public de réseau, la collecte des déchets ménagers peut bénéficier d’économies d’échelle. L’apport volontaire est ainsi souvent rencontré dans des collectivités territoriales qui présentent une faible densité de population où, compte tenu des distances importantes à parcourir pour de relativement faibles quantités de déchets collectés, une collecte en porte-à-porte serait trop coûteuse à réaliser. Les collectivités doivent aussi répondre à une logique d’efficacité 19. Certaines collectivités assurent par ailleurs des collectes ponctuelles des objets encombrants et des déchets verts.

environnementale, pour amener les usagers du service à satisfaire les objectifs nationaux de réduction des déchets et de recyclage. Contrairement à la plupart des services publics locaux de réseau – pour lesquels l’usager se situe à l’extrémité finale du réseau et bénéficie d’un service dont la qualité résulte des techniques de production situées en amont – les usagers du service public d’élimination des déchets déterminent la quantité de déchets éliminés et l’efficacité du service par leurs gestes de tri (Le Bozec 1994). Ainsi, si l’apport volontaire est un système moins coûteux, il apparaît aussi comme moins efficace. Il semble en effet que plus le conteneur est mis à proximité immédiate des usagers, plus le taux de recyclage est élevé (OCDE 2011b).

Devenir des déchets ménagers et assimilés par mode de traitement

0 5 000 10 000 15 000 20 000 25 000 30 000 35 000 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 M il li e rs d e t o n n e s Recyclage Compostage et méthanisation Incinération avec récupération d'énergie Incinération sans récupération d'énergie Stockage (mise en décharge )

Notes : Dom inclus ; hors déblais et gravats ; données 2008 provisoires ; données réévaluées en 2010, suivant les résultats d’enquête Ademe ; les modes de

traitement sont estimés sur la base de l’ensemble des déchets municipaux.

Source : Ademe (enquêtes 'Collecte' et 'Itom') – SOeS.

Figure 1.8 :Répartition par mode de traitement des déchets ménagers entrant dans une instal-

lation en 2008

Une fois collectées, les ordures ménagères sont orientées selon leur nature vers différentes formes de traitement. La réglementation en matière de gestion des déchets ménagers pré- conise la valorisation. Celle-ci peut prendre plusieurs formes : la valorisation matière, la valorisation organique ou la valorisation énergétique. La valorisation matière, communé- ment appelée recyclage, consiste à extraire de déchets préalablement sélectionnés certains

matériaux pour les réintroduire dans un cycle de production en remplacement total ou partiel d’une matière première vierge. La valorisation organique renvoie au compostage, qui aboutit à la production d’un compost qui peut être utilisé pour fertiliser les sols. La valorisation énergétique procède principalement de l’incinération. Cette technique consiste à récupérer sous forme de vapeur la chaleur dégagée par la combustion des déchets pour alimenter par exemple un réseau de chauffage urbain. Depuis le 1er juillet 2002, seuls les

déchets qui n’ont pu faire l’objet d’une valorisation matière ou organique, sont suscep- tibles d’être enfouis dans des décharges. 34% des déchets ménagers faisaient l’objet d’une valorisation matière ou organique en 2008 (figure 1.3.1). La part des déchets triés a connu une forte progression depuis le début des années 2000 en lien avec la généralisation des collectes sélectives, passant de 12,6% des tonnages de déchets traités en 2000 à 18,3% des tonnages traités en 2008. L’incinération et la mise en décharge occupe encore une place importante, puisqu’elles concernent près des 3/4 des tonnages de déchets traités en 2008. La part des déchets entrant dans une installation de stockage des déchets non dangereux est stable depuis 2004.

1.3.2 Quels instruments de politique environnementale à l’échelle lo-