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Améliorer la culture en monocouche pour obtenir des hépatocytes plus matures

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CHAPITRE 2 : Les cellules souches pluripotentes : Intérêts pour l'hépatologie

D. Améliorer la culture en monocouche pour obtenir des hépatocytes plus matures

Toute cellule qui ne s'engage pas dans la bonne voie de différenciation ainsi que toute cellule qui se maintient à l'état indifférencié peut devenir un contaminant potentiel au cours du processus de différenciation et envoyer des signaux contradictoires aux autres cellules, les empêchant alors de se différencier correctement. Il est donc nécessaire de disposer à chaque

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étape de la population cellulaire la plus pure possible et d'éliminer les contaminants éventuels. Pour cela, hormis le tri cellulaire basé sur la reconnaissance de marqueurs membranaires de la population d'intérêt (CXCR4 pour l'endoderme, EPCAM (Epithelial Cell Adhesion Molecule) pour les hépatoblastes ou l'asialoglycoprotéine (ASGR) pour les hépatocytes), certaines propriétés des hépatocytes peuvent être avantageusement utilisées. Premièrement, au stade de la différenciation de l'endoderme définitif en hépatoblastes, il est possible d'utiliser un milieu de culture dépourvu en méthionine afin d'éliminer les CSP non différenciées résiduelles227. En

effet, ces dernières expriment fortement les enzymes liées au métabolisme de la méthionine et en ont donc besoin de forts niveaux afin d'assurer leur survie, ce qui n'est pas le cas des cellules de l'endoderme définitif. Dans un deuxième temps, au stade de la différenciation en hépatocytes, il est possible d'éliminer les cellules contaminantes qui ne se dirigent pas vers une destinée hépatocytaire. Pour cela, il est possible d'utiliser un milieu de culture dépourvu en glucose et en arginine et supplémenté en galactose et ornithine228. Les cellules en culture

ont besoin d'arginine apporté par le milieu car elles n'en produisent pas assez et elles ne peuvent survivre sans glucose à l'exception des hépatocytes capables de produire le glucose à partir du galactose via la galactokinase et l'arginine à partir de l'ornithine via le cycle de l'urée (Figure 22). En remplaçant glucose et arginine par galactose et ornithine, il est donc possible de disposer d'un milieu de sélection pour les cellules différenciées en hépatocytes uniquement.

Figure 22. Gluconéogenèse et cycle de l'urée dans les hépatocytes229

(A) Le galactose est catalysé en galactose-1-phosphate par la galactokinase. Ce dernier est transformé en glucose-1-phosphate par la galactose-1-phosphate uridyl transferase permettant la synthèse du glycogène qui après glycolyse donnera le glucose. (B) L'arginine est produite par le cycle de l'urée à partir de la dégradation de l'ornithine.

De la même façon que pour le maintien des CSP à l'état indifférencié, une grande partie des protocoles actuels de différenciation se basent sur l'utilisation du matrigel, de provenance animale et de composition inconnue et variant entre les lots, comme support pour la différenciation hépatique. Dans ce cas encore, comme pour le maintien, les protéines recombinantes telles la laminine ou la vitronectine semblent des substituants idéaux pour la différenciation et la translation vers la clinique. En effet, plusieurs équipes ayant différencié des CSP en hépatocytes sur la laminine230,231 (111, 511 ou 521) ou sur la vitronectine232

montrent une expression au minimum équivalente des marqueurs hépatiques classiquement étudiés. Une équipe anglaise a également pu montrer une plus forte expression des

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cytochromes ainsi que l'apparition de canalicules biliaires lorsque les hépatocytes sont différenciés sur un mélange de deux laminines (111 et 521) plutôt que sur matrigel230.

La culture en monocouche ne permet pas de reproduire de manière suffisamment précise la totalité des interactions cellules-cellules existantes in vivo et empêche également les cellules de se mouvoir les unes par rapport aux autres pour se réarranger entre elles. Pour pallier cette impossibilité de mouvement et ce manque de surface de contact entre les cellules, des systèmes de culture tridimensionnelle ont été mis en place, soit au sein d'une matrice dense de collagène mimant l'environnement naturel des cellules233 (système RAFT

commercialisé par Lonza) soit à l'aide de plaques de culture traitées pour empêcher l'attachement des cellules sur celles-ci234. Dans les deux cas, les cellules ont été cultivées en monocouche jusqu'au stade hépatoblaste puis détachées avant d'être mises en trois dimensions sous forme de sphéroïdes hépatiques. Les auteurs ont montré que l'augmentation des interactions cellulaires dans ces agrégats augmentait l'expression et la sécrétion d'albumine, protéine marqueur des hépatocytes matures, et réduisait drastiquement l'expression et la sécrétion d'AFP, marqueur des hépatocytes fœtaux quasiment toujours retrouvés dans les hépatocytes dérivés de CSP après différenciation en monocouche234. Dans des systèmes

équivalents, d'autres équipes ont pu montrer l'augmentation de l'expression des enzymes de détoxication ainsi que la formation de canalicules biliaires, montrant ainsi une réelle polarité basolatérale dans les cellules constitutives du sphéroïde235. Ces expressions de protéines ou

d'enzymes ainsi que la polarité peuvent être augmentées par l'ajout d'adénosine monophosphate cyclique (AMPc) dans le milieu de culture236.

Pour apporter la preuve de concept de la possibilité de réaliser un foie bioartificiel avec des hépatocytes dérivés de CSP, une équipe américaine a intégré ces cellules à l'intérieur d'un prototype de bioréacteur à fibre creuse basé sur la technologie ELAD ou HepatAssist237. Les auteurs observent, dès 3 jours après mise dans ce système fluidisé, une augmentation significative de la sécrétion d'albumine ou de prothrombine et de l'expression d'enzymes hépatiques comme la G6P ou le CYP3A4 combinée à une répression totale de l'expression d'AFP en comparaison avec leurs équivalents en monocouche. Ainsi, les agrégats d'hépatocytes maturent rapidement et sont toujours viables après 12 jours au sein du bioréacteur. Les auteurs théorisent donc la possibilité d'utiliser ce système pour les patients comme "un pont à la greffe".

Les systèmes de co-culture semblent également être prometteurs pour permettre une meilleure fonctionnalité des cellules produites in vitro. Plusieurs types cellulaires comme des de fibroblastes murins238 ou les cellules stellaires hépatiques239 ont été testés et les hépatocytes obtenus présentaient dans les deux cas des fonctions hépatiques plus matures que leurs équivalents sans co-culture. L'ensemble des résultats des techniques basées sur la tridimensionnalité et la co-culture semble tendre vers l'idée que la meilleure fonctionnalité hépatique (et l'architecture la plus proche de l'in vivo) serait obtenue en utilisant les deux approches en même temps. Un premier pas a été réalisé en ce sens en 2013 quand une équipe japonaise a réussi à générer in vitro des bourgeons hépatiques tridimensionnels, fonctionnels et vascularisés à partir de la co-culture d'hiPSC différenciées en progéniteurs hépatiques, de

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cellules souches mésenchymateuses et une lignée de cellules endothéliales issue de la veine de cordon ombilical (HUVEC)240. Implantés chez la souris, ces bourgeons se sont connectés au

système sanguin de l'hôte dans les 48h et 2 mois plus tard, l'analyse des gènes exprimés dans ces bourgeons a montré que les cellules avaient continué leur différenciation pour atteindre le stade d'hépatocytes fœtaux. Cette première preuve de principe doit maintenant être affinée pour pouvoir produire des bourgeons plus gros qui contiendront des cellules plus matures ainsi que la présence de cholangiocytes, ce qui n'a pas été réalisé dans cette étude.

Très récemment, un protocole permettant la différenciation d'hiPSC à la fois en hépatocytes et en cholangiocytes, le tout en 3D, a été mis au point241. Après dissociation en

cellules uniques, les hiPSC ont été mises en culture dans des plaques spéciales à faible adhésion où les cellules se sont agrégées entre elles formant des sphéroïdes d'hiPSC. Ces derniers ont par la suite été différenciés en sphéroïdes endodermiques (par l'ajout d'une forte dose d'Activine A dans le milieu de culture) puis en sphéroïdes hépatoblastiques (médié notamment par le FGF10). Ensuite l'ajout d'HGF et d'OSM a induit la formation de sphéroïdes composés à la fois d'hépatocytes et de structures ductulaires, caractéristiques des cellules bilaires. La fonctionnalité de ces structures a pu être démontrée par la présence de cils, la sécrétion abondante d'acides biliaires ou d'albumine et l'activité CYP3A4 (deux à trois fois supérieure à la culture en monocouche). Il est important de noter que ces structures peuvent être à nouveau dissociées en cellules uniques qui vont à nouveau former des sphéroïdes, dits secondaires, qui restent fonctionnels en termes d'activité CYP3A4 après cinquante jours de culture (contre quatre jours pour les PHH). Enfin, une étude transcriptomique de ces mini- organoïdes a montré une signature plus proche du foie humain que des hépatocytes primaires humains, probablement du fait de la présence de cholangiocytes en leur sein. Les deux études précédemment citées semblent indiquer que la co-culture en trois dimensions pourrait permettre de lever les barrières relatives à l'état de maturité et de polarité des cellules classiquement obtenues en monocouche.

Les cellules souches pluripotentes, après différenciation en hépatocytes, représentent donc un potentiel non négligeable pour de nombreuses applications en fournissant un type cellulaire théoriquement disponible en quantité illimitée et physiologiquement plus pertinent par rapport aux systèmes actuels basés sur des cellules cancéreuses ou xénogéniques.

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