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Modélisation de maladies

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CHAPITRE 2 : Les cellules souches pluripotentes : Intérêts pour l'hépatologie

B. Modélisation de maladies

La modélisation de maladies in vitro commence par l'établissement d'une lignée cellulaire portant le défaut moléculaire responsable de la maladie étudiée menant ainsi à un phénotype anormal. Les modèles animaux ne récapitulant pas toujours correctement le phénotype complet de la maladie et n'étant pas toujours disponibles (ou en nombre limité) voire parfois inexistants dans le cas de certaines d'entre elles, la modélisation in vitro d'une maladie par les CSP représente donc un énorme atout pour étudier son étiologie et également pour trouver de nouveaux composés thérapeutiques (à travers, par exemple, le criblage pharmacologique détaillé dans le paragraphe suivant). De plus, les CSP permettent également d'étudier des types cellulaires pour lesquels il est difficile voire impossible d'obtenir des cellules primaires ou de les maintenir en culture, comme les neurones ou les hépatocytes par exemple. Il existe tout de même quelques limitations notamment pour les maladies multifactorielles où la composante "environnement" semble plus difficile à reproduire in

vitro.

Les hESC peuvent être utilisées pour étudier les anomalies chromosomiques comme la monosomie X (responsable du syndrome de Turner) par l'isolement de cellules aneuploïdes qui apparaissent spontanément durant la dérivation puis la culture de la lignée180. Dans le

cadre d'une fécondation in vitro, il est également possible de dériver des lignées d'hESC porteuses d'une anomalie chromosomique ou d'une mutation spécifique à partir d'un embryon non éligible pour un projet parental après identification par DPI. Cela a été réalisé pour la maladie de Steinert181 (dystrophie myotonique) ou pour le syndrome du X fragile174.

Néanmoins, cette technique est limitée par le spectre assez restreint de maladies recherchées lors d'un DPI et de nombreuses maladies métaboliques ne peuvent être modélisées de cette façon. Il est aussi possible d'introduire dans une lignée normale d'hESC la mutation souhaitée et causer ainsi le défaut phénotypique. La preuve de concept date de 2004 où l'introduction d'une mutation dans le gène HPRT1, responsable du syndrome de Lesch-Nyhan, dans la lignée d'hESC H13, a causé les défauts phénotypiques typiques de cette maladie182.

Par leur origine unique, les hiPSC représentent a priori un outil extrêmement pertinent pour la modélisation in vitro de maladies génétiques. En effet, les lignées générées portent le même patrimoine génétique que les cellules somatiques dont elles sont issues. Ainsi, si ces cellules portent une ou des mutation(s) à l'origine d'une maladie, les hiPSC et tous les types cellulaires que l'on pourra en dériver la/les porteront également. A l'heure actuelle, il existe de nombreuses maladies qui ont déjà été modélisés via les hiPSC comme la maladie de Huntington183 (maladie neurodégénérative), le diabète183 (maladie multifactorielle), le syndrome du QT long184 (maladie cardiaque) ou encore la trisomie 21183 (anomalie

chromosomique).

Les maladies métaboliques héréditaires du foie ne font pas exception avec par exemple l'existence de modèles pour la déficience en α-1 anti trypsine (A1AT), la maladie de Wilson ou encore l'hypercholestérolémie familiale :

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_ La déficience en A1AT est due à des mutations dans le gène SERPINA1 et entraine une accumulation de protéine A1AT mal repliée dans le réticulum endoplasmique (RE) des hépatocytes. De ce fait, elle ne peut être excrétée et induit une hépatotoxicité qui, dans certains cas, entraine une atteinte hépatique sévère. Des hiPSC ont été générés à partir de patients atteints de cette maladie puis différenciés en hépatocytes dans lesquels les auteurs ont retrouvé la caractéristique phénotypique classique, l'accumulation de la protéine mutante dans le RE185. Une étude récente a même mis en évidence les différences existantes au niveau de

l'accumulation et de la sécrétion de cette protéine mal repliée entre des patients avec ou non une atteinte hépatique, montrant ainsi que les hépatocytes différenciées à partir d'hiPSC étaient un très bon modèle pour l'étude de la physiopathologie des maladies métaboliques du foie186.

_ La maladie de Wilson se caractérise par un défaut d'excrétion dans la bile du cuivre accumulé dans les hépatocytes à cause de mutations sur le gène ATP7B codant pour une pompe ATPase responsable de l'élimination du cuivre de l'organisme. Deux groupes ont publié la génération d'hiPSC "Wilson"187,188 ainsi que la restauration d'un phénotype normal

dans les hépatocytes différenciés à partir de ces derniers après thérapie génique médiée par des vecteurs lentiviraux ou addition de la protéine chaperone curcumine dans le milieu de culture187. Dans le cas de cette maladie, les hiPSC peuvent apporter un éclairage

supplémentaire sur la compréhension de sa présentation clinique et des mécanismes mis en jeu lors de l'accumulation excessive de cuivre. En effet, les patients peuvent souffrir d'atteintes hépatiques (hépatites) et/ou neurologiques (tremblements) et/ou psychiatriques (sautes d'humeur, dépression) sans qu'il y ait de relation claire entre la mutation impliquée et le phénotype, une même mutation génétique entraînant très souvent des symptômes complètement différents.

_ L'hypercholestérolémie familiale de type IIa, résultant en un taux élevé de lipoprotéines de basse densité (LDL) dans le sang (voir chapitre 3), est due à des mutations dans le gène RLDL codant pour le récepteur des LDL. Là encore, la génération d'hiPSC à partir de fibroblastes d’un patient hétérozygote composite (deux mutations différentes sur les deux allèles entraînant un phénotype équivalent à celui d’un homozygote) a permis de mettre en évidence le défaut phénotypique principal, à savoir la faible internalisation d'un ligand fluorescent du récepteur. Un traitement à base de statines, médicaments hypocholestérolémiants qui augmente la synthèse de RLDL, a permis d'observer, à l'image de ce qui se passe chez les patients, une réponse à l'induction au niveau transcriptomique (augmentation de la quantité d' ARNm du RLDL) qui ne se retrouve pas au niveau fonctionnel (la protéine produite étant non fonctionnelle), prouvant la pertinence de la modélisation avec les hiPSC189. Une autre étude a également montré la possibilité de réverser

le phénotype malade par la transduction lentivirale des hiPSC porteurs d’une mutation homozygote par un plasmide portant le gène normal du RLDL190. Désormais, il semble

indispensable de générer de nouveaux modèles de cette maladie à partir de cellules de patients porteurs d’autres mutations. En effet, celles-ci sont extrêmement nombreuses et affectent différentes étapes du cycle de vie du récepteur. Ainsi, la régulation lipidique et les traitements à apporter ne sont pas nécessairement les mêmes fonction de la mutation de départ.

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