• Aucun résultat trouvé

Criblage pharmaco et toxicologique

Dans le document en fr (Page 61-63)

CHAPITRE 2 : Les cellules souches pluripotentes : Intérêts pour l'hépatologie

D. Criblage pharmaco et toxicologique

La découverte d'un nouveau médicament est un processus extrêmement long, complexe et représente un énorme coût pour les industries pharmaceutiques. Comme il faut être certain que la nouvelle molécule mise sur le marché soit sûre et efficace, il est estimé que cette mise à disposition du public prend entre 10 et 15 ans et coûte environ 2 milliards de dollars américains. De plus, nombre d'entre elles (environ 90%) n'arriveront pas au terme du processus, par manque d'efficacité ou apparition d'effets secondaires néfastes lors des essais cliniques de phase I/II ou du fait d'une toxicité imprévue apparaissant lors des phases III. Il est donc nécessaire de générer les modèles les plus fiables afin de pouvoir écarter rapidement les molécules qui ne répondent pas aux attentes et limiter ainsi la perte d'argent.

Les modèles cellulaires basés sur les lignées cellulaires immortalisées et contenant un système d'expression d'un gène reporteur ou les modèles murins génétiquement modifiés ne récapitulent ni précisément ni exactement les effets d'un médicament candidat dans des conditions physiologiques. Les CSP ouvrent donc de nouvelles possibilités dans ce domaine en permettant, après différenciation, d'établir des modèles humains in vitro de toxicité,

~ 61 ~

notamment sur des neurones, des cellules cardiaques ou encore des hépatocytes qui sont les 3 types cellulaires les plus atteints par les effets toxiques entrainant ainsi le retrait d'une molécule candidat lors d'un essai clinique. Par exemple, un test basé sur la prolongation de la durée de potentiel d'action de cardiomyocytes dérivés d'hESC après traitement par un médicament existe désormais et permet d'obtenir des meilleures significativités statistiques que le test standard in vitro précédemment existant199. Dans une autre étude, des hépatocytes dérivés d'hiPSC ont été exposés à différentes concentrations de composés hépatotoxiques connus comme l'aflatoxine B1 pour des durées allant de 2 à 14 jours (ce qui est impossible à réaliser sur des lignées primaires d'hépatocytes à cause de leur rapide dédifférenciaiton) et ces cellules ont montré les réponses classiques d'hépatotoxicité au niveau mécanistique, comme la stéatose et la phospholipidose200. Ces modèles cellulaires semblent donc d'un grand intérêt pour gagner temps et argent lors de la recherche de nouveaux médicaments.

Outre la toxicité, il est également envisageable de réaliser des cribles médicamenteux dans le but direct de trouver une molécule capable de restaurer un phénotype normal dans des hiPSC pathologiques dérivées de patients. Cette application a évolué de concert avec la mise en place de modèles cellulaires de maladies. Des approches de médicaments candidats, basées sur la connaissance de l'action d'une molécule sur une voie de signalisation ou un phénotype, ont ainsi pu être testées après avoir élucidé la physiopathogénèse de la maladie grâce aux hiPSC, comme ce fut par exemple le cas pour la maladie de Charcot induite par une mutation du gène TDP-43. Cette dernière, responsable notamment d'erreurs d'épissage dans les neurones moteurs dérivés d'hiPSC de patients conduisant à leur mort, a pu être corrigée par un crible de molécules qui modulent la transcription par un effet sur l'épissage des ARN ou la modification des histones. Les auteurs de l'étude ont montré que parmi les 4 molécules étudiées, l'acide anacardique augmentait le taux de survie des motoneurones.

De même, grâce à ce système et à l'inverse des modèles animaux, il est tout à fait possible de réaliser des expériences de criblage à haut débit sur tout un panel de molécules à la condition toutefois d'avoir un phénotype facile à identifier pour savoir si l'une de celles-ci a eu un effet bénéfique. Cinq composés issus de la banque de médicaments de l'institut John Hopkins (3131 molécules) ont ainsi pu être mis en évidence comme des candidats possibles pour le traitement de la déficience en A1AT après un criblage à haut débit201. Ces derniers réduisent de manière significative l'accumulation de la protéine mal repliée sur au moins 3 lignées d'hépatocytes dérivés d'hiPSC issues de 3 patients différents par rapport à leurs contrôles non traités sans entraîner ni la mort cellulaire ni d'effets secondaires néfastes (Figure 19). De la même façon, il a été mis en évidence très récemment par criblage haut débit sur des hépatocytes dérivés d'hiPSC d'un patient atteint d'hypercholestérolémie familiale que les glycosides cardiaques (composés organiques agissant sur le rythme des contractions du cœur) permettaient de réduire la production et la sécrétion d'apolipoprotéine B100 202. Ces

résultats ont été confirmés dans des souris avec des foies humanisés et en examinant les dossiers médicaux de patients traités avec ces composés pour une affection cardiaque. En effet, leur taux de LDL-circulants (directement lié à la production d'ApoB100 – voir chapitre 3) après traitement était plus faible que sans traitement montrant donc la robustesse du criblage réalisé.

~ 62 ~

Figure 19. Pipeline pour du criblage de médicaments à haut débit appliqué à la déficience en

A1AT201

La première étape élimine les molécules qui induisent la mort des hépatocytes différenciés à partir d'hiPSC ou qui n'induisent pas de changement dans l'accumulation de la protéine mal repliée. La seconde élimine les molécules induisant l'augmentation de l'accumulation de cette protéine. La troisième élimine les molécules avec des effets secondaires. Enfin, la quatrième et dernière élimine les molécules qui ne reproduisent pas leurs effets sur les cellules déjà testées ou qui ne sont pas efficaces sur d'autres lignées.

Les CSP sont également un atout considérable pour les composés qui peuvent être toxiques pour plusieurs organes ou les maladies qui affectent plusieurs cibles. En effet, la possibilité de les différencier en plusieurs types cellulaires avec le même patrimoine génétique permet de passer outre la spécificité de certains composés pour tel ou tel organe et réduire ainsi les risques d'abandon du produit en cours de développement pour cause d'inefficacité ou de toxicité non détectées en amont du processus.

Dans le document en fr (Page 61-63)