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CHAPITRE 5 : MESURES DANS LES PLUIES

3.2 Les facteurs extérieurs d’influences

Selon le moment de la collecte, il existe différents facteurs, facilement identifiables, capables de jouer sur la solubilité et la spéciation redox du fer. Il est fortement probable que dans la gamme de charge particulaire mesurée dans cette étude, cette dernière ait une influence sur les valeurs de solubilité. De plus, on sait par exemple que la présence d’oxalate ou même d’autres composés organiques dissous (COD) sont des facteurs à prendre en compte. Or, l’étude de la variabilité en anions organiques montre une forte augmentation des teneurs en COD après le saut de mousson. On sait également que les processus photochimiques atmosphériques peuvent imposer un contrôle supplémentaire sur la solubilité et la spéciation du fer. Or, comme environ la moitié des échantillons de pluies ont été collectés la nuit, il est possible d’examiner l’influence de l’irradiation.

3.2.1 Le séquençage de la collecte

Le séquençage de la collecte a permis de mettre en évidence une évolution quasi-systématique de la solubilité et de la charge particulaire au cours d’une pluie. Le phénomène de lessivage de l’atmosphère peut induire une forte variabilité sur la valeur de solubilité mesurée. Les particules lessivées vont contribuer à augmenter les quantités de fer totales dans les pluies, notamment au début, mais par contre elles ne contribueront pas autant aux quantités de fer

167 dissous pour deux raisons : à cause du temps de contact court avec la phase aqueuse (filtration en ligne) et parce qu’on se trouve sans doute dans certains cas au dessus du seuil de solubilité thermodynamique. Ceci implique qu’en début de pluie (échantillons a) la solubilité du fer est quasi-systématiquement moins élevée qu’en fin de pluie (échantillons b et c) (cf figure 5.12) et l’évolution au cours d’une pluie est d’autant plus marquée que la charge particulaire du premier échantillon est élevée (cas des pluies n° 2 et 5). Toutefois, il est probable que la variabilité résulte aussi des différences de propriétés intrinsèques entre les particules lessivées, fraîchement émises, et les CCN ayant subi plusieurs cycles d’évapo-condensation et malheureusement il est difficile de découpler ces deux effets. Parallèlement, aucune tendance spéciale n’est observée au cours du temps pour la spéciation redox du fer. Pour certaines pluies, le %Fe(II) reste identique au cours du temps et pour d’autres il varie aléatoirement avec les temps. La charge particulaire ne semble avoir aucun effet sur ce paramètre.

La figure 5.14 qui représente la solubilité fonction des concentrations en fer total, suggère qu’il existe effectivement un lien entre ces deux paramètres. On remarque que pour des teneurs en fer supérieures à 10mg/l, la solubilité est toujours très faible, entre 0,0005 et 0,3%. Par contre, pour des teneurs inférieures, la solubilité devient beaucoup plus variable et peut atteindre des valeurs beaucoup plus élevées de l’ordre de 9%. En conséquence, il est possible que la charge particulaire lorsqu’elle est élevée (fer>10mg/L) limite la solubilité du fer à des valeurs plus faibles que celles mesurées en laboratoire sur des aérosols de même origine.

0 2 4 6 8 10 0,1 1 10 100 1000 10000 échantillons a échantillons b et c

S

F

e

(%

)

Fetot(mg/L)

Figure 5.14 : Solubilité du fer en fonction de la teneur total dans les pluies récoltées à Banizoumbou.

3.2.2 La collecte diurne/nocturne

L’irradiation favorise la dissolution des particules et plus particulièrement dans le cas des aérosols sahéliens (Velay, 2006), de plus on sait qu’elle va agir sur l’état redox du fer dissous

168

(cf annexe 1). En comparant les évènements de pluies récoltés la nuit (pluie 1,3,5,6,7 et 9) à

ceux collectés le jour (pluie 2,4,8 et 10), on observe effectivement une plus forte solubilité en moyenne (2%)le jour que la nuit (1%) (cf tableau 5.6). De la même manière le %Fe(II) est plus fort le jour (85%) que la nuit (61%). Des observations similaires ont été effectuées

Ozsoy et al. (2001) qui mesurent une augmentation de la solubilité d’environ 120% le jour par

rapport à la nuit. La variabilité du %Fe(II), élevée le jour et plus faible la nuit, a également été observée par Willey, 2000 et Kieber 2001b.

jour nuit paramètre unité moyenne σ moyenne σ Fetot mgl/L 40 88 13 11 Fepart mgl/L 40 88 13 11 DFe µg/L 94 68 31 61 Fe(II) µg/L 95 54 40 63 SFe % 2,0 2,8 1,0 2,8 %Fe(II) % 85 19 61 33

Tableau 5.6 : Variabilité diurne/nocturne des concentrations en fer, de sa solubilité et de sa spéciation redox en phase dissoute dans les pluies collectées à Banizoumbou.

Comme on sait que les ions oxalates agissent sur les mécanismes de dissolution du fer, et plus particulièrement lorsque la dissolution est soumise à l’irradiation, j’ai examiné la solubilité et la spéciation redox en fonction du rapport oxalate/Fetot (figure 5.15). A première vue, pour l’ensemble des échantillons, la distribution des points sur le graphique semble être aléatoire. Cependant, comme on sait que l’effet de l’oxalate sur la solubilité est fortement accentué par l’irradiation (chapitre 3) et qu’en moyenne la solubilité du fer est plus élevée le jour, j’ai distinguée sur la figue 5.15 les points correspondants à des collectes de jours de ceux correspondant à des collectes de nuit. De cette manière, nous avons pu mettre une bonne corrélation, pour les collectes de jour, entre la solubilité et le rapport oxalate/Fetot (R²=0,85). Ces résultats suggèrent que les teneurs en oxalate jouent un rôle sur la solubilité du fer lorsque la dissolution est soumise à l’irradiation. Cette conclusion est en accord avec les résultats des expériences de dissolution de l’hématite (cf chapitre 3) qui montrent que la solubilité du fer est fortement favorisée par la présence d’oxalate lorsqu’elle s’effectue sous irradiation. Toutefois, vu que de fortes solubilités peuvent également être observées la nuit (échantillon 3b à 9%), on ne peut pas conclure qu’il s’agit du facteur principal.

169 R2 = 0,85 0 2 4 6 8 10 0 0,005 0,01 0,015 0,02 0,025 oxalate/Fetot % F e s

nuit jour Linéaire (jour)

S

F

e

Figure 5.15 : Solubilité du fer en fonction du rapport oxalate/Fetot pour les pluies récoltées à

Banizoumbou (puce pleine : premier échantillon d’une pluie, puce vide : second ou troisième échantillons

d’une pluie).

On observe également une plus forte prédominance du Fe(II) le jour que la nuit. Ces résultats mettent donc en évidence l’importance de la photochimie sur la spéciation redox du fer dissous. Bien que les mécanismes de photoproduction du Fe(II) ne soient pas encore très bien connus, les études de processus suggèrent que la présence de précurseurs tels que les complexes oxalo-ferriques, ou même d’autres complexes non identifiés pour le moment, jouent un rôle significatif dans la production photochimique de Fe(II) (Faust, 1994 ;

Sultzberger et Laubscher, 1995 ; Kieber, 2003). La nuit, le Fe(II) va s’oxyder notamment par

réaction avec le peroxyde d’hydrogène, (cf annexe 1) mais malheureusement les concentrations de ce composé n’ont pas été mesurées dans cette étude. Toutefois, comme les teneurs en Fe(II) ne sont jamais nulles, même la nuit, il a été suggéré (Kieber et al., 2005) que des ligands organiques du fer pourraient le stabiliser contre l’oxydation.

Afin d’examiner l’impact des ions oxalates sur la photoproduction du Fe(II), j’ai reporté sur la figure 5.16 le %Fe(II) en fonction du rapport oxalate/Fetot, en distinguant les pluies collectées de jour de celles collectées la nuit. On note qu’en l’absence de lumière, le %Fe(II) est distribué de manière aléatoire en fonction des teneurs relatives en oxalates. A l’opposé, le jour, on observe une forte corrélation entre ces deux paramètres, avec une relation en puissance. Ces résultats montrent donc que, sous irradiation, la teneur relative en oxalate est un facteur déterminant pour l’état redox du fer dissous comme l’avaient suggéré certains auteurs.

170 R2 = 0,92 60% 70% 80% 90% 100% 0 0,005 0,01 0,015 0,02 0,025 oxalate/Fetot % F es

nuit jour Puissance (jour)

%

F

e

(I

I)

Figure 5.16 : Spéciation redox du fer dissous en fonction du rapport oxalate/Fetot pour les pluies récoltées

à Banizoumbou. La courbe correspond à une loi en puissance d’équation y = 1,1x0,04 pour les échantillons de jour (puce pleine : premier échantillon d’une pluie, puce vide : second ou troisième échantillons d’une

pluie).