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Les différentes techniques de reprogrammation

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CHAPITRE 2 : Les cellules souches pluripotentes : Intérêts pour l'hépatologie

C. Les différentes techniques de reprogrammation

1. Méthodes intégratives

Historiquement, la première méthode utilisée par l'équipe de Yamanaka se base sur la transduction de fibroblastes par plusieurs vecteurs rétroviraux, chacun contenant un des quatre facteurs précédemment nommés, Oct3/4, Sox2, Klf4 et c-Myc148,149. Bien que relativement

facile à mettre en œuvre pour introduire du matériel génétique dans le génome de cellules d'intérêt, l'un des principaux problèmes posé ici est la multiplicité et le caractère aléatoire des sites d'intégration. En effet, chaque transgène intégré doit être éteint une fois le processus de reprogrammation terminé, ce qui n'est pas toujours le cas153. De plus, il y a dans ce cas un fort

risque de mutagénèse insertionnelle ou d'intégration dans un protooncogène entraînant son activation. En outre, l'efficacité de cette technique est relativement peu élevée, se situant entre 0,02 et 0,1%.

Très vite, les vecteurs lentiviraux ont suscité un intérêt grandissant pour la reprogrammation car ils peuvent infecter des cellules quiescentes comme des cellules en division à la différence des vecteurs rétroviraux qui ont besoin que les cellules soient en division pour s'intégrer. Ils s'absolvent ainsi de la question du type de cellules à utiliser pour la reprogrammation et augmente son efficacité (de 0,1 à 1,5% selon les études). De plus, ils peuvent contenir une plus grande séquence d'ADN que les vecteurs rétroviraux ce qui a permis le design de vecteurs polycistroniques uniques contenant les quatre facteurs sous contrôle d'un seul promoteur limitant ainsi le nombre de sites d'intégration et de transgènes dont l'expression devra s'éteindre. Cependant, l’extinction n'est là non plus pas optimale et le risque de mutagénèse insertionnelle est bel et bien toujours présent. Pour éviter cela, les transgènes ont été flanqués de sites LoxP afin de pouvoir exciser le vecteur polycistronique

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après expression de la recombinase Cre154. Toutefois, cette excision est souvent incomplète et peut elle aussi induire une mutagénèse insertionnelle.

Le système basé sur le transposon PiggyBac (PB) peut représenter une alternative intéressante pour éviter ce problème. Cet élément génétique mobile peut être intégré sur un chromosome au niveau d'un site TTAA sous l'effet d'une transposase et être par la suite excisé (une fois les cellules reprogrammées) sans laisser de traces sur le génome lors de la réexpression de la transposase. En utilisant les facteurs de Yamanaka clonés dans un vecteur PB, cette technique a permis de générer des hiPSC avec succès155 et semble donc prometteuse

mais le risque probable de réinsertion ainsi que l'absence de publications concernant l'étape d'excision du transposon chez l'humain, pourtant bien documentée chez la souris, n'en fait pas pour le moment une méthode de choix pour la reprogrammation. De plus, le niveau d'efficacité est équivalent à celui de la transduction rétrovirale (de l'ordre de 0,05%). Ainsi, si l'on se place dans un contexte clinique, il semble obligatoirement nécessaire de trouver une méthode de reprogrammation "sans empreintes" sur le génome.

2. Méthodes non intégratives

Il existe désormais plusieurs méthodes permettant de reprogrammer des cellules somatiques en hiPSC sans pour autant intégrer du matériel génétique dans ces cellules. Elles se basent sur l'utilisation de virus non intégratifs (comme le virus Sendaï), de plasmides épisomaux, d'ARN messagers (ARNm) ou encore de protéines.

Par ses avantageuses propriétés d'être un virus à ARN qui ne pénètre pas le noyau des cellules et de produire de grandes quantités de protéines, le virus Sendai (SeV) semble être un candidat attractif pour la reprogrammation. En 2009, la première utilisation d'un vecteur basé sur le SeV a généré des hiPSC à partir de fibroblastes en 25 jours et avec une efficacité de 1%156. Depuis, différentes études ont permis de simplifier ce système en utilisant non plus

quatre vecteurs portant chacun un facteur de reprogrammation mais un seul portant les 4 facteurs ainsi qu'un variant sensible à la température permettant l'élimination, après reprogrammation, des particules virales (que l'on retrouve sinon encore présentes dans les cellules après plus de 10 passages) à une température de 39°C157. Il existe désormais commercialement des systèmes de grade GMP basés sur le SeV permettant ainsi d'envisager des applications cliniques avec les hiPSC qui en sont dérivées. La technique basée sur l’utilisation des plasmides épisomaux est petit à petit devenue une des méthodes les plus utilisées dans les laboratoires. Afin que l'expression de l'ADN plasmidique perdure dans le temps pour permettre la reprogrammation sans nécessité de transfections quotidiennes, l'équipe de James Thomson a utilisé un plasmide basé sur l'Antigène 1 du virus Epstein-Barr (oriP-EBNA1) qui a la capacité de se répliquer de manière synchrone avec le génome de la cellule hôte sans pour autant s'y intégrer. Ainsi, une seule transfection devient nécessaire pour la reprogrammation158.

L'introduction d'ARNm directement dans les cellules, tout comme leur expression une fois transfectés, est plus difficile à mettre en œuvre du fait de leur faible durée de vie et de

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leur forte immunogénicité (les ARNm sont reconnus par les récepteurs Toll-like Receptor (TLR) 3, impliqués dans la réponse immunitaire innée et la défense contre les microorganismes). Pour contourner ces problèmes, l'équipe de Derreck Rossi a synthétisé in

vitro à partir des séquences codantes des facteurs de Yamanaka et de Lin28 des ARN

messagers modifiés (ARNmm). Pour cela, ils ont remplacé la cytidine par la 5-méthylcytidine et l'uridine par la pseudouridine et ont ajouté une coiffe en 5' dans le but d'augmenter la stabilité et la demi-vie de l'ARNm synthétisé ainsi que sa traduction une fois transfecté. En ajoutant un inhibiteur des interférons (B18R) dans le milieu de culture, ils ont également grandement diminué le nombre de cellules mortes du fait de la forte réponse antivirale due à l'introduction d'ARNm. Les auteurs ont ainsi généré des hiPSC en transfectant quotidiennement des fibroblastes avec ces 5 ARNmm pendant 16 jours avec une efficacité d'1,4%, bien supérieure à toutes les autres techniques utilisées jusqu'alors159. A l'heure

actuelle, il s'agit de la méthode la plus rapide pour établir une lignée d'hiPSC (il faut 10 jours de moins que les autres techniques pour voir apparaitre les premières colonies) mais également la plus efficace et l'une des plus sûres car il est impossible que ces ARNmm s'intègrent dans le génome. Le principal inconvénient de cette méthode, hormis les transfections quotidiennes, est qu'elle n'a pas été validée sur un autre type cellulaire que les fibroblastes. Par exemple, un sondage réalisé en 2015 dans le cadre d'une étude sur les méthodes de reprogrammation non intégratives a montré que 41% des laboratoires interrogés n'avaient pas réussi à reprogrammer des fibroblastes par les ARNmm ce qui montre bien les difficultés inhérentes à cette technique160.

L'utilisation de micro-ARN (miRNA), petits ARN non codants régulant l'expression de certains gènes, peut également aider à générer des colonies d'hiPSC. La transfection de deux miRNA (miR302 et miR372), trouvés fortement exprimés dans les hESC par analyse transcriptomique, en complément de la transduction lentivirale des facteurs de Yamanaka a généré environ 10% de colonies hiPSC dans des fibroblastes humains en deux semaines161. Dans une optique purement non intégrative, la transfection de mir-200c, mir-302 et mir-369s uniquement 6 jours durant dans des fibroblastes humains ou des cellules stromales adipeuses a aussi permis la reprogrammation de ces cellules en 20 jours avec une faible efficacité (0,002%)162. Néanmoins, il n'existe pas à l'heure actuelle d'autres études qui reproduisent ces

résultats.

La reprogrammation par l'introduction directe de protéines dans les cellules reste une méthode peu utilisée. Il est en effet relativement difficile de synthétiser in vitro de grandes quantités de protéines qui soient capables de traverser la membrane plasmique tout en restant biologiquement actives. En transfectant 7 jours durant des protéines produites au sein de la lignée de cellules embryonnaires rénales humaines HEK 293 (après transfection plasmidique des facteurs de Yamanaka), une équipe américaine a réussi à générer des hiPSC à partir de fibroblastes avec une efficacité de 0,001% en 56 jours163 , ce qui est une durée extrêmement

longue en comparaison de toutes les autres méthodes.

Toutes les méthodes présentées dans ce paragraphe se trouvent résumées dans le

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Tableau 1. Méthodes de reprogrammation des cellules somatiques en hiPSC

Type de méthode

Avantages

Inconvénients

In

gr

ati

ve

s

Basée sur des vecteurs viraux

Rétrovirus149 Assez efficace

Simple d'utilisation Risque de mutagénèse insertionnelle Nécessite des cellules en division

Lentivirus150 Très efficace

Infectent un large spectre de cellules Risque de mutagénèse insertionnelle Virus excisables154 Possibilité d'excision Risque de mutagénèse insertionnelle

Cicatrices sur le génome

Transposons piggyBac155 Simplicité d'utilisation Risque de réinsertion

Faible efficacité

N

on

in

gr

ati

ve

s

Virus Sendai156,157 Bonne efficacité

Infectent différents types cellulaires Nécessite d'éliminer le virus

Plasmides épisomaux158 Facile à utiliser Risque d'intégration génomique

Faible efficacité

ARN messagers159 Aucun risque d'intégration dans le génome Bonne efficacité Difficile à reproduire sur d'autres types Nécessité de plusieurs transfections cellulaires que les fibroblastes Micro-ARN161,162 Aucun risque d'intégration dans le génome Peu efficace si non combinée à une autre technique

Pas reproduit Protéines163 Aucun risque d'intégration dans le génome

Difficulté de produire les protéines Nécessité de plusieurs transfections

Très faible efficacité

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