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Processus physico-chimiques de mobilité des ETM dans les sols

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 22-29)

1. ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE

1.1. P ROCESSUS DE MOBILITE DES ETM DANS LES SOLS

1.1.1. Processus physico-chimiques de mobilité des ETM dans les sols

Equilibre d’adsorption/désorption

Les ETM peuvent s’adsorber à la surface des solides qui sont, soit les composants du sol, soit des particules en suspension dans la solution du sol (colloïdes).

Ces solides peuvent être des : - carbonates

- oxyhydroxydes de Fe, Mn, Al et Si - minéraux argileux

- composés organiques provenant de débris biologiques

En milieu aqueux, les sites de surface des solides, comme la ferrihydrite (hydroxyde de Fe(III) amorphe, Cornell et Schwertmann, 2003), possèdent des groupements hydroxyles qui se comportent comme des amphotères. Ces solides peuvent aussi bien être des sorbants efficaces pour les cations comme pour les anions. Ils peuvent échanger des protons avec la solution selon les deux réactions suivantes (Équation 1 et Équation 2) :

S-OH2+

⇔ S-OH + H+

Équation 1 : Réaction de déprotonation d’un site de surface (1ère acidité).

S-OH ⇔ S-O- + H+

Équation 2 : Réaction de déprotonation d’un site de surface (2ème acidité).

Ces deux réactions acido-basiques sont caractérisées par les constantes d’acidité Ka1 et Ka2 (Équation 3) :

Ka1 = [S-OH] . (H+) / [S-OH2 +] Ka2 = [S-O-] . (H+) / [S-OH]

Équation 3 : Constante d’acidité Ka2 et Ka2 relative à la première et la deuxième acidité respectivement avec [S-OH2

+], [S-OH] et [S-O-] les concentrations en sites de surface, exprimées en mol g-1, et l’activité du proton (H+) en mol L-1.

Aux pH acides, la surface est chargée positivement (S-OH2

+ étant la forme majoritaire) et favorise l’adsorption des anions. Inversement, aux pH basiques, elle est chargée négativement (S-O- est alors la forme majoritaire) et favorise l’adsorption des cations. La valeur critique de pH où les sites de surface sont majoritairement neutres, pour un solide donné, est appelée le point de charge nulle (pHZPC).

Dans le cas des minéraux argileux, la charge électrique de surface peut avoir une deuxième origine. Le réseau cristallin peut comporter des substitutions isomorphiques. Les ions Al3+ sont remplacés par des

ions divalents, et les ions Si4+ par des ions trivalents. Il en résulte une charge permanente négative, indépendante de la solution du sol, qui exerce une attraction électrostatique envers les cations dissous.

La quantité de cations que le solide peut adsorber augmente parallèlement à la densité des sites de surface. Elle dépend de la surface spécifique et de la nature du matériau et peut être estimée par la capacité d’échange cationique (CEC). Les argiles et les matières organiques (MO) sont les principaux contributeurs de la CEC des sols (Römkens et Salomons, 1999 ; François et al., 2004). Ainsi, les cations métalliques sont en majorité adsorbés sur le complexe argilo-humique du sol.

Les colloïdes sont des particules solides de faible taille comprise entre 1 à 1000 nm (Sigg et al., 2000).

Leurs tailles sont suffisamment réduites pour que l’action de la pesanteur soit très limitée sur leur comportement, mais suffisamment élevée pour les distinguer d’une molécule en solution. La formation de ces colloïdes peut permettre l’entraînement en profondeur d’éléments normalement insolubles par des « chemins préférentiels », comme les pores grossiers du sol. Ainsi, le déplacement de ce type de particule dépend de facteurs hydrauliques, de facteurs électrostatiques et de facteurs géométriques (diamètre des pores). Ces particules, lorsqu’elles sont de nature inorganique, résultent des premiers stades de la précipitation d’une phase minérale sous l’effet d’une sursaturation élevée (Skoog et al., 1997). Les colloïdes peuvent également être de nature organique. Dans tous les cas, ils possèdent une surface spécifique importante qui leur confère une capacité d’adsorption élevée. Selon van der Lee (1997), près de 80% des matériaux transportés par les rivières et les nappes se trouveraient sous forme de particules en suspension, dont une part importante sous forme colloïdale.

Les réactions d’adsorption et de désorption peuvent être considérées soit comme un phénomène physique, soit comme un phénomène chimique (Bourg, 1988-a ; Bourg, 1988-b).

Approche physique : adsorption en sphère externe (non spécifique)

L’approche physique fait appel à des interactions de type électrostatique uniquement. Elles impliquent les ions de la solution et les charges de surface. Les cations métalliques peuvent se fixer en sphère externe, à la surface des argiles de type montmorillonite par exemple, dont les charges sont constantes (substitutions isomorphiques) et ainsi indépendantes du pH. Le cation adsorbé conserve sa sphère d’hydratation et n’est pas en contact avec la matrice. Bien que l’adsorption physique corresponde à une adsorption non spécifique, c’est-à-dire qui ne tienne pas compte de la nature chimique de l’ion adsorbé, la tendance de la surface à former des complexes de sphère externe avec un cation fait intervenir deux facteurs : la valence du cation et son rayon hydraté. Plus la valence du cation est élevée et plus l’affinité est forte. A valence égale, un cation à faible rayon hydraté présentera plus d’affinité qu’un cation à fort rayon hydraté. Plus le rayon non hydraté d’un cation est faible et plus son rayon hydraté est fort car il attire les molécules d’eau plus puissamment. A valence égale ce sont donc les cations volumineux qui seront fixés préférentiellement en sphère externe (Marcos, 2001 ; Équation 4).

Pb2+ (0,120 nm) > Hg2+ (0,110 nm) > Cd2+ (0,097 nm) > Zn2+ (0,074 nm)

Équation 4 : Rayon atomique non hydraté de Pb, Hg, Cd et Zn à l’état d’oxydation (+II).

La faculté d’un sol à retenir des cations par adsorption physique est déterminée par la mesure de la CEC. Cependant, alors que les argiles présentent des charges permanentes de surface, la charge de surface des oxydes de Fe, Al et Mn ainsi que de la MO varie avec le pH. Le modèle, dit d’échange d’ions, a donc un défaut majeur : il ne permet pas de décrire l’effet du pH sur la charge et la capacité d’adsorption de la surface.

Approche chimique : adsorption en sphère interne

Dès que la proportion de sites pH-dépendant n’est plus négligeable, il est nécessaire de tenir compte de l’augmentation de la réactivité du milieu avec le pH. Les cations métalliques ne sont pas uniquement soumis à des attractions physiques et peuvent se fixer en sphère interne, en particulier à la surface des oxydes de Fe, Al ou Mn, des MO ou des argiles de type kaolinite. Le cation perd son cortège de molécules d’eau et forme une liaison chimique avec la surface de la matrice. Ce mode de fixation est plus fort (échange d’électrons) et spécifique, c’est à dire qu’elle n’est possible qu’entre éléments ayant une configuration électronique adaptée (Sigg et al., 2000). Ce modèle, appelé modèle de complexation de surface, permet donc de prendre en compte l’effet du pH sur l’équilibre d’adsorption/désorption et sur la charge de surface.

Dans le modèle de complexation de surface, la surface du solide est assimilée à un ligand. L’équilibre d’adsorption/désorption d’un cation métallique Mz+ peut être décrit par l’équation chimique suivante (Équation 5) :

(S-OH)n + Mz+ ⇔ (S-O)n-M(z-n)+ + n H+

Équation 5 : Equilibre d’adsorption/desorption d’un cation metallique Mz+ sur une surface solide (S-OH)n.

De la même manière, l’adsorption d’anions inorganiques Az- peut être expliquée par une compétition des ions hydroxydes avec les sites de surfaces (Équation 6) :

(S-OH)n + Az- ⇔ (S)n-A(z-n)- + n OH

-Équation 6 : Equilibre d’adsorption/desorption d’un anion Az- sur une surface solide (S-OH)n.

Par exemple (Équation 7) :

SOH + M2+⇔ SOM+ + H+ (SOH)2 + M2+ ⇔ (SO)2M0 +2H+ SOH + M2+ + H2O ⇔ SOMOH + 2H+

SOH + A2- ⇔ SA- + OH -SOH + AH- ⇔ SAH + OH -SOH + BH2- ⇔ SBH- + OH -SOH + BH2

⇔ SBH2 + OH

-Équation 7 : Exemples d’équilibre d’adsorption/desorption sur une surface solide avec M2+ = Cd2+, Co2+, Zn2+, Cu2+, Pb2+ ; A2- = SeO4

2-, SeO3

2-, CrO42-

; B3- = AsO3

3-, AsO4

3-, PO4

(Bourg, 1989).

L’occupation des sites de surface est à l’origine d’un phénomène de compétition entre les cations métalliques et les protons de la solution ou les anions inorganiques et les ions hydroxydes. Le pH influe donc fortement sur l’équilibre d’adsorption/désorption.

Outre le pH, les conditions d’oxydo-réduction du milieu jouent aussi un rôle sur l’équilibre d’adsorption/désorption. Des conditions oxydantes vont favoriser la formation d’oxyhydroxydes de Fe et Mn. Ces matériaux sont susceptibles d’adsorber les ETM dissous. Si le milieu est réducteur (< 400 mV ; Leyval et Toutain, 1994), cette matrice solide peut être attaquée (solubilisation). Les oxyhydroxydes de Fe et de Mn sont alors dissous et les métaux qui y étaient adsorbés sont, par conséquent, solubilisés. En ce qui concerne l’adsorption sur les composés organiques, la fixation des ETM est remise en cause en permanence lorsque la MO subit une dégradation naturelle.

L’adsorption étant un phénomène réversible, les polluants fixés peuvent être remobilisés. Mais, la cinétique, plus lente, de la désorption par rapport à l’adsorption, entraîne une irréversibilité apparente de l’adsorption, ce qui se traduit par le phénomène d’hystéresis. La réversibilité étant fonction de la liaison créée, ce phénomène s’explique par le fait que, plus le temps de contact est long, plus la rétention entre le sorbat et le sorbant est intense (complexation de surface) et la désorption est donc plus difficile (Lions, 2004). Cette réversibilité est à l’origine du pouvoir tampon du sol quant à la rétention et au relarguage des polluants inorganiques. La position de l’équilibre d’adsorption/désorption est donc d’une importance capitale dans les problèmes environnementaux.

Equilibre de précipitation/dissolution

Dans les systèmes aquatiques naturels, les concentrations en ETM sont assez faibles en général. C’est alors l’équilibre d’adsorption/désorption qui contrôle leur solubilité. Tant que la concentration dissoute en polluants inorganiques est inférieure au produit de solubilité Ks, les processus

d’adsorption/désorption prédominent. Au-delà, interviennent les processus de précipitation/dissolution (Figure 5).

Figure 5 : Différents mécanismes (adsorption ou précipitation) impliqués dans la rétention d’un ETM en fonction de sa limite de solubilité.

L’équilibre de précipitation/dissolution entre un cation métallique (Mz+) et une espèce dissoute (Ly-) peut être décrit par l’Équation 8:

MyLz(s) ⇔ y Mz+ + z L

y-Équation 8 : Equilibre de precipitation/dissolution entre un cation metallique Mz+ et une espèce dissoute Ly-.

La constante d’équilibre correspondante, appelée produit de solubilité (Ks) est définie par l’Équation 9:

Ks = (Mz+)y . (Ly-)z

Équation 9 : Constante d’équilibre de la réaction de précipitation/dissolution (produit de solubilité Ks).

Certains ETM précipitent sous forme d’oxydes, d’hydroxydes et carbonates dans les sols en fonction du pH. Cependant, les produits de solubilité des ETM ont des valeurs relativement élevées et le processus n’intervient que dans le cas de fortes pollutions, dans les milieux alcalins ou dans les couches profondes (fortement réductrices) du sol.

Lorsque la concentration en espèces complexées à la surface d’un minéral devient suffisamment importante, un phénomène de précipitation de surface intervient (Dzombak et Morel, 1990). Sastre et al. (2007), étudiant l’adsorption de Cd, Pb, Zn et Cu, suggèrent, qu’à mesure que la concentration augmente, interviennent les processus de rétention dans l’ordre suivant : la complexation de surface,

Processus

suivi par l’échange d’ions et la précipitation de surface. La surface favorise, d’un point de vue cinétique, la formation de précipités, en fournissant un support solide. Dans certains cas, la précipitation de surface est spécifique et fait intervenir la surface d’une phase minérale hôte ayant un réseau cristallin compatible avec l’élément (épitaxie). La précipitation de surface est un phénomène qui est certainement de première importance pour le devenir des polluants inorganiques dans le sous-sol et les eaux souterraines (Blanc et al., 2004).

La rétention des ETM peut aussi avoir lieu lors de phénomènes de coprécipitation qui consistent en la formation d’une phase solide comprenant deux espèces métalliques distinctes, l’une majeure et l’autre mineure.

Les équilibres de précipitation/dissolution peuvent être influencés par les conditions d’oxydo-réductions. Un exemple caractéristique concerne les sulfures présents dans les couches profondes d’un sol fortement réducteur. Certains ETM peuvent former des précipités stables avec les sulfures.

Lorsque le milieu subit une oxydation, sous l’influence des conditions climatiques ou d’exploitation minière par exemple, les sulfures sont oxydés, en sulfates notamment. Cette oxydation s’accompagne d’une dissolution du précipité et d’une libération des ETM associés (Etchebers, 2004). La dissolution des sulfures concerne les ETM mais aussi le Fe et le Mn. Les conditions oxydantes favorisent la formation d’oxyhydroxydes à partir du Fe et du Mn dissous. Le Fe et le Mn ne restent donc pas en solution mais précipitent pour donner de nouvelles phases solides. Ainsi, les ETM sont successivement, mobilisés par dissolution d’un précipité puis refixés par adsorption sur un solide néoformé (Altmann et Bourg, 1997 ; Bourg, 1988-b). Les équilibres de précipitation/dissolution et d’adsorption/désorption sont ainsi couplés.

Equilibre de formation/dissociation de complexes en solution

De nombreuses espèces dissoutes, présentes dans la solution de sol, sont capables de former des liaisons complexantes en solution avec les ETM. Les principales sont :

• les ions hydroxydes

• les ions carbonates

• les halogénures (chlorures, fluorures, etc…)

• les ions sulfates

• les acides aminés, les polypeptides…

• les acides organiques (en particulier humiques et fulviques)

• les cyanures (origine anthropique)

Composés de poids moléculaires élevés, les acides humiques et fulviques composent la principale fraction du carbone organique dissout (COD). Ces composés sont impliqués dans le transport d’un grand nombre d’éléments chimiques sous forme de complexes en solution (van der Lee, 1997). A

l’inverse, ces composés peuvent immobiliser ces éléments soit par précipitation du complexe organique (agrégation) soit parce qu’elles sont associées à une phase minérale immobile. Les conditions acido-basiques interviennent directement sur la MO et le COD. Les composés de type humique sont solubles à pH basique, alors que les composés de type fulviques sont solubles à pH acide.

L’équilibre de formation/dissociation d’un complexe entre un cation métallique (Mz+) et un ligand (Ly-) peut être décrit par l’Équation 10 :

ML(z-y)+ ⇔ Mz+ + L

y-Équation 10 : Equilibre de formation/dissociation d’un complexe entre un cation métallique Mz+ et un ligand Ly-.

Il est représenté par une constante (Kd) de dissociation du complexe (Équation 11) : K = (Mz+) . (Ly-) / (ML(z-y)+)

Équation 11 : Constante d’équilibre du complexe ML(z-y)+.

La présence de ligands dans la solution de sol peut avoir divers effets sur l’équilibre d’adsorption/désorption:

- Il y a compétition entre les ligands de la solution et les sites de surface pour la formation de complexes avec les cations métalliques. Ainsi, la présence de ligands entraîne un déplacement de l’équilibre d’adsorption/désorption, en faveur des formes solubles (complexées) du métal. Ce phénomène a été observé par de nombreux auteurs (cités par Etchebers, 2004).

- Les ligands anioniques sont susceptibles d’être adsorbés sur les sites de surface selon la réaction (Bourg, 1988-a) (Équation 12):

(S-OH)n + Ly- ⇔ (S)n-L(y-n)- + n OH

-Équation 12 : Equilibre d’adsorption/desorption d’un ligand anionique Ly- sur une surface solide (S-OH)n.

Ce phénomène induit une modification de la charge de surface. L’adsorption des cations métalliques peut alors être favorisée par des interactions électrostatiques (sphère externe).

- L’adsorption des cations métalliques est aussi favorisée par un processus de formation de complexes ternaires de surface. Le cation est alors lié à la fois à la surface et au ligand. La liaison peut se faire de deux façons (Bourg, 1988-a ; Bourg, 1988-b) :

(S-OH)n +ML(z-y)+ ⇔ (S-O)n-M-L(z-y-n)+ + nH+

Équation 13 : Equilibre d’adsorption/desorption du complexe cationique ML(z-y)+ sur une surface solide (S-OH)n (Complexe ternaire de surface).

(S-OH)n +ML(y-z)- ⇔ (S)n-L-M(y-z-n)- + n OH

-Équation 14 : Equilibre d’adsorption/desorption du complexe anionique ML(y-z)- sur une surface solide (S-OH)n (Complexe ternaire de surface).

Dans le premier cas (Équation 13), le complexe est chargé positivement. On se rapproche alors du phénomène d’adsorption/désorption décrit précédemment pour les cations métalliques libres Mz+. L’adsorption du complexe est dite « cation like » (Bourg et Schindler, 1978).

Dans le deuxième cas (Équation 14), le complexe est chargé négativement. Son adsorption est donc favorisée par une diminution de pH. L’équilibre d’adsorption/désorption a un comportement

« ligand like » (Puginier, 1995 ; Puginier et al., 1998).

1.1.2. Processus biologiques de mobilité des ETM dans les sols : influence des bactéries

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