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2.3. Transport des particules et solubilité du fer

2.3.2 La sédimentation : impact sur les facteurs physiques

Outre les processus chimiques qui ont lieu au cours du transport des particules, il est connu que les particules sont soumises à un phénomène de sédimentation, qui implique que les concentrations en particules désertiques dans l’air diminuent au fur et à mesure que l’on s’éloigne des zones sources. L’efficacité de cette sédimentation dépend de la taille des particules considérées, on parle alors de sédimentation préférentielle : les particules les plus grosses auront tendance à sédimenter plus rapidement que les particules plus fines. La distribution granulométrique va donc évoluer vers des modes plus fins et cela commence dès le processus d’émission. Or, comme nous l’avons identifié auparavant, la taille des particules pourrait jouer sur la dissolution du fer, et récemment, des études ont tenté de mettre en évidence l’importance de ce facteur.

Baker et Jickells (2006) suggèrent que la solubilité du fer est principalement contrôlée par le

rapport surface sur volume de la particule. Cette hypothèse est basée sur les résultats de mesures effectuées en Atlantique. La solubilité du fer est d’une part anticorrélée à la charge particulaire dans l’air (charge estimée à partir des concentrations d’aluminium). La charge

37 particulaire est d’autre part anticorrelée avec le rapport surface/volume de la particule (calculé comme étant 3/rayon) (figure 1.12). Ainsi, Baker et Jickells (2006) concluent que la solubilité du fer est d’autant plus élevée que le rapport surface/volume est grand, ce qui correspond aux plus fines particules. Ils expliquent en effet ces observations par l’effet de la sédimentation préférentielle : la sédimentation entraîne une diminution de la charge particulaire et de la taille des particules, or, c’est la taille des particules qui détermine le rapport surface sur volume, et plus la particule est petite plus ce rapport est élevé.

Les conclusions de Baker et Jickells (2006) peuvent être soumises à plusieurs critiques. Leur raisonnement ne prend par exemple absolument pas en compte la chimie de l’aérosol. Or, nous avons vu qu’en zone Atlantique, le mélange peut être un paramètre conditionnant la solubilité, notamment vers les Caraïbes (Chen et Siefert, 2004). De plus, il n’a jamais été mis en évidence, à ma connaissance, qu’il existait une telle différence de solubilité (de 1% à 50%) entre des particules désertiques fines ou grosses. En plus, dans le cas exclusif d’aérosols désertiques, Lafon et al. (2006) a pu mettre en évidence que le selon la classe de taille considérée la situation minéralogie du fer peut être différente.

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A MINERALOGIE

:

UNE AUTRE VOIE D

ETUDE

?

La composition minéralogique est une donnée essentielle pour déterminer l’état du fer dans les particules terrigènes. On peut donc se poser la question du rôle de la minéralogie comme facteur d’influence de la solubilité du fer au cours du transport. Avant de rentrer dans les détails motivant cette question, je vais faire un rapide rappel sur la minéralogie du fer dans les aérosols terrigènes.

Figure 1.12 : (à droite) Solubilité du fer en fonction de la concentration pondérale en aérosols pour des échantillons de l’hémisphère nord (puces pleines) et de hémisphère sud (puces vides). (à gauche) Groupes de données regroupant le rapport surface/volume en fonction de la concentration pondérale calculée pour des aérosols collectés près des sources (A), au milieu de l’Atlantique (B) et aux Caraïbes (C). Les puces (triangle, losange et carré) correspondent à des valeurs trouvées dans la littérature pour la même région. (Baker et Jickells 2006).

38 3.1 Le fer et la composition minéralogique de l’aérosol

Comme le fer est un élément abondant dans la croûte terrestre, on le retrouve en quantité importante dans les aérosols terrigènes. Si on examine la composition chimique élémentaire des aérosols désertiques, on note que le fer représente entre 3 et 6% de la masse totale des aérosols désertiques (Bergametti et al., 1987 et 1992 ; Formenti et al , 2001 et 2003 ; Guieu et

al., 2002 ; Alfaro et al., 2003 ; Stuut et al., 2005) et qu’il est le troisième élément le plus

abondant après le silicium et l’aluminium. Le fer terrigène fait partie intégrante des différents minéraux qui composent les particules minérales. Ces particules sont généralement de tailles différentes et de formes complexes, sous forme d’agrégats ou de particules isolées comme nous le montrent les analyses individuelles de particules (Reid et al., 2003 ; Ro et al., 2001 ;

Falkovich et al., 2001) (exemple : Figure 1.13).

Lorsque l’on examine la composition minéralogique globale (voir tableau 1.3), on note que les principaux minéraux qui composent les aérosols désertiques sont les argiles (illite, kaolinite, smectite et chlorite) et le quartz. D’autres minéraux peuvent être détectés, comme les feldspaths, le gypse, la dolomite, la calcite. Leurs teneurs sont variables mais généralement inférieures à 20%. On retrouve aussi des (hydr-)oxydes de fer qui sont rarement quantifiés mais qui donnent la couleur rougeâtre des aérosols. D’un point de vue qualitatif, la composition des aérosols désertiques est relativement homogène quelle que soit leur origine et

10 µm 5 µm 100 nm 0,5 µm 0,2 µm 2 µm (a) (f) (d) (c) (e) (b) 10 µm 5 µm 100 nm 0,5 µm 0,2 µm 2 µm 10 µm 10 µm 5 µm 5 µm 100 nm 100 nm 0,5 µm 0,5 µm 0,2 µm 0,2 µm 2 µm (a) (f) (d) (c) (e) (b)

Figure 1.13 : Image obtenues par MET ou MEB de différents types de particules désertiques. (a)

illite isolée de petite taille , (b) kaolinite isolée de grande taille (c) oxyde de fer, (d) agrégat de grande taille composé de différents minéraux (e) agrégat homogène composé de kaolinite de petite taille (f) quartz (source: Lafon, 2004)

39 le lieu de récolte. Par contre d’un point de vue quantitatif, on observe que la contribution relative entre les différents minéraux est variable d’une étude à l’autre.

Le fer est présent essentiellement dans les oxydes et hydroxydes de fer, minéraux peu abondants (teneur < 4%) (Torrent et al, 1983). Les plus couramment répandus dans les sols arides sont la goethite (FeOOH) et l’hématite (Fe2O3) (Schwertzmann, 1991). Ces minéraux, plus ou moins bien cristallisés, sont soit liés à la surface des aluminosilicates en tant qu’impuretés, soit sous la forme de particules libres isolées des autres minéraux. Dans ces minéraux le fer, appelé fer « libre », représente entre 50 et 70% de la masse totale et est à la base de la structure.

Le fer est aussi présent dans les aluminosilicates (argiles et feldspaths) en tant que substituant

(Deer et al., 1961). Dans ce cas, on parle ici de fer « structural ». Parmi les aluminosilicates

qui contiennent du fer, on compte les argiles dont l’illite, la kaolinite, les smectites et les feldspaths. Les argiles représentent entre 40 et 70% de la masse des aérosols. L’illite ((K,H3O)(Al,Mg,Fe)2(Si,Al)4O10[(OH)2,(H2O)]) est le principal constituant de l’aérosol désertique représentant 30 à 60% de la masse totale. Dans l’illite, les teneurs en fer ont été mesurées entre 3 et 7 % (% en masse). La kaolinite (Al2Si4O10(OH)8) est la seconde argile observée dans les aérosols désertiques et ses teneurs peuvent dépasser parfois les 30%. Dans la kaolinite, le fer représente moins de 1% de la masse (Carroll et Starkey, 1971 ; Taylor et

al., 2000 ; Mermut et Cano, 2001). Les smectiques, dont la principale est la montmorillonite

((Na,Ca)0,3(Al,Mg)2Si4O10(OH)2·n(H2O)), peuvent avoir des teneurs en fer élevées (entre 2 et 20%), et sont généralement détectées avec des teneurs inférieures à 10%. Dans les aérosols d’Asie les feldspaths représentent également une importante fraction (20 à 40%) alors que dans les aérosols sahariens, leurs teneurs sont inférieures à 10%. Dans ces minéraux aluminosilicatés, le fer ne représente qu’une faible fraction de la masse (<1%).

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Origine

collecte Ill Ka Sm Ch Fd/Pl Gy Qz Do Ca ref

Sahara Israël + + + + - - + + + (1) Espagne - / + + - / + + - + - - - / + (2) Cap Vert + + + - - - + - (3) Barbade + + + + + + - (4) Chine Pacifique Ouest + + + - - + + (5)

Tableau 1.3 : composition minéralogique d’aérosols désertiques collectés en Atlantique et en Pacifique.

( - ) < 10% ; (+) entre 10 et 30% ; (++) entre 30 et 50% ; (+++) >50%. (1) Falkovitsh et al., 2001 (2) Avila et al., 1997 (3) Galccum et Prospero, 1980 (4) Delany et al., 1967 (5) Leinen et al., 1994. Ill = Illite ; Ka = Kaolinite ; Sm = Smectite ; Ch = Chlorite ; Fd/Pl = Feldpath ou/et Plagioclase ; Gy = Gypse ; Qz = Quartz ; Do = Dolomite ; Ca = Calcite.

Il est intéressant de noter que la variabilité de la composition argileuse des aérosols reflète la variabilité des sources. En Afrique du Nord, Caquineau et al. (1998) ont montré que le rapport des teneurs des sols en Illite/Kaolinite diminue d’Est en Ouest et qu’on observe la même tendance dans les aérosols selon leur région d’émission. Avila et al., 1997 montrent que la composition minéralogique d’aérosols collectés en Espagne varie en fonction de l’origine. Ils observent trois tendances dans la composition minéralogique et montrent que chacune de ces tendances correspond à une source bien précise en Afrique du Nord (Sahara Ouest, Algérie Central et la région de l’Atlas). De la même manière, la composition minéralogique des aérosols désertiques collectés dans le Pacifique Nord varie également avec la localisation des sources (Merrill et al., 1994)

Le fer est donc présent dans la plupart des minéraux qui compose l’aérosol désertique. Pour les minéraux les plus abondants comme l’illite et la kaolinite, les teneurs en fer sont faibles, généralement inférieures à 5%. Par contre, le fer est présent en grande quantité (>50%) dans des minéraux comme l’hématite et la goethite qui représente moins de 5% de la masse des aérosols (Game, 1964 ; Lafon et al, 2004). Lafon et al. (2004) ont mesuré le rapport entre fer libre et fer total dans plusieurs types d’aérosols, et ils trouvent que le fer « libre » représente entre 44 et 65% du fer total selon l’origine de la particules. On a donc dans l’aérosol désertique environ autant de fer issu des oxydes et hydroxydes que de fer contenu dans les aluminosilicates. En ce qui concerne l’état redox du fer au sein des particules désertiques, les mesures montrent qu’en général le fer est à l’état oxydé. Par exemple, on peut citer les

41 mesures effectuées par Ohta et al. (2006) qui montrent que pour les particules, d’origine désertique, de taille inférieure à 11µm, le rapport Fe(III)/Fetot est toujours très proche de 1.

3.2. Qu’est ce qui motive l’idée d’un effet de la minéralogie sur la dissolution du fer ?