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Problématiques liées à la transplantation de cellules

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CHAPITRE 1 : Le foie

B. Problématiques liées à la transplantation de cellules

L'efficacité de la transplantation cellulaire repose avant tout sur la qualité des cellules à transplanter. Dans le cas d'hépatocytes primaires, il est donc nécessaire de vérifier au-delà de leur simple viabilité et de s'assurer de leur fonctionnalité en étudiant la synthèse d'urée et l'activité des cytochromes P450 par spectrométrie de masse par exemple. Si les hépatocytes primaires à greffer sont congelés, ils sont soumis à un stress cellulaire qui induit une destruction des mitochondries, la diminution de la synthèse de l'ATP et par conséquent, une fonctionnalité cellulaire moindre88. Pour assurer la transplantation des meilleures cellules qui

soient, il existe désormais des procédures précises pour cryoconserver les hépatocytes primaires les plus viables après isolement (viabilité supérieure à 80%) et vérifier leurs fonctions métaboliques89. Il est également possible d'évaluer certaines fonctions, comme la

synthèse d'urée ou l'activité d'enzymes particulières, dans le but de transplanter les hépatocytes les plus adaptés pour un patient avec une maladie métabolique précise, comme un désordre du cycle de l'urée par exemple90.

Pour transplanter de manière efficace des cellules dans un foie, il ne suffit pas de les y injecter. En effet, de nombreuses études sur les modèles animaux montrent que les hépatocytes traversent la barrière sinusoïdale pour se connecter aux hépatocytes résidents en ré-exprimant des protéines de jonctions et qu'ils survivent sur le long terme et sont capables de répondre aux stimuli de croissance. Néanmoins, plus de 70% des cellules injectées restent bloquées dans les sinusoïdes et les espaces portes et sont alors éliminées par le système immunitaire (notamment les cellules de Kupffer). Ainsi, pour augmenter cette prise de greffe (spontanément de l'ordre de 0.5%), il est de ce fait nécessaire de créer un environnement adéquat à la greffe, c'est-à-dire de produire un stimulus de régénération, en lésant ou détruisant une partie des cellules résidentes du foie receveur car l'homéostasie du foie est finement régulée dans un foie ayant une masse normale d'hépatocytes fonctionnels. Ces atteintes hépatiques vont ainsi induire des signaux de régénération hépatique permettant une augmentation de la prise de greffe dans l'organe hôte basé sur le principe de "l'avantage sélectif" : si les cellules transplantées ont une meilleure fonctionnalité (ou une mutation corrigée) par rapport aux cellules résidentes dans un foie lésé alors elles s'intégreront plus facilement et proliféreront plus rapidement dans le parenchyme hépatique lors de la régénération hépatique. De nombreux modèles ont donc été mis au point pour favoriser la prise de greffe.

Il existe des modèles animaux de destruction physique et/ou chimique basés sur l'induction d'une toxicité hépatique aiguë par le tétrachlorure de carbone (CCl4)91,

l'acétaminophène (paracétamol)92 ou l'exposition aux rayons X93. Même si toutes ces études

montrent une augmentation du nombre de cellules greffées, ce type d'atteinte n'est en aucun cas transposable à l'Homme. Il existe également des modèles animaux de génotoxicité du foie receveur qui correspondent à certaines maladies métaboliques héréditaires du foie humain. Les plus utilisés sont le modèle murin de la tyrosinémie de type 1 (déficience de l'enzyme Fumarylacétoacétate Hydrolase ou FAH)94 et le modèle transgénique basé sur l'introduction

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l'albumine qui entraîne une destruction des hépatocytes du fait de la toxicité du transgène95. Dans ces deux modèles, la transplantation d'hépatocytes sains induit un repeuplement hépatique et une restauration des fonctions déficientes (sécrétion de phospholipides96 ou

activité de la FAH97). Néanmoins, là encore, l'applicabilité à l'Homme reste impossible. Deux

modèles murins de repeuplement reproduisent la cholestase intrahépatique familiale (souris mdr2-/-) et la déficience en A1AT, respectivement caractérisées par une absence de phospholipides dans la bile et la polymérisation anormale d'une enzyme, qui entraînent toutes deux une toxicité hépatocytaire98,99. Ces derniers modèles montrent un repeuplement spontané

des hépatocytes normaux transplantés par rapport aux hépatocytes résidents, même sans lésion hépatique supplémentaire, suggérant qu'un tel avantage pourrait s'appliquer aux patients atteints.

Outre les modèles précédents, il existe également des modèles purement chirurgicaux basés sur l'induction d'une régénération hépatique par l'obturation ou l'ablation de certains lobes hépatiques. L'hépatectomie (ablation d'une partie du foie) des 2/3 est le modèle préclinique le plus ancien et est encore considéré comme référence aujourd'hui pour l'étude de la régénération hépatique par hypertrophie compensatoire : après hépatectomie, les lobes hépatiques restants s'hypertrophient pour permettre au foie de reprendre sa taille initiale100. La

prolifération des hépatocytes débute dans les zones périportales puis s'étend par la suite aux zones péricentrales, chaque hépatocyte effectuant en moyenne une à deux divisions101. Ce

procédé très invasif est évidemment une nouvelle fois non transposable en clinique.

Deux autres procédés, la ligature portale et l'embolisation portale, sont quant à eux déjà utilisés en clinique pour l'induction d'une régénération hépatique du futur foie restant avant intervention chirurgicale majeure (comme une hépatectomie partielle pour retrait de tumeurs par exemple) et s'avèrent donc intéressants dans le cadre de la transplantation cellulaire. Il a été montré chez le petit animal qu'une ligature portale, technique consistant à serrer un lien autour d'une branche de la veine porte, induisait une prolifération hépatocytaire dès 24h après intervention dans le foie non touché par la ligature102. Sur un modèle de primate

non humain, des ligatures portales partielles suivies d'une transplantation autologue de 400 millions d'hépatocytes génétiquement modifiés a permis une prise de greffe de l'ordre de 2%103. Ce chiffre reste trop faible pour espérer une amélioration significative de la qualité de vie d'un patient qui recevrait une transplantation cellulaire post-ligature. Il peut en partie être expliqué par une reprise de la vascularisation à distance du site de ligature, démontrée chez le porc104 et déjà rapportée en clinique chez l'Homme105.

L'embolisation portale, qui consiste à obstruer la veine porte par injection de différents produits (comme par exemple l'alcool polyvinyle106 ou le n-butylcyanoacrylate107), est

largement utilisée en chirurgie pour induire une hypertrophie du lobe restant avant une hépatectomie majeure et est moins invasive que la ligature. Dans un modèle de primate non humain, il a été montré qu'une embolisation d'environ 50% du foie à l'aide d'une colle biologique entraînait une repeuplement de 10% du lobe non embolisé après transplantation d'hépatocytes autologues108, rendant ce processus très intéressant dans une transposition

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l'embolisation, ce qui rend la technique encore moins invasive, et permet une reperméabilisation complète de la veine porte deux semaines après embolisation. Le suivi sur trois mois de primates ayant subi cette technique montre que 6% du foie receveur est constitué par les hépatocytes transplantés109. Ce procédé semble donc être tout à fait prometteur pour

permettre d'induire les signaux nécessaires à une prise de greffe lors d'une transplantation cellulaire dans le but de restaurer une fonctionnalité hépatique correcte.

Néanmoins, au-delà des points évoqués ci-dessus et de l'accessibilité des différents types cellulaires présentés dans le précédent paragraphe, l'un des principaux problèmes de la transplantation cellulaire reste le traitement des maladies où l'architecture du foie est désorganisée, les cellules ayant besoin de s'intégrer dans le parenchyme pour pouvoir être pleinement fonctionnelles. Il est alors nécessaire d'avoir recours à d'autres technologies pour stabiliser le patient en attente d'une greffe hépatique totale.

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