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2.3. Transport des particules et solubilité du fer

2.3.1 Processus Chimiques

Différentes études portant sur la composition chimique des aérosols menées dans des zones de transport de poussières, pouvant être aussi influencées par des masses d’air anthropiques, mettent en évidence un mélange des particules minérales avec des espèces anthropiques telles que les sulfates, les nitrates, le carbone suie, ou encore les acides organiques (Falkovich et al.,

2004 ; Puteau et al., 2004 ; Arimoto et al., 2006 ; Koçak et al., 2007), et aussi avec d’autres

types d’aérosols comme les sels de mer (Busek et al., 1999 ; Zhang et al., 2003). Il est généralement suggéré dans la littérature que la présence d’espèces acides à la surface des particules minérales provient soit de l’adsorption de gaz acides (HCl, H2SO4, HNO3) ou de l’oxydation de gaz adsorbés (SO2 ou NO2), soit de la coagulation avec des sels d’ammonium (NH4NO3 ; (NH4)2SO4 (Dentener et al., 1996 ; Mori et al., 1998).

Il existe un certain nombre de travaux qui essayent de mettre en relation la solubilité du fer et l’état de mélange dans lequel se trouve la particule. Par exemple, on peut revenir sur les travaux de Chen & Siefert (2004) qui effectuent une étude spatio-temporelle de la solubilité du fer en Atlantique Nord. On remarque que la solubilité du fer atteint des valeurs maximales

Figure 1.9 : Distribution spatiale de la solubilité du fer pour des aérsosols collectés en Atlantique (du 6 janvier au 19 février) (Chen et Siefert, 2004).

34 au niveau de l’Atlantique Ouest, zone potentiellement influencée par des émissions anthropiques d’Amérique du Nord (voir figure 1.9). Les auteurs suggèrent que les fortes solubilités observées dans cette zone résultent de l’influence anthropique des masses d’air d’Amérique du Nord.

Pour confirmer ces conclusions, les auteurs suivent la solubilité du fer en fonction de la teneur totale en fer particulaire dans leurs échantillons et mettent en évidence de faibles solubilités du fer pour les teneurs élevées en fer (Figure 1.10). Considérant que les fortes teneurs en fer correspondent à des échantillons à fortes charges en aérosols terrigènes, ils établissent que les fortes solubilités sont associées à la présence de particules carbonées dans les échantillons. Ce même type de raisonnement a été mené par Baker et al. (2006b) ou Buck et al. (2006). Dans leur étude, Chuang et al. (2005) montrent aussi, en s’appuyant sur une corrélation entre fer soluble et carbone élémentaire, que la source significative de fer soluble ne correspond pas à des poussières désertiques, mais à des mélanges de particules carbonées de combustion et de particules terrigènes.

Deux phénomènes peuvent expliquer cette tendance : soit les fortes solubilités sont associées à la présence de fer d’origine anthropique, soit c’est le mélange avec certains composés anthropique qui stimule la solubilité du fer.

On sait en effet que la solubilité du fer issu des particules carbonées est plus importante que celle du fer issu des particules désertiques dans les eaux aqueuses atmosphériques (Desboeufs

et al., 2005) comme dans l’eau de mer (Bonnet et Guieu, 2004). Le fer en phase carbonée est

plutôt sous forme de sels de fer amorphes ou adsorbés en surface alors que dans les particules désertiques, le fer est inclus dans le réseau des aluminosilicates ou sous la forme

(a) (b)

Figure 1.10 : Solubilité du fer issu d’aérosols collectés en Atlantique Tropical (a) en fonction de la teneur en fer dans l’air (Chen et Siefert, 2004) (b) en fonction de la concentration totale en fer mis en

35 d’(hydr)oxydes bien cristallisés. Les liaisons chimiques impliquant le fer sont beaucoup plus faibles dans le cas des structures amorphes et c’est pour cela qu’il se solubilisera plus facilement (Chester et al., 1993).

L’autre hypothèse pour expliquer les fortes solubilités du fer en Atlantique ouest, est que le mélange avec les masses d’air continental en provenance d’Amérique du Nord induit un mélange entre particules terrigènes et espèces acides tel que le dioxyde de soufre ou l’acide oxalique. Chen et Siefert (2004) ont rapporté la solubilité du fer en fonction du rapport des teneurs en sulfate/oxalate sur fer (Figure 1.11). On remarque que plus ce rapport est élevé, plus la solubilité du fer est importante.

Cette dernière hypothèse sur le rôle des espèces acides s’appuie, d’une part, sur l’idée que les espèces acides adsorbés sur les particules terrigènes puis libérées en phase aqueuse, diminuent le pH de la goutte et favorisent la dissolution du fer (cf 2.2.1. Rôle du pH). Cet effet d’acidité est d’autant plus marqué que l’acidité apportée est suffisamment élevée pour contrebalancer la capacité de neutralisation des particules minérales due à la calcite (Meskhidze et al., 2003). De plus, ces espèces acides vont augmenter l’hygroscopicité des particules désertiques et favoriser leur incorporation dans les gouttes d’eau atmosphériques (Fan et al., 2004). Une fois les particules incorporées dans un nuage, non précipitant, elles peuvent subir plusieurs cycles d’évapocondensation nuageuse. Ces cycles nuageux favorisent l’acidification des gouttes par phénomène de concentration des espèces acides au moment de l’évaporation et permettent ainsi une libération accrue de fer. Quand la goutte d’évapore, le fer re-précipite sous forme d’hydroxyde amorphe ou de sel, tel le sulfate de fer, facilement solubilisables (Desboeufs et

al., 2001). De plus, les cycles d’évapo-condensation contribuent au mélange avec les espèces

Figure 1.11: Rapport des teneurs en sulfate anthropique sur fer total (à droite) et des teneurs en oxalate sur fer total (à gauche) en fonction de la solubilité du fer dans des aérosols collectés en Atlantique (Chen et Siefert, 2004).

36 acides gazeuses qui se sont solubilisées dans la goutte au cours de sa durée de vie. Parmi les espèces acides, les nitrates apparaissent ainsi plus efficaces que les sulfates pour augmenter le solubilité du fer, notamment du fait des teneurs de plus en plus élevées en NOx (précurseurs des nitrates) par rapport au SO2 dans le monde (Yang et Gao, 2007). Ceci est à mettre en parallèle des résultats de Fan et al. (2006) qui montrent que le mélange avec les sulfates ne permet pas de rendre compte des fortes solubilités observées en zone de transport dans l’hémisphère nord. Meskhidze et al. (2005), au contraire, considèrent que les fortes teneurs de SO2 en Asie permettraient de fournir des quantités non négligeables de fer biodisponible en zone Pacifique. D’autre part, la présence de composés organiques solubles à la surface des particules favoriserait aussi la libération du fer en solution par des processus photochimiques de dissolution réductive (cf 2.2.3. Rôle des ligands organiques). D’ailleurs, Saydam et

Senyuna (2002) montrent, par des expériences de dissolution sur des sols sahariens libérant

des ions oxalates en présence de lumière, que les ions oxalates favorisent la solubilité du Fe(II), au-delà d’un certain seuil d’éclairement. Se basant sur ces observations, Hand et al.

(2004) ont essayé d’évaluer la contribution de ces processus chimiques sur les apports

atmosphériques de fer soluble et concluent que l’augmentation du fer soluble par les processus photochimiques est du même ordre de grandeur que par l’effet des cycles nuageux.